5. Méchancetés en pagaille

Novembre 1913

Madeleine entra dans le salon, le pas décidé mais la main légèrement tremblante. Cela faisait un mois qu'elle avait découvert qui lui faisait ces farces de mauvais goût. Un mois que cela continuait, sous l'œil impassible de Monsieur Gavorgue. Un mois qu'elle tentait d'instruire ses élèves, entre les mauvais coups et les absences répétées de ces enfants qualifiés d'adorables par leur grand-mère. Deux mois qu'elle n'avait plus revu sa famille, son foyer.

La jeune fille poussa la porte et soupira devant le désordre désormais habituel pour elle. Les jumeaux avaient cette fois laissé les rideaux en place, mais certains livres avaient des pages arrachées, des couvertures cornées, et des bibelots gisaient à terre, fracassés par des mains maladroites.
Elle se mordit la lèvre, horrifiée. C'était plus grave cette fois-ci. Ils avaient sciemment abîmé des objets rares appartenant à la comtesse. Elle serait renvoyée dans l'heure, elle en était sûre désormais.
Anna qui passait derrière elle à pas de loup la sauva de nouveau. Posant gentiment sa main sur son épaule, elle murmura :

—    Ne vous inquiétez pas. Ils ont déjà fait pire avec l'ancienne gouvernante, et le grenier regorge de babioles de ce genre. La comtesse n'y verra que du feu.

Madeleine sourit faiblement, mais son cœur demeura lourd. Ne pourrait-elle jamais être tranquille ici ? Les insectes en tous genres habitaient désormais régulièrement sa chambre, certains de ses vêtements étaient brûlés par endroits, et elle avait même vu que la serrure de sa valise avait été forcée. Devant le reste du personnel, elle faisait bonne figure et elle savait qu'Anna ne disait rien à personne. Mais le regard froid du majordome posé en permanence sur elle lui donnait des frissons et la sollicitude de Tom était trop exagérée pour être naturelle.
De même, la toilette et les repas des petits, seuls moments où elle les voyait sans pourtant oser leur faire la moindre réflexion, ne se passaient jamais sans que les jumeaux ne fassent une bêtise, l'éclaboussant d'eau chaude ou lançant la purée sur ses vêtements. Elle avait tenté plusieurs fois d'élever la voix, de paraître sèche et de les gronder, en vain. Il suffisait que Delphine écarquille les yeux et que Thomas la regarde d'un air dédaigneux pour qu'elle balbutie des mots sans suite ni logique.

Le salon fut rangé en un clin d'œil et elle sourit brièvement à sa camarade qui l'encouragea avant de repartir. Elle fit une pirouette, observa la pièce avant de hausser les épaules. Encore une matinée perdue. Les jumeaux devaient être en train de courir les bois. De chasser les têtards. Et d'abîmer définitivement leurs vêtements de campagne.

**********

Si elle avait trouvé la cuisinière Marthe sympathique dès le début, Madeleine n'aurait jamais imaginé que la cuisine deviendrait son refuge favori. Sa chambre ne lui semblait plus être cet asile de paix qu'elle avait cru, discuter avec la comtesse lui était dorénavant insupportable, et le personnel lui paraissait étrange. Seule la vieille servante restait naturelle avec elle et n'hésitait pas à lui parler de tout et de rien, parfois sèchement, le plus souvent jovialement. La composition des menus déterminait souvent son humeur et Madeleine savait se montrer diplomate quand l'intendante énervait la cuisinière. Cette pièce était devenue l'endroit où elle s'épanchait, se livrait sans fausse pudeur, discutait de tout et de rien. C'était dans cette amitié improbable que Madeleine trouvait le courage de continuer, de ne pas céder à l'insolence des enfants, de ne pas rentrer chez son grand-père. Marthe lui insufflait cette bonne humeur un peu bourrue qui la caractérisait.

La jeune fille, curieuse, avait rapidement appris de nouvelles recettes, s'installait même aux fourneaux durant ses -nombreux-temps libres, et s'amusait à cuisiner pour le personnel qui ne s'en plaignait pas. Bien au contraire, ses talents avaient éclos et les domestiques demandaient souvent tel ou tel gâteau, tel plat en sauce, le tout sous l'œil indulgent de Marthe.
Le reste du temps, les coudes sur la table ou en train d'écrire une lettre à son Papet, Madeleine écoutait la cuisinière lui raconter les bals fastueux que la maison organisait dans l'ancienne époque, quand Napoléon III était encore l'empereur des Français.

Les lettres étaient également ce qui lui permettait de tenir. Son grand-père quoique très occupé par la librairie, lui envoyait au moins chaque semaine une lettre, même courte, pour lui raconter les événements les plus drôles ou les plus anodins. Victor lui-même prenait parfois la plume pour lui dire combien elle lui manquait et comme les clients la regrettaient. L'écriture maladroite arrachait un sourire tendre à la jeune fille qui rêvait plus fort encore à son retour. Elle attendait le facteur comme le Messie, et chacun savait combien un simple mot la rendait lumineuse.

**********

Ce fut en entrant dans le salon un mardi matin que Madeleine eut la surprise de voir les jumeaux assis devant leur pupitre, Thibault en train d'écrire consciencieusement la date, Delphine sur le point de relire pour la énième fois son catéchisme. La jeune fille fronça les sourcils, s'avança pour les réprimander sévèrement pour leur attitude, et fut interrompue dans son élan par un toussotement léger sur sa gauche.

—    Ma chère Mademoiselle ! S'écria gentiment la comtesse, les mains croisées. Je n'ai pas pu résister à l'envie d'assister à un de vos cours. Mes petits-enfants m'en disent tellement de bien !

Madeleine se tourna vers les jumeaux qui eurent le bon goût de rougir. Elle haussa un sourcil, narquoise, puis salua courtoisement la vieille dame et s'installa à sa place et commença.

—    Monsieur de Saint-Loup, veuillez me donner les dates de la Première Guerre de Religion.

Thibault donna aussitôt la bonne réponse, au grand désappointement de sa gouvernante qui se fustigea mentalement pour des pensées aussi mauvaises. Son élève avait appris ses leçons, c'était le principal. La comtesse applaudit et au bout de quelques minutes, on passa à Delphine.

—    Mademoiselle, combien font douze que multiplie onze ?

—    ...

Les secondes s'écoulèrent, l'horloge fut la seule à rompre le silence, et Madeleine fronça les sourcils devant l'air malheureux de la fillette. Cette dernière contemplait le bout de ses chaussures, penaude. Contrairement à son frère, elle n'avait pas pensé à regarder subrepticement dans ses manuels, encore moins à réviser, et sous le regard sévère de sa gouvernante, elle fondit en larmes.

—    Il ne sert à rien de pleurer Mademoiselle, déclara Madeleine en s'interdisant de céder. Vous n'avez pas appris vos leçons.

Delphine hoqueta et secoua frénétiquement la tête, sans que l'on sache si c'était un oui ou un non. Le regard de Thibault devint orageux et il fixa Madeleine, attendant de voir sa réaction. Cette dernière sentit son cœur se serrer devant tant de larmes : elle aurait voulu la serrer contre elle, comme elle le faisait quand une nouvelle pensionnaire avait le mal du pays. Mais Delphine de Saint-Loup était son élève, pas sa camarade. Et le souvenir de la souris morte au fond de sa chaussure la conforta dans sa décision.  

—    Je suis déçue, déclara-t-elle simplement, entraînant de nouveaux pleurs de la part de son élève. Vous serez punie en conséquence et j'attends un ressaisissement de votre part.

La comtesse se mordit la lèvre pour s'empêcher d'intervenir, Delphine éclata en sanglots et Thibault serra les poings, en rage. Madeleine, elle, trempa la plume dans l'encrier et nota le zéro fatidique dans son carnet, à côté du nom de son élève.

—    Cessez de pleurer ou je vous donne une seconde punition, menaça tranquillement la jeune fille en relevant la tête. J'ose espérer que vous retiendrez la leçon et travaillerez plus. J'attends davantage d'efforts de votre part en ce qui vous concerne tous les deux.

Madame de Saint-Loup sortit précipitamment, ne pouvant en supporter davantage, et Madeleine se leva à son tour pour se rapprocher d'eux.

—    Une dernière chose, murmura-t-elle froidement. Je ne veux plus que vous entriez dans ma chambre, que vous soyez absents à mes cours, ou que vous n'appreniez pas vos leçons. Je n'hésiterai pas à en parler à votre grand-mère si cela s'avérait nécessaire, et je prendrai moi-même les mesures adéquates pour vous obliger à travailler.

Elle se leva, rangea ses affaires et sortit dignement. Thibault bondit immédiatement de sa chaise et prit Delphine dans ses bras qui se cramponna à lui en mouillant son pull de ses larmes. Il la berça de longues minutes puis chuchota, les yeux embrasés d'une fureur inquiétante :

—    Ne t'inquiète pas Delphi. Elle nous le paiera.

**********

Madeleine resta seule le reste de la journée. Elle n'avait jamais haussé la voix de toute sa vie, et le simple fait de voir la petite fille en larmes lui avait chaviré le cœur. Peu s'en était fallu qu'elle la console d'un câlin quand elle voulait au contraire montrer son autorité. Thibault, lui, n'avait guère apprécié ses remontrances, elle l'avait remarqué, et son regard furieux n'augurait rien de bon.
La comtesse de Saint-Loup s'était montrée froide avec elle depuis la leçon, mais Anna avait vigoureusement approuvé son action, lui reprochant seulement de ne pas avoir été plus sèche. La jeune Parisienne avait simplement secoué la tête, déjà éprouvée. Elle se sentait faible, ridiculement faible, et savait bien qu'elle n'avait rien fait d'extraordinaire.

Cela faisait désormais plusieurs jours que Delphine de Saint-Loup avait rendu sa punition. En récupérant les feuilles où la petite fille avait recopié mille fois qu'elle devait apprendre ses leçons et obéir à la maîtresse en assistant aux leçons chaque jour que Dieu faisait, Madeleine avait soupiré devant l'élégante écriture qui s'étalait sur le papier. Thibault avait manifestement veillé pour faire cette punition à la place de sa petite sœur. Mais la sanction était officiellement accomplie et la jeune fille ne pouvait rien faire de plus.
Pendant quelques jours, les leçons s'étaient déroulées dans un silence studieux interrompu seulement par la voix claire de la gouvernante lors des dictées et interrogations. Les jumeaux s'étaient remis à la tâche et elle ne pouvait que se féliciter de sa fermeté. Même sa chambre était redevenue propre, et les lettres de Papet annonçaient régulièrement une embellie des ventes. Tout allait mieux. Elle réussissait même à rattraper le retard dans ses leçons. Restait seulement le retard des gouvernantes précédentes.

—    Une lettre pour Mademoiselle Delorme, annonça le facteur en posant l'épaisse enveloppe sur la table.

Le personnel la regarda avec envie : de tous les domestiques, Madeleine était la seule à recevoir des nouvelles de la famille aussi régulièrement. La majorité savait écrire, mais le temps manquait, l'argent ou la pratique parfois. Et le grand-père de la gouvernante, familier des livres et de l'écriture, trouvait toujours le temps d'envoyer au moins trois mots jetés à la hâte.
Tom Charpentier, qui venait de ranger la voiture, prit la lettre et examina la fine écriture sur l'enveloppe avant de la tendre à Madeleine qui arrivait.

—    Vous recevez beaucoup de courrier, déclara-t-il en souriant gentiment.

La jeune fille rougit et s'empara de la lettre qu'elle pressa sur son cœur.

—    Mon grand-père est presque seul depuis mon départ, expliqua-t-elle en tentant de décacheter la lettre de ses doigts tremblants.

—    N'avez-vous pas de parents ? Demanda plutôt maladroitement le chauffeur en retirant sa casquette, intrigué.

Madeleine baissa la tête, et le jeune homme comprit sa bévue.

—    Je suis désolé. Je... Je ne savais pas.

—    Vous ne pouviez pas savoir, le rassura la demoiselle en secouant la tête. Ils sont morts il y a longtemps, en Algérie.

Tom fronça les sourcils et ouvrit la bouche pour demander plus de précisions, mais Marthe les interrompit en s'écriant :

—    Cette intendante me rendra folle ! Elle réclame du poulet ! Pour demain soir ! Comme si j'avais du poulet tout prêt, rôti à la seconde même !

Madeleine sourit et s'éclipsa discrètement ranger son courrier dans sa chambre. Cette lecture avant de se coucher lui mettait du baume au cœur et atténuait la souffrance de l'éloignement. Elle rangea soigneusement la lettre sous l'oreiller puis redescendit après une rapide toilette pour le dîner du personnel.
La comtesse ne demandait pas beaucoup de choses pour ses repas, mais Monsieur Gavorgue mettait un point d'honneur à faire régner l'ordre parmi les domestiques qui côtoyaient régulièrement la famille Saint-Loup.

Comme d'habitude, le repas se déroula dans un silence qui peinait à masquer la convivialité du personnel. Chacun racontait sa journée à voix basse, tandis que Jacques coupait le pain et distribuait les morceaux à la ronde, heureux devant l'air troublé de Lisa. Tom racontait à qui voulait l'entendre que la voiture des Saint-Loup était un petit bijou qui méritait d'être lancé à grande vitesse sur les routes, et Mme Leludre observait étrangement Madeleine qui tentait tant bien que mal de comprendre ce qu'Anna lui disait à propos des vieilles robes de Cécile de Dampierre.

—    Bien, déclara finalement l'intendante en joignant le geste à la parole. Il est temps d'aller se coucher.

Elle réprima un sourire devant l'air peiné de Tom qui expliquait combien de chevaux la voiture des Saint-Loup avait, et se dirigea vers l'escalier de service. L'ensemble des domestiques suivit et Madeleine se retrouva seule devant la porte de sa chambre avant d'avoir eu le temps de souhaiter bonne nuit à tout le monde.
En soupirant, elle entra et réprima un sourire devant la chambre parfaitement rangée. Deux semaines de paix s'étaient écoulées, les jumeaux étaient respectueux et les deux jours où elle rentrerait à Paris approchaient à grands pas. Elle était heureuse.

Elle souleva son oreiller pour prendre la lettre et sourit de plus belle devant la fine écriture de son grand-père. Un homme de lettres selon l'archiviste de la Bibliothèque Nationale de France. Elle avait été émue quand son cher Papet avait reçu ce si joli compliment.
Elle se laissa tomber sur le lit, peu soucieuse de sa tenue, et décacheta le papier. Elle plongea un regard dans l'enveloppe, curieuse. Son grand-père avait pris l'habitude d'ajouter une friandise.

Mais à la place du bonbon se trouvait une souris morte qui empestait. Elle poussa un cri d'horreur et fit tomber le papier dans son geste de recul. L'enveloppe tomba avec un bruit mat sur le sol et elle la fixa de longues minutes, la main posée sur son cœur palpitant. Elle tremblait de tous ses membres, encore répugnée au souvenir de ses doigts effleurant sans le savoir les poils du rongeur.

**********

Tom posa une tasse de chocolat chaud devant elle et s'assit à ses côtés, soucieux. La jeune fille pleurait depuis deux heures maintenant, dans le silence de la maison. Ses larmes roulaient le long de ses joues déjà moins pleines qu'au jour de son arrivée pour tomber sur la table en bois avec un léger bruit. C'était le seul bruit qui troublait le silence de la maisonnée.
Le chauffeur lui caressa doucement la main et continua malgré la surprise de la gouvernante devant un geste aussi intime.

—    Qu'ont-ils fait ? Murmura-t-il.

—    Vous... Vous savez ce qu'ils font ? Hoqueta Madeleine en tentant de réprimer les soubresauts de ses sanglots.

—    Bien sûr, soupira le chauffeur en se frottant le front. Chaque gouvernante est partie à cause de leur comportement. Mr Gavorgue a tout essayé, mais toutes renonçaient au bout de quelques jours, au pire de quelques semaines.

Madeleine le regarda, les pleurs inondant ses yeux bleus, et il grommela avant de préciser :

—    Madame a le cœur fragile. Il y a quelques années, elle a eu une attaque en apprenant la mort de sa fille aînée dans un accident de voiture. Depuis, nous avons pour consigne de la ménager. Par tous les moyens.

Il regarda sa main posée sur celle de Madeleine et poursuivit à voix basse.

—    Les jumeaux sont orphelins. Ils étaient en pension quand l'accident est survenu et lorsqu'ils sont revenus au château, nous avons tous tenté de les réconforter. Madame était gravement souffrante et il lui fallait du calme, beaucoup de calme. Nous les avons donc gâtés. Ce n'était pas difficile ; ils ont une bouille d'ange.

Elle ne put qu'acquiescer : Delphine avait un sourire d'ange, et le regard de Thibault était déjà troublant. Mais cela n'expliquait pas tout. Cela ne justifiait pas les méchancetés.

—    Très vite, nous avons réalisé que Madame ne se remettrait jamais réellement de cette attaque. Elle vit depuis dans une bulle, et Mr Gavorgue prend grand soin de lui éviter tout ce qui pourrait la fatiguer.

—    Mais... balbutia-t-elle en essuyant rageusement ses yeux de la main gauche. Et moi ? Pourquoi ?

Il posa un doigt sur ses lèvres pour lui ordonner de se taire et chuchota :

—    Nous pensions que les jumeaux finiraient par reprendre leur vie. La comtesse a cependant ordonné qu'ils quittent le pensionnat pour être instruit ici, d'où l'annonce. Mais ils étaient habitués à être obéis au doigt et à l'œil et ils n'ont guère apprécié de devoir écouter une étrangère. Très vite, ils ont commencé à faire des farces. Les gouvernantes ont voulu en parler à Madame, mais Mr Gavorgue les en a empêché et elles sont toutes parties, les unes après les autres.

Madeleine renifla de manière fort peu élégante et chuchota, des tremblements dans la voix :

—    C'est pour cela que vous m'avez empêchée d'aller voir Madame l'autre soir ? Vous pensiez à son cœur...?

—    Voyez-vous, soupira Tom, brusquement las, nous savons tous ici que Madame pourrait faire une rechute. Elle porte toujours le deuil de sa fille, et reste chaque jour de longues heures dans le salon, à contempler son portrait.

Madeleine revit fugitivement le tableau qui l'avait tant marquée le jour de son arrivée.

—    Nous continuons donc à passer les caprices des jumeaux. Ils sont aussi nos maîtres, et Madame ne doit jamais en entendre parler... Pour elle, ils sont adorables.

—    Mais Mademoiselle de Dampierre ! s'insurgea Madeleine. Elle le sait elle ! N'est-ce pas ?

—    Non... Elle est la seule qu'ils tolèrent. La seule avec Monsieur le comte. Mais Monsieur est toujours en Bretagne, à l'école militaire de Saint-Cyr. Non, reprit Tom en soupirant, Mademoiselle est la seule à pouvoir être ferme avec eux sans qu'ils ne hurlent ou ne cassent quelque chose. On ne sait pas pourquoi, mais ils l'admirent. Et ils sont sages comme des images en sa présence. Elle rejoint donc la comtesse dans son idée.

—    Pourquoi ne pas l'avertir ? Demanda Madeleine en relevant la tête, pleine d'espoir.

Tom secoua la tête, navré.

—    Nous y avons pensé. Mais Mademoiselle n'est jamais là, sauf lors des permissions. C'est dès lors difficile de tenter quelque chose. Et les jumeaux seraient probablement furieux. Ils feraient pire encore. 

Madeleine fronça les sourcils. Encore une fois, l'on évoquait le sujet des permissions sans qu'elle n'y comprenne rien. 

—    Je suis désolé, souffla le jeune homme en pressant doucement sa main. Mais les jumeaux ont une dent contre vous. Ils savent que lorsqu'une gouvernante part, Mademoiselle revient et que chacun est aux petits soins pour eux. Et ils n'aiment pas travailler. Ils ont découvert un goût et un talent pour les farces qu'ils cultivent.

Madeleine baissa les yeux, le cœur lourd. Sans même s'en rendre compte, les larmes coulèrent de plus belle et Tom la regarda, malheureux comme les pierres.

—    Qu'ont-ils fait ? Répéta-t-il en posant les yeux sur l'enveloppe qui brûlait dans la cheminée.

Pour seule réponse, Madeleine ouvrit la main droite et laissa tomber une cascade de petits papiers qui voletèrent avant de se poser sur la table de la cuisine. Tom fronça les sourcils et attrapa l'un d'entre eux. Il peina à déchiffrer une date et leva les yeux, perdu. Elle l'observa faire puis balbutia, toujours en larmes :

—    Ils ont... Ils ont déchiré la lettre de mon Papet.

ime,3*

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