Chapitre 6

Je passai étonnamment une excellente soirée. Yaël avait placé à ma gauche Sylvia, la déesse des forêts et de la chasse. Il savait pertinemment que je serai impressionnée, c'était la déesse que j'avais le plus priée. J'étais heureuse de savoir que finalement aucun des dieux n'avait vraiment écouté mes prières. Je ne savais pas si j'aurais un jour pu leur parler naturellement, sachant le contraire.

Heureusement, il était facile de parler à Sylvia. Elle était tout à fait passionnante. Elle n'avait pas pris le soin de mettre une robe contrairement aux autres femmes. Elle revêtait fièrement un pantalon avec des bottes enfilées par-dessus, un haut sans manche et surtout, elle arborait son arc, réputé dans toutes nos légendes. Chaque effigie à son image la représentait avec. Ses cheveux étaient tressés sur le côté et entremêlés de lanières de cuir. Elle était incroyablement féminine tout en étant masculine ! Je fus immédiatement séduite.

Je m'étais imaginé que son pouvoir avait un lien direct avec son arc, mais il n'en était absolument rien et sa magie était plus belle encore. Elle m'expliqua que sans que l'on s'en aperçoive, sous terre, les arbres étaient tous reliés entre eux. Leurs racines créaient un véritable réseau souterrain et les arbres avaient ainsi la possibilité d'émettre un signal pour communiquer. Où qu'elle soit, Sylvia avait la possibilité de rejoindre ce réseau, elle communiait avec la forêt.

- Les arbres voient tout, entendent tout, m'avait-elle confié avec un sourire.

J'avais été rassuré quand elle m'avait expliqué qu'elle devait chercher une information spécifique ; elle n'avait heureusement pas un rapport détaillé sur tout ce que les arbres voyaient et entendaient ! Les pouvoirs des astréiens n'en étaient pas moins redoutables, pensai-je.

Sylvia était très bavarde et cela m'arrangeait, car elle dissimulait parfaitement mon manque de conversation. Elle me raconta comment elle était devenue déesse de la chasse. C'était finalement assez étonnant puisque les animaux de la Grand'Astrée n'étaient pas chassés. Ils étaient précieux, éternels, mais pas immortels, et surtout, ils ne se reproduisaient pas ici. Chaque animal était unique et respecté à la Grand'Astrée.

Les astréiens se nourrissaient essentiellement de leur récolte, mais ils avaient inévitablement goûté à la viande de l'autre côté du portail. Sylvia avait adoré le goût prononcé du gibier et s'était mise à pratiquer la chasse dans nos forêts. Facile quand on sait où se trouvent tous les animaux de la forêt ! Elle ne pouvait être qu'une excellente chasseresse. Ses séjours prolongés dans l'Autre monde avaient eu raison de sa réputation, qui avait sans doute été encouragée par le fait qu'elle ne meurt pas et continue inlassablement de chasser dans ces forêts...

J'avais en revanche été étonnée d'apprendre qui était son âme sœur... Yärl le Grand était à notre table et se tenait à la gauche de Sylvia. On ne pouvait nier qu'il était le dieu de la guerre. Je n'avais jamais vu une musculature aussi impressionnante. C'était en plus l'homme le plus grand que j'avais rencontré, il faisait aisément plus de deux mètres. Une vraie montagne.

Il ne me parla pas et cela m'arrangeait. Je me souvenais des confidences de Stan et j'avais entendu dire qu'il avait des maîtresses un peu dans toutes les villes, j'en éprouvais de la rancœur en pensant à Sylvia. Le savait-elle ? Yärl discuta essentiellement stratégie avec Stan et Yaël, à croire que c'était pour lui une véritable passion !

Stan était quant à lui à la droite de Yaël avec Anya. Il y avait également un dernier couple composé d'Eléanore et de Bastien. Eléanore commençait à être connue sous le nom de déesse de la médecine, mais je la connaissais mieux sous le titre de nymphe des plantes et protectrice de la santé. Les sciences médicales se développaient de plus en plus sous son influence. Bastien quant à lui n'était allé qu'une ou deux fois de l'autre côté du miroir. Il ne s'y sentait pas à sa place et préférait rester à la Grand'Astrée. Il avait la possibilité de voler. Non pas comme Yaël et moi l'avions fait à la force du vent, non, lui pouvait transpercer l'air comme bon lui semblait. Il était un oiseau sans ailes.

Yaël semblait lui aussi de bonne humeur. Son sourire ne l'avait pas quitté de la soirée et je l'avais rarement entendu autant rire. Je me demandai si c'était un masque qu'il s'était posé pour la soirée ou s'il était sincère. Il faut dire qu'il avait joué les amoureux transis toute la soirée et que je savais qu'en privé, il n'en était rien. Je décidai de ne pas y penser et de vivre le moment présent. Je n'allais pas me gâcher ce petit bout de bonheur, même s'il était fugace ou faux. Cette proximité me faisait du bien, c'est ce qui importait.

Lorsque le bal débuta, il m'invita aussitôt à danser. Je ne savais pas s'il était prévu que l'on ouvre le bal ou quelque chose de ce genre, mais au regard du nombre d'astréiens qui s'étaient déjà rassemblés sur la piste, je me dis que non et retombai dans mon insouciance. Je les oubliai tous rapidement et j'avais, encore une fois, la sensation qu'il n'y avait plus que Yaël et moi. Je m'évertuai à m'abriter dans notre bulle auréolée pour nous isoler et tout oublier. La chaleur de Yaël m'avait tellement manqué. Je pris une réelle bouffée d'oxygène dans ses bras.

Nous ne nous sommes rien dit, ce n'était pas nécessaire, nos yeux parlaient pour nous. Je savais que lui aussi savourait cet instant, il profitait de la parenthèse que nous octroyait cette soirée.

À la fin de la musique, j'eus du mal à me défaire de ses bras. J'avais l'impression qu'on me privait d'une partie de moi et l'intensité de mes sentiments m'effrayait toujours autant.

- Yaël... commençai-je.

- Ne dis rien.

Et je ne dis rien. Il avait raison, tout ce que j'aurai pu dire aurait gâché ce moment. Je ne le voulais pas non plus.

- Je retourne à notre table. Tu viens ? me demanda Yaël en me tendant la main.

- Je te rejoins, je vais me rafraîchir, le prévins-je.

Je me dirigeai alors vers les latrines, encore toute chamboulée par ce moment partagé avec lui. Il fallait que je lui parle. Absolument. Je trouverais une solution pour que cela ne s'ébruite pas, nous inventerions un code pour communiquer. Yaël saura quoi faire. Anya et Misha avaient raison, il fallait que ça cesse !

Forte de cette conviction, je quittai le sous-bois pour rejoindre ma table. J'étais décidée. Je lui demanderais de me suivre et je lui confierais tout. Les astréiens étaient occupés à faire la fête, ils ne se soucieraient pas de notre absence. Le moment était idéal, je devais le faire. Ce soir. Maintenant.

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