Chapitre 40

Je n'eus même pas le temps de passer par la chambre de Mélinda et voir comment aller Isaïah qu'une voix retentit dans ma tête.

- Tu es seule ?

- Oui. Et toi ?

Je passais moi aussi au tutoiement puisqu'il avait décidé d'emprunter cette voie.

- Ben non, je suis toujours au repas avec les autres, dit-il sur un ton qui sonnait comme une évidence.

Il aurait très bien pu partir lui aussi ou mon départ aurait pu signer la fin du repas, que sais-je !

- Je pensais que tu viendrais en personne !

- Je ne peux pas, Millie s'en apercevrait, je ne veux pas qu'elle sache que je t'ai parlé.

- Pourquoi ?

- Cela me regarde.

- Il va falloir que tu t'expliques. Tu as enlevé mon fils, je te rappelle ! Je n'ai aucune confiance en toi.

- Je sais. Je ne nie pas ce que j'ai fait, mais je ne veux pas prendre part à ce qui se prépare.

- Qu'est-ce qui se prépare ? Quel est le plan d'Aequor ?

- Tu ne le sais donc pas.

Je grimaçai toute seule dans ma chambre. J'en avais trop dit, il était là uniquement pour sonder mes pensées et savoir ce que je savais ou non et j'avais dit les mots de trop alors que cette conversation venait à peine de débuter.

La voix de Geoffrey continua cependant à marteler ses mots dans ma tête.

- Si nous restons ici, c'est simplement parce que nous attendons.

- Attendre quoi ?

- Qu'il vienne. Tu es l'appât, Izi. Aequor a tenté d'affaiblir le plus possible Yaël avant de refermer son piège sur lui. Il l'attend et dès que Yaël sera là, il l'éliminera.

C'était donc ça qu'il préparait depuis le début. Il voulait s'en prendre à la vie de Yaël et je participais malgré moi à leur dessein.

- Je n'ai jamais eu pour projet de m'associer au meurtre d'un astréien, continua Geoffrey. Je respecte nos lois, Millie et moi n'en avons enfreint aucune.

- Aucune ? ripostai-je.

- Aucune, insista-t-il. Ton fils n'est pas un astréien, nous ne l'avons même pas tué. Nous avons simplement pris un bébé au peuple de Hululy que nous sommes prêts à restituer à ses parents. Je pense qu'il y a possibilité de s'entendre, non ?

Je réfléchis un instant à sa proposition. C'était tentant d'accepter, mais je ne savais toujours pas si je pouvais lui faire confiance.

- Pourquoi te ferais-je confiance ? décidai-je de lui demander directement.

Il n'y eut aucune réponse dans ma tête. Je réitérai ma question mentalement, mais notre communication semblait avoir été interrompue.

J'allais sortir de ma chambre pour rejoindre Mélinda lorsque la voix de Geoffrey arrêta mes mouvements.

- Tu n'as pas vraiment le choix.

- Pourquoi avoir mis tout ce temps à me répondre, surtout pour me dire ça !

- Je ne suis pas seul, je te rappelle, j'ai six convives avec moi. Je suis bien obligé de leur répondre, je ne peux pas avoir deux discussions en même temps.

- Oui, parlons-en, comment se fait-il que tu ne sois pas seul ? S'il faut, tu es en train de partager notre discussion avec tous tes frères d'armes !

- J'aimerais te répondre que l'un d'eux est bien au courant de mes plans, mais je ne leur ai rien dit.

- Tu n'as pas confiance en eux ? Pas même en ta propre femme ?

- Je n'ai pas confiance en Aequor. Tout ça, c'est son plan, sa vision de la Grand'Astrée. Il les a tous manipulés.

- Et pas toi ?

- Non. Il ne voulait pas de moi dans cette mission, mais il avait besoin du pouvoir de Millie. Or, je vais où va Millie.

- Donc ta femme est du côté d'Aequor. Il me semble que c'est un problème, non ?

- Elle est aveuglée, elle croit en lui, elle ne voit pas qu'il est en train de nous mener droit à la tombe. Si je ne fais rien, elle va mourir et il est hors de question que je laisse cela arriver.

- Quel est ton plan ?

- Tu me crois, alors ? demanda-t-il.

- Comme tu l'as dit, je n'ai pas vraiment le choix. Voyons ce que tu me proposes pour faire amende honorable.

- Il ne s'agit pas que d'une amende honorable. Tu dois m'assurer l'immunité à Millie et à moi.

Je grimaçai, mal à l'aise.

- Je ne sais pas si j'ai la capacité de t'offrir cela, avouai-je en toute sincérité.

J'avais vu des images du futur. Elles étaient brèves et assez confuses, mais j'avais eu une certitude au contact de Millie. Celle de sa mort. J'avais clairement vu Yaël la projeter contre un mur. L'impact avait été si violemment qu'il lui avait été fatal. Ses os s'étaient brisés nets la faisant passer de vie à trépas, mais je m'abstins de le dire à Geoffrey.

- Tu es au contraire la seule qui est capable de raisonner Yaël.

- Je ne crois pas que ce serait le raisonner que de lui demander de vous épargner.

- Peut-être, mais tu as compris l'idée.

- Je te promets que si tu nous aides à sortir de ce mauvais pas, je ferais tout ce qu'il est en mon pouvoir pour convaincre Yaël d'épargner vos vies.

Mes visions étaient modifiables, j'y parviendrai, du moins je l'espérais.

- Je m'en contenterai, approuva-t-il.

- Ton plan ?

- Il n'est pas clairement établi, mais comme je connais les grandes lignes de celui d'Aequor, je me suis dit qu'on arriverait ensemble à le contrer.

- Dans les grandes lignes !?

- Figure-toi que je suppose qu'il ne me dit pas tout ! Il n'était pas question au départ d'attaquer les astréiens et encore moins de tuer Yaël. Aucun des astréiens que tu as vus à cette table n'avait initialement de telles ambitions sauf Aequor, je peux te l'assurer.

- Bien sûr, vous êtes tous de grands naïfs qui se sont fait piéger par le grand méchant loup, raillai-je.

- Aequor avait sans doute raison, cela ne sert à rien de te parler ce soir, contra-t-il.

Je gardai le silence un moment. Je devais digérer toutes ces informations. Je n'étais pas si étonnée que cela qu'ils veuillent attenter à la vie de mon époux, mais l'entendre était autre chose. Il était question de Yaël, de ma lumière, de mon âme sœur. Jamais je ne laisserai lui arriver quoique ce soit.

Aequor devait avoir projeté cet assassinat depuis longtemps vu les tensions existantes entre eux. Il savait ce qu'il faisait, c'était certain. Il semblait en plus si confiant. Il me laissait toute la liberté de déambuler dans les couloirs de cette demeure, comme s'il n'avait rien à craindre de moi. Comment envisageait-il donc de pouvoir vaincre Yaël ? Il ne serait pas si facile à duper et il livrerait un combat sanglant pour me sortir d'ici avec Isaïah et je savais qu'il ne viendrait pas seul.

- Izi ? me relança Geoffrey.

- Comment... Comment Aequor compte-t-il... tuer Yaël ?

Ces derniers mots m'arrachèrent la gorge même si je ne les avais pas formulés à voix haute et je sentais déjà que la réponse aller m'écorcher le cœur et briser mon âme.

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