Chapitre 46

Les carreaux des vitrages explosèrent en même temps que les cavaliers rouges franchissaient les grandes portes, nous étions encerclés. En un quart de seconde, Enéa figea toute l'assemblée, excepté les astréiens. Yaël fut lui aussi presque tout aussi rapide à me rejoindre lorsque Enéa s'écria :

- Je ne vais pas tenir longtemps, ils sont beaucoup trop nombreux, je compte plus d'une centaine d'âmes dehors.

- Quoi !? paniquai-je.

Le prince avait envoyé son armée, je n'en revenais pas, mais il était déjà trop tard, Enéa n'avait pas pu arrêter le temps plus longtemps.

- Je ne vous permets pas, contesta un des seigneurs face à l'intrusion de l'armée royale.

- Arrêtez, dit l'autre.

- Mais que nous reprochez-vous ? demanda le maître des lieux.

- Haute trahison messires et la sentence est exécutable immédiatement.

Le garde lui trancha la gorge sans plus de formalités et je poussai un cri d'effroi. Il releva la tête vers moi et je reconnus aussitôt l'assassin : Chase, le chasseur du Prince. Il jeta le cadavre de façon nonchalante, tout en continuant de me regarder avec un grand sourire macabre.

- Plan B, me murmura Yaël.

Car oui, jusque-là nous avions envisagé la possibilité d'une attaque, quoique peut-être pas de cette envergure me concernant.

Yaël descendit protéger nos nobles invités pendant que je me dirigeais vers une chambre isolée avec Stan. Oui, le plan B était me mettre en lieu sûr et qu'ils s'occupent des assaillants... Je ne commenterai pas cet état de fait.

Mais les soldats étaient vraiment nombreux et ils avaient infiltré tous les accès de ce faste lieu. Je savais que Yaël devait déjà être dehors pour leur faire face. Je sentis à peine la déflagration de son pouvoir. De la fenêtre, je vis les arbres se courber sous la force du vent et je savais que Yaël venait de réduire à néant une bonne partie de l'armée adverse, les corps des soldats ayant été propulsés à plusieurs centaines de mètres du manoir.

Un certain nombre de soldats avaient cependant déjà réussi à entrer dans l'enceinte de la demeure et la pièce où je m'étais réfugiée avec Stan n'était pas réellement un refuge. Nous dûmes faire rapidement face à nos assaillants. Quand le premier soldat entra, je tenais fermement mon pugio dans la main. Il se tint face à moi avec un sourire bestial qui me laissait percevoir des envies peu religieuses à mon égard. Stan s'était mis derrière la porte, si bien qu'en entrant, le mercenaire ne l'avait pas vu.

Je pensais que Stan allait l'assommer par-derrière, mais il n'en fit rien. À la place, il tendit les bras dans la direction de notre agresseur comme s'il me l'offrait en présent et c'était plus ou moins le cas. Dans ses yeux je lisais : « il est temps de passer à la pratique ».

Stan n'avait pas cessé de m'entraîner depuis nos retrouvailles. Il avait même fait préparer un dojo dans le manoir, spécialement à cette attention. Il voulait à présent voir ce dont j'étais capable en situation réelle et je n'allais pas le décevoir. Je voulais rendre fier mon maître d'armes.

Le soldat s'approcha et m'attrapa le bras. J'utilisai son poids contre lui et le déstabilisai facilement. Les hululiens partaient du postulat qu'une femme ne savait pas se battre, j'avais donc l'avantage de la surprise et je la saisis. Je lui donnai un violent coup dans le sternum en utilisant la cote de la paume de ma main droite. J'allais frappais de nouveau, mais il eut la présence d'esprit de reculer. Puis, il se rua de nouveau vers moi, mais je fus plus rapide, je me faufilai dans l'autre sens, si bien que nous avions tous deux échangés de position.

Je le vis alors regarder derrière moi avec surprise. Je me doutais qu'il venait de prendre conscience de la présence de Stan. Il devait se demander pourquoi un homme restait là, sans rien faire. J'allais lui montrer pourquoi. Je fonçai vers lui en le regardant droit dans les yeux, ne lui laissant rien deviner de mon attaque. Au dernier moment, je me baissais et lui trancher l'artère fémorale. Il cria de douleur et mit un genou au sol. J'allais lui donner le coup de grâce quand on me saisit par la gorge.

Un autre garde venait d'arriver et Stan ne bougeait toujours pas. Je me saisis de sa main et lui fis une clé de bras. Il n'eut d'autre choix que de suivre le mouvement que je lui imposai. Je me libérai de son étreinte sans relâcher la pression que j'exerçais sur lui. Si j'appuyais un peu plus vers le haut, je lui brisais le bras, en remontant d'un coup sec vers l'avant, je pouvais lui déboiter l'épaule. L'effet était grisant, j'adorais ce sentiment de contrôle absolu.

Il fut toutefois de courte durée. Un troisième garde m'envoya un coup de poing bien placé au visage qui me fit tomber à la renverse. Je m'écroulai les fesses à terre. Je passai instinctivement ma main sur ma pommette. Elle était ouverte, le sang chaud coulait déjà sur le coin de mes lèvres. La douleur n'était pourtant pas saisissante (je compris par la suite qu'elle viendrait plus tard, quand mon corps serait privé d'adrénaline !).

J'allais retourner dans le combat quand Misha apparu au milieu des deux gardes. Il en prit un pour frapper l'autre avec et les deux hommes s'écroulèrent au sol.

- Mais qu'est-ce que tu fais, Stan ? s'écria Misha avec colère.

- Je la laisse apprendre de ses erreurs.

- Tu as vu son visage ! s'alarma Misha. Yaël ne va pas aimer ça. Alors là, pas du tout !

- Il s'en accommodera, dis-je pour mettre fin à cette discussion. Est-ce que la situation est sous contrôle ?

À peine avais-je posé cette question que deux nouveaux gardes firent leur apparition. Stan tua le premier avec rapidité. Le second essaya de l'embrocher avec sa lame, mais cette dernière se brisa lorsqu'elle essaya de s'enfoncer dans la peau de Stan. Le garde se décomposa et chercha des réponses dans les yeux de ce roc qui lui faisait face. Il n'y vit que la mort. Stan lui lança un coup de tête, qui je supposais était équivalent à de la roche, et le soldat s'écroula au sol, sans vie. Celui que j'avais moi-même combattu s'était vidé de son sang et nous jonchions ainsi au milieu de cinq corps.

- Elle est bientôt sous contrôle, me répondit finalement Misha.

Nous entendions encore des bruits de combat en contre-bas. Il était hors de question que je reste plus longtemps dans cette pièce à me cacher, je devais voir ce qu'il se passait. Ce sentiment dû être partagé, car nous nous dirigeâmes tous spontanément vers la grande salle.

Les nobles hululiens avaient tous été rassemblés en cercle, au milieu de la salle, et tout autour les astréiens éliminaient les assaillants. Aucun n'utilisait pleinement son pouvoir, ils s'évertuaient de dissimuler leurs dons à nos invités. Mais ils avaient beau faire, la scène qui se déroulait sous mes yeux était hors du commun des mortels.

Antoine était d'une rapidité inégale dans ses attaques et passait d'un adversaire à l'autre sans sourciller. Mia utilisait sa télékinésie à travers ses coups, si bien que chacun de ses assauts envoyait les soldats au tapis. Éric et Enéa paralysaient leurs ennemis avec leurs dons, leur offrant toute opportunité de leur ôter la vie. Grégoire combattait également, bien que son don à lui l'aidait peu. Chaque astréien était formé pour être un guerrier et Yaël le démontrait parfaitement. Il n'utilisait aucun de ses pouvoirs, mais maniait sa facalta comme si c'était le prolongement de son bras et chacun de ses coups était mortel.

Je regardai cette scène incroyable sous mes yeux ahuris lorsque je vis également Sara se battre à leurs côtés. Elle n'était pas censée être là, mais sa présence ne m'étonnait finalement pas tant que ça. En à peine quelques minutes, il n'y avait plus aucun de nos agresseurs en vie.

Cassandre, quant à elle, était restée près des nobles et devait sans doute contenir leurs émotions fassent à la scène qui se jouait devant eux. Ils étaient naturellement sous le choc et ne s'attendaient pas en venant ici à un tel combat. J'identifiai trois pertes de notre côté, dont notre logeur. Il y en avait trop dans le camp adverse pour les compter, mais seul quatre de ces cadavres comptaient : ceux des cavaliers rouges.

Ils étaient là, leur corps gisant dans le sang des hommes qu'ils avaient mené au combat. Jusqu'à leur mort, l'image d'eux serait d'être recouverts de sang, pensai-je.

Je n'étais pas la seule à les observer. Tous les nobles ici présents regarder leurs dépouilles sans vraiment y croire.

Ce soir, un symbole de la tyrannie venait d'être détruit.

Ce soir, la révolution était en marche. Chacun des nobles le savait, nous ne pouvions plus reculer, peu importait leurs intentions initiales, ils étaient désormais avec moi dans cette guerre.

Ce soir, ils me prêtèrent tous allégeance.

Pourtant, ce soir, l'inévitable allait se produire.

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