Chapitre 15

Yaël rentra vers 20 heures, accompagné de Stan et d'Anya. Il remercia Misha de sa présence et déposa ses affaires pendant que ce dernier me dit au revoir. Yaël vint ensuite se placer derrière moi pour m'enlacer tendrement. Il déposa un léger baiser sur le sommet de ma tête et me murmura :

- Ils savent.

- Est-ce qu'on peut parler librement ? demandai-je, toujours inquiète des oreilles indiscrètes.

- Personne ne nous entend, il y a des pierres comme celles dans notre chambre, m'assura Yaël.

Je constatai en effet qu'il avait installé quatre pierres à chaque coin de la pièce. Je me demandai s'il en existait beaucoup et si tous les astréiens en avaient. Jamais personne ne m'en avait parlé avant Yaël.

- Très bien, dis-je rassurée.

Anya ne me laissa pas le temps d'ajouter autre chose. Elle se jeta sur moi et me prit affectueusement dans ses bras.

- Je suis tellement heureuse pour vous. Ce bébé, c'est un enfant miracle, un vrai cadeau du ciel.

Stan se contint davantage, mais je vis que lui aussi était ému. Je me laissai emporter par leur enthousiasme. C'était la première fois que l'on fêtait réellement l'évènement, cela lui donnait davantage de réalité et leur joie était réellement communicative.

Après ce bonheur partagé, il fallait toutefois faire face à ce que cela impliquait.

- Je suppose que Yaël vous a dit que je devais quitter la Grand'Astrée.

- Oui, confirmèrent Stan et Anya de concert.

- Je suis entièrement d'accord avec toi Izi, continua Anya. Il ne faut prendre aucun risque. On ne sait pas concrètement quel impact peut avoir la Grand'Astrée sur notre organisme. Eléanore s'est bien intéressée à la question. Elle a constaté que la croissance des astréiens était à peu près la même que les humains les vingt premières années. Puis après, notre organisme ne semble plus vieillir, sauf si on se rend de l'autre côté du miroir. Il y a donc des raisons de croire que le bébé se développe normalement, mais en réalité, nous n'en savons absolument rien. D'autant que tu viens d'arriver, tu es déjà un cas unique. On ne sait pas quels effets a la Grand'Astrée sur ton corps.

J'étais vraiment contente de voir qu'elle comprenait mes craintes et qu'elle les partageait. Il ne fallait prendre aucun risque.

- Nous avons trouvé un endroit où tu seras en sécurité, m'informa Yaël.

- Où est-ce ? demandai-je immédiatement.

- Dans les marécages.

- Les marécages ? Mais c'est...

- C'est un endroit sûr, me coupa Yaël.

Je ne m'y étais jamais rendu, mais la description que l'on m'en avait donnée n'était guère reluisante. J'avais pensé que Yaël aurait veillé à nous trouver un endroit où il ferait bon de vivre et j'étais surtout très étonnée qu'il choisisse un territoire au sein du royaume de Hululy !

- S'il arrive quoique ce soit tu seras entourée d'eau, précisa Yaël. Tu pourras très facilement rejoindre la Grand'Astrée.

C'était donc pour ça... Il n'avait donc pas conscience que je ne prendrais jamais le risque de franchir le portail avec notre enfant. Je le voyais comme un danger tout aussi grand que celui de rester face à une attaque, mais après tout, si cela pouvait le rassurer.

- On ne te cherchera pas là-bas de toute façon, précisa Stan. Nous avons trouvé une maison flottante parfaite, tu verras, tu t'y sentiras bien.

- Je le pense aussi, s'empressa d'ajouter Anya.

- Tu étais avec eux ? m'étonnai-je.

- Bien sûr ! Il était hors de question que je les laisse partir seuls pour rechercher une demeure. Ils n'auraient vu que l'aspect sécuritaire et ils en auraient oublié toute coquetterie ! Ta future habitation est charmante, je m'en suis assurée.

- Merci, dis-je à défaut d'une autre réponse.

J'étais heureuse de voir leur soutien. Aucun d'entre eux ne s'était opposé à mon choix. Au contraire, ils m'épaulaient dans ce moment. Je me sentais une des leurs pour une fois.

- Quand est-ce que nous partons ? les questionnai-je.

- Laisse-nous encore 24 heures, le temps de régler les derniers détails et tu pourras emménager, me répondit Stan.

Je hochai la tête, prenant conscience que je serais bientôt partie.

- Que va-t-on dire aux autres ?

- Je pense que le plus crédible est de leur dire que tu as du mal à t'habituer à la Grand'Astrée, que tu es inquiète pour ton cousin et que tu vas lui rendre visite. Ils ne devraient pas s'en étonner, m'indiqua Yaël.

Oui, cette version était en effet crédible. Elle m'offrait en outre la possibilité de revenir à tout moment. Yaël y avait sans doute pris soin.

Je regardai machinalement vers la grosse horloge pour m'assurer de ne pas manquer mon rendez-vous avec Luka. Yaël s'en aperçut.

- Qu'y a-t-il ?

- Je vais devoir m'absenter. Je dois rejoindre Luka.

Plus de secret inutile entre nous désormais.

- Pourquoi ?

Stan et Anya semblaient tout aussi étonnés que Yaël. Je n'avais jamais vu Luka avant la fête de l'Équinoxe, je ne savais pas quel lien ils entretenaient avec lui.

- Il sait des choses sur ma mère. Apparemment, il la connaissait.

Yaël échangea un rapide regard avec Stan. Décidément, ils étaient toujours en train de communiquer en silence ces deux-là.

- D'ailleurs quel âge a Luka exactement ? m'informai-je.

- Luka a un peu plus de deux cents ans.

Dire que cela ne se voyait pas serait un euphémisme.

- Est-ce que vous le connaissez bien ? Est-ce que je peux lui faire confiance ? m'enquis-je.

Je cherchai une réponse dans les yeux de Yaël.

- Luka est un homme droit contrairement à ce que son titre pourrait laisser croire. Il a des valeurs, mais ses informations ne seront pas gratuites.

- Il m'a déjà demandé de l'aider, précisai-je.

- À quoi ?

- Il veut une vision. Il va m'apporter un objet.

- Tu as accepté ?

- Oui.

Yaël réfléchit un instant à ce que cela impliquait.

- C'est un pari risqué, tu ne sais pas ce que tu auras comme vision. Tu ne pourras peut-être pas révéler ce que tu as vu.

- J'aviserai. Je dois savoir ce qu'il sait sur ma mère.

Yaël acquiesça de la tête, toujours ennuyé.

- Il ne sera pas seul, m'affirma-t-il.

- Comment ça ? lui demandai-je pour qu'il précise sa pensée.

- Sa femme, Sara, a le don d'invisibilité. Elle sera avec lui. Il est rarement seul.

- C'est bon à savoir.

- Je viens aussi avec toi.

Ce n'était pas une question ou une supposition.

- Non, je dois le faire seule, protestai-je. Il ne voudra peut-être rien me dire si tu es là.

- Elle a raison, intervint Stan. Et Luka ne lui fera pas de mal.

Yaël me prit le visage en coupe et ancra son regard dans le mien. Cette idée ne lui plaisait pas, mais il dut s'y résoudre.

- Tu es prudente et tu reviens immédiatement après, peu importe ce qu'il t'a révélé. Tu reviens nous en parler et tu ne prends pas de décision hâtive, tu m'entends ?

- Ne t'inquiète pas, le rassurai-je, je n'en aurai pas pour longtemps.

Il me ramena contre lui et captura une mèche de mes cheveux entre ses doigts. Ses attentions m'avaient manquée, sa délicatesse aussi. Il posa son front contre le mien et me pria une nouvelle fois de faire attention et de lui revenir. Je déposai un bref baiser sur ses lèvres et partis rejoindre Luka.

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