Chapitre 11
Au petit matin, je m'étirai et cherchai instinctivement Yaël du bras. J'ouvris difficilement les yeux pour constater qu'il n'était plus là. J'eus peur l'espace d'un instant d'avoir tout inventé ou de n'avoir eu qu'une vision d'un futur lointain. Je ne voulais pas perdre ce moment. Je voulais l'ancrer dans la réalité.
Je fus rassurée lorsque je vis Yaël s'approcher de notre lit avec un plateau sur lequel étaient disposés plusieurs petits pains au lait. Est-ce qu'il savait que ces gourmandises me faisaient penser à Mejä ? Sans doute et je l'aimai encore un peu plus sachant cela.
Je me jetai sur la nourriture sans plus attendre. J'étais affamée et épuisée. Yaël s'amusait de me voir manger avec gourmandise. Il me laissa tout dévorer puis finit par me demander.
- Tu as fini ?
- Ça dépend, il y en a d'autres ?
- Non.
- Alors, oui...
- Nous pouvons donc parler.
Déjà ? Je venais de me réveiller et je n'avais jamais été matinale, surtout avec si peu d'heures de sommeil !
- Laisse-moi encore dormir 10 ou 12 heures et je suis toute à toi.
- Izi, me gronda-t-il avec un léger sourire.
Son intonation me fit immédiatement frissonner. Mince pourquoi est-ce que le son de sa voix me faisait un tel effet ? Quel traître ce corps, je le croyais épuisé !
- Je t'écoute, dis je lasse.
- C'est plutôt à moi de t'écouter. Que voulais-tu me dire d'autre ?
- Tu ne vas donc pas me parler de ma décision de retourner dans mes terres, d'aider les bohémiennes, de renverser le Prince du royaume de Hululy ? Tu n'as rien à dire là-dessus ? le questionnai-je avant d'en dire plus.
- Izi, je ne vais pas te mentir, je connaissais cette prophétie. Je me doutais qu'il s'agissait de toi... Stan et moi y avons de suite pensé quand on a compris pour ton don. Je savais bien au fond que tu serais amenée à retourner au Mont d'Or, un jour ou l'autre. Je ne t'en empêcherai pas. Tu n'es pas une prisonnière, il n'en a jamais été question. Tu feras ce que tu as envie de faire et si tu ressens le besoin d'aider les Hululiens, c'est ton droit. Chacun de nous interagissons avec les humains, pourquoi pas toi ? Je veux juste éviter que tu te mettes en danger. Et je veux savoir si tu te rends de l'autre côté du miroir, tu m'entends ? insista-t-il.
- Yaël, j'aimerais te le certifier, mais je crois que tout ça me dépasse. Mes visions, tu sais... elles me ramènent toujours loin de la Grand'Astrée. Mais je ferai attention, lui assurai-je, tu n'as pas à t'inquiéter.
J'aurais aimé lui promettre plus, mais je ne voulais plus lui mentir. Il sembla se satisfaire de cette réponse.
- Nous avons tout le temps pour que tu y voies plus clair, affirma-t-il.
Malheureusement, non, mais il ne le savait pas encore.
- Tu pourras continuer à apprendre ce dont tu as besoin ici, continua-t-il. L'entraînement des astréiens au combat est fait pour éviter les dangers de l'Autre monde. Misha m'a dit que tu apprenais vite. Tu sauras bientôt faire face à des situations difficiles, j'en suis certain. De mon côté, je vais me renseigner et tenter de comprendre ce que nous fuyons en cachant notre enfant.
Notre enfant. Je devais lui dire. J'aurais tellement aimé que le contexte soit un peu plus romantique.
- Quoiqu'il advienne Izi, l'important c'est que nous l'affrontions ensemble. Tu n'es pas seule. Tu ne l'as jamais été et tu ne le seras jamais.
Je souris bêtement. Tout semblait toujours si simple avec Yaël.
- Auprès de qui vas-tu te renseigner ?
- Je serai prudent, n'ai crainte.
- Il va falloir que tu fasses vite.
Il haussa les sourcils.
- Nous n'avons pas autant de temps que tu le crois.
Pourquoi les mots avaient-ils tant de mal à sortir ? Avais-je peur de me confronter à cette réalité ? Est-ce que tant que je ne le formulais pas à haute voix, je pouvais encore le nier ?
- Je suis enceinte, lui annonçai-je finalement.
Je savais qu'il serait heureux d'être père, je ne redoutai pas vraiment sa réaction bien que cet enfant ne soit pas attendu. Je l'avais pourtant prévenu que cela se produirait, mais il avait choisi de me contredire !
Il fut surpris, voire choqué ? Il n'eut dans tous les cas pas du tout la réaction que je m'étais imaginé.
- Dis quelque chose, je t'en prie, le suppliai-je.
- Depuis quand ?
- Je pense que c'est arrivé durant la traversée. Je dois être à mon troisième mois de grossesse, je ne sais pas trop.
Il posa délicatement sa main sur mon ventre. Il faut dire que cela ne se voyait pas vraiment. Un léger arrondi commençait à apparaître, mais c'était vraiment imperceptible.
- Tu vas être papa, dis-je pour essayer de masquer son silence.
Je commençai à douter que ce soit une si bonne nouvelle que ça pour lui. L'était-ce seulement pour moi ? Je n'avais pas encore mis de mots sur ce que je ressentais, alors pourquoi lui demander de le faire là où j'avais échoué ?
Je glissai ma main sur la sienne. Il sembla se souvenir de ma présence et leva son visage vers moi. Je lus dans ses yeux tout son trouble. Pouvais-je seulement le comprendre ? Il avait grandi en étant persuadé qu'il ne serait jamais père.
Je crois finalement qu'il était simplement trop ému pour dire quoique ce soit. Je décidai alors de garder le silence, d'apprécier ce moment et d'imaginer notre future vie à trois.
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