Chapitre 10

Yaël haussa les sourcils. Je m'expliquai devant son air interrogateur.

- Les bohémiennes l'ont conservé, car Yorï leur avait affirmé que je me rendrais un jour auprès d'elles. Elles m'ont offert une toute petite boîte en bois, entièrement gravée de la main de Yorï. Il y avait une sorte de casse-tête pour parvenir à enclencher le mécanisme d'ouverture, mais rien de bien compliqué. J'ai réussi à l'ouvrir juste avant de rejoindre la Grand'Astrée.

Je n'avais en effet pas pris le risque de l'ouvrir au village des Ouria et j'avais préféré attendre d'être seule. Je ne pouvais pas non plus envisager de l'emmener à la Grand'Astrée, je ne voulais pas que quelqu'un la découvre. Je l'avais par conséquent ouverte juste avant de franchir le portail qui me ramènerait à Yaël.

Je continuai mon récit.

- J'ai alors compris que l'objet n'avait pas d'importance. Le clic de l'ouverture a agi immédiatement sur mon esprit. Yorï m'offrait une de ses visions. Il ignorait sans doute que j'avais déjà moi-même eu cette prémonition, mais elle avait été trop rapidement écourtée.

Yaël resta silencieux, suspendu à mes lèvres. Je me demandai s'il avait compris à quelle vision je faisais référence.

- Je nous ai revus dans cette maison de pierres, baignée de lumière, autour de notre enfant, l'informai-je.

- Iz... commença-t-il.

- Laisse-moi terminer, s'il te plait. Lorsque je t'ai montré ces images, nous n'avons pas entendu la discussion que nous avons eue ensuite dans ce songe. J'ai alors compris que nous n'étions pas à la Grand'Astrée et que nous nous étions cachés. Personne ne savait pour notre fils.

Je le laissai assimiler cette information avant de reprendre.

- J'ai longuement réfléchi à cette vision, tu t'en doutes. Je ne sais pas ce que nous fuyons et pourquoi nous étions là-bas, mais je sais intimement qu'il ne faut pas que j'accouche ici. Ne crois pas que j'exagère les choses avec le meurtre de Yorï, ça n'a rien à voir. Pour être honnête, j'en suis venue à me demander si notre enfant pourrait voir le jour dans cet endroit qui lui est interdit. Il est bien évidemment hors de question qu'il devienne orphelin ! Je ne sais pas comment fonctionne exactement la sélection qui est opérée, mais ce ne sera jamais un astréien. Et moi, désolée, mais je ne me sens pas bien ici, le paradis est angoissant, laisse-moi te le dire !

Je ne sais pas pourquoi je m'étais mise à hausser le ton. Les mots m'échappaient, j'en avais trop refoulés.

- Tu es sûre ? me demanda-t-il.

Sûre de quoi ? Heureusement, Yaël précisa sa pensée.

- Pour notre fils ?

- Tu en es encore à douter de ça ! Il va falloir te faire à l'idée et vite, car j'ai autre chose à t'apprendre.

Il ne me laissa pas le temps d'ajouter quoi que ce soit. Il se jeta sur moi et m'offrit l'étreinte que je rêvais de vivre depuis ces derniers jours. Son odeur, son contact, sa voix, son regard, tout m'avait terriblement manqué. Il m'embrassa avec cette passion qui lui était propre. Yaël savait réveiller mon corps comme personne. Tous mes sens étaient en alerte et chacun d'eux se délectait de sa présence.

- Un jour, tu m'offriras un fils. Tu es unique, ce que j'ai de plus cher en ce monde et dans l'autre Isabelle de Valdéria.

Je crois que c'est la première fois qu'il m'appelait par mon nom en entier. Son émotion était palpable et la mienne tout autant. Il avait réussi à faire voler en éclats des semaines de calvaire. Je ne voulais être à aucun autre endroit.

Il tira sur la liane derrière nous. Je m'en rendis à peine compte jusqu'à ce que celle-ci nous remonte à travers le tronc du séquoia à feuilles d'if pour nous entraîner à sa cime. La Grand'Astrée avait indéniablement ses avantages. Je ne comprenais pas que nous n'ayons pas encore saisi l'intérêt de cette plante. Quand est-ce que nous ferions cette découverte ?

À peine en haut, Yaël reprit le chemin de mes lèvres et m'approcha d'un pas pressant vers notre lit.

- Il faut qu'on parle, l'arrêtai-je.

- Nous parlerons, m'affirma-t-il.

Il me ramena d'autorité contre lui et continua de m'embrasser. Il me souleva comme une brindille. Je me laissai porter sans faire d'autres objections. Je remontai le bas de ma robe pour libérer mes jambes et m'enrouler autour de son corps.

Il se mit à genoux sur notre lit et m'y déposa comme un bien précieux. C'était un peu ce que j'étais dans ses bras, ses yeux ne savaient pas me mentir. J'espérai qu'il puisse y lire la même chose dans mon regard. Yaël était tout pour moi.

- Pour que ce qui s'est produit ne se reproduise plus jamais, sache qu'ici tu peux tout me dire, me dit-il entre deux baisers. Personne ne peut nous entendre.

- Comment peux-tu en être sûr ? le questionnai-je.

- Tu crois que j'ai pris soin que personne ne puisse nous observer pendant tout notre voyage et que je ne veillerai pas à ce que personne n'entende ce qui se passe dans ce lit ?

Sa question était rhétorique et c'était tant mieux, car j'en restai un peu coi. C'est vrai que j'aurai pu l'envisager !

- Tes gémissements m'appartiennent. Il n'y a que moi qui aie le droit de les entendre, me susurra-t-il tout en approfondissant son baiser le long de ma nuque.

Ses mots réveillèrent immédiatement mon désir. Ses mains se glissant dans le dos nu de ma robe également. Je m'abandonnai complètement à lui, je lui rendis ses baisers, passai ma main dans ses cheveux pour l'attirer encore plus proche, plus fort, contre moi. Je m'enivrai littéralement de lui, mes sens en émoi, et je m'embrasai à son contact.

J'oubliai tout et finalement, il avait raison, nous avions à présent le temps d'avoir cette discussion.

Nous parlerions. Demain, il saurait.

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