Klara

Quelque part, dans le même village, Klara se rendait à l'école.

Ce village s'appelait Songibaud. C'était un endroit tranquille, avec beaucoup d'arbres, où les habitant.e.s menaient une vie paisible. Il y avait un petit lac où les gens pouvaient se baigner en été et tous les enfants fréquentaient la même école.

À onze ans, Klara n'aimait pas du tout l'école. Elle arrivait à peine à lire et écrire et tout le monde lui disait toujours qu'elle ne comprenait rien à rien. De toute façon, les autres enfants se moquaient d'elle. Ils l'appelaient l'idiote et la sale étrangère, ce qui était absurde car Klara et ses quatre frères et sœurs étaient né.e.s en France. Mais Klara avait décidé de ne jamais se laisser abattre. Elle s'en fichait et de toute façon, un jour, elle partirait loin de Songibaud.

Elle arriva près de l'école, talonnée par sa jeune sœur Luba. Au dessus de la porte, on pouvait lire la devise de la France : « Liberté, égalité, fraternité ». Klara le savait car sa grande sœur Oxana le lui avait lu et qu'elle avait une très bonne mémoire. Les autres enfants entraient déjà dans la cour.

- Hé, Klara ! cria quelqu'un. Tu t'es habillée dans une poubelle ?

C'était Isie, une fille particulièrement stupide que Klara n'avait jamais aimé. Celle-ci répondit sans se laisser démonter :

- Ouais ? Moi au moins, je m'habille pas avec des petites fleurs roses comme un bébé !

- Quoi ?!! Vous avez entendu ce qu'elle m'a dit, la clocharde ?

Klara n'avait rien d'une clocharde. Elle portait les cheveux courts comme un garçon et s'habillait en pantalon et sweat-shirt la plupart du temps, mais ses vêtements n'avaient jamais de trous, sa mère y veillait soigneusement. Elle préférait les vêtements confortables, tout simplement.

De toute façon, Klara était la mauvaise fille de la classe, celle qui arrivait en retard à l'école, n'écoutait pas et parlait insolemment aux adultes. Elle avait intégré l'équipe de foot de la ville et jouait mieux que la plupart des garçons mais elle avait beaucoup plus de mal à s'entendre avec les filles. Le jour où la douce Charlotte l'avait invitée à une fête d'anniversaire, Klara avait fait peur à tout le monde en racontant des histoires d'horreur et n'avait plus jamais été invitée. En plus de ça, elle connaissait plus de gros mots que tous les élèves réunis.

Tant pis pour Isie si elle avait décidé de l'embêter ! Klara était sur le point de répliquer vertement quand Charlotte intervint :

- Hé, le cirque !

- Ouais, on se croirait dans un cirque, balança Klara.

- Non, y'a un cirque qui s'installe en face !

C'était vrai. Des voitures et des mobile-homes s'étaient garés sur la place et des gens commençaient à monter un grand chapiteau. Les enfants se précipitèrent contre la grille pour mieux voir et tout le monde se mit à parler en même temps :

- Il va rester longtemps, vous croyez ?

- Je sais pas, j'espère.

- Je vais y emmener ma petite sœur !

- Je me demande s'ils ont des animaux sauvages !

- Y'a plus d'animaux sauvages dans les cirques, c'est interdit par la loi !

- Y'aura un magicien, vous croyez ? J'adore les magiciens !

- Le cirque, c'est pour les bébés !

- Vous croyez qu'il y aura des clowns ?

- Beurk ! Je déteste les clowns !

- Oh, le froussard ! Il a peur des clowns !

Les enfants se pressaient encore contre la grille quand la cloche sonna. Il leur fallut un moment avant de s'arracher à ce spectacle. Enfin, tout le monde rentra en classe sous le regard mi-amusé, mi-énervé des enseignantes, et Klara retrouva sa place habituelle, au fond de la pièce, près de la fenêtre. Elle ne pouvait s'empêcher de jeter un coup d'œil au chapiteau de temps en temps. Des gens s'affairaient autour, très occupés, pensant probablement au spectacle qu'ils organiseraient le soir.

Il se trouvait que Klara n'était jamais allée au cirque. D'après son père, gérer cinq enfants au quotidien, c'était aussi spectaculaire que n'importe quel cirque. Klara n'était pas du genre à faire des caprices ou à pleurer pour qu'on lui fasse des cadeaux, ça non. Quand on lui disait qu'elle n'irait pas au cirque, elle encaissait, point barre.

Cependant, pour une fois, elle avait l'imagination qui galopait. Elle essayait d'imaginer la vie de ces jongleurs, clowns et acrobates si différents d'elle. Après avoir passé un peu de temps ici, ils partiraient très loin. Rien ne les retenait. Ils n'étaient pas obligés de partager leur chambre avec une grande sœur casse-pieds, de défendre leur dessert à table ou de supporter des idiotes comme Isie. Ils pouvaient faire ce qu'ils voulaient quand ils le voulaient.

La chance...

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top