Chapitre 57

Yaël

Nous nous défions tous les deux du regard sans activer nos dons, du moins pour le moment.

- Tu n'as jamais accepté que j'aie les quatre pouvoirs originels, finis-je par dire.

- Cela n'a jamais signifié que tu avais plus de pouvoirs. Je te rappelle que je maîtrise aussi deux des pouvoirs originels. Le vent et l'eau me sont acquis, dit fièrement Aequor.

- Mais pas le feu ni la terre, lui rappelai-je.

- Non, mais le feu n'a aucune emprise sur moi et je possède d'autres dons comme tu as pu le constater.

- Tu crois donc pouvoir me battre.

- Je ne le crois pas, j'en suis certain, répliqua-t-il avec assurance.

- Tu aurais dû mieux écouter les histoires de Yöri.

- Oh je les ai écoutées, vociféra-t-il, je leur ai prêté toute l'attention qu'elles méritaient. Le destin n'est jamais définitivement fixé, il me l'a démontré, tout peut être réécrit. Je ne te laisserai pas mettre fin à la Grand'Astrée.

- Tu te rends bien compte que je n'ai jamais eu une telle intention, me sentis-je bon de lui préciser.

- Mais tu le feras, à cause d'elle, et je ne peux pas laisser les choses se produire. Je le fais pour les astréiens, Yaël.

- Lesquels ? Tes quelques fidèles ? Tu n'en as plus. Ils sont tous morts. Ne crois pas que tu as encore un quelconque soutien à la Grand'Astrée. J'ai veillé à ce que tous les dissidents soient exécutés. Tu n'as plus d'espions, tu n'as plus de soutien, tu n'as plus d'amis, tu n'as plus rien.

- Tu es jeune Yaël, sourit-il, le temps offre tout. Ce n'est pas la première fois que je devrais me reconstruire une vie.

- Je ne t'en laisserai pas l'opportunité. Aequor, clamai-je, je te condamne à mort pour le meurtre de Yöri.

- Pfff... Tu penses encore à Yöri ! Que fais-tu de Stan ? me lança-t-il avec provocation.

- Ta mort pour Yöri, ta souffrance pour Stan. Je vais faire durer ta mort. Je vais te faire connaître des douleurs que tu ne soupçonnais même pas. Tu me supplieras de t'achever, mais, crois-moi, je saurai faire durer mon plaisir des heures durant.

- Et comment comptes-tu t'y prendre ?

Je dégainai ma facalta et fonçai droit sur lui. Au point où j'en étais, seule la vue de son sang pourrait m'apaiser. Il ouvrit à mes pieds son puits abyssal, mais j'utilisai le vent pour voler au-dessus et rejoindre ainsi Aequor. À peine, je mis pied à terre qu'il m'envoya un jet d'eau pour me faire reculer, mais je l'écartai par la simple pensée. Je m'agenouillai et posai ma main au sol pour appeler la terre. Elle se leva derrière Aequor sur deux mètres de hauteur pour s'écrouler sur lui. Il tomba au sol, mais propulsa tout le monticule de pierres qui le recouvrait à l'aide de ses pouvoirs. Il ouvrit de nouveau son tourbillon océanique et y plongea la main dedans pour sortir son trident.

Je ne lui laissai pas le temps de se positionner et lui assénai un premier coup. Il l'esquiva avec habileté, faisant rencontrer le métal de ma lame contre celle de son trident. Son arme était plus grande que la mienne et elle me tenait à distance de son corps. Je rappelais la terre et le vent. Je faisais naître une tornade chargée de toute la terre que je venais d'utiliser, la transformant ainsi en un air abrasif que je propulsai droit sur Aequor. Il leva une barrière d'eau devant lui pour limiter les dégâts. Les grains de terre ne passèrent pas, mais les plus grosses pierres, si.

Aequor fut désorienté et j'en profitai pour viser sa hanche qui n'était pas protégée. Ma lame s'enfonça dans sa chair, sans que le coup ne puisse être mortel. Aequor leva la main et lança de nouveau une vague d'eau sur moi. Plutôt que de contrer son attaque, je lévitai au-dessus d'elle et attisai les flammes sur les vêtements d'Aequor. Il rappela aussitôt l'eau à lui et, à la place, je fis naître d'immenses flammes tout autour de lui. Je voulais qu'il sente la chaleur du feu. Je voulais qu'il anticipe les souffrances qu'il allait endurer.

Il les éteignit rapidement et jeta de toutes ses forces son trident sur moi. Je l'écartai d'un mouvement de bras à l'aide du vent et je profitai du fait qu'il soit désarmé pour brandir ma facalta. Je fis attention à simplement le blesser. Je visai son bras droit pour le handicaper. Son trident se matérialisa presque aussitôt dans sa main. Il riposta, mais j'étais fait pour me battre. J'avais été élevé pour ça. J'étais parfaitement dans mon élément. Je parai chacune de ses attaques. Il essaya d'utiliser le vent, mais j'étais bien plus en harmonie avec cet élément que lui.

Les attaques s'enchainèrent et je le blessai de nouveau. J'avais cette fois-ci viser la jambe gauche. C'était un valeureux guerrier, je devais le reconnaître. Il n'abandonnait pas. Il ne lâchait rien, mais moi non plus. Il tenta de me repousser en m'enfonçant son trident dans l'abdomen, mais je l'esquivai de nouveau et plutôt que de parer son coup, je roulais sur le côté et frappai précipitamment ma facalta au sol, tranchant de façon nette les orteils du pied droit d'Aequor. Il hurla de douleur et jeta son trident contre moi qui ricocha au sol avant de se matérialiser de nouveau dans sa main.

Il profita de notre distance pour rouvrir son portail. Il l'agrandit tout en le propulsant dans ma direction. Je lévitai une nouvelle fois, mais il appela lui aussi le vent. C'était une véritable tempête dans l'entrée de cette demeure, jadis si calme. Nous luttions tous deux avec les éléments. Aequor tentait de m'aspirer dans son vortex, des vagues en sortaient littéralement. En peu de temps, tout le sol fut recouvert d'eau, avec au milieu de la pièce un véritable maelstrom. J'étais juste au-dessus et je sentais toute son énergie m'appeler. Aequor tenta de nouveau de me transpercer avec son trident et je l'esquivai cette fois-ci de justesse.

Je me ressaisis immédiatement et utilisai la tempête pour faire venir Aequor à moi. Il s'y prépara et me rejoignit pour un nouvel affrontement à quelques mètres au-dessus du maelstrom. Ses blessures le faisaient souffrir, il tenait difficilement son trident. Je fis de nouveau jaillir son sang. Une légère blessure au bras. Lui, ne m'avait toujours pas touché.

- Peu importe ce qui arrivera. J'ai gagné Yaël, cria Aequor.

Il souriait. Il allait mourir et il souriait. Ma haine se décupla. Mes coups tombèrent, plus forts, plus agressifs, plus rapides. Je fus pris d'une réelle frénésie et lui assénai de multiples blessures superficielles. Il ne parvenait pas à se protéger avec son trident. Il était totalement dépassé et je sentais ses forces le quitter.

Je reculai. Il ne se défendait plus, il n'attaquait plus. C'était mon pouvoir qui le maintenait debout, mais il était encore vivant. Le portail sous nos pieds me le prouvait, bien que celui-ci commençait à rétrécir. Je le regardai avec hargne, mon cœur tambourinait dans ma poitrine. Je sentis les flammes habitaient mes iris et je décidai de leur rendre leur liberté.

La combustion fut immédiate. Tout le corps d'Aequor prit soudainement feu. Les flammes se colorèrent d'une teinte verte. C'était comme si elles dansaient sur la chair calcinée d'Aequor. Ses forces quittèrent alors son corps et il tomba tel un poids mort au fin fond du maelstrom, qui se referma aussitôt derrière lui.

Aequor n'était plus.

Je rappelai alors le vent à moi et me replaçai au sol.

Tout avait été dévasté. Il y avait de grandes traces noires là où les corps d'Anaël et Adira avaient brûlé. Plus aucun meuble n'était entier et le dallage du sol avait été complètement soulevé. Je restai quelques secondes là à regarder ce carnage. J'avais du mal à réaliser que c'était fini.

Je constatai que j'avais du sang un peu partout sur mes vêtements, mais je savais que ce n'était pas le mien. J'essuyai la lame de ma facalta sur mon pantalon. Je réalisai alors qu'il n'y avait plus aucun cadavre et je supposai qu'ils avaient été entrainés dans le tourbillon océanique d'Aequor. Ils étaient tous désormais au fond des abysses.

- Yaël.

Cette voix, elle m'avait tellement manqué.

- Izi !

Je me retournai aussitôt et l'admirai en haut des escaliers avec notre fils dans ses bras. J'avais retrouvé ma famille. Nous avions réussi.


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