Chapitre 31

Stan se baissa légèrement pour être à ma portée.

- À droite du trône, derrière la première colonnade, me murmura Stan. Tourne la torche vers la gauche.

L'ouverture du souterrain, pensai-je. Peu importait ce qu'il allait se passer ici, je devais partir, il me le rappelait.

- La voilà enfin ! s'écria Balthazar.

Au même moment, Misha et Luka firent leur apparition à l'arrière de Balthazar, sortant de la pièce réservée au Conseil.

- Mais c'est un vrai rassemblement de famille ! se réjouit étrangement Balthazar.

Misha n'attendit pas une seconde pour utiliser son don et se placer juste devant moi. Il m'offrait ainsi son corps comme rempart à nos ennemis. Notre ennemi. Balthazar. Je ne le connaissais pas, mais déjà je le haïssais.

À part Misha, aucun d'entre nous n'avait osé bouger. Je ne savais pas si je devais me précipiter vers l'endroit que m'avait indiqué Stan. La prudence m'imposait de ne rien tenter. Aussi, je restai là, immobile, telle une poupée de cire.

Luka quant à lui fit quelques pas pour se rapprocher de Balthazar. Il se positionna face à lui comme lorsqu'avaient lieu les doléances. Il prit alors la parole.

- Balthazar, mon frère, que nous vaut ta visite ?

- Mais je viens saluer la nouvelle reine, pardi ! Il est rare que l'une des nôtres s'octroie un tel statut. Les félicitations sont de rigueur, me semble-t-il.

- Était-il alors utile de paralyser ses gardes ? demanda Luka en désignant les hommes de glace qui était figée en train de remonter l'allée.

- Il ne voulait pas que je m'assoie sur le trône ! dit-il comme sil cela justifiait un tel acte.

- Il ne faisait que leur devoir. La reine est là maintenant, tu peux les libérer.

- À ta guise.

Il aspira l'air glacial qui me comprimait la poitrine et je vis le duvet hivernal fondre comme neige au soleil. Les hommes revinrent à eux peu à peu, bougeant légèrement, mais leur teint était encore complètement bleuâtre. S'ils n'étaient pas morts, allait-il simplement revenir à eux ou est-ce que les pouvoirs de Balthazar avaient les mêmes effets secondaires que ceux d'Éric ?

Je reconnus alors les gardes de la salle du trône. Il y avait également cinq autres soldats qui se situaient dans un des recoins de la pièce. Ils avaient dû entendre du bruit et voulu venir aider. Ils ne pouvaient malheureusement pas grand-chose contre les forces qui leur faisaient face.

J'étais un peu déboussolée par l'attitude de Balthazar et je notai que Stan n'avait toujours pas baissé sa garde. Misha continuait lui aussi de se tenir fermement devant moi. Je regardai à la droite du trône et repérai la torche que je devais activer pour ouvrir l'accès au souterrain. Je n'arrivais pas à voir où il était exactement et, au fond de moi, je priai pour que Yaël en sorte. La présence de Balthazar ne présageait rien de bon, même s'il avait consenti à libérer les soldats de son emprise.

Ces derniers reprirent vie peu à peu. Ils ne comprenaient évidemment rien à la situation. Ils étaient désorientés et avaient du mal à se tenir debout, leurs membres étant sous doute encore ankylosés. Au moins, ils étaient en vie.

- Je t'en remercie Balthazar, reprit Luka. J'ai l'honneur de te présenter Isabelle de Valdéria, reine régente du royaume de Hululy au nom du Prince Isaïah de la lignée des Weysar.

Je décidai de me prêter au jeu qu'avait initié Luka et Balthazar. Je passai devant Misha en prenant soin de ne pas le toucher. Ce n'était vraiment pas le moment d'avoir une vision qui me paralyserait ou qui, pire, me ferait perdre connaissance.

- Balthazar ! Je suis ravie de vous rencontrer, mentis-je sans vergogne. Pardonnez la manière dont on vous a reçu, j'ignorai votre venue, mais je dois dire que vous savez soigner vos entrées.

- Un art que je vous apprendrai peut-être !

- Que me vaut l'honneur de votre présence ? demandai-je à défaut de pouvoir dire « qu'est-ce qu'un ancien dieu vient faire ici alors qu'on vient de me dire que j'allais être attaquée et que mon fils a disparu ? »

Je devais choisir mes mots et me contenir devant lui alors qu'il était assis sur mon trône ! Je me sentais clairement en position d'infériorité. J'essayai toutefois de ne pas le lui montrer et adoptai un ton respectueux. C'était un dieu ancien et très puissant, la politesse s'imposait à mes yeux et je préférais garder une certaine distance entre lui et moi, plutôt que chercher à récupérer mon trône. Je n'aurais peut-être pas dû, ce que je lis dans le regard de mes soldats criait clairement « la reine vient d'être renversée »...

- Des amis à moi sont fâchés et m'ont demandé de venir vous parler, répondit cette fois-ci Balthazar avec sérieux.

- Fâché au point d'avoir enlevé mon fils ? lançai-je sans réfléchir.

Les soldats ignoraient ce détail. Il croyait le Prince en sécurité, car, sans lui, je n'étais rien pour eux.

- Quand les enfants font des bêtises, certains décident de leur enlever leur jouet. Ce n'est pas des méthodes que je cautionne, mais elles ont déjà prouvé leur efficacité.

- Où est mon fils ? me mis-je à crier sans le vouloir.

Balthazar sourit. Il aimait que je m'emporte et j'essayai aussitôt de me ressaisir.

- Je vais vous conduire à lui, m'assura Balthazar.

- Elle ne bouge pas d'ici, intervint Stan.

- Il va bien falloir pourtant si elle veut revoir son fils, renchérit Balthazar.

- Où est-il ? demanda à son tour Luka.

- Je l'ignore, mais je sais comment vous conduire auprès de Millie, expliqua Balthazar.

- Emmenez-moi ! décidai-je.

- Non ! intervint Misha.

Il arrêta le temps quelques secondes pour me faire face et me barrer le passage. Le sourire de Balthazar ne le quittait pas, il semblait s'amuser de la situation, de mon désespoir. C'est alors que j'entendis du bruit à ma gauche. Les soldats commençaient à s'agiter et j'espérais qu'ils ne tentent rien. Ils ne pouvaient rien faire pour nous aider. Et si Balthazar pouvait m'emmener auprès de mon fils, c'était l'essentiel. J'aviserai ensuite.

- Votre Altesse ! cria alors un de mes hommes.

Je me retournai instinctivement en direction de cette voix qui m'avait interpellée.

Je reconnus alors Gorkheim. Il tenait fermement une arbalète et de là où je me trouvais je pouvais clairement distinguer toute la haine qu'il me portait. Je ne perçus malheureusement que trop tard la flèche qui fonçait droit sur moi.

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