Octobre 2019 (2)
"Ah, c'est.... C'est à moi de parler ? Ce truc est vraiment pas pratique.... Enregistreur audio mon cul, il signale même pas lorsqu'il se lance !
Ah c'est pas un très bon début pour un journal audio ça. Donc bon. On va commencer par la présentation de base. Donc moi c'est Leslye, 19 ans, deuxième année de médecine. Non, j'ai pas primé, j'ai juste sauté une classe au CP. Ça fait tout de suite moins classe lorsqu'un étudiant me demande mon passif scolaire.
Bon, mis à part que j'ai eu le sésame PACES, je suis une fille relativement normale. Geek, fana de rock, très du genre à sortir, ce genre de trucs. Ah, et je suis pansexuelle. Voilà, j'ai fait mon coming-out à un journal, bravo Leslye.
Pourquoi je commence un journal audio ? Bah c'est assez simple. Hier, en allant remeubler mon appartement, j'ai croisé une fille sublime, intelligente, tout le tintouin. Comment je l'ai vue ? Ouh là non, pas comme dans les livres avec le superbe rentre-dedans cliché. Non, cette connasse a simplement acheté LA lampe dont je rêvais depuis que je l'ai vue dans le catalogue Ikea et sa seule réaction à ma juste et sainte colère a été de me regarder froidement avant de me balancer "Je n'ai pas à céder mes achats à n'importe quelle doublante capricieuse qui passe". En gros, hein, c'était beaucoup plus violent en vrai.
.... Oui, c'est comme ça que j'ai découvert qu'elle avait primé dans ma fac de médecine. Super. C'est bien le genre de ces gens-là de se vanter. [...] Quoi ? Moi ? Faire des stéréotypes ? Nooon.
'Fin bref. Après cette PETITE interruption, le pourquoi du comment sur cet enregistrement. Outre le fait de vouloir créer un journal audio pour rentabiliser les 30€ de mon vieux dictaphone de la maudite époque de PACES.
On ne me vole pas mes achats de rêve impunément et encore moins avec autant de.... Comment on dit déjà quand on veut être classe ? [...] Hautainisme tu dis ? Non, je suis sûre que ce mot n'existe pas... Mais bref. Elle va sentir passer la colère de Leslye Roberts-Kobayashi. C'est moi qui vous le dis."
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Il est tard, j'ai la dalle, Amina n'est toujours pas rentrée et d'habitude à cette heure-ci je me serais au moins levée pour faire la bouffe, mais j'ai bien autre chose à penser pour le moment. A commencer par l'emplacement libre pour ma lampe qui fait tache dans la déco de ma chambre. Et je n'ai toujours pas avalé la manière dont je l'ai perdue. C'est bien le problème.
Si je bouffe pas, c'est parce que ça fait des plombes que je suis au téléphone pour parler avec ma promo et recueillir des informations sur cette voleuse de lampe. Sans surprise, pas grand monde ne la connaît. Comme l'a dit Bruno, elle ne s'intègre que peu, même si elle a une sacrée réputation auprès de certains. Elle était même pas sur le groupe Messenger de Rangueil l'année dernière, m'a sorti un des anciens gars de la fac. Et visiblement, elle est pas sur le Discord de la deuxième année de médecine à Toulouse.
Tout ce que j'ai réussi à savoir, c'est que miss est une tête. Apparemment, en plus de majorer Rangueil dès l'année de bizu, elle a aussi obtenu les notes les plus hautes de toutes les facs. Le doyen a dû être content, ça a vachement augmenté les moyennes. Les nouveaux venus en PACES, moins. Enfin bon, avec la réforme, va y avoir plein de changements, donc je suis pas sûre que ça les concerne vraiment.
Mais même après trois heures passées au téléphone, j'ai toujours rien appris sur elle. Je connais même pas son nom, alors ses habitudes, sa place favorite à la BU ou même ce qu'elle fait en dehors des cours, c'est aussi mort que les ovaires de mamie. Ça me fait un peu chier, mine de rien. Comment vous voulez que je calme miss pète-sec si je sais absolument rien d'elle ? Y'a pas à dire, moi et mes plans foireux, c'est toujours plus facile à planifier qu'appliquer...
En désespoir de cause, je fouille mon répertoire. Je voulais pas faire ça, surtout que même si j'ai été prévenue qu'il est plus libre qu'il le fait croire, j'ai peur de le déranger ou de le prendre au mauvais moment. Il a des périodes ou il est encore plus désagréable qu'un porc-épic. Mais c'est mon dernier recours, je n'ai plus le choix ; et même si j'ai eu tout l'accord de son frère, je presse le bouton d'appel sous le nom d'Angelo avec une certaine appréhension.
Par chance, il répond au bout de la troisième sonnerie. J'entends une série en fond, ou un film ; Pas de doute, il a fini ses devoirs. Soulagée, je me permets de me détendre, avant de lancer joyeusement :
« —Salut Angel' ! J'te dérange pas ?
—Je t'ai déjà dit d'arrêter avec ce surnom, Leslye... »
Bon, il est de bonne humeur. Ça lui est déjà arrivé de me raccrocher au nez.
« —Désolée, désolée. Ça va toi ? T'as pas voulu venir alors moi je m'inquiète...
—Visiblement, ta fameuse sortie était un vrai fiasco, d'après Bruno. Donc tu m'excuseras de ne pas avoir voulu m'infliger ça.
— C'est ça. Toutes mes sorties sont pas des fiascos, donc c'est pas tant une excuse. »
Il a un peu raison, mine de rien. Lorsque j'ai retrouvé Eve, Ida et Kwamba, j'écumais. La disparition de ma lampe plus la violence de miss pète-sec m'avaient laissé dans un sale état de colère. Ida a vite compris que ça mettait fin au tour dans Ikea, et Eve est partie payer ses trucs pendant qu'on allait prendre un verre au bar pas loin du magasin. L'ambiance était pas géniale. Kwamba a fait tout ce qu'il pouvait pour nous faire sourire mais Bruno, autant piqué au vif que moi par cette remarque sur le parcours scolaire, ne disait rien et quand il est énervé, la tâche est un peu plus ardue... Du coup, quand Eve est revenue, on l'a ramenée et on s'est séparés. Et depuis, je suis au téléphone. Je soupire. Foutu vol de lampe, ça a gâché ma sortie dont j'avais tant rêvé.
« Mais bref. C'est pas pour t'engueuler que je t'appelle.
—Je l'avais senti venir. Tu veux des informations sur Henryane Saint-César de Séréville ? »
Hein ? Alors un nom, je veux bien. Je prends, même. Le direct d'Angelo, je suis habituée. Il en a pas l'air mais il décrypte trop bien les gens, et a tendance à balancer ses bombes tout de suite. Mais miss pète-sec a vraiment un nom aussi bourgeois ? C'est pire encore que les trois frères ! A tous les coups ses parents s'appellent des trucs genre... Jules-François et Faustine-Marie...
Mouchée, je ne réponds rien, ce qu'Angelo interprète comme une motivation à poursuivre.
« Je me doutais bien que tu ne m'appelais pas pour me parler de ma santé, mais je ne m'attendais pas à ce que ce soit pour parler d'Henryane. Surtout que tu viens de la rencontrer, et Bruno m'a dit qu'elle ne t'avait vraiment pas fait bonne impression. »
Je grogne. Il insinue quoi là, avec ses gros sabots ? J'ai deux mots à dire à cette fille mais c'est certainement pas de la manière dont il pense ! D'abord l'engueulade, après on voit pour la baise. Et encore. Je saute pas sur tout ce qui bouge non plus, comparé à lui.
Je sens l'irrépressible envie de faire les comptes sur la quantité de personnes qu'à vu passer son lit d'appartement mais on risquerait trop de dévier du sujet. Plus tard. Et puis de toute façon, j'ai encore de la matière. J'ai pas appelé Leo d'ailleurs, c'est con, j'aurais dû le faire...
« —En attendant vu que t'as tout compris aux raisons de mon appel, tu peux pas me dire un peu tout ce que tu sais d'elle ?
—Dans le langage des étudiants, on appelle ça du stalk, Leslye.
—Mais je m'en bats les couilles imaginaires, Angel' ! Balance tes infos, que j'aie pas à aller sur Insta ou Twitter ! Ou pire, Facebook... Brr. »
Je l'entends pouffer à l'autre bout du fil, mais il n'argumente pas davantage. Il se contente de monter le son de sa série. Tiens, je crois qu'il mate Le Seigneur des Anneaux, en fait... Je suppose qu'il veut pas être pris en flagrant délit d'aide au stalk par ses frères, c'est mignon.
« —Tu ne trouverais pas grand-chose sur les réseaux sociaux, ma pauvre. Henryane n'a aucun compte nulle part, pas même Facebook. Elle est constamment refermée sur elle-même, ne parle jamais d'elle, jamais de sa vie. En fait, elle ne me parle quasiment jamais vraiment, et ne parlons pas de Bruno ou Matteo... Tu peux te douter qu'elle se tient très, très loin d'eux.
—Ben tiens. Elle est si inaccessible que ça, miss pète-sec ?
—Oui et non. Elle a une routine réglée comme du papier à musique, il ne faut pas la questionner longtemps pour s'en rendre compte. Les cours le matin, manger au RU méd à midi pile, et ensuite, retour chez elle. Sauf si elle a des TD mais ça, vous devriez vous retrouver, sauf si l'une d'entre vous a demandé à changer de groupe. Mais autrement, elle a sa propre bulle, son environnement. Il y a elle, et il y a les autres. »
Je souris. Ça me fait déjà assez d'infos. Et le coup du RU tombe drôlement bien vu que c'est mon RU habituel. C'est juste que d'habitude j'attends Ida et Eve pour manger... Bah. Tant pis. Je leur en parlerai demain pour voir si je peux adapter mon plan pour lundi.
Angelo semble attendre que je mette fin à la conversation, mais moi, j'ai d'autres plans. A commencer par un certain Leo Morales. Je vais pas le lâcher avec ça, jamais ! Depuis que Bruno m'a fait une ouverture, j'ai envie de l'emmerder avec. Il l'aura bien cherché, na ! Je souris. A nous deux, vie potentiellement amoureuse d'Angelo De Santis.
« —Eh au fait toi tu me cacherais pas des trucs ! Je savais pas que Leo était dans ton cursus !
—Je ne savais pas que tu connaissais Leo, me réplique t'il du tac au tac. »
Ouch, ça fait mal. Avec Leo, on se connaît depuis maintenant la première, et on se croisait déjà un peu au collège, mais j'ai un peu perdu contact avec lui pendant mes PACES. Et là, avec mon stage de trois semaines et mes cours, je dois dire que j'ai pas trop pensé à le recontacter de nouveau... Sauf pour lui proposer cette sortie. Est-ce qu'il m'en voudrait ? Merde, je suis vraiment nulle... Il faut absolument que je lui envoie un message ce soir. Je soupire.
« —C'est pas ma relation avec lui le sujet pour l'instant mais la tienne. Bruno est quasi certain que tu as refusé de venir parce qu'il t'avait dit que je l'avais invité. C'est plutôt louche d'ailleurs, tu crois pas ? »
Silence. Angelo monte encore le son de son film. J'entends Gollum siffler sur son anneau. Quelle ironie. J'essaie déjà de ne pas trop m'emmêler avec mes différents groupes d'amis et voilà que ça se télescope sans que j'ai rien à faire... J'aimerais bien qu'Angelo m'éclaire un peu sur sa relation avec lui, et plus seulement pour le bien des ragots, désormais. Je regarde les murs clairs de ma chambre, refusant de meubler le silence. Mes yeux retombent sur mon meuble à lampe sans lampe. Bonjour le plombage de discussion.
« —Il a passé le concours de mon IUT après deux ans de sciences po, finit par soupirer Angelo, la voix dénuée de toute intonation. On s'est retrouvés à faire un exposé ensemble, puis deux, puis trois. Il parle beaucoup, mais jamais de lui. Je sais juste qu'il a touché un héritage cet été et qu'il en a profité pour prendre un appartement sur Jean Jaurès et changer de cursus. »
Je serre les dents. Le fameux héritage. Angel ne s'en doute surement pas, mais c'est bien plus compliqué qu'il y paraît pour Leo. Le testament de ses parents était horrible pour lui à vivre, visiblement, même moi je n'ai pas tous les détails. Mais le fait qu'il ait quitté sciences po en dit long au final, du bien comme du mal. Je n'ai vraiment pas envie de détailler cette merde avec mon ami, surtout que ça ne le concerne pas : C'est Leo qui lui en parlera s'il veut. Alors, je change de sujet.
« —Rassure moi, exposés, c'est pas un code pour me dire que vous avez baisé ?
—Je ne vois pas pourquoi une réponse sur ce point de ma part devrait te rassurer, Leslye. Je fais ce que je veux de mon corps, aux dernières nouvelles. Mais si tu y tiens tant, c'est non. Je n'y tiens pas particulièrement.
—Bah ça aurait expliqué pourquoi tu voulais pas venir alors qu'il était là.
—Je ne vois pas de quoi tu veux parler. »
Et mon cul c'est du fromage de chèvre. Il voit très bien, je le sens dans son ton. Je suis presque sûre que Leo l'intéresse et qu'il est pas habitué, le pauvre chou. Mais j'ai autre chose à faire que de gérer ses histoires, pour le moment. Surtout que le connaissant, il ne va rien faire avant que ce ne soit trop tard. Je soupire.
« —On se voit plus tard, Angel'.
—Pas de surnoms. »
Et il raccroche. Comme ça. Pas un seul au revoir ou même un de rien pour les infos. J'ai dû l'énerver en parlant de Leo. Ça confirme ce que je pensais, il est intéressé. De quelle manière, je sais pas... Mais il est intéressé, ça c'est sûr.
Ce qui me fait penser qu'il est grand temps de cuisiner le principal concerné.
Après ma montée de stress d'il y a cinq minutes, je me refuse à l'appeler. J'ai trop peur qu'il me mette un vent. Du coup, je choisis la solution simple : Je lui envoie un message et je vois si j'ai une réponse de sa part. Et puis de toute façon j'avais la flemme de parler au téléphone. Je fais que ça depuis tout à l'heure, quoi, laissez mes cordes vocales en paix !
J'ouvre Messenger et je rédige un petit message rapide, rien de bien méchant : Juste quelques questions sur sa situation actuelle. Je n'aborde même pas Angelo. En attendant qu'il me réponde, je pose mon téléphone et je prends mon ordinateur, posé sur mon lit à côté de moi ; Il faut que j'aille sur Wattpad, mon auteurice favori-te a posté un chapitre aujourd'hui pendant la sortie et je suis presque sûre que c'est la scène d'amour que j'attendais depuis tellement longtemps... En tout cas, si iel la retarde d'un seul chapitre, iel va avoir affaire à moi !
Une notification Messenger me coupe ma lecture au moment où Sébastien et Jules allaient ENFIN s'embrasser. D'habitude, j'aurais mis au panier la bulle de conversation, mais là, je suis trop soulagée pour faire quoi que ce soit de méchant : C'est Leo, et il a même répondu en moins de dix minutes. J'ouvre son message, un sourire soulagé aux lèvres.
Leo : Salut Lys, content de t'entendre ! Fin de t'écrire, lol. Je suis désolé si je t'ai un peu ghostée, mais depuis la rentrée je suis dans le speed total et là j'ai dû gérer mon colloc' qui s'est encore fourré dans les emmerdes.
Ouf, il n'est pas fâché contre moi. C'est un progrès. Et en plus j'apprends qu'il a un colocataire ? Aïe, ça va pas être coton ça pour les parties de baise... Mais bon au moins c'est une bonne nouvelle, c'est qu'il s'est cassé de chez sa sœur. Autant ne pas attaquer sur les sujets sensibles, je vais commencer direct par les questions les plus évidentes.
Leslye : T'as un colloc toi ? Trop cool ! Depuis quand ? Il ressemble à quoi ? Il est beau gosse ? ^o^
Leo : wowowow du calme les questions meuf ! C'aurait pu être une fille !
Leslye : Je fais pas de discrimination, mec ou fille ça me va XD Et puis t'as dit « mon » colloc'.
Leo : Okay j'avoue, c'est un colloc. Il est blond, super mignon et il tape fort. D'ailleurs j'ai dû le tirer d'une bagarre en vrai, ce ptit con.
Leo : Attends, je te file une photo.
Et il joint à son message une photo montrant deux personnes, assises sur un canapé. L'une, les cheveux noirs et le teint sombre, montre toutes ses dents à la caméra, en tenant par l'épaule un garçon blond qui a l'air vu comme ça de faire deux têtes de moins que lui. Il a les cheveux blonds en bataille et la grimace sur son visage m'indique très clairement qu'il ne veut pas être pris en photo, mais il ne réagit pas au bras de Leo passé autour de ses épaules. Le bandage sur sa joue m'en dit long sur la violence de la bagarre, et je crois même voir que ses jointures sont en sang. Il a l'air d'un sacré nid à problèmes, je me demande comment Leo l'a rencontré. Je pianote une réponse rapide sur mon téléphone, ignorant la porte qui vient de s'ouvrir. C'est sûrement Amina.
Leslye : Wah, il a l'air... Haut en couleur. Tu le connais de la fac ?
Leo : Pas du tout ! Mais il était videur dans un bar où je suis allé et comme il m'a sauvé d'une baston qui allait mal tourner, je l'ai ramené chez moi après son service pour m'occuper des soins. Et pis de fil en aiguille, il a fini par s'installer chez moi. Ni plus ni moins.
Leslye : Il est mignon entre nous, c'est chasse gardée ou je peux empiéter ?
Leo : Tu perds pas l'nord toi. Y'a pas de gens dans ta fac que tu peux draguer à ton aise ?
Leslye : Nope ! En parlant de fac, comment ça se passe ?
Il met un peu de temps à me répondre, je crois que la question lui pose plus de difficultés que ce qu'on pourrait croire. Mais je le laisse faire, si j'en crois Angelo il a quitté un cursus qui lui plaisait pas du tout et je doute que ce soit de la réorientation ordinaire. A voir ce qu'il en dit.
Leo : Ah, je me sens revivre, tu peux pas savoir à quel point. J'ai vu le notaire pendant l'été et on est enfin arrivés à la fin de l'administration pour toucher mon héritage que j'avais commencé l'année dernière. Du coup j'ai officiellement touché ma part et j'ai pu enfin me barrer d'à peu près tout. Cursus, maison, influence malsaine de la grande sœur. Je me suis jamais senti aussi bien qu'en journalisme. Et puis y'a plein de gars mignons, tu peux pas savoir.
Leslye : Genre un certain Angelo de Santis ? 😉😉😉😉😉😉
Leo : Oh putain lui, c'est un vrai glaçon ! Pas moyen de le dérider un tant soit peu. Fin si, quand j'ai parlé de la quantité de gayness dans le mythe d'Achille et de Patrocle, je lui ai arraché UN sourire. Il devrait faire ça plus souvent, sans déconner.
Un rire s'échappe de ma gorge. Pas de doute, c'est bien Angelo. Reine des glaces, quasiment impossible à faire s'ouvrir, sourire à tomber ? C'est son portrait craché à un point inimaginable. Donc ils se connaissent, Leo semble avoir un minimum d'intérêt quand même, sauf que de l'autre côté, y'a ce mec, ce colloc dont je viens d'entendre parler... Le pauvre, je sens qu'il va se mettre dans une situation compliquée si les intérêts se confirment. A dix kilomètres. Mais je suis quand même contente pour lui, il rencontre plein de gens. Comparé à son enfermement pendant sa première année de sciences po, c'est une progression immense. Je lui pianote le souhait de bien profiter de sa nouvelle vie avant de fermer Messenger et de me lever de mon lit. Si Amina est bien rentrée, faut que je la salue.
Effectivement, elle est bien rentrée. Son haut rayé qu'elle porte tout le temps en sortie et sa tignasse brune ébouriffée comme jamais son reconnaissables, même de dos. Son parfum se mêle aux odeurs de houmous qu'elle a dû ramener du vietnamien pas loin de l'appart ; ça fait un mélange bizarre, mais pas si désagréable. Visiblement, elle m'attendait pour manger, vu que je vois deux assiettes pleines de nourriture sur la table et son téléphone posé sur le plan de travail de la cuisine.
Je souris.
« —Salut, Amina. »
Elle se retourne. Décidément, cette femme a toujours d'aussi beaux yeux. Ils sont noirs, totalement noirs, mais pas un noir froid comme les jumeaux de Santis, un noir riche en couleur et en plus de ça encadré par deux paires de cils épais. Aujourd'hui, elle a pris la peine de se maquiller, et un eye-liner doré souligne son regard, ressortant sur sa peau sombre. Encore maintenant, je regrette beaucoup que ça ait pas marché entre nous, mais faut se rendre à l'évidence : On avait pas du tout les mêmes priorités et je doute qu'on les ait toujours. La beauté, c'est clairement pas le truc qui fait marcher des relations.
Elle me sourit, et m'invite à m'asseoir.
« —Comment s'est passé ta sortie, Lys ?
—Eeeeerf... Merdique, je me suis fait chourer ma lampe sous mon nez. Franchement t'as rien loupé.
—J'aurais quand même préféré sortir. Le CA était assommant, tu peux pas t'imaginer. Encore un coup des mecs cis qui en font qu'à leur tête... Tout ça parce que j'ai demandé de parler des violences sexistes et lesbophobes, histoire de sensibiliser... »
Je soupire. Amina est une femme très engagée, ça me fait suer parfois que les gens ne veulent pas reconnaître tout ce qu'elle fait. Surtout que les violences sexistes et lesbophobes, c'est un peu et malheureusement toujours d'actualité. Rien qu'il y a deux semaines, en draguant une fille au bar, je me suis fait traiter de gouine et de sale lécheuse de chattes par deux mecs sans doute déçus que je ne me sois pas concentrée sur leurs bites. Pas le meilleur choix de leur vie, certes, vu que du coup je me suis concentrée dessus d'une toute autre manière (comprenez : ils ont eu le coup de latte de leur vie dans les couilles), mais ça ne m'empêche pas d'avoir été blessée par leurs insultes...
Constatant mon trouble, ma colocataire me sourit et passe sa main dans mes cheveux.
« —T'en fais pas, ma puce, le sujet est passé quand même. Bon, ça me rajoute deux pages à faire, mais je pense qu'on peut s'estimer heureux d'avoir de la parité chez les admins.
—Je suppose que du coup ça te prive de sorties pendant un bon bout de temps ?
—Oui, désolée... J'ai trois vidéos à faire ce mois-ci et deux articles, du coup, en plus de mes devoirs d'animation. »
Je fais la moue et prends une bouchée de mon repas. Heureusement que je vis avec elle, sinon je crois que nous aurions fini par perdre tout contact. Et avant d'être mon ex, elle est surtout mon amie et je ne veux pas la perdre aussi stupidement. Mais de toute façon, moi aussi, je vais vite cesser d'être libre. Entre les devoirs, mes plans foireux et mon rapport de stage... Je hausse les épaules, et me cale plus confortablement dans ma chaise.
« —Tant pis... De toute façon, je vais sûrement aller chez les de Santis demain.
—Et je ne serais sûrement pas venue. Tu sais ce que je pense de cette bande de riches.
—Oui, je sais. »
Je pouffe. Effectivement, le courant n'est pas passé entre eux. Enfin, surtout avec Matt' et Angel'. Le premier est trop bagarreur et le deuxième glacial, c'est facile de les juger au premier abord. Ce qui fait qu'encore une fois, je me retrouve entre deux groupes...
En soi, ce n'est pas gênant. J'ai appris à gérer, et même si Amina n'aime pas Matteo et Angelo, ils se supportent quand même plutôt bien. J'ai même pu les inviter à mes dix-huit ans sans faire de vagues, c'est la preuve qu'il n'y a pas de souci, pas vrai ?
Le repas se termine sur des discussions plus ou moins animées à propos de nos sorties. Amina a moins de peps que d'habitude, ce qui se comprend : elle sort d'un CA difficile. Mais alors que je m'apprêtais à aller dormir, concluant sur ma voleuse de lampe qui décidément ne quitte plus mes conversations, sa tête se redresse et son repas perd toute trace d'intérêt à ses yeux alors qu'elle se recentre sur moi, les yeux brillants.
« —Tu as rencontré une fille ? »
Un léger rire s'échappe de mes lèvres.
« —Je ne sais pas si « rencontrer » est le bon terme, Amina. Elle m'a chipé ma lampe au beau milieu d'un Ikéa, c'est pas tellement digne d'un conte de fées.
—Oh, je suis sûre que ça se fait, sourit mon amie, les yeux brillants. J'ai bien rencontré une de mes exs à un Mr Bricolage. A côté, Ikéa n'a rien de bizarre. »
Je lève les yeux au ciel. Elle s'emballe un peu, là, non ? La miss major m'intéresse, certes, mais ce n'est certainement pas réciproque et en plus je ne suis même pas sûre qu'elle soit attirée par les filles de base. En plus, pour le moment, la romance de contes de fées ne m'intéresse pas. J'ai eu ma dose, j'ai envie d'un peu de liberté.
Amina, voyant mon manque de réaction, soupire et se lève, mettant ses couverts au lave-vaisselle.
« —Bon, c'est toi qui vois. Mais je te préviens, je veux des rapports réguliers si jamais tu la recroises, d'accord ? »
Si elle savait... M'enfin, je n'ai aucune raison de ne pas dire oui. En plus, elle pourra sûrement me conseiller en matière de plans foireux, elle est encore pire que moi en la matière.... Partenaires en crime, comme on dit, même si là ce ne sera pas réellement un crime, vu qu'il s'agit juste de décoincer une gosse trop attachée à son piédestal. J'acquiesce, et elle me fait un clin d'œil.
« Dans ce cas ne me cache rien dès maintenant. Tu as prévu de la revoir ? Un plan foireux quelconque digne de Leslye Roberts-Kobayashi ? Raconte tout à Amina... »
Evidemment, j'aurais dû m'en douter ! Deux ans de collocation et elle me connaît déjà mieux que le fond de sa poche. Inutile de tout lui cacher, j'explique succinctement ce que j'ai appris durant ma quête de renseignements de la soirée et ce que je projette de faire avec ces informations, sous les yeux scintillant de malice de ma colocataire. Cette dernière, ravie par le potentiel de potins, frappe dans ses mains.
« —ça c'est ce que j'appelle un plan d'enfer, ma puce ! Il faudrait en garder une trace, nan ? Ça pourrait faire une sacrée histoire sur Wattpad !
—Je pensais que tu n'écrivais plus sur Wattpad ?
—Je n'écris plus sur Wattpad, mais je peux toujours reprendre ! Déjà il faudrait trouver un titre... Alors, alors, alors... »
Je hausse un sourcil. Comme d'habitude, elle s'emballe très, très vite. Toute fatigue oubliée, apparemment. Notre histoire a tant de potentiel que ça ?
Mais son enthousiasme est contagieux, et moi aussi, je la sens bien, cette histoire. A défaut de se transformer en conte de fées, elle pourra toujours se révéler source d'amusement... Je souris, et lève la main.
« —Tout doux, Amina ! Tu mets la charrue avant les bœufs, là !
—C'est vrai, fait-elle en pouffant. Déjà, il faut organiser ton plan. Tu devrais tenir un journal, nan ? »
Un journal ? Alors je veux bien, mais on est passés de « plan sans trame précise » à « projet assez important pour être retranscrit » d'un seul coup. Et puis, comment tenir un journal ? Papier ? Trop peur de l'égarer, et puis après deux ans à prendre des notes sur un ordi, j'ai peur de ne plus savoir écrire. Sur ordi, justement ? Un document Word que je peux laisser ouvert à tous les vents tellement j'ai tendance à oublier de cacher mes trucs ? Naaaan, trop risqué. Je n'ai pas trente-six solutions à ma disposition...
Et puis je me rappelle de mon dictaphone. Achat de PACES, jusqu'à ce que je me rende compte que c'était trop compliqué de gérer mes audios. Autant qu'il soit rentabilisé, pas vrai ? Je laisse échapper un petit rire, ravie d'avoir trouvé ma solution.
« —Ouaip, je crois aussi. »
Amina me fait un pouce en l'air, et moi je vais chercher le sésame dans un vieux tiroir plein de poussière. Ce n'est pas tout, mais j'ai un plan d'enfer à immortaliser.
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...
J'ai oublié de publier.
LA NOUILLE QUE JE SUIS A OUBLIE DE PUBLIER !
Bon, ça m'aura donné le temps de corriger quelques trucs et en modifier d'autres, rien de bien méchant, mais merde quoi, Louna, ça fait au moins trois semaines... -w-
Ouais je suis pas fière de moi, mais j'espère que le chapitre satisfait au moins ! Il introduit deux personnages qui vous le verrez, seront assez importants pour la suite du drama.
La petite fifiche rituelle :
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