Chapitre 20
- Misha c'est compliqué !
Je ne savais pas pourquoi je m'évertuais à m'expliquer. Je ne le reverrais peut-être jamais et je ne pouvais rien lui révéler.
- Attends-moi bon sang ! Misha ! l'interpellai-je.
Il ne s'arrêta pas, mais ralentit assez pour que je puisse le rattraper.
- Je n'ai pas envie qu'on soit fâchés, déclarai-je. En plus, c'est ridicule. Yaël est au courant de mon choix et il me soutient.
- Et tu arrives à t'en convaincre ?
- Il m'accompagne, précisai-je.
Cette fois-ci, il s'arrêta et me laissa lire toute son incompréhension. Puis, il se referma sur lui-même, ne dit plus rien et reprit son chemin. Est-ce qu'il était déçu ? Est-ce que cela ne correspondait pas à l'image qu'il se faisait de Yaël ? Est-ce que je savais seulement ce que cela impliquait que mon époux quitte la Grand'Astrée pour me suivre ? Yaël et moi, nous n'en n'avions pas vraiment parlé...
- Il ne t'abandonne pas, ajoutai-je. Nous n'avons pas le choix.
- On a toujours le choix, rétorqua-t-il.
- Est-ce que tu veux vraiment me faire culpabiliser d'un voyage qui m'est nécessaire ?
- Tu n'as pas le droit de me dire ça.
- Misha je te promets qu'un jour je te dirai tout, mais pas aujourd'hui.
Je n'avais pas envie de perdre son amitié. Je me rendis compte que je tenais à lui, bien plus que ce que je m'étais imaginé.
- Reviens me voir quand tu seras majeur pour que je te confie des histoires d'adultes, lui dis-je avec un clin d'œil pour détendre l'atmosphère.
- Alors je ne vais pas attendre trop longtemps. Je te rappelle que mon anniversaire est dans six semaines.
- Tu sauras alors être patient.
Il me considéra et sourit.
- Je le serai et je te rappellerai à tes promesses, me dit-il déjà de bien meilleure humeur.
- Je n'ai rien promis, soulignai-je.
- C'est tout comme ! dit-il en donnant un coup de pied dans le flanc de son étalon.
Il galopa devant moi en direction du lac-miroir qui attendait que je le franchisse de nouveau. Nous ne prîmes pas exactement le même chemin qu'à l'aller. Misha m'expliqua que la forêt que nous avions traversée était trop sauvage pour pouvoir y dormir tranquillement.
Je découvris ainsi de nouveaux paysages et je remarquai que sur le flanc de la montagne que nous longions, il y avait un chemin qui menait à une grande bâtisse.
- Qui habite ici ? demandai-je.
- Tu l'ignores ? me regarda-t-il surpris.
- Si je pose la question !
- C'est la demeure d'Inaé.
Je frissonnai à l'évocation de ce nom.
- Le dieu des enfers.
- Celui-là même.
Dans mes terres, tout le monde craignait Inaé, si bien que personne n'osait vraiment prononcer son nom alors qu'on le connaissait tous.
- En quoi consiste son pouvoir exactement ?
- Il recueille les âmes des morts. Mais comme vous avez si peur de la mort, vous lui avez donné l'image de l'enfer.
- Il vit ici reculé de tous, je doute que les astréiens l'apprécient davantage, lui fis-je remarquer.
- Ce n'est pas vraiment à cause de son don qu'il s'est isolé.
- Ah bon et pourquoi alors ?
- Lorsqu'il était jeune, et autant te dire que ça remonte à longtemps, il lui est arrivé une mésaventure dans vos terres. L'éducation des astréiens n'était pas encore ce qu'elle est et les connaissances dans les coutumes des différents territoires lui étaient inconnues. Il a blasphémé sans le vouloir un monarque. Il a été condamné sans pouvoir échapper à son procès et à sa peine. On lui a coupé la langue. Depuis, il ne parle plus et il est venu vivre ici sans plus jamais franchir le portail qui relie nos deux mondes.
- C'est horrible ! m'exclamai-je.
- Ce sont les coutumes de ton royaume.
- Et je ne les cautionne pas !
C'était vrai, la cruauté des peines de notre royaume n'avait pour but que l'exemplarité, mais elle oubliait toujours les innocents.
- Est-ce que tu crois qu'il peut communiquer avec les morts ?
- Je n'en sais rien, me répondit Misha, et même si je te disais oui, ce n'est pas Inaé qui va te raconter leurs secrets.
Il avait sans doute raison, ce n'était pas la peine d'espérer avoir une discussion avec mes proches grâce à un dieu muet interposé.
- Ta famille te manque tant que ça ?
- Oui, lui avouai-je.
- Tu sais... tu es comme une sœur pour moi.
Sa confidence me fit chaud au cœur et je lui répondis sans détour.
- Et tu es le petit frère que je n'ai jamais eu.
Il sourit. Je le pensais. Je considérais Misha comme un membre de ma famille. Au même titre que Stan et Anya, sans parler de Yaël. Finalement, je me sentais peut-être plus astréienne que je ne le croyais.
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