Chapitre 4
Le dieu de la mer et des océans se tenait là, face à moi. Impossible de lui échapper. Je tentai néanmoins de l'esquiver.
- Yaël n'est pas ici Aequor, dis-je tout en essayant de me faufiler à côté de lui pour sortir.
Il ne m'en laissa pas le temps et me bloqua le passage avec son bras.
- Vous êtes pressée ? me demanda-t-il.
- Yaël m'attend, affirmai-je.
- Il m'a demandé de vous escorter.
J'en doutais sérieusement. Mais que pouvais-je dire ? J'essayai néanmoins de me défaire de lui.
- Je n'ai pas besoin d'escorte, je vous remercie.
- Refuseriez-vous ma compagnie ? me questionna-t-il.
J'avais envie de lui dire que je m'en serais effectivement bien passé, mais cet homme était vraiment impressionnant. Il en imposait et rien ne donnait envie de le contrarier. Je ne me démontai pas pour autant.
- Bien sûr que non, voyons. J'apprécie toujours de discuter avec des gens qui se font passer pour d'autre, dis-je sarcastique.
- Ah, mon enfant, j'adore votre franc-parler. Vous êtes rafraîchissante.
- Que faisiez-vous dans ce bateau Aequor ? lui demandai-je finalement.
- J'étais curieux, une tempête se préparait sans mon accord. Ses eaux m'appartiennent, Yaël paraît l'avoir oublié.
Est-ce que le sort de dissimulation ne fonctionnait pas sur les anciens dieux ? Ou était-il véritablement au courant de tout ce qui se passait dans les eaux salées ?
- Pourquoi cette curiosité, avions-nous des raisons de nous cacher de vous ?
Ma question le surprit.
- Jamais, chère Isabelle. Je suis votre serviteur.
Son attitude m'exaspérait. Il ne m'inspirait vraiment aucune confiance. Je ne savais pas très bien quel était l'objet de désaccord entre lui et Yaël, mais je savais pertinemment qu'ils ne s'entendaient pas. Et aussi étrange que cela puisse l'être, l'avis de Yaël me suffisait pour juger cette personne.
- Inutile de prendre vos grands airs avec moi. Si vous me disiez plutôt ce qui vous amène ? exigeai-je.
J'accélérai machinalement le pas. Je voulais mettre fin le plus vite possible à cette entrevue.
- Je reconnais bien là le caractère des azadjanaises, me répondit Aequor.
Je me mis à le scruter avec défi. Je ne voulais lui laisser aucune brèche pour y glisser des réminiscences de mon passé.
- Par contre, vous, vous ne venez apparemment pas des plaines de l'Entre-deux, ajoutai-je cinglante.
- Oh, mais j'y ai vécu et j'en ai bien été chassé. Je n'ai seulement pas précisé quand. Et puis vous devez admettre que la métaphore de l'entre deux mondes pour faire référence à la Grand'Astrée, n'était pas si mal ! ricana-t-il.
Était-ce ça la Grand'Astrée à ses yeux ? L'entre-deux mondes ?
- J'ai su que vous avez rejoint les bancs de notre école. C'est admirable de votre part de vouloir en apprendre plus sur notre peuple, ajouta Aequor.
Encore une fois, j'avais ce sentiment qu'il y avait un message caché dans cette phrase, presque une menace dans sa bouche.
- Si jamais vous avez des questions sur l'histoire, n'hésitez pas, j'ai assisté à beaucoup d'évènements depuis ces derniers siècles. Je pourrai certainement vous donner un témoignage de ce que vous recherchez.
- Je ne recherche rien, dis-je peut-être trop rapidement, sans doute trop sur la défensive.
Je continuai de marcher, la musique de la soirée était de plus en plus proche, je ne serai bientôt plus obligée de lui tenir compagnie. Autant finir cette discussion sur un sujet que j'avais décidé.
- Je n'en ai pas besoin, j'ai mes visions pour ça, lui précisai-je.
Pure provocation. J'aurais aimé avoir des visions sur cet homme, obtenir ses secrets, savoir ce qu'il conspirait. Je le sentais mauvais et m'en méfiais comme la peste. Mais ça, il l'ignorait...
Je ne parlais à personne de mes visions et j'avais rapidement pu constater que tous se méfiaient. Ils avaient peur que je connaisse leurs secrets, après tout, tout le monde en a. Ils se demandaient si je savais, si j'avais eu une vision à leur sujet. Ce n'était pas le cas, mais je ne disais rien. Je m'étais vite rendu compte que c'était une force et un avantage à jouer.
Je voulais insinuer le doute chez Aequor. Je voulais qu'il se sente en danger lui aussi. Je jouais peut-être à un jeu dangereux, mais j'avais aussi compris mon statut. J'étais la femme de Yaël. Et s'il n'avait pas peur de moi, ils avaient tous peur de lui.
- C'est un don fabuleux que vous avez là, me dit Aequor. Mon grand ami Yorï l'avait avant vous.
L'évocation de Yorï n'était pas innocente. Plus que quelques mètres et je pourrais m'éclipser.
- Je sais, répondis-je.
Je ne précisai pas si c'était au sujet de mon don ou de Yorï. Les deux étaient vrais.
- Je ne doute pas qu'elles vous révèleront beaucoup de choses une fois que vous aurez appris à les contrôler, affirma à Aequor.
Hé zut ! Ce n'était pas si facile de duper un millénaire.
- Vous faites bien. J'aperçois Lilas, je dois vous laisser. J'ai la chance d'être entourée de millénaires pour m'éclairer sur les histoires du passé.
Lilas ne m'avait jamais rien confié, mais je ne doutais pas que depuis tout ce temps, elle devait connaître quelques histoires au sujet d'Aequor. Je n'avais juste pas assez confiance en elle pour lui demander, mais ça, il l'ignorait.
- Bien sûr ma chère. Vous la saluerez pour moi, finit-il par dire.
Je m'extirpai alors de ces griffes sans plus attendre.
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