Chapitre 24

Le soir venu, je décidai d'attendre Yaël, bien décidée à en savoir plus sur son rôle d'Élu. Je mangeai finalement seule et la nuit se prolongea avant qu'il n'arrive. J'hésitai à reporter cette discussion jusqu'à ce qu'il rentre... enfin.

- Désolé, me dit-il immédiatement. Je n'ai pas réussi à me libérer plus tôt. Tu n'es pas couchée ?

- Je t'attendais.

Il se rapprocha de moi et me prit affectueusement dans ses bras.

- T'aurais-je manqué ? chuchota-t-il à travers le voile de mes cheveux.

- Tu me manques toujours, tu n'es jamais là, lui reprochai-je.

- Je suis navré. Laisse-moi me faire pardonner. Dans deux jours, je suis tout à toi. Pas de Grand'Astrée, que toi et moi.

- Pourquoi dans deux jours ? Pourquoi pas demain ? minaudai-je.

- J'aimerais tellement princesse, mais je ne peux pas et pour être tout à fait honnête, je ne pourrais pas non plus être avec toi demain soir.

- Quoi !? Mais pourquoi ? Que fais-tu donc de tes journées ? Tu ne me racontes jamais rien, me renfrognai-je, déçue.

- Que veux-tu savoir ? Dis-moi, me lança-t-il avec simplicité.

- Je veux comprendre ce que tu fais de tes journées, lui expliquai-je.

- Je veille sur les deux mondes. Je fais attention à tous les astréiens mais je surveille également ce qui se passe dans ton monde.

- C'est ce qu'on attend de toi ?

- Sans doute. Tu sais Izi, le fait que je sois l'Élu aux yeux de tous implique que les astréiens se dirigent naturellement vers moi pour tout leur problème. J'essaie de faire au mieux pour les protéger.

- Quitte à tuer, marmonnai-je en pensant à Némésis.

- Quitte à tuer, confirma-t-il sans détour. Il y a des personnes qui méritent de mourir, mais je ne t'apprends rien.

Ce sujet ne semblait pas être tabou pour lui, il ne s'en cachait pas. En était-il fier ? Peut-être, c'était un guerrier redoutable. Il s'était entraîné dur pour être le meilleur. Je l'avais vu durant mon enfance, répéter inlassablement ses mouvements d'épée. À sa place, je serais fière d'avoir acquis une telle maîtrise de mon corps et de mes capacités.

- Pourquoi tu ne seras pas là demain ? Que vas-tu faire ?

Je m'attendais à une réponse toute faite, mais Yaël me surprit une nouvelle fois et me détailla précisément l'opération qui se préparait. Il n'eut aucun secret pour moi, comme nous nous l'étions promis.

- Yärl a repéré des mouvements inquiétants dans le troisième continent, m'informa-t-il.

- Les terres glacées ?

- Oui.

- Mais ne sont-elles pas inhabitées ?

- En temps normal oui, mais les hommes se sont mis en tête de les conquérir.

- Mais on ne peut pas y vivre, elles sont hostiles, les températures sont bien trop basses.

- C'est exact. Il y a pourtant des animaux qui y habitent, qui sont faits pour le froid hivernal. Il y a des ours qui ressemblent à ceux de tes terres, mais qui sont entièrement blancs, des oiseaux qui t'arrivent à la cuisse, mais malgré leurs longues ailes, ils sont incapables de voler. Les mers abritent encore bien d'autres espèces, mais l'homme a décidé de les chasser et de vendre leurs peaux. Il trouble l'équilibre instauré sur ces terres. Or depuis toujours, ce continent est vierge de l'homme et je tiens à ce qu'il reste ainsi.

- Que vas-tu faire ? m'enquis-je.

- Habituellement, les hommes ne s'aventurent pas si loin. La traversée est difficile, la mer gèle par endroit et beaucoup sont ceux qui décèdent lors d'un tel voyage. Le peu d'hommes qui reviennent de ce périple permet en général d'en décider bien d'autres à ne pas s'y aventurer. Pourtant, cette fois, une expédition entière est partie. Plusieurs bateaux. Ils sont parvenus à installer une sorte de campement. Je n'aime pas ça et je ne peux pas m'y rendre à travers le Lac. Les eaux sont gelées là-bas, je ne peux pas traverser, je vais devoir moi aussi m'y rendre en bateau.

- Mais tu ne seras jamais rentré dans deux jours ! m'exclamai-je.

- Je n'ai pas besoin de rejoindre le troisième continent. Je dois juste m'en rapprocher et m'éloigner le plus possible des côtes du Conflent pour ne pas les impacter.

- Mais pourquoi faire ?

- Pour soulever la mer et créer une immense vague qui emportera leur campement. Ce sera un vrai tsunami, les tristes conséquences d'un évènement naturel et le rappel pour tous les hommes que ces terres sont sauvages et inaccessibles.

- Ils vont tous mourir, réalisai-je à voix basse.

Il ne confirma pas, il n'en avait pas besoin.

Je pensai alors à la cruauté dont les hommes étaient capables pour conquérir ce qui ne leur appartenait pas et je lui dis sans plus hésiter.

- Fais-le.

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