7. Anna
Anna était seule à la maison. Sa maman était partie voir un client et elle-même avait fini son travail du matin. Si Marilyne n'était pas encore rentrée à midi, elle se réchaufferait un repas et le mangerait seule. En attendant, elle trouverait bien un truc à faire.
Sa maman lui disait qu'il fallait faire du sport, c'était pour cela qu'elle avait acheté un vélo d'appartement. Anna en faisait parfois devant la télé mais aujourd'hui, elle avait envie de faire autre chose. Quoi ? Oh, elle savait : l'année précédente, une chaîne de télé avait diffusé une série pour enfants dont certaines scènes se déroulaient dans une cour de récré. Dans un épisode, une fille de son âge réalisait une figure impressionnante en tournant sur elle-même et en prenant appui sur les mains. Anna n'en était pas sûre mais elle croyait qu'on appelait ça : « faire la roue ».
Elle trouva sans peine une méthode sur internet. Ça avait l'air facile : prévoir pas mal de place, visualiser une ligne devant soi, se pencher, poser les mains, lancer les jambes en l'air et se réceptionner. Simple. Elle allait faire ça et dans quelques minutes, elle saurait faire la roue parfaitement.
Elle déplaça les meubles pour avoir un grand espace bien dégagé dans le salon, puis relut plusieurs fois le tutoriel. Ensuite, elle désinfecta le sol, retira ses chaussons, se lava les mains, inspira profondément, prit son élan et se lança.
Et elle se retrouva à genoux par terre. Visiblement, elle n'avait pas pris assez d'élan.
Peut-être qu'il fallait prendre au moins dix mètres d'élan pour exécuter une roue correcte. Le problème était qu'elle ne disposait pas de dix mètres pour courir, à part peut-être dans le couloir.
Elle prit son élan dans le couloir mais ralentit au dernier moment. Si elle ratait son coup, elle risquait de percuter le mur d'en face et ça, ça pouvait faire très mal.
Il fallait qu'elle trouve le moyen de combiner une quantité d'énergie cinétique suffisante pour exécuter cette figure avec le peu de surface dont elle disposait. Elle réfléchit et décida d'essayer de faire la roue en pliant les jambes. Peut-être que ça marcherait.
Elle essaya une fois. Deux fois. Trois fois. Elle s'étalait par terre à chaque fois et elle commençait à se sentir un peu ridicule. Visiblement, elle n'était pas douée pour faire la roue et ça devenait un peu vexant.
Peut-être qu'en revanche, Clic pourrait faire la roue. Elle n'avait qu'à le programmer pour ça.
Oui, mais pour qu'elle lui fasse faire les mouvements exacts, il fallait qu'elle connaisse déjà précisément ces mouvements, ce qui n'était pas le cas. Elle tournait en rond, c'était le cas de le dire.
Elle remit les meubles en place et s'assit devant la baie vitrée. Il y avait parfois un petit chat gris et blanc qui entrait dans le jardin et se prélassait ou jouait sur la pelouse. Marilyne l'appelait Chatouf mais il était plus que probable que ce chat visitait une trentaine de maisons par jour et ait reçu trente noms différents. Regarder Chatouf s'amuser lui changeait souvent les idées. Elle attendit mais ce ne fut pas un chat gris qui franchit la grille de la maison mais un petit objet vert clair.
Anna colla son nez à la vitre, ce qui lui était techniquement interdit. Quelqu'un venait de balancer un déchet dans son jardin. Mais... non, ce n'était pas un déchet. C'était un de ces sacs que les enfants emportent à l'école. Il était visiblement très usagé mais c'était juste un sac.
Et puis une fille qui avait peut-être un ou deux ans de plus qu'elle escalada la grille et sauta dans son jardin. Elle attrapa le sac, le lança dans la rue, se retourna et la vit.
Anna se figea. Elle ne s'approchait jamais d'enfants de son âge et elle ne savait pas bien comment on se comporte avec les autres. À tout hasard, elle lui fit un signe de la main. À sa grande surprise, la fille répondit quelque chose qu'elle n'entendit pas car la maison était bien insonorisée. Anna lui fit signe de rester où elle est, s'empara d'une feuille de papier et écrivit : « J'entends rien ».
La fille secoua la tête et s'approcha.
Elle avait les cheveux courts comme un garçon et une expression décidée sur le visage. Anna recula instinctivement quand leurs visages se trouvèrent très proches. Quand on s'entend dire depuis votre naissance de ne jamais approcher les autres enfants, une vitre peut sembler bien fragile. Elle cria et Anna entendit vaguement :
- J'ai rien fait ! Je voulais juste récupérer le sac de ma sœur !
Anna hocha vigoureusement la tête et sourit pour lui faire comprendre que tout allait bien. La fille aux cheveux courts ne lui rendit pas son sourire. Elle partit en courant et escalada la grille avec une agilité surprenante.
Anna attendit un instant, espérant vaguement qu'elle allait revenir. Elle attendit un long moment. Et puis elle se lassa. Elle trouverait autre chose à faire avant le déjeuner.
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