Chapitre 38

Épuisée, je m'étais endormie sans même m'en rendre compte. Je ne savais pas depuis combien de temps j'étais allongée ici, mais il faisait à présent nuit noire dehors. Isaïah dormait encore et je veillai à le poser délicatement dans son landau. J'étais encore fatiguée mais mes pensées, elles, étaient bien éveillées et elles se tournaient toutes vers le retour de Sara.

Je sortis de la chambre et constatai que la maison était vide. Je lus rapidement le message laissé par Anya et je regrettai un instant ne pas être avec elles pour pouvoir rire de la situation. Je plaignais Mélinda, puis me dit qu'elle allait peut-être adorée, qui sait ! Anya savait être divertissante et s'adapter aux gens.

La lune était presque pleine et illuminait la plaine environnante. J'aperçus par l'une des fenêtres Yaël, adossé à l'écurie. Je me rendis compte qu'il n'était pas seul, Sara était en train de le rejoindre. Je me précipitai dehors sans plus attendre.

- Sara ! l'appelai-je pour attirer son attention plus que pour signaler ma présence.

- Isabelle, me répondit-elle simplement.

Yaël avait le visage pincé. Il proposa de nous rendre à l'intérieur, mais je refusai, je ne voulais pas réveiller Isaïah et je n'avais pas non plus envie d'attendre plus longtemps.

- Comment va-t-il ? Comment va Théo ?

- Il va très bien, rassure-toi. Il est parfaitement traité et il ne manque de rien.

- Mais que lui veut le Prince ? Il a pu te renseigner ?

- Oui.

Elle ne devait pas comprendre mon impatience, car j'avais l'impression qu'elle avait décidé de me donner les informations au compte-goutte.

- Et ? m'enquis-je.

- Le Prince Storm en a fait son pupille. Il l'a officiellement reconnu, Théo étant orphelin du fait de la tragédie de la mort de ses parents.

- La tragédie ? Tu veux dire leur assassinat ?

- Ce n'est pas le point de vue de ton cousin... Il n'avait eu jusque-là que la version de Storm. Pour lui, ses parents sont morts durant le trajet au Mont d'Or. Ils n'ont même pas pu être entendus et le Prince est navré de la brutalité que peuvent avoir les cavaliers rouges. Il s'en est excusé en l'adoptant.

- Quoi !? Théo ne le pardonnerait jamais, je le connais.

- Ce n'est pas tout... Storm lui a expliqué que la trahison de ses parents était une méprise, que la vraie responsable, celle qui doit être recherchée, c'est toi. Tu fomenterais un coup d'État avec ton nouvel époux. Ce mariage ne serait que l'occasion de t'émanciper et de mener ton projet à bien.

- Pfff !! Il me connaît tout autant que je le connais, il n'y croira pas, maintins-je, mais en réalité je commençais à douter devant l'expression de Sara.

- Ce n'est pas si simple. Lorsque je lui ai appris la naissance d'Isaïah, Storm lui avait prédit que cela arriverait, que c'était ton plan depuis le début, ton moyen de revendiquer le trône. Il lui a aussi avoué que tu étais de sang royal. Je suis navrée, mais les évènements, adroitement présentés par Storm, semblent l'avoir convaincu...

- Mais mon enfant est de sa famille. Pourquoi prendrait-il le parti d'un tyran ?

- Parce que ce tyran lui a promis de le former et d'en faire son héritier.

- Théo ! Mais... il n'a absolument rien d'un futur Prince. Le pouvoir ne l'a jamais intéressé et je doute que Storm pense sérieusement lui offrir une telle chose !

- Je sais bien, mais Storm n'a pas d'enfants et ce nouveau statut semble plaire à ton cousin. Je doute qu'il change d'avis. Mon intervention « divine » ne semble pas l'avoir troublé outre mesure. Il semblait presque m'attendre. Il en sait plus que ce qu'il m'a dit, j'en suis convaincue. Storm prépare quelque chose, c'est certain et, je suis désolée de te le dire, mais Théo ne t'aidera pas.

- Ce n'est pas possible...

Mon cœur battait tellement fort contre ma poitrine, j'en avais le tournis.

Théo ! Je n'avais qu'une envie l'avoir en face de moi et le secouer de toute mes forces pour le raisonner ! Quel idiot !

- Est-ce que tu lui as dit ? lui demandai-je en faisant référence à la phrase de notre enfance.

- Oui, mais il a répondu qu'il ne fallait pas abattre le cerisier.

- Il... il me reproche la mort de ses parents ?

- Je le crains. Je lui ai expliqué que lorsque tu l'avais laissé à Azadjan, tu avais entrepris une marche vers le Mont d'Or pour les sauver. Je lui ai raconté ta capture, l'empoisonnement, mais... il n'a pas voulu me croire.

- Est-ce qu'il est en sécurité ?

- Tant qu'il pensera ainsi, il ne craint rien. Il sera utile au Prince pour t'atteindre. Tu en as conscience ?

- Parfaitement, répondis-je. Et le message au Grand pontife ?

- Déposé comme ordonné.

- Autre chose que je dois savoir ?

- Son pugio est toujours caché au même endroit et il a encore vérifié sa présence tout à l'heure. Il n'est peut-être pas si bête.

Yaël resta silencieux, il ne semblait pas préoccupé par les révélations de Sara, il faisait davantage attention à mes réactions. En moi, c'était une véritable tempête. Je ne me sentais trahie, en colère. J'essayai pourtant de ne rien laisser paraître.

- De ton côté Yaël, tout est en place ?

- Oui, confirma-t-il, je te raconterai.

- Bien, je vais me coucher. Demain on a une longue journée qui nous attend. Merci Sara.

Je les laissai entre eux et rentrai un peu précipitamment dans la maison de Mélinda.

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