Chapitre 35

Yaël

Affalé au sol, j'écoutais la pluie battre sur le carreau de la fenêtre. Elle faisait écho à ma peine. Je ne l'avais même pas fait tomber délibérément. L'eau était le pouvoir que je contrôlais le moins. Chacun de mes dons était lié à un sentiment bien précis. Celui-ci était lié à ma tristesse alors que le feu et la terre répondaient le plus souvent à ma colère. Il n'y avait que le vent que je maîtrisais parfaitement comme s'il était un prolongement de mon être.

La dernière fois que j'avais fait pleuvoir involontairement, c'était lorsque je marchais avec Izi et Stan en direction du Mont d'Or. La pluie était tombée en abondance ce jour-là, nous obligeant à nous arrêter dans une espèce de grotte. Izi était trempée, mais je n'avais pas eu à cœur d'arrêter cette tempête. Les gouttes d'eau reflétaient les larmes que je dissimulais face à mon incapacité de faire Izi mienne. Quand je la regardais, je voyais toute cette lumière qui irradiait d'elle et m'appelait comme le chant des sirènes, mais elle, elle ne voyait rien, pas la moindre étincelle. Stan et moi avions compris que la Grand'Astrée ne l'appelait pas et que nous devrions faire le chemin jusqu'à Astrée. Pourtant, je savais au fond de moi que c'était elle et nulle autre. J'en étais persuadé, bien que mon amour soit à sens unique. Dès que je l'avais aperçue, j'avais su que je donnerais ma vie pour elle. Mais elle, elle ne m'aimait pas. Je n'étais qu'un étranger qui l'avait arraché à sa famille.

Dire qu'elle était partie avec Balthazar de son plein gré ! Que lui était-il passé par la tête ? Nous allions avoir une sacrée discussion tous les deux. Était-elle à ce point inconsciente du danger ?

Stan me laissa à mes réflexions ou peut-être était-il dans les siennes. Le silence régnait, perturbé uniquement par les cliquetis de l'eau. Théo crut bon d'y mettre un terme. Il se racla la gorge pour signaler sa présence dans la bibliothèque.

- Elle est partie chercher Isaïah, expliqua-t-il. Elle va revenir.

Quel idiot ! Il n'avait aucune idée de ce qui se tramait.

- Elle a dit que je vous serais peut-être utile, ajouta-t-il.

Je le fusillai du regard. S'ils avaient tous oublié qu'il avait participé à l'enlèvement de mon fils, moi je ne l'oubliais pas.

- Comme tu as été utile au Prince ? lui crachai-je au visage avec dédain.

- Je veux aider, affirma-t-il.

Qu'est-ce qui m'avait pris de l'avoir épargné ? Voulait-il vraiment me le faire regretter ?

Misha arriva à toute trombe. Il observa Théo qui se tenait, résigné, face à moi, alors que j'étais toujours assis par terre au milieu de tous les livres que j'avais envoyés au sol. Stan s'était quant à lui rapproché de la fenêtre et observait l'extérieur en silence.

- Que faites-vous ? demanda Misha.

- Millie était là. Elle a ouvert un vortex et elle est partie avec Balthazar et Izi, expliqua Stan qui était sorti de son mutisme.

Son ton était froid et plat. Depuis la mort d'Anya, il n'était plus vraiment lui. Comment faisait-on pour vivre sans lumière ?

- D'où ma question, qu'est-ce que vous faites ? répéta Misha. Il faut aller la chercher.

- Et où ? répondis-je agacé. Cela fait des jours que nous les traquons sans savoir où ils se terrent.

- Mais maintenant Izi est avec eux. Ça change tout, non ?

- Ils activeront le sort de dissimulation de Kamilla, renchéris-je. Ils ne sont pas stupides.

- Izi était convaincu du contraire, affirma Misha.

- Comment ça ? le questionnai-je.

- Avant de partir, elle a dit que tu saurais la trouver. Elle n'est pas partie tête baissée, elle avait un plan. J'en suis certain ! Tu peux la localiser. Peu importe les pierres, vous êtes liés.

- Je ne l'ai pas trouvée lorsqu'elle s'est enfuie de la Grand'Astrée, lui rappelai-je amer.

- Oui, mais elle ne voulait pas que tu la trouves, là c'est différent !

Il semblait si sûr de lui. Il était certain qu'on allait les retrouver et son espoir m'insuffla l'énergie dont j'avais besoin. Je me redressai. Il avait raison, ça ne servait à rien de me morfondre et cela ne me ressemblait pas. J'étais un homme d'action et ma reine avait besoin de moi.

Je fis un signe de tête à Misha en signe de reconnaissance. Il m'avait toujours était fidèle. Dès son plus jeune âge, il m'avait admiré et il avait toujours cherché à me ressembler. Je ne savais pas pourquoi il m'estimait autant, mais j'aimais sa loyauté. Je savais que je pouvais compter sur lui, quelle que soit la situation.

Théo était quant à lui toujours figé là devant moi. Ce qu'il pouvait m'agacer !

- Préviens le Grand pontife de la situation et vois si tu peux l'aider, lui dis-je.

Cela sembla lui convenir puisqu'il acquiesça et partit sans plus attendre. C'était sans doute une erreur de lui confier une quelconque tâche, d'autant plus un rôle politique, mais je ne le voulais pas dans mes pattes et ils auraient besoin de petites mains au Palais. Si Izi l'avait libéré, c'était sans doute ce qu'elle souhaitait même si elle n'avait pas pu l'exprimer clairement. De toute façon, les complots au sein de ce Palais étaient bien éloignés de mes préoccupations, j'avais d'autres priorités.

- Stan, ouvre la fenêtre, ordonnai-je.

La pluie n'avait pas cessé. En un mouvement, je fis pleuvoir encore plus fort, augmentant l'intensité du vent. Je propulsai des bourrasques qui entrainèrent la pluie dans son sillon. Je fis en sorte qu'elles viennent mourir directement sur les parois du Palais. Rapidement des flaques d'eau recouvrirent le parquet de la bibliothèque. Je continuai de faire s'abattre un véritable déluge dans la pièce. Juste encore un peu pour que j'aie de quoi contempler ma douce.

Une fois que le sol fut recouvert d'une épaisse couche d'eau, je fis cesser la pluie et le vent. Je m'agenouillai et plongeai mes mains dedans. Il valait mieux être directement en contact avec la terre pour parvenir à percevoir une autre réalité. Je supposai que l'accumulation de deux pouvoirs aidait, mais j'étais déjà parvenu dans le passé à voir Izi dans une tasse d'eau alors pourquoi pas sur le parquet d'une bibliothèque.

Je fermai les yeux et me concentrai de toutes mes forces. J'essayai de la visualiser dans mon esprit. Ça, c'était facile. Une fois que ses traits étaient parfaitement dessinés dans ma tête, je diffusais ma magie à travers mes doigts. J'ouvris alors les yeux pour voir si j'avais réussi à connecter Izi à nous. Il n'en fut rien. Il n'y avait rien que l'eau dans laquelle mes chaussures trempaient ainsi que mon propre reflet.

- Réessaye, m'encouragea Misha.

Et je réessayai. Mais Izi resta parfaitement invisible et je n'avais aucune idée de l'endroit où elle pouvait être, ni comment j'allais faire pour la sauver.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top