Chapitre 19

Stan suivit la trajectoire de mon regard pour essayer de comprendre pourquoi je m'étais soudainement déconfite sur ma chaise.

- Izi, tout va bien ? me questionna-t-il.

- Je crois que cet homme est un membre de ma famille, dis-je rapidement sans quitter l'homme des yeux.

Il se retourna et regarda dans la direction que je lui indiquais. Il arrêta de chercher quand je fis mention du bébé et du landau. Il m'examina un instant, puis me suggéra de le fixer dans les yeux quelques secondes. J'obéis sans comprendre.

- Maintenant, regarde de nouveau cet homme, me dit-il.

Je scrutai immédiatement la salle à la recherche de l'homme et de son bébé.

- Ils n'y sont plus, constatai-je tout en continuant de les chercher partout du regard. Ils sont partis.

- Avec le landau et tout, en seulement cinq secondes ? Ils n'ont jamais été là, Izi. Tu as eu une prémonition.

Une prémonition...

- La prémonition que je rencontrerai un homme de ma famille dans une taverne ? lui dis-je, abasourdie.

- Non, il faut l'interpréter bien sûr. On t'a bien dit qu'il faudrait que tu apprennes à maîtriser ton pouvoir. Désolé, mais au début, un pouvoir, c'est pas sympa, on sait pas s'en servir ; il faut apprendre, galérer, recommencer, encore et encore. C'est comme tout, bordel ! s'emporta-t-il. Alors pas de chance, nous on nous l'a enseigné dès l'enfance, mais toi, tu vas devoir apprendre maintenant. Qu'est-ce que tu as vu exactement ? me demanda-t-il sur un ton plus calme.

Je m'apprêtais à lui répondre « rien de plus que ce que je viens de te décrire » quand Yaël nous rejoignît. Stan l'informa de suite de ma nouvelle vision.

J'allais le faire, traître, pensai-je aussitôt.

- Quel genre de vision ? s'enquit immédiatement Yaël.

- Rien d'extraordinaire, lui répondis-je. J'ai entendu un bébé crier et un homme l'a saisi dans son berceau.

- Oui, mais tu crois qu'il est de ta famille, ajouta Stan.

- Il avait... il avait les yeux de mon père. Je crois... On aurait dit lui, finis-je par avouer.

- Es-tu sûre qu'il s'agissait de l'avenir ? me demanda alors Yaël.

- Comment ça ?

- Je pense que tu as peut-être assisté à une scène passée, réfléchit-il à voix haute. Je crois même que cela pourrait être ton père, plus jeune, probablement même avec toi !

Yaël me laissa le temps d'encaisser la nouvelle, puis il continua.

- Il faut vraiment que tu travailles sur ton pouvoir. Tu dois comprendre tes visions, sinon tu n'es maître de rien.

- Et je fais comment, je n'arrive même pas à les distinguer de la réalité ! m'énervai-je.

- La nuit dans la grotte. Tu étais inquiète pour ta famille. Était-ce le sujet de votre conversation ? Il faut comprendre ce qui déclenche tes prémonitions, affirma-t-il.

- Non, mais... j'étais inquiète et... le soir avant mon cauchemar également.

- La peur donc, conclut-il. Je serais curieux de savoir de quoi vous parliez, mais peu importe, cela veut dire que tu utilises ton pouvoir comme protection. Il faut que tu sois plus attentive dans ces moments-là, jusqu'à ce que tu le contrôles. Il va falloir que tu essaies de reproduire des sentiments similaires pour parvenir à les déclencher.

- Génial, elles ne pouvaient pas apparaître en plein fou rire ! dis-je, exaspérée.

- Ce n'est qu'un temps, me rassura Yaël. Ton pouvoir ne sera ensuite plus lié à tes émotions. Cet état de fait est uniquement parce que tu ne sais pas t'en servir.

Je me sentis presque grondée et je lui répondis, sarcastique.

- Désolée, je n'ai pas eu 21 ans pour m'exercer.

- Ce n'était pas un reproche.

- Je sais, mais j'ai l'impression que tout m'échappe, confessai-je.

- On sera là pour t'aider à y voir plus clair, tenta Stan pour me rassurer. Il faut que tu nous dises désormais toutes les choses qui pourraient te sembler étranges.

- D'accord, consentis-je.

- Nous allons aussi prendre le temps de t'entraîner au combat, annonça Yaël.

- Quoi ? Quel rapport ?

- Le rapport c'est que ce matin, je t'ai retrouvée sous un homme qui tentait de te violer, s'énerva-t-il à son tour.

Il tapait là où ça faisait mal, mais je ne savais pas lequel de nous deux était le plus blessé. Il poursuivit sur un ton plus neutre.

- Tous les astréiens savent se battre, nous l'apprenons...

- Dès votre plus jeune âge, le coupai-je. J'ai compris, je n'ai pas grandi sur vos terres, je ne connais rien de la magie, je ne sais me servir d'aucun pouvoir et je sais encore moins me battre. À vous entendre parler, j'ai parfois l'impression d'être une sous-espèce.

- Ne dis pas de sottises, toi aussi tu es astréienne, tu n'es simplement pas allé en cours, temporisa Yaël de façon démagogue.

- Mouai, donc je dois vous confier toutes mes visions.

- Ce serait bien oui, confirma Stan.

- Tu ne nous as d'ailleurs jamais raconté ton rêve en détail, s'enquit Yaël.

Je revis immédiatement ses lèvres sur les miennes et repensai au plaisir que m'avait provoqué ce baiser. Hors de question que je partage ça avec lui ! Je m'empressai de répondre.

- Inutile, tu as vu tout ce que j'ai vu.

Il se pencha vers moi et me chuchota à l'oreille.

- Alors pourquoi rougis-tu ?

Je sentis mes joues s'empourprer davantage. Je ne lui répondis pas et changeai de sujet.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top