Chapitre 51

La pièce était étroite, il n'y avait encore une fois aucune fenêtre, mais au-dessus du bassin le plafond était ajouré et laissait passer la lumière du jour. Elle permettait également à toutes ces vapeurs de se dissiper un peu. La chaleur était aussi étouffante qu'à l'extérieur. J'aurais apprécié un bain frais, or celui qui s'offrait à moi semblait être à l'opposé. J'aperçus au fond de la pièce quelques femmes, mais j'avais du mal à les discerner avec la condensation. L'une d'elles s'approcha de moi, entièrement nue, et me sourit.

- C'est ton premier jour ? demanda-t-elle.

Je compris de suite la méprise et m'empressai de l'informer.

- Non, je suis ici avec mon mari. Madame Otto nous héberge pour la nuit.

- Oh ! Nous ferons sans doute plus ample connaissance avec ton mari dans la soirée alors, conclut-elle.

- Non, je ne pense pas, lui assurai-je gentiment. Il n'est pas ici pour ça, sans vouloir t'offenser.

- Tu ne m'offenses pas, c'est plutôt à moi de m'excuser, j'ai tellement l'habitude que l'on vienne pour ça, que je n'ai même pas pensé qu'il pouvait s'agir d'autre chose !

Elle dit ça avec une sincérité qui me fit de la peine pour elle, pourtant elle avait l'air heureuse. Que vivaient ces filles exactement au sein de ces murs ? Il y avait bien des femmes qui échangeaient des services sexuels contre de l'argent à Azadjan, mais elles le faisaient en désespoir de cause, elles n'avaient pas vraiment le choix si elles voulaient survivre. Était-ce le cas ici ? Était-ce une prison dorée qui s'offrait à elles ?

Elle me tira de mes pensées et me tendit un lainage soyeux.

- Tu peux déposer tes affaires ici et utiliser cette étoffe pour te dissimuler si tu es pudique.

- Merci.

- Nous prenons le thé avec des amies, précisa-t-elle. Rejoins-nous si tu le souhaites après ta baignade.

Je la remerciai encore et commençai à me dévêtir. Je fis attention à bien plier mes vêtements pour que le collier d'Alija ne puisse pas glisser de ma poche. Sans attendre, je me soustrayais aux regards que je sentais peser sur moi et rentrai dans le bassin. La chaleur de l'eau détendit instantanément mes muscles, noués par le voyage à cheval. J'avançai jusqu'à ce que l'eau recouvre entièrement mon corps et le dissimule pour me mettre à nager.

Je m'approchai du groupe de femmes sans me soucier d'elles. J'appréciais le moment. Je savourais la sensation de bien-être qui s'emparait de moi. Je plongeai à corps perdu dans ce bain aux senteurs de roses.

Après plusieurs minutes à ne penser à rien, je remontai les marches incrustées dans la pierre du bassin, puis recouvris mon corps de l'étoffe qui m'avait été donnée par... comment s'appelait-elle d'ailleurs ?

Je me dirigeai vers elle pour la remercier et la prévenir, par politesse, que je me retirais. Elle était allongée avec d'autres femmes sur de larges divans, elles discutaient entre elles. Plusieurs corbeilles de fruits étaient à leur disposition. Elles étaient toutes légèrement vêtues, pour ne pas dire entièrement nues. Je les contemplai rapidement du regard, ne pouvant nier leur beauté. Leur peau était laiteuse, malgré le soleil qui brûlait à l'extérieur. Je me sentais un peu déstabilisée face à elle, d'autant que dès je fus à leur niveau, elles se mirent à me jauger sans scrupules.

- Mesdames, ce fut un plaisir de pouvoir profiter de vos bains et je vous remercie de votre hospitalité, dis-je poliment. Je dois retourner auprès de mon mari à présent. J'ai été ravie de faire votre connaissance.

- Mais tu ne l'as pas fait, intervint celle qui été venue à ma rencontre. Reste un instant. Raconte-nous d'où tu viens.

Je fus surprise par cet intérêt soudain. Je n'avais pas vraiment envie de bavarder et je ne savais pas trop comment me dépêtrer de là poliment. Je décidais d'édulcorer, d'aller à l'essentiel.

- Nous rentrons chez nous avec mon mari. La route a été longue et je dois m'excuser auprès de vous, mais je n'ai qu'une hâte, pouvoir me reposer, finis-je par dire.

- Où habitez-vous ? me demanda l'une d'elles.

Bonne question, elle me prenait de court, je ne pensais pas subir un interrogatoire et je ne savais vraiment pas quoi répondre.

- C'est un endroit éloigné, vous ne devez sans doute pas connaître. Je viens de l'Ouest, déclarai-je fièrement, ne pouvant cacher ma différence physique face à elle.

- C'est la femme de Yaël, dit soudain une femme qui venait d'entrer dans les thermes.

Nous nous retournâmes toutes vers elle. Elle n'ajouta rien d'autre, se détourna et déposa ses effets personnels sur le banc, à côté des miens. Je vis le regard perdu et fuyant des femmes qui m'entouraient. Plus personne n'avait de questions à me poser et le silence devint pesant. Il y avait un malaise évident et mon cœur s'accéléra inévitablement au nom de celui que j'aimais. Comment le connaissaient-elles ?

- Vous connaissez mon mari ? finis-je par demander.

Elles ne me répondirent pas. Après tout, secret d'alcôve ne se dévoile point. Mon cœur tambourinait dans ma poitrine.

- Oui, c'est un bon ami à notre patronne, finit par préciser l'une d'entre elles.

Elle me lança un regard contrit.

- Je dois d'ailleurs aller les rejoindre, m'empressai-je de dire pour me sortir de cette situation plus que dérangeante. Je vous souhaite une agréable soirée mesdames.

Je me dirigeai vers la sortie et me saisis de mes vêtements pour me rhabiller à toute vitesse. La dernière arrivante était là, à côté de moi, à m'épier. Elle ne s'en cachait pas. Elle me considérait, elle m'analysait mais je n'y prêtais pas attention. Je fuyais son regard et me concentrais sur mes gestes afin d'être la plus efficace possible. Je voulais partir au plus vite de cet endroit.

Elle détacha les deux volants qui étaient noués sur ses épaules et sa robe glissa à ses pieds, révélant l'entière nudité de son corps. Ses courbes pulpeuses se révélèrent à moi, et dans une infinie lenteur elle se glissa dans l'eau du bain. Puis, elle se retourna et me dévisagea.

C'est alors que je la vis enfin. Je pris ses iris verts en plein visage. Cette fille me ressemblait comme deux gouttes d'eau, c'était indéniable. Les traits de son visage étaient si proches des miens que cela en était déroutant. Elle comprit à mon air surpris que je venais de réaliser notre ressemblance et, face à ce constat, son visage s'illumina et afficha un sourire satisfait.

Je ne m'attardai pas plus et me dirigeai au plus vite vers la sortie. L'atmosphère était en train de m'étouffer, littéralement. Dès que je franchis les battants de la porte, je fus happé par une vive lumière et eus une vision. Une vision violente et douloureuse. Une vision insupportable et intolérable. Je m'effondrai sur les carreaux de l'atrium dans un cri qui n'arriva pas à franchir mes lèvres. L'air me manquait. Ma poitrine était comprimée et mon cœur saignait.

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