Chapitre 16
Yaël s'agita, l'idée d'impliquer Némésis ne lui plaisait toujours pas.
- Ça ne marchera pas, trancha-t-il. Je la connais. Qui sont les autres astréiens infiltrés à la Grand'Astrée ?
Il ne voulait apparemment pas se résoudre à cette idée. Mais en avions-nous une autre ?
- Aucun proche de nous ou du moins que je ne connaisse, répondis-je. Je peux reconnaître de façon formelle sept d'entre eux, mais je crains qu'ils soient plus nombreux. Je peux te les montrer, mais...
Je m'arrêtai, je ne savais pas bien quoi dire. Que j'avais peur de mon pouvoir ? Que j'étais un peu détraquée ? Que j'allais devenir folle ? Que Kamilla m'avait bien mis en garde des dangers d'un tel don, mais que je ne lui avais rien dit ?
- Tu as leurs noms ? me questionna Yaël avec douceur, comprenant partiellement le cheminement de mes pensées.
- Il ne m'en manque qu'un, je ne sais pas pourquoi, les souvenirs de Kallie sont confus sur cette personne. Je ne l'explique pas.
- Qui Izi ? s'écria Misha. Tu vas arrêter ce suspens intenable !
- Pardon ! Il s'agit de Marge, Thomas, Émilie, Alex, Océane, Joachim et de... celui dont je ne sais pas le nom ! listai-je précipitamment.
- Grégory, grogna Yaël. Il embrouille les esprits et fait disparaître des souvenirs.
Ce qui expliquait les souvenirs confus de Kallie.
- Cela signifie que sa femme est également dans le coup, ajouta Stan.
- Il va falloir faire revenir Kamilla, annonça Yaël. Misha tu penses être assez rapide ?
- C'est ironique j'espère, riposta ce dernier en bombant le torse. Je vais la prévenir. Je connais le chemin, ajouta-t-il à mon attention avec un clin d'œil.
Il quitta aussitôt la pièce dans le but de réaliser sa nouvelle mission. Yaël n'y prêta guère attention, absorbé par ses pensées, et reprit.
- Je ne veux plus qu'un seul astréien ait de pouvoir tant qu'ils ne sont pas tous maîtrisés, d'autant si on compte les utiliser et leur laisser leur liberté. Océane n'est pas un problème, elle se transforme en sirène au contact de l'eau, ricana-t-il. Joachim, Marge et Alex ne sont pas non plus une menace. Mais Thomas, Emilie et Gregory... c'est une autre histoire.
- Quels sont les pouvoirs de Thomas et Emilie ?
- Emilie a un pouvoir de persuasion redoutable et Thomas peut faire sortir des lianes de la paume de ses mains, expliqua Stan. Il peut s'en servir comme arme, mais ça lui permet aussi de s'échapper très facilement d'une situation délicate.
- Il aurait pu se défaire de la cage de flammes que j'avais créée, abonda Yaël.
- Est-ce que tu penses que l'un d'entre eux nous aidera ? le questionnai-je.
- Non, trancha Stan avant que Yaël ne se prononce.
- Il y a peu de chance en effet, consentit Yaël.
- Alors il faut que tu tentes ta chance avec Némésis ! insistai-je.
Il ne répondit pas.
- Ça ne m'enchante pas plus que toi, me sentis-je obligée de préciser. Je n'ai aucune envie de te savoir auprès d'elle, mais réfléchis, personne ne nous a vus ensemble depuis qu'on a appris la disparition d'Isaïah, si ce n'est à l'instant. Je ne doute pas qu'elle soit au courant de mon séjour à l'infirmerie et il y a bien quelqu'un qui a dû lui rapporter que...
Je ne savais pas quel mot utiliser. Après tout, il m'avait blessée !
- Enfin tu vois, tranchai-je. Elle n'a encore eu aucune occasion de t'approcher. Tu étais toujours indisponible. Si tu lui en laisses l'opportunité, c'est elle qui viendra à toi, j'en suis certaine ! Tu n'auras qu'à lui dire que je me suis interposée entre toi et Théo, que j'ai choisi les Hululiens plutôt que toi, que ce mariage n'est pas celui que tu espérais. Dis-lui ce que tu veux, cela m'est égal ! Je veux juste qu'elle t'aide à retrouver notre fils parce que peut-être que si elle a la conviction que tu resteras avec elle et que tu me laisseras retourner vivre parmi les miens, elle le fera.
Le silence fut ma seule réponse. Je ne savais pas quoi ajouter d'autre pour le convaincre. Finalement, il interrogea Stan.
- Stan, tu la connais. Qu'en penses-tu ?
- Ça peut marcher, mais ça risque de prendre du temps. Elle voudra être sûre de tes sentiments. Je ne suis pas sûr que tu saisisses bien tout ce que cela implique, Izi ?
À mon tour, je ne répondis pas. J'avais bien une idée, mais je ne voulais pas y penser. Je le regretterai sans doute, mais j'étais certaine qu'elle était un moyen de parvenir à nos fins.
- La question ne se pose pas, s'agaça Yaël. Nous avons d'autres opportunités. Il faut interroger nos nouveaux prisonniers, préparer nos forces. Cette guerre ne concerne pas que nous. C'est celle de tous les astréiens. Ce qui s'est passé ce soir... Misha a raison, cela n'était jamais arrivé. Le Conseil doit déjà être en train de se réunir.
J'allais protester, mais Yaël me prit de court.
- Je me rapprocherai de Némésis si tu y tiens tant, mais à ma façon.
Je baissai les yeux. Je n'y tenais pas tant que ça, mais je n'avais aucune autre solution en tête. Les prisonniers ne diraient rien, s'ils savaient seulement quelque chose.
- Izi, regarde-moi, m'intima Yaël. Je te ramènerai notre enfant, je te le promets, m'assura-t-il en ancrant son regard bleu marine dans le mien.
- Je sais, Yaël. Et de ce que j'ai vu, je ne crois pas que Millie ou Geoffrey lui fassent du mal. Mélinda veillera sur lui. Tout ira bien.
J'avais besoin d'y croire, de m'en convaincre.
- Je viens avec toi interroger les prisonniers, m'empressai-je d'ajouter. On gagnera du temps, je pourrais lire leurs pensées.
- Izi, regarde-toi, me dit Yaël, tu tiens à peine debout. Tu es livide. Réutiliser ton pouvoir est une très mauvaise idée.
- Comment est-ce que je peux aider alors ?
- Peut-être est-ce que tu devrais retourner au Mont d'Or, suggéra Stan.
Je ne m'attendais pas à cette proposition. Je le regardai avec de grands yeux ronds, sans vraiment comprendre où il voulait en venir.
- Ben quoi tu es leur reine. Il ne faut pas vous montrer ou faire des trucs quand on a ce statut dans votre monde ?
- Si... mais... balbutiai-je.
Je n'avais aucune envie de partir. Je savais que j'avais été la première à vouloir quitter les lieux, mais la situation avait bien changé à présent et ma place était ici, aux côtés de Yaël.
- Il n'a pas tort, renchérit pourtant Yaël. Si tu veux asseoir ta position, il faut le faire maintenant. Les opportunistes sont nombreux lors d'un coup d'État. Et je t'ai laissé le soin de prononcer la sentence que tu désires pour Storm. Il ne peut pas rester indéfiniment au cachot.
- En plus, si tu n'es pas à la Grand'Astrée, Némésis croira plus facilement qu'un rapprochement avec Yaël est possible, argumenta Stan.
- Mais j'ai besoin d'être ici à vous aider, ripostai-je.
- Tu ne nous aideras pas, dit Stan d'un ton froid, pour ne pas dire glacial.
Je ne comprenais pas très bien son attitude à mon égard, mais vu les circonstances je lui excusais tout.
- Nous allons parler de stratégies militaires avec des gens que tu ne connais même pas. Tu vas t'ennuyer, être écartée et amenée à effectuer des tâches secondaires qui ne t'occuperont absolument pas l'esprit. Tu as une mission à finir. Tu dois faire en sorte que tout cela n'a pas servi à rien.
Ses mots s'enfoncèrent comme une lame dans ma poitrine. Stan me demandait de faire en sorte qu'Anya ne soit pas morte pour rien. Si c'était elle qui s'occupait d'Isaïah, c'était parce que j'avais décidé de partir guerroyer. Elle était morte par ma faute. J'avais envie de lui demander pardon, mais aucun mot ne parvint à franchir mes lèvres. La boule au ventre, j'acceptai finalement sa proposition d'un simple hochement de tête, sans protester.
- Je vous laisse un instant, finit par dire Stan avant de s'éclipser de chez nous.
Yaël était ennuyé, je le voyais, mais il ne s'était pas opposé à mon départ, je supposai donc qu'il n'avait pas spécialement envie que je reste auprès de lui.
- Tu n'es pas obligée d'y aller si tu n'en as pas envie, tu sais, me dit-il pourtant.
- Je sais, mais tu as l'air de croire que c'est une bonne idée alors... je vous fais confiance.
- Disons qu'à défaut de pouvoir serrer Isaïah dans tes bras ce soir, tu pourrais être dans celle de Théo.
Je fus surprise qu'il aborde de lui-même le sujet. Je n'avais osé évoquer la question, connaissant parfaitement sa position. À part savoir qu'il allait bien, je n'avais eu aucune autre information sur mon cousin.
- Il est également retenu au Palais, précisa Yaël. Tu décideras ce que tu as envie à son sujet.
- Merci, dis-je bêtement, ne sachant pas vraiment quoi répondre, tant j'avais peur de marcher sur des œufs. Tu vas me manquer, ajoutai-je.
Son sourire fut ma récompense. Je ne supportai plus ce visage impassible qu'il se forçait à afficher auprès des autres astréiens.
- Tu reviens quand tu veux, me rassura-t-il. C'est ici chez toi, avec moi.
- Et je compte bien revenir vite, lui dis-je en lui rendant son sourire. Cela fait longtemps que je n'ai pas dormi seule, je ne sais pas si j'y arriverai de nouveau, plaisantai-je pour détendre l'atmosphère pesante qui nous poursuivait depuis des heures.
- C'est peut-être moi qui vais devoir te rejoindre pour profiter de quelques heures de sommeil.
Il posa la paume de ses mains sur les miennes, comme pour nous connecter. Ma main semblait minuscule à côté de ses longs doigts et cela le fit sourire. Je profitai de ce bref instant. Yaël et moi avions toujours réussi à nous créer des bulles éphémères où rien ne pouvait nous atteindre.
Nous décidâmes d'un commun accord de nous octroyer quelques minutes qui n'appartiendraient qu'à nous avant de nous dire au revoir et de partir tous deux sur des routes différentes pour remplir les fonctions qu'on attendait de nous.
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