Chapitre 25

Théo ne se leva pas, bien que sa cellule soit à présente ouverte. Il resta assis sur la couchette sans me regarder.

- Va-t'en, lui ordonnai-je.

- Pour aller où ?

- Je ne sais pas, où tu veux ! Je n'ai jamais eu l'intention de faire de toi mon prisonnier. Je te l'ai dit, mon intention était de te sauver, pas de t'asservir.

Il attendit encore quelques secondes, puis se leva enfin et se dirigea vers la sortie. Il s'arrêta à mon niveau, puis me dit sur un ton de défi.

- Bien alors si tu n'y vois pas d'inconvénients, j'aimerais récupérer mes appartements !

- Quoi ? Au sein du Palais !? Tu veux rester ici ? m'exclamai-je pour le moins étonné.

- Je n'ai plus rien qui me retient à Azadjan, je te rappelle. Je ne peux pas m'occuper seul de la ferme et puis tu es ici. Ma place n'est-elle pas auprès de ma famille ?

- Parce que nous sommes de nouveau une famille !?

- Aussi magique sois-tu nous avons un ancêtre en commun, m'affirma-t-il sans rougir.

- Pourquoi est-ce que j'ai l'impression que dans ta bouche magique veut dire démoniaque ?

- Sans doute parce que tout ce que j'ai vu des astréiens semble s'en rapprocher.

Il m'énervait avec ses aprioris.

- Tu trouves Misha menaçant ? lui demandai-je alors en désignant ce dernier.

Il hésita, l'observa un instant puis répondit finalement qu'il était trop jeune pour sembler menaçant, comme si l'âge justifiait tout.

- En effet, il n'a que 15 ans et il est mon garde du corps, demande-toi pourquoi quand tu rejoindras tes appartements et n'oublies pas qu'ici, il y a désormais de nombreux astréiens. Je te déconseille de faire des allusions blessantes, pour ta sécurité. Ils ne sont pas mauvais comme tu le crois, ils sont juste particulièrement susceptibles.

Misha ne put s'empêcher de rire.

- Je peux rester donc ? demanda Théo un peu surpris.

- Si tu y tiens, concédai-je tout aussi surprise de ma réponse que lui.

Ce n'était pas une bonne idée après tout ce qui s'était passé entre nous. Mais... il était mon cousin. Plus encore, j'avais grandi à ses côtés comme s'il était mon frère.

- Je pense que je vais alors pouvoir me faire ma propre opinion sur les astréiens, finit-il par dire avec un léger sourire.

Il avança pour sortir, mais avant qu'il ne quitte la pièce je le prévins une dernière fois.

- Théo ! Je suis ta seule alliée ici, tâche de ne pas me trahir à nouveau.

- Ma reine, conclut-il en faisant une pitoyable révérence.

Misha n'attendit pas longtemps avant de me réprimander.

- Tu ne devrais pas le laisser se balader tranquillement dans l'enceinte du Palais. Cela va envoyer un mauvais message. Tu aurais dû l'exiler.

- À quoi bon être reine si c'est pour ne pas faire ce dont j'ai envie !

- Tu prends des risques.

- Je les assumerai Misha ! m'énervai-je. Si tu es si inquiet... eh bien, tu n'as qu'à le surveiller !

Je ne lui laissai pas le temps de répondre quoique ce soit et changeai de sujet.

- N'a-t-on aucune nouvelle de la Grand'Astrée ? Aucun message de Yaël ? m'enquis-je.

Il fit non de la tête.

- Comment se fait-il qu'on n'arrive à avoir aucune piste pour retrouver Isaïah ? m'agaçai-je. Ne peut-on pas paralyser le pouvoir de Millie pour les empêcher de se déplacer ? N'y a-t-il personne capable de la localiser ?

- Seul Geoffrey le peut.

- Alors il faut réussir à les séparer.

- Yaël y travaille, il te ramènera votre enfant. Laisse-lui du temps, me répondit-il d'une voix calme.

- Je veux rentrer à la Grand'Astrée, je ne peux pas rester là à jouer à la reine alors que mon fils est en danger. Yaël avait raison, je n'ai pas ma place ici.

- Tu t'en sors très bien, me certifia Misha. Et toi aussi tu joues ton rôle. Tu assures l'avenir de ton fils, laisses Yaël s'occuper de son présent.

Je soupirai. Si Yaël m'avait demandé de venir ici, ce n'était sans doute pas sans raison. Je ne pouvais pas rester inactive. Misha avait raison, je devais faire en sorte que lorsqu'Isaïah nous revienne, il soit accueilli en toute sécurité. Il fallait que je rencontre les hommes de la garde royale. Il fallait que je sonde les âmes des habitants de ce Palais. Il fallait que je prépare la venue de mon fils.

Forte de cette conviction, je sortis des geôles sans plus attendre. Je ne connaissais pas encore assez bien les lieux et j'hésitai sur la direction à prendre. J'allais instinctivement vers la salle du trône. Mes pas résonnaient au gré de ma détermination sur les pierres blanches du château.

Lorsque j'entrai dans la pièce, je la croyais vide au départ, mais j'y aperçus ensuite Luka en train d'admirer le siège princier qui dominait sur son estrade.

- Luka, l'interpellai-je, tu sais où se trouve le Grand pontife ?

- Non, pourquoi ?

- Il faut organiser des entretiens avec tous les membres du Palais. Je veux rencontrer chaque personne qui travaille ici et m'assurer de sa loyauté.

- Tu ne peux pas utiliser tes pouvoirs. Tu dois conserver la pierre sur toi, me réprimanda-t-il en comprenant ce que j'avais en tête.

- Luka a raison, renchérit Misha. Tu as totalement perdu le contrôle la dernière fois.

- Je vais bien, tout se passera bien. La dernière fois, j'ai utilisé mon pouvoir sur des astréiens ce qui explique que cela est puisé toute mon énergie. Ici, il ne s'agit que de Hululiens, je l'ai déjà fait à maintes reprises. Je maîtrise cet aspect de mon pouvoir. Je peux le faire, insistai-je.

- Tu as promis à Yaël de garder cette pierre sur toi jusqu'à son retour, me rappela Misha, non sans cacher son irritation.

- Je sais, mais vous êtes là, avec moi. Que voulez-vous qu'il m'arrive ? essayai-je de les attendrir.

- Isabelle, la Grand'Astrée est en guerre, les dangers sont nombreux, si Yaël t'a demandé de garder cette pierre sur toi, ce n'est pas sans raison. Nous sommes plus en sécurité avec le pouvoir de Kamilla, me certifia Luka.

Son ton était sévère et sans appel.

- Que se passe-t-il ? demanda soudain Sarah.

Je ne l'avais pas entendu entrer. Même sans son pouvoir, Sarah était particulièrement discrète.

- Rien, trancha Luka. N'est-ce pas ? me demanda-t-il avec un regard insistant.

- Rien, en effet, capitulai-je. Une idée en l'air qui m'était venue, ajoutai-je tout en scrutant Luka avec défi.

Ce dernier me salua rapidement et sortit de la pièce, suivie de près par Misha. C'était bien la première fois qu'il se permettait de s'éloigner de moi. Il devait vouloir discuter avec Luka. Je me retrouvais ainsi seule avec Sarah qui ne devait pas tout comprendre à la situation.

- Ne lui en veux pas, il est grincheux parfois, me dit-elle gentiment.

- Il arrive toujours à me mettre mal à l'aise, avouai-je.

Cela était sorti de ma bouche sans que j'aie eu le temps d'y réfléchir. C'était vrai, chacun de mes échanges avec Luka me laissait une sensation étrange. Je n'arrivais pas à l'expliquer, à y mettre de mots.

Elle sourit à ma remarque.

- Il joue sans doute son rôle de conseiller, dédramatisai-je.

- Il a toujours aimé tenir ce rôle.

- Comment ça ?

- Ce n'est pas la première fois qu'il occupe ce siège. Dans une autre vie, il était déjà conseiller au sein de ce Palais lorsque régnait ton arrière-grand-père. Il aurait beaucoup aimé être celui d'Ollard. Tu sais, il l'a vu grandir, il a été son précepteur. Il a en quelque sorte participé à ses victoires futures. Mais il ne pouvait rester plusieurs vies.

- Je l'ignorai.

- Je sais. Je lui ai dit de t'en parler, mais...

- Il ne m'apprécie pas vraiment, finis-je pour elle.

- Non, bien sûr que non ! Bien au contraire. Il ne sait juste pas s'y prendre avec toi. Tu as tout le temps d'apprendre à le connaître.

- Merci, lui dis-je simplement.

Elle me sourit et fit une légère révérence, comme elle le faisait depuis le premier jour où je l'avais rencontrée, puis elle s'en alla à son tour.

Je levai les yeux en direction du trône. Il était de la même pierre qui ornait le sol, mais il avait été entièrement taillé dans la masse, laissant apparaître d'immenses griffes sur ce qui servait d'accoudoir à l'effigie de l'aigle, emblème des Weysar. Le dossier laissait quant à lui apparaître de grandes écailles et j'étais encore partagé à savoir si cela devait faire penser à un animal ou à un bouclier. Quelques touches, plus fines et délicates, avaient étaient placées au sommet de l'arcade. Des traits d'or s'y entremêlaient et continuaient leur course jusqu'au sol. C'était un étrange mariage entre la rudesse et la finesse, mais l'ensemble en imposait et on ne pouvait nier que ce trône avait fière allure.

Je revis Théo s'y asseoir, mais je chassai rapidement cette image et imaginai plutôt mon fils, plus âgé, régner sur le royaume. Cette création de mon esprit me fit du bien. Je savais ce que j'avais à faire. Je regardai vers l'entrée et constatai que j'étais toujours seule. Je ne doutais pas que Misha devait être juste devant la porte à s'entretenir avec Luka.

Je réfléchis un bref instant et saisis l'occasion qui se présentait à moi. Je pris la direction inverse des garçons et rejoignis la petite pièce attenante qui permettait de rejoindre une autre aile du Palais en toute discrétion.

Je passai par les cuisines, pris une gourde et remontai en direction des remparts. Juste avant d'arriver à la tour de guet, j'ôtai le collier sur lequel se trouvait la pierre de Kamilla. Décidée, je la plongeai dans l'eau. J'avais besoin de mon pouvoir. Au moins une petite heure. Les garçons se tracassaient pour rien. Tout irait bien.

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