Chapitre 3
Sur le chemin du retour, je croisai Anya, sûrement pas par coïncidence, vu que celle-ci se jetât sur moi, toute excitée.
- Izi, tu n'as pas le droit de refuser, nous allons nous préparer ensemble pour ce soir, claironna-t-elle.
Les solstices et les équinoxes étaient toujours célébrés en grande pompe à la Grand'Astrée. C'était une soirée importante pour tous les astréiens, qui depuis plusieurs jours organisaient ce grand banquet. Ces fêtes étaient l'occasion de tous se réunir. Les astréiens rentraient de l'Autre monde et ceux qui habitaient les hautes terres faisaient également le déplacement.
En effet, tous les astréiens ne vivaient pas dans le bois millénaire. Chacun en réalité habitait là où il en avait envie et, parmi eux, il y en avait qui préféraient les terres isolées de la Grand'Astrée plutôt que la vie de village. Bien souvent ces astréiens avaient fait le choix de ne pas ou de ne plus franchir le portail du Lac-miroir et s'en étaient ainsi naturellement éloignés. Pour tous les autres, le choix avait été de vivre non loin de la fenêtre qui reliait nos deux mondes et une petite cité avait naturellement vu le jour il y a de cela des siècles. J'allais rencontrer de nombreuses personnes à cette soirée et je n'en avais pas très envie. Je trouvais que j'avais déjà beaucoup à faire avec celles que je venais de découvrir !
La fête aurait lieu au cœur de la cité, à l'endroit même où se tenait l'école et où toutes les décisions importantes se prenaient. Le bois millénaire servait de place publique. Le grand terrain qui se trouvait au milieu était recouvert des feuilles des séquoias à feuilles d'if qui s'étendaient à plusieurs dizaines de mètres de haut, rendant le lieu très magistral. On aurait dit une cathédrale naturelle. Depuis hier, des lampions avaient été placés un peu partout et je ne doutais pas un instant de l'aspect féerique qu'aurait cette soirée. La Grand'Astrée était sublime, Yaël ne m'avait pas menti.
- Tsss... Tsss... Tu n'as aucune excuse. Suis-moi, m'ordonna Anya.
Je n'allais décidément pas y échapper. Anya m'entraîna sur la droite et je la regardai soupçonneuse. Nous n'allions ni chez elle ni chez moi.
- Nous allons chez Lilas, m'informa-t-elle.
Lilas, autrement dit la déesse de l'amour. Si elle resplendissait de jeunesse, en réalité Lilas était presque aussi âgée qu'Aequor. C'était assez difficile de s'en souvenir quand on l'avait en face de soi. Tout dans son comportement ressemblait à celui d'une jeune femme épanouie qui jouissait de la vie à pleines dents. Elle était pétillante, toujours enjouée et je savais déjà dans quel état j'allais la trouver en arrivant chez elle. Elle adorait ces soirées ! Et j'avais vite compris qu'elle les attendait toujours avec beaucoup d'impatience. Était-ce parce que son don était d'unir les êtres ?
Lilas avait la capacité de révéler les sentiments des personnes. Elle m'avait un jour expliquée qu'il ne s'agissait pas de charmes, mais de mettre en lumière des sentiments déjà existants. Elle atténuait la peur au profit de l'amour. Elle permettait aux gens d'écouter leur cœur plutôt que leur tête. Il suffisait qu'elle touche un individu pour lui révéler des sentiments enfouis. Je trouvais son don digne d'une poésie romantique. Je n'avais jamais songé que c'était ce que faisait réellement la déesse de l'amour.
- Allez viens, on va s'amuser ! Tu vas voir ces fêtes sont grandioses et puis, il s'agit de ta première soirée. Tu seras à la table d'honneur au côté de Yaël, tu ne comptes tout de même pas porter ça, me fit-elle en désignant mes vêtements avec désapprobation.
- Je suis déjà en train de te suivre Anya, tu n'as pas besoin d'argumenter davantage, merci.
Elle s'amusa de mon attitude. Rien ne pouvait troubler sa bonne humeur et son entrain.
Lilas nous accueillit avec un large sourire. Elle avait transformé la pièce de vie de sa demeure en un véritable capharnaüm où étaient entreposées de multiples robes, toutes plus belles les unes que les autres. Quand on avait plus de mille ans, on avait eu le temps de collectionner les belles étoffes, ce qui voulait également dire qu'elle possédait de nombreuses informations et qu'elle avait une excellente connaissance du passé. Si elle n'en faisait pas étalage, une partie de moi ne l'oubliait jamais.
- Izi ! m'accueillit Lilas de façon tout enjouée. Je suis ravie que tu sois venue.
Je m'abstins de lui dire qu'on ne m'avait pas vraiment laissé le choix.
- Lilas, mais de combien de robes disposes-tu ? lui demandai-je, toujours effarée par tous les objets d'apparats qui étaient entreposés.
- Je dispose de tout le nécessaire pour nous rendre magnifiques ce soir, s'exclama-t-elle. Nous allons te trouver la robe parfaite. Yaël ne pourra pas te résister !
Je grimaçai à l'évocation de son nom. Je ne savais pas bien à quoi m'attendre ce soir. Nous serions bien obligés de nous parler, nous allions dîner côte à côte devant tout le monde. Il faudrait au moins faire semblant, non ?
- Ne fais pas cette tête, me gronda Lilas. Il va bien falloir que la situation s'arrange entre vous deux. Vous êtes ridicules.
- Tu ne pourrais pas utiliser ton don sur eux deux ? Cela nous ferait gagner du temps, fit remarquer Anya.
- Tu crois bien que j'ai déjà essayé. Ces deux-là sont fous amoureux l'un de l'autre. Il n'y a rien à faire de plus !
Je ne fus même pas surprise qu'elle ait utilisé son pouvoir sur moi sans ma permission. Après tout, elle ne la demandait jamais.
- Eh bien, heureusement que nous sommes éternels, nous aurons peut-être la chance de les voir se réconcilier, ironisa Anya.
- Je suis là je vous rappelle ! Et vous devriez plutôt être gentilles avec moi si vous comptez me transformer en poupée, dis-je en désignant de la main une immense robe, couvertes de fanfreluches.
Hors de question que je porte ça ! Ce n'était pas un bal déguisé à ce que je sache, si ?
Nous passâmes le reste de l'après-midi à faire différents essais. Les filles s'extasiaient devant tout et leur bonne humeur devint vite contagieuse. En début de soirée, j'étais habillée, coiffée, maquillée et accessoirisée. En gros, j'étais méconnaissable.
Elles aussi avaient sorti le grand jeu. Elles étaient magnifiques, de vraies déesses. Devrais-je m'en étonner ?
Anya avait choisi une robe bleue avec de longs voilages qui rendait le tout très aérien. Elle avait mis une couronne de fleurs dans ses longs cheveux qu'elle avait pris soin de tresser. Lilas, elle, était en rose. Elle disait que c'était sa couleur. La robe aurait pu être celle d'une princesse. Elle était ajustée à la poitrine, avec un décolleté plongeant, et elle finissait jusqu'à ses pieds dans un volume démesuré. Il y avait de nombreux tissus, dont un jupon en crêpe pour donner un effet bouffant. Elle portait un magnifique solitaire autour de son cou. Elle aurait vraiment pu être de sang royal. Je songeai en moi-même qu'en réalité, j'étais la seule ici qui en sois dotée, du moins à ma connaissance.
J'avais de mon côté opté pour une robe légèrement évasée. Elle était très élégante. Sobre sur le devant, mais avec un dos vertigineux qui laissait apercevoir la chute de mes reins. Elle était verte fougère et mettait ainsi mes yeux en valeur. Lilas était parvenue à faire légèrement onduler mes cheveux que je gardais détachés. J'avais choisi de simplement glisser à mon oreille un lisianthus blanc. Lilas voulut me parer de bijoux, mais je refusai poliment. Je voulais simplement garder le bracelet que Yaël m'avait confectionné, et porter le collier de ma mère. J'avais rarement l'occasion de le mettre. La dernière fois, c'était lors de mon mariage.
Finalement, je n'eus pas vraiment le temps d'angoisser pour cette soirée. L'après-midi passa bien trop vite et à peine apprêtée, qu'il était temps de s'y rendre. Anya et Lilas partirent directement au cœur de la fête. La musique battait déjà son plein, et je voyais les astréiens répondre avec enthousiasme à cet appel musical.
Je me dirigeai quant à moi vers ma maisonnette pour récupérer le collier de ma mère avant de les rejoindre. Je ne m'étonnai pas de ne pas y trouver Yaël. Avec ce banquet, je ne doutais pas cette fois-ci qu'il y ait beaucoup à faire.
Je ne m'attardai pas, j'attachai le collier autour de mon cou et me dirigeai droit vers la sortie pour retrouver les astréiens. Lorsque ma main se posa sur la poignée, elle s'ouvrit avant que je n'aie le temps de l'abaisser, pour me laisser face à face avec une personne que je m'étais jusque-là appliquée à éviter.
Aequor...
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