Chapitre 38
Un bruit fracassant me réveilla en sursaut.
- Stan, c'est toi ? Mais qu'est-ce que tu fais là à une heure pareille ? demandai-je la voix ensommeillée.
- Debout, ma grande ! C'est l'heure de ton entraînement.
- Mon entraî... non ! Tu vois bien que je dors. J'ai passé une nuit difficile, Stan, laisse-moi dormir.
- Je sais, où crois-tu que ton amoureux ait passé la nuit ?
- C'est plus mon amoureux, marmonnai-je toujours à moitié endormie.
- Parfait, tu pourras être pour une fois concentrée sur nos exercices. Lève-toi ! m'ordonna-t-il.
Il se mit à tirer sur la couverture du lit, me privant de sa chaleur réconfortante.
- Stan, bordel !
- Je te laisse cinq minutes pour te préparer et me rejoindre sur le pont, annonça-t-il sans laisser place à la discussion.
Il se dirigea vers la porte alors que je me repositionnai en boule dans le lit.
- Et ne m'oblige pas à revenir te chercher ! exigea-t-il avant de quitter la pièce.
Le pire c'était que je savais pertinemment qu'il n'hésiterait pas à revenir si je ne le rejoignais pas. C'était sans doute les dieux qui me punissaient pour les mauvaises pensées de Yaël ! Bon d'accord, cette fois-ci mes pensées étaient insensées !
Oh et puis zut, autant se lever, de toute façon, il ne me laisserait pas le choix et je n'avais pas envie de me recevoir un seau d'eau gelée, comme il l'avait déjà fait !
C'est néanmoins avec peu d'envie que je pris la direction du pont. J'en venais même à me demander si tous ces escaliers ne faisaient pas partie de l'entraînement.
- Tu es en retard, railla Stan.
- Je suis là, contente-toi de ça.
- Aurais-tu passé une mauvaise nuit ? demanda-t-il, sarcastique.
- Ah ah ah !
- Tiens, attrape ça ! Aujourd'hui on va travailler ton équilibre, ça renforcera ta musculature.
Et ce fut comme ça que je me suis retrouvée à faire des acrobaties, sur un pied, une jambe tendue en arrière et le buste penché en avant avec les bras écartés et des poids au bout. Et comme si ce n'était pas suffisant, il m'avait demandé de faire des mouvements circulaires avec les bras. Je sentais que demain j'allais avoir mal de partout. Heureusement, après une heure d'entraînement, arriva le moment des étirements. C'était l'instant que j'appréciais le plus, ils arrivaient à apaiser toutes les tensions qui m'habitaient et je me sentais toujours revigorée ensuite.
Le soleil venait à peine de finir de se lever, la vue était magnifique. Je me sentais bien finalement, prête à affronter cette journée et je remerciai Stan malgré tout. Il le faisait pour moi et je dois avouer que depuis qu'il avait pris les choses en main, je me sentais beaucoup mieux dans mon corps. Pas que j'étais inactive et flasque auparavant, c'est juste que je commençais à sentir les effets positifs de ses conseils. J'étais moins gauche, j'avais étrangement plus d'assurance et mes mouvements étaient devenus plus fluides dans les parades de combat.
Je me sentais progresser et Stan semblait également satisfait. À la fin de notre séance, il me proposa un bon petit déjeuner dans la salle commune. Je m'attendais à y voir Yaël, mais il n'était pas là. Je décidai d'en parler à Stan.
- Il t'a raconté notre dispute ? demandai-je.
- Dans les grandes lignes.
- Mouais, il t'a tout dit quoi, grinçai-je.
- Tu veux savoir ce que j'en pense ? me questionna-t-il.
Je dois bien l'avouer, je mourrais d'envie qu'il soit de mon côté et qu'il raisonne Yaël.
- Oui, dis-je simplement.
- Vous commencez à apprendre à vous connaître. C'est évident qu'il y aura des sujets où vous ne serez pas d'accord. Il va falloir que vous appreniez à faire des compromis.
- C'est ça que tu penses ? Je me moque de tes leçons de couple, criantes d'évidence, lui hurlai-je presque au visage. Je veux savoir si tu trouves ça normal que Yaël me demande de renoncer à mes croyances, aux cultes des anciens et de renier la religion de mon peuple !?
Il ne répondit pas et je le défiai du regard. Je voulais une réponse, il me devait une réponse. Il était évident que j'avais raison, non ?
- Tu restes sur tes positions. Qui te dit qu'il n'a pas ses raisons, lui aussi ? Qui te dit que ton Yärl le grand ne l'a pas abandonné dans une bataille ? Qui te dit que ton dieu de la mort Inaé ne soit pas venu lui prendre des êtres qui lui sont chers ? Que malgré ses prières à ta Lilas, la déesse de l'amour ait choisi de le faire patienter 21 ans sans raison ?
Je ne m'attendais pas à cette tirade, mais je ne me démontai pas.
- On ne peut pas renier les dieux parce qu'ils nous déçoivent, ce n'est pas comme ça que ça fonctionne.
- Qu'en sais-tu ?
Il me prenait au dépourvu, mais je lui répondis avec toute ma ferveur.
- Les dieux ont des projets pour chacun d'entre nous, ils nous aident au quotidien, mais ils ne peuvent exaucer tous les vœux. Qui te dit que l'adversaire de Yaël n'avait pas aussi invoqué Yärl le grand ? Peut-être qu'Inaé avait d'autres projets pour les âmes qu'il a recueillies, aussi triste cela soit-il ? Et je ne doute pas que Lilas avait ses raisons pour retarder notre rencontre. Ça s'appelle avoir la foi, Stan.
- Alors Yaël en est dépourvu. Que vas-tu faire, Izi, le forcer à vénérer des dieux dans lesquels il ne croit pas ?
- Non, mais il doit respecter mes croyances. Je ne te comprends pas, Stan. Tu parles de mon Yärl le grand, de mon dieu de la mort et de ma Lilas, mais ne sont-ils pas les tiens à toi aussi ?
- Izi, me dit-il gravement, ils ne le sont pour aucun des astréiens.
- Même pas les nouveaux dieux ? insistai-je, perdue.
Comment tout un peuple pouvait-il renier des croyances vieilles de plusieurs milliers d'années ?
- Non, vos cultes ont un sens pour nous et ne t'y détrompe pas, nous les respectons et ils font partie intégrante de notre vie. Simplement, vos dieux n'en sont pas pour nous.
- Je ne comprends pas ce que tu essaies de me dire, Stan. Que sont-ils alors pour vous ? Yaël m'a dit qu'il ne niait pas leur existence.
- Certaines de vos croyances sont fondées, mais...
Il sembla chercher ses mots, il était embêté c'était évident.
- Comment définirais-tu ce qui fait un dieu ? finit-il par me demander.
Je réfléchis un instant à sa question.
- Je dirais qu'un dieu est tout puissant et peut faire ce qu'il désire. Bien sûr, un dieu seul ne peut pas prétendre s'occuper de tout et c'est bien pour ça qu'il y en a plusieurs.
- C'est-à-dire ?
- Tu le sais très bien. Chacun s'occupe d'un domaine propre, cela peut être en fonction du lieu, la mer, la forêt, les lacs, les cultures et j'en passe, mais pas seulement. Les dieux s'occupent aussi toutes les activités terrestres comme la chasse, la pêche, les récoltes, le commerce. Ils sont partout, même dans les relations sentimentales, ils régissent les émotions. Je ne vois pas comment on pourrait le nier. Il y a plein de personnes dans le royaume qui ont vu des choses incroyables se produire. On trouve de nombreux témoignages d'intervention divine, ce n'est pas moi qui les invente ! me sentis-je obligée de dire pour me défendre.
Je le regardai, un peu désespérée. J'étais certaine de gagner cette bataille, mais soudain, je n'en fus plus tout aussi certaine.
- Et si quelqu'un t'avait surpris au bras de Yaël en train de voler entre les montagnes et de vous poser délicatement sans aucune égratignure. Qu'aurait-il raconté ? me questionna Stan.
- Oh, tu sais très bien que ce n'est pas pareil ! Et d'ailleurs d'où vous viendrait votre magie si ce n'est pas des dieux ? l'interrogeai-je à mon tour, fière de ma remarque.
- Va savoir, me dit-il simplement.
Je pensais qu'il allait mettre ainsi fin à cette discussion stérile, mais il continua.
- Tu en es où côté vision ?
- Je ne vois que ce que les dieux veulent bien me montrer, répondis-je, sarcastique et agacée.
- Tu devrais alors peut-être leur demander de te montrer la vérité. Après tout, tu es la seule à pouvoir le savoir, non ?
Il n'avait pas tort. Je détenais peut-être la clé à toutes mes questions. Il fallait impérativement que j'apprenne à me servir de ce don.
- Est-ce que... tu peux m'aider ? Je veux dire à les contrôler. Je parviens à présent à les différencier de la réalité et je les interprète de mieux en mieux, mais... je n'arrive pas à m'en servir quand j'en ai envie. Elles viennent à moi sans me laisser vraiment de choix... confessai-je penaude.
- Je suis ravi que tu me le demandes, dit-il avec un large sourire. On se retrouve dans une heure à l'écurie.
- À l'écurie ?
- Oui. Ne sois pas en retard.
Il se leva et me laissa là, sans plus d'explications. Je regardai ma fleur de thé qui s'était complètement ouverte au contact de l'eau chaude. J'en bus quelques gorgées, mais j'avais la gorge serrée. Cette discussion m'avait dérangée et je n'aimais pas être fâchée avec Yaël.
J'attendis encore quelques minutes, seule à ma table, espérant qu'il rejoigne la salle commune, mais il ne vint pas. Je me dis finalement que j'avais plus de chance de le retrouver dans notre chambre. Il était peut-être rentré de sa nuit chez Stan et espérait me retrouver.
C'était en réalité peu probable. Je doutais qu'il puisse ignorer que Stan avait prévu de m'entraîner ce matin. Il savait parfaitement où j'étais et... il n'était pas là.
Je remontai les escaliers et sentis déjà mes muscles tirés par l'effort de l'entraînement de ce matin, pourtant je ne ralentis pas et me dirigeai droit vers notre chambre. J'ouvris la porte sans hésiter, mais... il n'était pas là.
Je fonçai vers celle de Stan sans attendre. J'étais décidée, nous devions avoir cette discussion. Nous ne pouvions pas rester fâchés indéfiniment. Par précaution, je tapai avant d'entrer. La voix de Stan me répondit et me dit d'entrer. Quand il vit mon visage, il m'annonça mal à l'aise.
- Désolé, Izi... il n'est pas là.
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