Chapitre 11

De retour à la Grand'Astrée, j'hésitai sur ce que je devais faire. J'avais envie de rejoindre Yaël, mais j'avais bien compris que ma place n'était pas à la Grande Tour. Je précisai donc à mes camarades que je me rendais chez moi, j'avais besoin de me reposer un peu. Si je savais déjà que je ne trouverais pas le sommeil, me débarbouiller ne me ferait pas de mal. Mia partit de son côté, Misha hésita, mais j'insistai pour être seule.

Une fois que je franchis la grande baie vitrée qui servait de façade à notre maison, je me sentis chez moi et je constatai que cet endroit m'avait manqué ; je ne pensais pourtant pas le revoir d'aussi tôt. Je me dirigeai vers la pièce d'eau, située à côté du tronc du séquoia à feuilles d'if. L'eau projetée sur mon visage me fit un bien fou et je me mis à nettoyer le reste de mon corps. Je plaçai le broc à côté de moi et m'offris quelques minutes de répit en me concentrant sur cette simple tâche.

Lorsque je m'apprêtais à sortir, j'entendis la porte d'entrée s'ouvrir. Je passai rapidement ma tête à travers l'interstice. C'était Yaël. Il avait le visage tiré, nul doute que la journée avait été difficile pour lui. Je ne savais même pas la dernière fois qu'il avait pu dormir. Cela faisait environ 30 heures que nous avions appris la disparition d'Isaïah. Faire le calcul me rappelait à quel point il s'éloignait de nous.

- Est-ce qu'elle a parlé ? demandai-je aussitôt.

Yaël me fit non de la tête. Dire qu'il était contrarié serait un euphémisme, la situation nous échappait, il devait le sentir lui aussi.

- Si elle ne cède pas cette nuit, tu devras intervenir, précisa-t-il.

Cette idée ne le réjouissait pas, mais elle me semblait la seule qui nous restait.

- Pourquoi attendre ? suggérai-je.

- Ils ne lui feront rien pour l'instant. J'ai laissé 48 heures à Indra, cela fait seulement huit. Ils réfléchissent. Ils se font discrets. Nous devons profiter de ce moment pour reprendre des forces. Les prochains jours seront éprouvants. Il y a des centaines d'astréiens qui recherchent notre enfant, s'ils ont ne serait-ce qu'un début de piste, nous serons immédiatement informés.

- Qui est avec Kallie ?

- Éric l'interroge.

- Et Stan ?

- Il est rentré chez lui. Il avait besoin d'être seul.

- Je comprends. Je... je ne lui ai pas parlé depuis...

- Ne t'inquiète pas pour ça, me rassura Yaël. Personne n'a pu lui parler depuis.

- Pas même toi ?

Ses prunelles se troublèrent.

- Il y a des situations dans lesquelles il est inutile de parler, me répondit-il. Les mots sont trop futiles, ils manquent de sens, de substance, ils sont vides et ricochent sur les gens sans les atteindre. Stan n'a pas besoin de mots, il a besoin d'actes.

- Je crois que moi aussi, avouai-je à demi-mot.

J'avais besoin d'être au cœur de l'action, rester inactive nourrissait mon esprit, me poussait à réfléchir et mes pensées m'entrainaient inlassablement vers Isaïah.

- Viens là, me dit Yaël.

Il écarta ses bras pour me faire une place contre son corps. Je m'y faufilai sans hésitation et appuyai tout le poids de ma tristesse sur son torse. Bien sûr, il ne dit rien, il n'y avait pas de mots justes pour décrire ce que nous ressentions.

- Il faut que je dorme quelques heures, me confia-t-il. Tu m'accompagnes ?

J'eus du mal à me détacher de lui, il faut dire que ses bras m'apportaient tout le réconfort dont j'avais besoin en ce moment.

- Oui, il faut juste que je te dise...

- Misha m'a tout raconté, me coupa-t-il.

- Oh...

- Il est venu me dire que vous étiez rentrés. Et que tu étais seule.

- Cela ne m'étonne même pas ! Est-ce que tu veux que je te montre mes visions ?

- Pas ce soir.

Je n'insistai pas, je voyais bien qu'il était épuisé. Je lui saisis la main tout en l'attirant vers la liane qui nous hisserait au sommet de l'arbre. Une fois en haut, il s'effondra sur notre matelas sans demander son reste. Le sommeil le happa rapidement, les traits de son visage se détendirent légèrement, mais même dans le sommeil son inquiétude et sa colère étaient lisibles.

Je restai un moment à côté de lui à le regarder. Je caressai ses cheveux aux reflets d'or et j'eus peur un instant de l'avoir réveillé quand je vis un sourire esquisser ses lèvres, mais il dormait à poings fermés et j'étais heureuse qu'il parvienne finalement à trouver dans ses songes quelques instants heureux. Je continuai à glisser mes doigts le long de ses mèches, espérant participer d'une quelconque façon à son réconfort.

Je ne sais pas combien de temps dura cet instant. Je finis par m'endormir dans cette position, la fatigue s'imposant à moi. Mon sommeil resta pourtant léger. Au fond de moi, je ne faisais qu'attendre, j'espérais qu'on viendrait nous annoncer qu'on avait retrouvé Isaïah. J'ignore toujours quel son m'a tiré de mon sommeil, peut-être était-ce simplement mon instinct ? Mais bien que le soleil ne fût pas encore levé, je me réveillai en alerte.

Notre chambre dominait tout le bois millénaire et nous offrait un panorama incroyable. Aussi, malgré l'obscurité, je compris rapidement qu'il y avait un problème du côté du Lac-miroir. Il y avait bien trop de torches allumées, ce n'était pas normal. Quelque chose se tramait.

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