Épilogue
La tente était dressée au milieu du salon. Ce n'était pas une vraie tente, juste un jouet pour enfants mais pour Anna, elle était parfaite. Elle jeta un coup d'œil à la baie vitrée par laquelle elle pouvait voir une autre tente, une vraie tente de camping toute beige. Klara finissait de la monter, aidée par leurs mères à toutes les deux. Anna lui fit signe et Klara lui répondit par un hochement de tête. Cette nuit, elles passeraient ensemble leur toute première soirée pyjamas.
- Klara, tu m'entends ? demanda Anna en attrapant sa tablette.
Quelques instants s'écoulèrent, puis la voix de Klara résonna :
- Je t'entends et je te vois !
- Prête pour cette nuit ?
- Prête ! Dis encore merci à ta maman. Cette moitié de pizza sent super bon !
- Pas autant que tes cookies. C'est toi qui les as faits ?
Klara eut un petit rire.
- Non, c'est ma sœur, Oxana. J'ai commencé à les faire toute seule, elle est entrée, elle m'a dit que je faisais n'importe quoi et qu'elle allait m'aider. Au final, c'est elle qui les a faits et je l'ai juste un peu aidée !
- Elle a l'air gentille ! s'écria Anna, qui aurait bien aimé avoir une sœur.
- Elle est reloue. Mais c'est vrai, des fois, elle assure. Ils sont au chocolat et aux noisettes.
- Tu vas pas avoir trop froid sous la tente ?
- Non, ça va. Tu me rejoins ?
Anna acquiesça et se glissa sous sa propre tente où un petit festin l'attendait. Elle se servit un verre de jus de pomme, attrapa sa tablette et demanda :
- On trinque ?
Klara leva son verre en même temps qu'elle. Tellement de choses s'étaient passées pendant ces deux derniers mois qu'elle avait encore un peu de mal à y croire. Son père et elle avaient fini par obtenir un rendez-vous chez une orthophoniste, lui à contrecœur, elle avec enthousiasme. Le diagnostic était tombé : elle était dyslexique, papa aussi et il leur faudrait un accompagnement spécial. Depuis quelques semaines, sa vie n'était plus du tout la même. Mais en même temps, c'était bon de savoir enfin qu'elle pouvait apprendre et rattraper son retard.
- A la tienne ! dit solennellement Klara.
- Et à notre amitié ! répondit Anna. J'adore ton pyjama !
- C'est mon maillot de foot, celui dont je t'ai parlé ! Il est beau, hein ?
- Il te va très bien. Je sais pas si je devrais te poser cette question mais voilà, pour le foot...
- Je joue dimanche prochain, répondit posément Klara.
Elle se souvenait de son retour dans le local du club de foot comme l'un des moments les plus embarrassants de sa vie. Tout le monde était soudain devenu très silencieux et Klara avait su plus tard que sa mère avait contacté l'entraîneuse et que celle-ci avait fait la leçon à Elias. Il faisait profil bas pour le moment mais on ne savait pas encore comment cela allait tourner.
- Louis m'a donné une lettre, ajouta-t-elle. C'est nul. Pourquoi une lettre ? Il sait que je lis pas bien !
- Ou alors il est trop timide pour te parler ? suggéra Anna.
- Oui. Tu veux bien me la lire ?
Klara déplia la lettre et la plaça à bonne distance de sa tablette. Anna plissa les yeux et lut :
Klara, ça m'a fait de la colère que tu m'attaques en sortant du vestiaire. Je voulais pas être méchant. Je voulais juste te dire que je trouvais ça injuste que Mamie Casse-Cou elle t'empêche de jouer parce que t'es une super joueuse. Je veux pas rester disputé avec toi alors dis-moi si tu veux qu'on se réconcilie. Bonne soirée. Louis.
Klara resta stupéfaite.
- C'est ça ? Il m'écrit parce qu'il veut qu'on se réconcilie ? Mais...
- C'est une bonne nouvelle ? suggéra Anna.
- Ouais ! Je... Enfin...
- Vous pourriez devenir copains, lui et toi.
- Pas aussi copains que toi et moi, avoua Klara.
- Merci, c'est gentil.
Pour Klara aussi, avoir une nouvelle copine, c'était bien. Anna et elle étaient si différentes qu'elle n'aurait jamais cru que ça marcherait. Mais ça marchait. Peut-être que leur amitié durerait toute leur vie, qui savait ?
- Sinon, continua Klara, j'arrive pas à croire que mon père me laisse dormir ici. Figure-toi que le supermarché de Blinchamps a retrouvé ma trace et qu'ils les ont appelés. Tu sais ce qu'ils lui ont demandé ?
- Euh... des excuses ?
- Oui, plus le prix d'une tablette de chocolat et une amende pour « camping sauvage » ! Il était vénère !
- Non ?!!
- Si !!!
Anna éclata de rire. Du camping sauvage ! On aurait tout entendu ! Leurs rires résonnèrent encore et encore dans l'espace clos des deux tentes. Cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas ri comme ça.
- Au moins, ils ont pas porté plainte, fit remarquer Klara. Sinon, je crois que mon daron m'aurait tuée.
- A propos, demanda Anna, tu connais la dernière ?
- Non ?
- Ma mère veut qu'on dépose un brevet pour Clic.
- C'est quoi, un brevet ?
- Un document qui prouve qu'on a inventé un truc nouveau. Plus tard, ça pourrait servir si je décide de vendre des Clics. Tu manges pas ? Ça va refroidir.
Klara acquiesça. En se servant une part de pizza, Anna essaya d'imaginer sa vie future. Peut-être qu'avec Clic, elle arriverait à améliorer la vie quotidienne d'autres personnes confinées à la maison. Elle pourrait inventer des Clics qui sortiraient faire les courses ou tondraient la pelouse dans un monde futuriste. Peut-être qu'un jour, de sa petite chambre, elle finirait par changer le monde.
- Tu veux vendre des Clics ? s'enquit Klara.
- Ou d'autres inventions. Ils pourraient promener des chiens, par exemple.
- Tu pourrais en programmer un pour la musique rock parce que tu sais, quand même, « mes oreilles tombent-elles... »
- Non, répondit sérieusement Anna. Tes oreilles sont très bien.
- Quoi ?
- Tes oreilles tombent pas du tout, elles sont très bien !
- Pas mes oreilles, répondit patiemment Klara. La musique que Clic a jouée quand on était dans le supermarché. Tu sais ce que c'est ?
- Je l'ai trouvée sur une base de données de musique gratuite.
Klara se mit alors à chantonner une comptine en faisant toute une pantomime, s'attrapant les oreilles, faisant mine de les soulever ou de les enrouler. Anna était morte de rire.
https://youtu.be/oHF0RMCsgz0
- T'es trop drôle ! s'écria-t-elle quand son amie eut fini. C'est toi qui as inventé ça ?
- Non ! Tous les enfants apprennent cette chanson en maternelle !
- Tu veux bien m'apprendre ?
- D'accord. Mais ensuite, on se raconte des histoires qui font peur !
Anna acquiesça et regarda son amie décomposer chaque partie de la chanson pour l'imiter ensuite. À chaque geste, elles se sentaient plus proches. Anna avait l'impression de revivre ces années de maternelle puis de primaire qu'elle n'avait pas connues et se sentait intégrée. Klara se sentait acceptée et non jugée. C'était merveilleux d'avoir enfin une amie.
La chanson terminée, elles firent ensemble le geste de jeter un fardeau par terre et éclatèrent de rire en chœur.
- Bon anniversaire, Anna ! s'écria Klara.
*
Note : cette histoire est finie ! Merci à toutes les personnes qui ont accompagné Anna et Klara au cours de leur aventure, n'hésitez pas à mettre un commentaire. Bonne journée !
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