Chapitre 17

Lorsque je franchis les portes du Mont d'Or, cela ne ressemblait en rien à la première fois où j'y étais venue. Rien du tout. Cette fois, je chevauchais dignement Elya, la tête haute, n'essayant pas de me dissimuler aux yeux de la population. À ma droite se tenait Misha. Il avait tenu à rester à mes côtés. Il n'avait pas cessé de dire qu'il était mon grade du corps et que sa place était là où je décidais d'aller. Mais il n'était pas le seul à avoir fait ce choix et j'étais même fièrement accompagnée. Plus d'une vingtaine d'astréiens avaient fait le choix de me suivre, si Enéa était restée avec Éric, j'étais heureuse de la présence de Cassandre, Mia et Grégoire, de même que de Sarah et Luka.

Je n'avais pas vraiment échangé avec ce dernier, mais après tous les évènements qui s'étaient passés, ma rancune à son égard s'était totalement évaporée. Il faut dire que son stratagème avait fonctionné et bien que sa méthode fût agressive, elle n'avait pas été aussi violente que celle qu'avait suggérée Yaël pour que j'atteigne les souvenirs de Kallie et, pourtant, je l'avais accepté.

Lorsque les grandes portes du Mont d'Or s'étaient ouvertes, c'est avec stupéfaction et joie que j'avais découvert que tous les habitants de la cité s'étaient rassemblés pour m'accueillir. Ils m'attendaient, moi, leur souveraine. Ils m'acclamaient sans même me connaître et j'en entendis plusieurs me remercier de les avoir libérés de l'emprise de l'Infâme.

Je leur souris, ôtai le masque que Yaël m'avait appris à porter face à des gens qui m'étaient pourtant étrangers et fis le choix de rester moi-même. Ils ne me connaissaient pas et j'ignorai tout de leur vie, mais ils étaient mon peuple et je voulais qu'ils sachent que je partageais leur allégresse. Les ruelles étaient pleines jusqu'à l'entrée du Palais, au point qu'il était difficile de se frayer un chemin, pourtant j'appréciai chaque enjambée.

Une fois dans l'intimité du Palais, ce fut le Grand pontife qui m'accueillit.

- Votre majesté, je suis heureux de votre arrivée.

- Harold, je suis ravie de vous retrouver sous des auspices qui nous sont favorables.

- Je dois vous avouer que j'ai encore quelques inquiétudes sur le dénouement de tout ceci, mais votre présence me réconforte. Je n'avais aucune nouvelle, me réprimanda-t-il.

- Je savais que je pouvais compter sur vous et je ne crois pas avoir besoin de me justifier auprès de quiconque.

J'avais apprécié son soutien, mais nous n'étions pas proches, il n'avait pas à me parler ainsi.

- Je suppose que ma reine souhaiterait être accompagnée à ses appartements et se reposer après son voyage, s'enquit-il alors.

- Bien volontiers, mais d'abord, je veux voir Théo.

Je voyais bien qu'il avait envie de riposter quelque chose, mais il se retint.

- Très bien, ma reine. Messieurs, accompagnez notre souveraine au cachot.

- Au cachot ? m'écriai-je.

- C'est là où votre mari a demandé à ce qu'il soit placé.

Yaël ! Je n'en revenais pas ! Combien de temps l'aurait-il laissé croupir dans sa cellule ?

- Conduisez-moi, ordonnai je mécontente.

Je me dirigeai vers une aile du Palais que je ne connaissais pas. Il faut dire que je n'avais pas vraiment visité les lieux la première fois. L'endroit me sembla moins maussade que celui où j'avais été enfermée. J'avais été complètement isolée de tous, là au moins, chacun était dans une cellule ouverte sur les autres, pas de murs, pas de privation de lumière. Ma rancœur envers Yaël diminua un peu. Après tout, pouvait-il vraiment le laisser en liberté ?

- Ouvrez la grille, ordonnai-je.

Les gardes s'exécutèrent. Théo se retourna au son de ma voix et je constatai avec soulagement qu'effectivement, il allait bien.

- Ma chère cousine, je ne t'attendais plus.

- Viens, nos nouveaux appartements nous attendent.

- J'ai déjà le mien, se permit-il de me rappeler.

- Tu préfères rester ici ? lui demandai-je agacée.

Il franchit la grille avant que je ne change d'avis et me suivit.

- Est-ce que j'ai encore le droit de t'appeler cousine ou je dois t'appeler ma reine ? chuchota-t-il quand il fit à ma hauteur.

- Izi se sera très bien, pourquoi changer ? ripostai-je.

- Parce que j'ai l'impression de ne plus te connaître.

- Je pourrais te dire la même chose, m'offusquai-je. Tu m'as trahi. Nous parlerons de tout ça quand nous serons seuls, conclus-je.

Deux gardes nous accompagnaient, sans compter Misha qui ne me lâchait pas d'une semelle, jusqu'à mes appartements. Notre marche au sein du Palais fut silencieuse et j'appréciais secrètement sa beauté. Misha du en faire de même au regard de sa première réflexion lorsque nous fîmes enfin seuls.

- C'est cossu ici, j'avais jamais vu ça ! C'est ça que vous appelez un château ?

- Oui, souris-je, mais celui-ci vaut le détour, je te l'accorde.

- Est-ce que tu as retrouvé ton fils ? demanda soudain Théo.

Je ne répondis pas, ce n'était pas à lui de me questionner.

- Je vais prononcer la condamnation de Storm. Ce royaume est mien désormais. Mon fils régnera dès qu'il sera en âge. La question que tu devrais te poser est qu'est-ce que je vais faire de toi ?

- Ce n'est pas moi qui lis dans les esprits, me répondit-il sans ciller.

Il avait raison et moi je l'avais vu sur le trône, je n'expliquais toujours pas cette prémonition.

- Tu m'as trahi, m'emportai-je. Je venais te chercher, te libérer et toi tu complotais contre moi !

Il garda le silence. J'aurais tant aimé qu'il ait des explications à me donner, une cause qui donne un sens à ses actes, mais il ne dit rien, le regard fuyant.

- J'aurais donné ma vie pour toi, ajoutai-je démunie, mais complètement sincère.

Je savais que mes propres actes pouvaient faire croire à un abandon, or il n'en avait jamais été question.

- Tu n'as donc rien à dire ? m'énervai-je.

Mes sentiments à l'égard de mon cousin étaient confus. Je ne savais plus sur quel pied danser. Je l'aimais, mais... il m'agaçait tellement !

- Qu'as-tu décidé pour Storm ? demanda-t-il alors avec intérêt.

Je n'en revenais pas, il osait s'inquiéter pour lui et me demander ce qu'il allait lui arriver. C'en était trop ! Je n'arrivais plus à réprimer ma colère et sans doute ma peine également.

- Il sera exécuté, l'informai-je froidement.

- Sans procès ?

- Il n'en a pas besoin.

- Tout homme y a le droit.

- Il ne l'a pas accordé à tes parents, lui rappelai-je acide.

- Tu n'as pas le droit de déroger à nos règles ancestrales. C'est ton oncle, tu lui dois un procès.

- Je ne lui dois absolument rien. La loi, c'est moi. Demain, il sera mort. Il ne tient qu'à toi de faire en sorte que tu ne subisses pas le même sort, le menaçai-je.

Je m'écartai de lui et m'approchai de la table où avaient été déposés un pichet d'eau et quelques verres sur un plateau d'argent. Je me servis de quoi me rafraîchir en essayant de mettre de l'ordre à mes pensées. Je pris le temps de poser le cristal sur mes lèvres pour ne finalement boire qu'une ridicule gorgée. Je reposai avec soin le verre et fixai Théo avec détermination.

- Est-ce que tu as quelque chose à me dire sur l'enlèvement de mon fils, Théo ?

Il choisit de conserver le silence. Il n'aurait pas dû. Il aurait dû s'excuser, me donner les réponses aux milles questions qui se bousculaient dans ma tête. Face à son mutisme, ma décision était prise.

- Misha ramène mon cousin dans sa cellule, il semble que ce soit sa place.

- Avec plaisir, me répondit Misha sans sourciller.

Il se saisit sans plus attendre de Théo qui n'opposa aucune résistance, pas même une contestation, à croire qu'il n'avait plus aucune envie d'être à mes côtés, à croire qu'il avait oublié tous nos moments passés, à croire que je n'avais pas été aussi importante que lui l'avait été pour moi. Et face à ces constations mon cœur se serra. Pourquoi est-ce que rien ne se passait jamais comme je l'espérais ?

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