Chapitre 48

La lune était radieuse et les constellations semblaient infinies. Je marchai tout en admirant le ciel, m'aventurant un peu plus dans la nuit froide. Une fois à bonne distance, je sortis l'amulette et la contemplai. Ses éclats m'hypnotisèrent. Je la serrai dans mon poing et la rapprochai contre moi tout en fermant les yeux.

Je revis alors le visage de cette femme. Elle semblait heureuse, je la voyais danser avec d'autres femmes en formant une farandole. Son sourire irradiait, ses yeux pétillaient, elle vivait intensément le moment présent. Qui était-elle ? Je ne reconnaissais pas l'endroit où elle se trouvait, aucun des visages que j'apercevais ne m'était familier. Que fêtait-on ? Pourquoi toute cette joie me saisissait-elle à la gorge ?

- Izi ?

Yaël était derrière moi. Je glissai discrètement l'amulette dans ma poche, avant de me retourner.

- Yaël, désolée, je ne voulais pas te réveiller. Je n'arrivais pas à trouver le sommeil, me justifiai-je.

- Ce n'est rien, mais tu ne devrais pas autant t'éloigner du feu. Les ombres de la nuit peuvent dissimuler de sombres choses.

- Oh ! eus-je pour toute réponse.

Je n'y avais pas pensé et maintenant qu'il me l'avait fait remarquer, j'avais l'impression d'être entourée de serpents, de scorpions et de plein d'autres animaux venimeux. Pourtant, je n'avais aucune envie de retourner m'allonger auprès du feu.

- Est-ce que tu peux faire venir le feu à nous ? lui demandai-je, hésitante.

Il me sourit avec un visage encore ensommeillé.

- Si ma dame le demande, dit-il en faisant une légère révérence.

Et le mouvement de ses bras fit naître un cercle de flammes tout autour de nous.

- Qu'est-ce qui te tracasse, princesse ? me demanda-t-il.

- Je ne sais pas vraiment. Je suis surement un peu anxieuse de découvrir mon nouveau chez moi.

Il se blottit contre moi et m'enlaça tendrement, tout en se balançant légèrement de droite à gauche, et j'eus la sensation d'être bercée.

- Tu es tout pour moi, me murmura-t-il.

Ses mots me réchauffèrent le cœur, bien plus que ne le faisaient les flammes autour de nous. Dans ses bras, je me sentais reine. J'avais envie de croire que tout était possible.

Je l'enlaçai à mon tour et fis remonter mes mains le long de ses joues. Je reculai, sans le lâcher, et le regardai avec tout mon amour. Je ne savais pas s'il pouvait ressentir ce que je ressentais. Je voulais lui devenir indispensable, mais c'était lui qui était devenu indispensable à ma vie. Ce que je ressentais pour lui était tellement fort que cela m'effrayait. Ma raison se rappelait parfois à moi, toutefois mon cœur n'avait aucun doute. Je confierais ma vie à cet homme. Il avait ce côté obscur qui l'habitait, cette tristesse qu'il portait et prenait soin de dissimuler au reste du monde, mais je la voyais. Et je n'avais qu'une envie lui apporter la lumière nécessaire pour qu'il ne soit plus jamais triste.

Nous restions silencieux à nous regarder intensément. Je lisais tellement de choses dans son regard. Son amour, sa peur, sa colère. Chacun des éclats de ses prunelles laissait transparaître un sentiment et je me noyais dans la profondeur du bleu de ses yeux.

Il réduisit l'espace entre nous, approchant dangereusement ses lèvres des miennes. Une fois encore, j'eus l'impression que nos lumières respectives s'unirent pour créer une bulle auréolée qui n'appartenait qu'à nous. Avec Yaël, peu importait le lieu, peu importait le moment, il aspirait mon âme et me faisait tout oublier.

Son regard était toujours ancré dans le mien et je réduisis définitivement la distance qui nous séparait en scellant mes lèvres aux siennes. Ce baiser fut tendre, chargé d'émotions. Puis, ses mains s'empressèrent sur mon corps et cette étreinte devint obsessionnelle. J'avais besoin de lui autant que lui de moi. Il remonta les pans de ma robe et glissa sa main jusqu'à mon intimité. Ses caresses étaient enivrantes, ses baisers exaltants. Il me rendait complètement folle.

Je perdais pied, je ne me contrôlais plus. J'étais toute à lui. Pourtant, il s'arrêta brusquement et me sonda avec ses iris de saphirs.

- Tu es à moi, déclara-t-il avec une sincérité poignante.

Mon cœur, déjà bien emballé, tambourinait dans ma poitrine et je le regardai avec désir.

- Dis-le, Izi. J'ai besoin de l'entendre.

Il semblait tiraillé par ses émotions.

- Parfois, j'ai l'impression que tu m'échappes, ajouta-t-il à voix basse.

Sa révélation me fendit le cœur et je me demandai aussitôt pourquoi je ne lui avais rien révélé pour le collier.

- Je suis à toi, dis-je sans hésiter. Uniquement à toi. Dans ce monde et dans l'autre, ajoutai-je afin de le rassurer.

J'essayai d'incruster ses mots dans son esprit. Je lui répétai comme une litanie que j'étais à lui entre deux baisers passionnés. Je ne m'étais jamais sentie appartenir à personne auparavant, mais s'il y avait bien quelqu'un qui me possédait ici, corps et âme, c'était cet homme.

C'est alors qu'une lumière vive me saisit et me projeta dans le futur.

Je nous vis Yaël et moi, le sourire aux lèvres, apparemment toujours aussi amoureux. Je ressentais mes émotions à venir et je dois dire que j'étais totalement comblée. J'étais remplie d'un bonheur qui m'était jusque-là étranger, un mélange d'immense fierté et de joie profonde. Je remarquai alors à côté de nous un landau. Je m'en approchais et scrutais ce nouveau-né, délicat et fragile, en train de dormir paisiblement. Il était magnifique. J'eus l'envie irrépressible de lui caresser la joue et c'est ce que je fis. Après tout, je ne pouvais pas interagir avec mes visions, je n'étais qu'une spectatrice invisible. Du moins, c'est ce que je croyais. Coïncidence ou non, le bébé se réveilla à peine avais-je posé ma main sur son visage et j'étais persuadée qu'il était en train de me regarder.

Je me mis soudain à paniquer et le bébé aussi vu les cris qu'il poussa. Mon futur moi intervint immédiatement et saisit l'enfant pour le bercer. Elle lui parla d'une voix rassurante et le bébé cessa rapidement ses pleurs. Yaël les enlaça tous deux. Lui aussi était comblé. Je me réjouissais de ne voir aucun brin de tristesse dans son regard.

J'eus envie de partager ce moment avec mon Yaël du présent. Sans quitter ce songe, je parvins à me concentrer assez sur lui pour lui saisir la main et l'entraîner dans ma vision. Il fut un peu déstabilisé au début, mais comprit vite de quoi il retournait. Puis, il vit. Il vit cette scène de nous dans le futur. Notre bonheur. Et cet enfant.

Un enfant de Yaël. J'en étais certaine au plus profond de moi, je n'avais aucun doute. Cet enfant était le nôtre. Et c'est ce que je me mis à lui murmurer alors qu'il restait figé et attentif à tout ce qui se passait devant lui.

- Je te présente ton fils.

Il se retourna vers moi brusquement à ces mots et nous retournions dans le même temps dans le présent. L'émotion était palpable, l'air chargé d'électricité.

- Je suis heureux que tu aies partagé cette vision avec moi, me dit-il.

Je m'attendais à plus de joie, je dois bien l'admettre. Aussi, je me sentis obligée de préciser ma pensée.

- Tu réalises ce que cela signifie ? Nous ne sommes pas stériles, Yaël, nous allons avoir un fils !

- Izi, ne te mets pas ça dans la tête, ce bébé...

Je me crispai soudainement, je savais ce qu'il allait dire, je savais ce qu'il pensait et je savais qu'il se trompait.

- ... nous l'avons surement recueillie à la Grand'Astrée.

- Non, Yaël, je t'assure, je ressens les sentiments des personnes qui sont dans mes visions. La peur, la joie, la colère, l'empressement, l'amour d'une mère... Je ressens tout et je peux t'assurer que cet enfant est la chair de ma chair.

Il oscilla légèrement face à la conviction de mes propos, mais continua à me conseiller de ne pas croire à cette version. J'étais blessée qu'il n'accorde pas plus de crédit à ce que je venais de lui dire. Et je ne lui cachai pas. Je le fusillai du regard.

- Yaël, tu peux compter sur moi pour te rappeler cette conversation et la raconter également à ton fils lorsqu'il sera en âge de l'entendre !

Je partis fâchée et reprenais place à côté du feu de camp. Yaël ne mit pas longtemps à me rejoindre. Il se glissa derrière moi et me tira vers lui pour coller mon corps au sien. Je me laissai faire, mais ne lui accordai aucun mot, aucun regard. Il déposa un baiser sur ma tempe, serra son étreinte, puis chuchota à mon oreille.

- Tu es à moi, princesse.


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