Chapitre 1

- Tu commences à t'améliorer.

- Je ne te bats toujours pas ! bougonnai-je.

- Et ce n'est pas près d'arriver !

- Je suis sûre que tu utilises ton pouvoir, l'accusai-je.

- Même pas, je n'en ai pas besoin pour te battre, affirma Misha.

Je détestais cet air arrogant sur son visage. Il n'avait même pas 15 ans et il affichait déjà ce regard suffisant propre aux astréiens.

- Tu n'es pas assez rapide. Tu dois anticiper les coups de ton adversaire pour te battre convenablement, lui sembla-t-il bon de me préciser.

Me battre convenablement...

Cela faisait des semaines maintenant que j'essayais, pour ne pas dire des mois, mais même les mômes de 8 ans arrivaient à me désarmer. Ils avaient des années d'entraînement et moi, je venais à peine de rejoindre la Grand'Astrée. Le combat ne pouvait pas être équitable.

J'avais pourtant décidé de continuer l'apprentissage que Stan m'avait donné au sein de l'école astréienne. Je n'avais pas réfléchi au fait que je serais la plus vieille... Je savais que je partais avec de nombreuses lacunes et c'est d'ailleurs bien pour cela que je voulais rattraper mon retard, mais je n'avais pas anticipé le fait qu'ils seraient tous meilleurs que moi, malgré mes efforts.

Misha était en fin de scolarité. Il était devenu mon partenaire de combat comme il était le plus âgé de la classe. Il semblait en effet plus raisonnable que je m'exerce avec un individu de la même taille que moi. Or Misha était fort, rapide et doté d'un don qui le rendait imbattable. Il pouvait se téléporter. Il m'avait un jour expliqué qu'il ne s'agissait pas tout à fait de ça, qu'en réalité, il arrêtait le temps quelques secondes pour se déplacer où il souhaitait. Cela revenait au même pour moi. Il pouvait parfaitement anticiper les coups de son adversaire puisqu'il arrêtait le temps !

Misha avait été gentil avec moi. Il ne me regardait pas comme un monstre de foire. Il m'appréciait pour qui j'étais. Isabelle de Valdéria. Pas l'orpheline sans lumière, pas l'étrangère venue à ses 17 ans à la Grand'Astrée, pas celle liée aux prophéties de leur peuple, pas la femme de Yaël. Quoique sur ce dernier point, personne ne l'oubliait vraiment et je ne pouvais pas leur en vouloir.

Yaël était l'Élu, il avait la responsabilité de tout son peuple, qu'il le veuille ou non. Et j'étais liée à lui, que je le veuille ou non. Mes relations avec mon nouveau mari n'étaient toutefois pas au beau fixe, je devais bien le reconnaître. Je me demandais même si la présence de Misha à mes côtés n'était pas un stratagème pour me surveiller. Il faut dire que depuis ma petite escapade, je ne m'étais plus jamais retrouvée seule et j'étais certaine que Yaël y veillait. Il n'avait pas apprécié ma dernière disparition, d'autant que je n'avais pas tenu parole. Je lui avais promis que si je devais m'éloigner de nouveau, je l'en informerais. Pourtant, je ne l'avais pas fait ce jour-là, et, bien au contraire, j'avais pris soin que personne ne connaisse mes intentions.

Je savais pertinemment que je le blesserais, mais après tout, lui aussi m'avait blessée et je devais le faire, je n'avais plus le choix. Cette décision était devenue une évidence. Mais ce fut plus difficile que prévu de revenir à la Grand'Astrée et de ne rien lui révéler.

Je ne lui avais en effet toujours pas confié l'endroit où je m'étais rendue. Vous dire qu'il n'était pas content serait un euphémisme. Il était furieux et il me le fit comprendre.

Au moment de mon départ, j'aurais aimé lui laisser un message pour le rassurer, lui dire que je comptais revenir et que j'avais besoin de faire ce chemin seule. J'y avais pensé, mais je ne savais pas encore écrire et je ne pouvais en parler à quiconque. J'avais écouté les conseils d'Anya, la femme de Stan, et je n'avais fait confiance à personne.

Pour ma défense, je ne croyais pas que mon voyage durerait cinq jours ! J'avais espoir de faire un simple aller-retour et être rentrée le soir venu. Avec un peu de chance, Yaël ne s'en serait même pas rendu compte, mais cinq jours...

J'imagine qu'il n'avait pas dû paniquer au début. Après tout, le lien qui nous unissait lui permettait de me localiser à travers les eaux de la Grand'Astrée. Il avait dû vouloir venir directement me chercher. Je suis persuadée que c'est ce qu'il s'est dit, mais lorsqu'il a compris que j'avais utilisé un sort de dissimulation... cela ne dut plus être qu'une simple contrariété.

Anya m'avait parlé de ce sort, m'expliquant que Yaël l'avait utilisé lorsqu'il était venu me rejoindre à Azadjan, ma terre natale. Il voulait que personne ne puisse nous localiser. Il ne souhaitait pas être épié durant notre voyage et je fus contente d'apprendre que ces moments n'avaient appartenu qu'à nous. J'avais – comme vous l'avez compris – également parfaitement retenu qu'on pouvait se dissimuler des autres astréiens...

Ce charme était rare. Seule une astréienne, dont j'ignorais encore tout, en était capable. Je n'avais pas tout assimilé, mais elle ensorcelait des pierres. J'avais subtilisé celle que Yaël avait utilisée. Elle était censée cacher ma lumière, pourtant j'avais eu peur qu'elle ne fonctionne pas, que ce sort ne soit pas assez fort comparé à notre amour.

J'avais tort, je me souviens très exactement de l'instant où j'ai pris conscience qu'elle avait fonctionné et, par la même occasion, que Yaël avait compris mon tour de passe-passe. J'imaginais aisément la scène. Il avait dû entrer dans une colère folle et sa rage s'était muée en un véritable tremblement de terre, et ce n'était pas une façon de parler... J'ai senti la terre trembler sous mes pieds au moment où je rejoignais le village des Ouria. J'avais su à ce moment-là, sans l'ombre d'un doute, que c'était lui et qu'il savait. Or pour moi, le chemin venait à peine de commencer et mon initiation parmi les bohémiennes n'avait même pas encore débuté.

Je me suis souvent demandé si toute la terre avait tremblé ou seulement celle du continent où se trouvait la cité d'Astrée. Je craignais qu'il ne réduise la planète à feux et à sang pour me retrouver. Je le savais capable de tout pour moi. Mais je ne pouvais plus reculer. Je devais savoir. L'amulette que Yaël m'avait offerte à Émery occupait depuis longtemps toutes mes pensées. Cet artefact m'obnubilait. Une bohémienne du nom d'Elija y avait enfermé tous ses souvenirs, me racontant ainsi son histoire.

Elle m'avait livré au Prince du royaume de Hululy, Storm, dit l'Infâme. Ce même homme avait assassiné son frère et mon père, avant de faire empoisonner mon oncle et ma tante. Je lui jurai une haine éternelle. Il avait également tué la bohémienne à l'amulette, alors même qu'ils étaient amants. C'était pourtant auprès de lui qu'elle s'était réfugiée des années auparavant.

Elija s'était enfuie de ses terres, chassée par les siennes pour son usage illégal de la magie. Elle marchandait ses services alors que le pouvoir des bohémiennes ne devait rester qu'au sein de leur tribu, uniquement pour faire survivre leur peuple, depuis longtemps affaibli.

Les bohémiennes attendaient la venue de celle qu'elles nommaient la Grande prêtresse. Cette dernière était, selon elles, la seule à pouvoir les sauver, mais les années passèrent sans que celle-ci ne vînt jamais. Aujourd'hui, le peuple bohémien ne comptait plus qu'une dizaine d'individus.

Elija ne croyait plus aux prophéties des siens. Elles étaient anciennes et des générations s'étaient éteintes sans jamais voir la prophétie se réaliser. Elle ne voulait pas passer sa vie à attendre une chose qui ne viendrait jamais. Elle avait décidé de profiter de la magie pour son usage personnel, ce qui lui valut d'être bannie de ses terres. Elle décida alors de rejoindre l'autre continent et s'installa dans le royaume de Hululy. Elle y rencontra Storm, fils du roi Ollard, de la lignée des Weysar. Elle mit sa magie à son service. Elle l'aida à accéder au pouvoir, œuvrant toujours dans son ombre, telle une fidèle servante.

Pourtant, lorsqu'elle me vit pour la première fois à Azadjan, elle n'eut aucun doute, elle le sut à l'instant même. Je n'ai jamais vraiment compris pourquoi, mais ma vision à ce sujet avait été limpide. Elle savait qui j'étais, elle savait que j'étais celle que son peuple attendait. Elle avait cependant choisi d'en avertir en premier Storm, plutôt que les siens. Elle avait décidé de lui être fidèle jusqu'au bout, quoique cela puisse lui en couter. Le prix fut élevé, elle y laissa la vie.

Il m'était étrange de visionner les réminiscences de cette femme. Après tout, elle n'avait pas vraiment joué en ma faveur. Certes, elle avait tenté dans ses derniers instants de raisonner le Prince, mais je n'ignorais pas, pour lire dans ses pensées, qu'elle savait très bien, au fond d'elle, qu'il n'épargnerait ni elle, ni moi, peu importe l'amour qu'elle lui portait.

J'avais pris le temps de réfléchir à son histoire et les raisons qui me poussaient à garder tout cela secret. J'en étais venue à la conclusion que je devais rencontrer les bohémiennes. Toutes mes visions allaient dans ce sens. Elles auraient des informations à me livrer sur ma destinée. J'en étais certaine, surtout que j'avais compris qu'il y a bien longtemps, ce fut Yorï qui était venu les visiter.

Yorï était un ancien dieu. Il avait les mêmes pouvoirs que moi. Il avait vécu plusieurs siècles et s'était rapproché du peuple bohémien. Il avait habité quelque temps parmi eux et il leur avait confié certaines de ses prémonitions. À sa mort, ces dernières s'étaient transformées en prophéties.

Depuis mon arrivée à la Grand'Astrée, j'avais étudié avec assiduité l'histoire des astréiens. J'avais appris que Yorï avait choisi de finir ses jours de l'autre côté du portail, loin des siens. Or, les bohémiennes me révélèrent tout autre chose. Elles m'affirmèrent que Yorï était ici même lorsqu'il eut la vision de son assassinat... et qu'elle était d'intervention divine.

Elles ne surent pas me dire quel dieu avait commis cet ignoble acte. Les choses n'étaient pas aussi claires pour elles que pour moi sur qui étaient réellement les dieux et sur les liens qu'ils entretenaient. Je n'en fis pas mention et ne parlais que d'Elija pour expliquer ma venue auprès d'elles.

Et comme pour Elija, dès qu'elles me virent, elles furent convaincues que j'étais celle qu'elles attendaient. Difficile dès lors de ne faire qu'un aller-retour, d'autant qu'elles avaient beaucoup de choses à m'apprendre et mon intérêt fut particulièrement saisi lorsqu'elles me révélèrent que Yorï leur avait confié un présent à mon intention. Il avait prédit que je viendrais leur rendre visite et il leur avait demandé de me le remettre. C'était étrange de savoir que cet objet avait été là, à m'attendre, pendant presque 800 ans...

Je ne savais pas trop à quoi m'attendre. Il faut dire que je ne pensais pas en venant ici être si attendue. Je ne fus néanmoins que moyennement surprise de la requête des bohémiennes de leur venir en aide. J'acceptai et je promis de faire au mieux. Je me sentais redevable, pas auprès d'elles, mais de Yorï. Même si je ne l'avais pas connu, j'avais le sentiment que je lui devais bien cela.

Les bohémiennes m'apprirent les mots exacts de la prophétie de Yorï et je les répétai à plusieurs reprises pour être sûre de les graver dans ma mémoire. Les prophéties étaient toujours sujettes à interprétation. Elles étaient obscures, peu précises et modifiables à souhait. Je devais en connaître les termes exacts.

Au-delà des neiges éternelles,

De là-haut, son pouvoir brillera.

Mais le fratricide mourra.

Attiré par l'aquarelle,

La prêtresse l'ensorcelle.

Son règne est perpétuel.

Sa lumière nous éblouira.

C'est elle qui nous sauvera.

Son sang scellera cette guerre

Et le début d'une nouvelle ère.

Les bohémiennes étaient persuadées que j'étais la prêtresse de la prophétie. Après tout, Yorï l'avait prédit ! Il leur avait conté l'exact moment où je les rejoindrai, détaillant avec précision jusqu'aux vêtements que je porterai lorsque j'arriverai au village des Ouria. Je restai quelque peu hébétée et me demandais intérieurement si j'aurais un jour des visions aussi lointaines. Ne devenait-on pas fou à voir toutes ces destinées ?

Je ne pouvais m'empêcher de me poser cette question. Yorï m'avait été décrit comme un homme sombre à la Grand'Astrée. Il avait pour coutume d'étaler de la suie sous ses yeux, accentuant la noirceur de son regard dément. Pourtant, à leur récit, je constatai que les bohémiennes en avaient gardé une autre image ; mais, après tout, il était leur dieu. Elles le vénéraient depuis maintenant plusieurs siècles.

Enfin peu importe, cinq jours, c'est long... Trop long.

J'avais en plus un peu peur de ne pas pouvoir franchir le portail dans l'autre sens. Je ne me sentais toujours pas vraiment astréienne, mais mon désir de voir Yaël était plus fort que tout et il dût sans doute faire la différence.

Je ne pouvais qu'imaginer l'état dans lequel il devait être. Je ne voulais pas le faire souffrir, j'aurais tellement voulu le rassurer, lui dire qu'à son tour, il devait avoir confiance en moi. Je comptais chaque minute qui me séparait de lui. Pourtant, j'étais tout autant impatiente qu'apeurée à l'idée de le revoir. Mes émotions étaient contradictoires. Je ne pouvais ignorer la colère qui devait l'habiter. Je n'avais jamais vraiment eu peur de Yaël, mais au moment où je revins à la Grand'Astrée, j'avais le cœur lourd et serré.

Je pensais le retrouver à peine après avoir traversé les eaux qui séparaient nos deux mondes, mais à la place, ce fut Stan qui m'accueillit avec un regard sévère et courroucé. Lui aussi, je l'avais déçu... Il me dit seulement que j'allais avoir des explications à donner, sans pour autant en attendre, et il m'emmena immédiatement auprès de Yaël.

Quand je fus dans notre demeure, je la reconnus à peine. Tout avait été saccagé, les carreaux étaient brisés, les meubles renversés, la vaisselle cassée. Il avait tout retourné. Il avait pris soin de détruire toutes les attentions qu'il avait glissées ici à mon égard. Les détails qu'il avait parsemés un peu partout dans l'habitat étaient à présent détruits à jamais.

Je ne lui avais pas dit, mais je les avais toutes remarquées. J'avais compris qu'il avait retenu chaque mot que j'avais prononcé durant les conversations à sens unique de notre enfance. Je lui avais confié mes envies, mes rêves, mes peurs. Je lui disais absolument tout et il avait tout écouté : des lys plantés sous notre fenêtre pour profiter de son parfum délicat, du grand plan de travail en chêne pour avoir tout l'espace qu'il faut pour cuisiner, du fauteuil à bascule pour me reposer après une longue journée de travail, de ses grandes fenêtres qui me donnait l'impression de vivre avec la nature.

J'avais vu toutes ses attentions, mais j'étais encore fâchée après lui à la suite de l'épisode à Astrée, et je ne l'avais jamais remercié. Il était trop tard désormais et je le regrettais amèrement. J'aurais dû lui dire à quel point je l'aimais pour tout ce qu'il était, peu importait ce qu'il avait pu faire avant de me rencontrer.

Toutefois, j'avais un secret à garder et je n'étais pas sûre d'y arriver en étant en bons termes avec mon mari. J'étais restée froide et distante. Je savais que si Yaël perçait mes murailles, je n'aurais plus aucune défense. S'il sentait une faiblesse de ma part, il s'y engouffrerait et ne me laisserait pas avant de tout lui avouer. J'avais besoin de temps. J'avais besoin d'apprendre, de connaître les astréiens. Je devais savoir dans quel monde j'avais atterri. Anya avait raison, je ne devais faire confiance à personne.

J'étais en plus loin d'imaginer que les astréiens seraient aussi nombreux et il fallait bien garder à l'esprit qu'ils avaient tous un pouvoir particulier. Je devais en apprendre davantage sur eux pour savoir à qui me fier. Ma rencontre avec Aequor me l'avait bien fait comprendre. Certitude totalement confirmée lorsque je l'avais aperçu un jour discuter avec Joachim, le dieu des secrets.

Quel était son don me demanderiez-vous ? Joachim avait une ouïe extrêmement fine, il pouvait écouter n'importe quelle discussion privée à distance. Ils connaissaient les secrets de tout le monde. Je ne voulais pas qu'il sache le mien. Je décidai donc de me murer dans mon mutisme. Je faisais attention à chaque mot prononcé, ayant toujours le sentiment d'être espionnée.

Et je n'ai par conséquent rien dit à Yaël à mon retour. Je lui ai simplement bredouillé un « désolée », à peine audible, en attendant que son courroux s'abatte sur moi, mais il n'en fit rien. Il me regarda, sans s'approcher et sans un mot à mon égard. Il dut me fixer seulement quelques secondes, mais j'eus l'impression que ce moment s'ancrait dans le temps. Je lus dans ses iris bleutés tout d'abord le soulagement. J'étais rentrée, je crois qu'il ne l'espérait plus. Puis, l'incompréhension, la colère, la haine et l'amour. Quand je lui ai dit pour toute justification que j'étais désolée, j'y lus la souffrance. Je l'avais blessé, une fois de plus.

Il ne s'exprima même pas directement à moi lorsqu'il sortit en disant qu'il avait à faire et qu'il reviendrait plus tard. Il me laissa seule avec Stan et notre foyer dévasté.


- Tu es dans la lune aujourd'hui ! dit Misha pour me faire réagir.

- Désolée Misha, je ne suis pas très bien aujourd'hui, lui répondis-je.

Ce qui était parfaitement vrai.

- Il faut que vous discutiez, il est plus que temps, me conseilla-t-il.

Ce qui était également vrai.

Ce gamin était particulièrement mature pour son âge. C'était peut-être pour ça que je l'appréciais autant, quoique nous n'ayons pas beaucoup de différence d'âge non plus.

Il ne comprenait pas trop ma situation avec Yaël. Qui aurait pu ? Il respectait mon silence, ne me posait jamais de questions et évoquait très rarement le sujet. S'il se permettait de me dire cela aujourd'hui, c'est qu'il estimait qu'il devenait urgent que je l'entende. Et il ne pensait pas si bien dire.

Il était plus que temps à présent. Je devais parler à Yaël. Je devais lui dire. Je ne pourrai bientôt plus lui cacher. Et il allait se rendre compte que mon ventre s'arrondissait...

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