Chapitre 54
Geoffrey
Je n'avais pas dû insister beaucoup pour qu'Anaël et Adira rejoignent Aequor, quoique cette dernière semblait suspicieuse. Elle sentait le traquenard venir et pour cause, elle avait été obligée de remonter le temps pour sauver Anaël. Heureusement pour moi, elle était persuadée que c'était Yaël. Elle n'avait aucune raison de penser à une mutinerie. Elle était proche de Millie et dès que celle-ci avait appuyé mes propos, ils n'avaient pas hésité un seul instant à descendre.
Millie m'en voudrait sans doute, mais le temps effacerait sa rancune. Il suffisait qu'on puisse encore en avoir ensemble. Izi avait été sans filtre dans les images qu'elle m'avait transmises. J'avais vu Millie descendre les escaliers et Yaël l'avait balancé en un coup de vent, bien trop violent. Je revis son corps projeté contre le mur. Sa nuque s'était brisée. Elle était morte sur le coup. Je n'avais eu le temps de rien faire, tout comme elle, et ma mort fut tout aussi rapide.
J'effaçai ce souvenir de ma tête, je comptais ne jamais le laisser prendre vie. Je m'approchai d'Izi pour la libérer de ses liens. Elle ne bougeait pas, ne disait rien. Ses yeux avaient repris leur éclat naturel, mais elle n'était pas vraiment là.
- Que fais-tu ? gronda Millie.
- Tu vas devoir me faire confiance et faire ce que je te dis.
- Tu as communiqué avec elle ! comprit-elle.
- Oui, avouai-je. Millie cette guerre va mener à notre perte, nous ne sommes pas dans le bon camp. Nous avons perdu toute chance de gagner avec la mort d'Indra et de Kallie.
- Mais les autres ?
Je savais qu'elle tenait à Adira, mais je ne pouvais pas prendre le risque de la prévenir. Elle le dirait à Anaël et ce dernier préviendrait sans doute Aequor. C'était trop risqué. Je ne répondis pas à sa question. Elle savait parfaitement ce que j'en pensais. Je n'avais jamais voulu qu'elle prenne part à ce complot et j'avais, au contraire, tout fait pour l'en dissuader.
- Il faut que tu partes ma chérie, lui indiquai-je.
- Où veux-tu que nous allions ?
- Pas nous, toi. Pars. J'ai besoin de te savoir en sécurité, loin d'ici.
- Je ne pars pas sans toi, m'affirma-t-elle.
Il faut dire que nous nous séparions rarement.
- Je dois aider Izi et Yaël, lui expliquai-je. Ils sont notre seule chance de s'en sortir.
- Nous pourrions nous cacher, contra-t-elle. Jamais ils ne nous retrouveront avec mon pouvoir.
- Pas éternellement. Je ne veux pas de cette vie, je ne veux pas que tu meures sur ces terres, Millie. S'il te plait, pars. Je te rejoins dès que je peux.
- Si je pars, elle aussi. Je la prends en garantie. Tu ne sais pas ce que fera Yaël.
- Je sais ce qu'il fera s'il ne trouve pas Izi ici. Tu ne peux pas l'emmener.
- Je ne veux pas partir sans toi.
- Il le faut, lui ordonnai-je en pensée.
- Ne m'oblige pas.
- Tu ne peux pas rester. Izi m'a montré ta mort. Je te veux loin d'ici et quoiqu'il arrive ne revient pas. Je te retrouverai, je te le promets. Fais-moi confiance.
Elle me regarda suppliante un instant, puis se ressaisit.
- Tu as intérêt à faire vite, exigea-t-elle. Je t'attends au village.
Elle fit aller ses longs doigts pour ouvrir son tourbillon magique aux couleurs si spéciales. Puis, elle me regarda une nouvelle fois.
- Fais attention mon cœur, me dit-elle en pensée, juste avant de disparaître.
La terre avait cessé de trembler, mais au son que j'entendais, la bataille faisait rage en contrebas. Je dénouai les derniers liens d'Izi et cherchai une réaction de sa part.
- Izi, est-ce que tu m'entends ? Yaël est ici. Ils combattent. Est-ce que tu vois ce qui se passe ?
Elle hocha la tête.
- Est-ce qu'il y a des informations que tu veux que je transmette à Yaël ou à quelqu'un d'autre ?
Elle ferma les yeux comme si elle se concentrait. J'essayai de lui parler directement à travers ses pensées. C'était peut-être plus simple pour elle de communiquer ainsi.
- Izi ?
Elle ouvrit alors les yeux, mais ces derniers étaient de nouveau tout opaques comme si elle avait perdu la vue.
- Les forces se confrontent
Il est temps de faire les comptes
Il n'y aura pas de laissé-pour-compte
Il faut que je te raconte.
Si le temps s'éteint, Anaël se révoltera
Si l'océan est abyssin, la force ne survit pas.
Il aspire les âmes, peu importe le vent.
Il noie ses victimes au grès des éléments.
Mais les quatre pouvoirs sont présents
Il est trop tard pour remonter le temps.
Et Christine est déjà partie.
Mia ôtera la vie de son mari
Pour qu'il soit à jamais réuni
Mais elle ne sauvera pas sa vie
Si elle ne se méfie pas de Millie.
- Millie est partie, l'informai-je.
Izi se tut, je crois qu'elle rassemblait les informations entre elles et moi j'essayai de mettre du sens à ses paroles.
- La glace éteint le feu
Il faut lui dire adieu.
La terre est brimée
Dans cet espace confiné.
S'ils ne prennent pas garde
Ils ne verront pas l'arme.
- Quelle arme, Izi ?
- Il faut sauver l'enfant
Le fratricide est mort
Aequor est le suivant
L'air n'atteint plus son corps.
- Yaël a réussi ?
- Non, il est trop tard,
C'est la fin des Weysar.
- La fin des Weysar... dis-je pour moi-même. Il ne parvient pas à sauver ton fils, conclus-je.
- Si tu interviens, tu pourras le sauver
Mais Aequor en profitera pour s'armer
Et s'acharnera contre mon bien-aimé.
- Il saura se défendre, rétorquai-je.
- Ils ne survivront pas tous.
Anaé les attend déjà.
Yaël ne peut s'y résoudre
Il ne les abandonnera pas.
- Izi soit clair, que dois-je faire ?
- Sauve l'enfant.
C'est important.
Elle se leva soudainement, se dirigeant vers la sortie.
- Je sauverai les autres, ajouta-t-elle.
Je la retins par le bras. Elle avait toujours le fond de l'œil blanc, mais elle semblait parfaitement y voir.
- Tu es sûre de toi ? Tu ne veux pas que je transmette un message à Yaël ? insistai-je.
- C'est inutile. Je lui expliquerai tout moi-même.
Elle avait l'air sûre d'elle et cela me rassura. Si elle était persuadée de pouvoir s'entretenir avec Yaël, c'est que tout allait bien se passer. Sa démarche était déterminée. Elle n'avait pas la moindre once d'hésitation. Je ne savais pas ce qu'elle s'apprêtait à faire, mais je la suivis sans hésiter.
Elle se dirigea vers le rez-de-chaussée et malgré le bruit des combats, je l'entendis distinctement murmurer :
Au-delà des neiges éternelles,
De là-haut, son pouvoir brillera.
Mais le fratricide mourra.
Attiré par l'aquarelle,
La prêtresse l'ensorcelle.
Son règne est perpétuel,
Sa lumière nous éblouira,
C'est elle qui nous sauvera.
Son sang scellera cette guerre
Et le début d'une nouvelle ère.
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