Octobre 2019 (1)
« Il fonctionne encore ce truc ?
— Oui, regarde, la lumière s'est allumée.
— Cool ! Au moins j'aurais pas claqué trente boules pour ce truc pour rien ! »
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Quoi de mieux qu'une sortie Ikéa entre potes quelques semaines après être rentrée de vacances ? Rien ? On est d'accord. Et le premier qui se plaint j'en fais de la bouillie. J'ai vraiment besoin de remeubler mon appartement, d'accord ? Et puis mon grand-père m'a envoyé un gros virement pour fêter mon passage en médecine, faudrait pas le laisser dormir, si ? Quoi, je suis dépensière ? C'est faux, je ne vois pas de quoi vous voulez parler.
Enfin bref, prévoir cette sortie Ikéa avec la bande n'a pas été de tout repos. Il a fallu que je les tire de leurs cours qui viennent à peine de commencer, ou de leurs relations aussi dans le cas de certains. Mais bon, on ne peut pas me reprocher de vouloir les voir, ça fait trop longtemps que je ne me suis pas permise une sortie avec eux tous. Même si c'est une sortie à Ikea. Surtout si c'est une sortie à Ikea.
Je pose mon téléphone après avoir pianoté un message rapide à l'intention de ma coloc', Amina, qui visiblement ne compte pas venir. C'est rien, je la comprends un peu. L'année dernière, c'est moi qui jouais le rôle de la meuf méga occupée, cette année, avec l'essor de tous ses projets, elle prend ma place. Juste retour des choses, pas vrai ? Je sais pas où elle est, actuellement, mais elle est clairement pas à la maison. Un meeting pour l'asso journal LGBT de Toulouse, peut-être, elle m'a dit qu'elle s'investissait pas mal dedans depuis cet été. Cool pour elle, moi ce genre d'engagement c'est pas mon truc.
Mon truc, j'avoue que c'est plutôt les sorties entre amis. Voir des gens, leur parler, faire n'importe quoi. C'est bien pour ça qu'on va à Ikea plutôt que sur la place du Capitole d'ailleurs, parce que j'expérimente des trucs. J'aime bien expérimenter. Mes restes de couleur le prouvent. En ce moment, mes pointes sont bleu vif, ce qui ressort énormément sur mes cheveux noirs et m'aurait sûrement attiré des regards pleins de jugement dans les campagnes de mon enfance, mais ici, on est à Toulouse. Et ici, je suis libre de porter mes colorations, de me faire des tatouages autant que je veux et d'afficher clairement mon style vestimentaire plus rock que normal dans les rues, car il y a de fortes chances que le dixième des gens que je vais croiser fasse de même.
Je caresse mon épaule gauche, ou un tatouage en forme de croissant de lune s'étend sur ma peau un peu dorée. Le blanc de l'encre ressort plutôt bien, j'aime bien l'effet qu'a donné le tatoueur. Je me le suis fait pour fêter l'obtention de mon année, mais je crois que je retournerai chez lui sans avoir besoin d'occasions...
Il se passe un moment de flottement avant que l'interphone ne sonne, et en bonus non négligeable ne me casse bien violemment les oreilles. Il va vraiment falloir que je demande à mon proprio de changer ce truc, c'est l'occasion. Enfin, que je demande à Amina si je peux demander au proprio. C'est elle qui est en contact avec lui de base, vu que techniquement, c'est moi la colocataire.... Mais bref, qui que ce soit à l'interphone, il a l'air vachement pressé, nom d'un chien en biquette ! Faut que j'aille ouvrir. Ce que je fais.
Un appui sur le bouton plus tard, une personne visiblement très agacée se met à gueuler de toute la force de sa voix dans l'interphone. De toute évidence, mes cinq secondes de retard ont été les cinq secondes de trop.
« —LESLYE ! Bouge ton putain de gros popotin, on t'attend ! Je te rappelle que l'ascenseur dans ton immeuble de merde est tout sauf fauteuil-roulant-friendly, je peux pas monter moi ! »
Je reconnais la voix d'Eve, avec derrière quelques murmures paniqués qui doivent appartenir à Ida. Rien de bien méchant comparé à l'habitude, même considérant que je ne suis en retard que de cinq secondes ; Eve est très agressive quand on l'oblige à aller dans des lieux où son fauteuil ne passe pas. Ce en quoi je la comprends, d'ailleurs. Et puis gueuler sur les responsables de la fac pour avoir des aménagements, ça sert, des fois.
Sans perdre la moindre seconde de plus, ni me donner la peine de lancer à Eve autre chose qu'un « Je descends », j'attrape ma veste, mon sac, mes clés et je me précipite en bas. Inutile de prendre l'ascenseur. Ce truc est étroit, lent, grinçant et en panne une fois sur cinq, y'a pas qu'à Eve qu'il fait chier.
J'arrive en bas très exactement cinq minutes et dix-huit secondes plus tard depuis que j'ai chopé ma veste. Comment je sais ça ? Oh, tout simplement parce qu'Eve me met son chrono sous le nez en rouspétant, comme d'habitude, que je suis toujours en retard et qu'on est peut-être en octobre à Toulouse, mais ça ne devrait pas m'excuser de l'avoir fait attendre dehors ! Et accessoirement que j'ai de la chance qu'il ne fasse pas froid ces temps-ci... Je souris. Ce genre de commentaires m'avait pas manqué.
« —Okay, si Eve a fini de crier, on va peut-être pouvoir y aller ?
—D'abord, BONJOUR, Leslye, comment tu vas ? Moi ça va, merci. Je me mets à l'aise depuis la rentrée. »
Je soupire au commentaire d'Eve, avant de faire le tour des visages. Visiblement, aujourd'hui, il n'y a que Bruno, Kwamba, Ida et Eve avec nous. Je grogne. Si peu que ça ? J'étais sûre d'avoir invité d'autres personnes pourtant... Et même si Amina ne vient pas, y'en a d'autres qui manquent à l'appel, là ! La bise faite, je regarde Bruno, qui remet une de ses mèches noires en place derrière son oreille et soupire.
« —Désolé, Lys. Mat' a du travail, et Angel' a refusé de venir en prétextant un texte à rendre, mais je suis sûr qu'il s'est coincé en apprenant que t'avais invité Leo. »
Je vois au regard désolé de mon ami qu'il est tout autant déçu que moi par le comportement de ses frères... Dommage, moi qui rêvais d'une sortie tous ensemble, c'est un peu loupé. Entre Amina qui a du boulot et les frères de Bruno qui répondent absent, bonjour le combo ! En plus, le Leo en question, mon ami d'enfance, n'est même pas là. Je me demande comment il connaît Angel', d'ailleurs. Aux dernières nouvelles, ils étaient pas dans le même cursus du tout... Leo en sciences po et Angel' en khâgne. C'était l'année dernière, certes, mais ça n'engage pas vers une voie commune cette année, si ? Doit y avoir un truc dont je suis pas au courant. Je soupire.
« — Tant pis, on fera sans. Tout le monde est là sinon ? »
Ils acquiescent tous. Je laisse mon regard balayer mon groupe d'amis alors qu'ils commencent à s'organiser pour les transports. Tous des survivants de PACES, d'une manière où d'une autre. D'ailleurs, c'est comme ça qu'on s'est rencontrés tous, sur les bancs de l'amphi. A suer derrière les cours d'anatomie. A l'époque, on rêvait tous d'obtenir le sésame médecin, mais bon, inutile de dire qu'on ne l'a pas tous eu. Sur mon groupe de dix, seuls moi, Bruno, Ida et Eve avons passé l'écueil, et Kwamba est le seul à avoir gardé contact avec moi une fois qu'il eut changé de cursus. Une vraie bande de warriors. Enfin, c'est pas trop ce qu'on pourrait croire en nous regardant nous chicaner, en ce moment.
Eve gueule encore sur Ida, sans doute parce que cette dernière a proposé de prendre les transports en commun. Ces deux-là, c'est le jour et la nuit : Eve est une fille aux cheveux auburn très ébouriffés, et le regard perçant dissimulé derrière ses lunettes rondes. Malgré le fait que dans son fauteuil elle nous fait la regarder de haut, elle en impose vachement. Le style, sans doute. Ou alors cette aura de personne sûre d'elle qu'elle dégage... J'en sais trop rien. A côté, Ida, avec ses cheveux blonds attachés en deux petites couettes basses et son air perpétuellement triste, n'a pas beaucoup de présence. Ces deux-là n'ont vraiment pas eu de déclic, mais au fond je sais qu'elles s'entendent bien. Elles sont de la même promo, contrairement à Bruno et moi qui étions tous les deux doublants. Ça rapproche à un point que seuls les PACES peuvent comprendre. Et je parle en connaissance de cause. Mon dieu ce que j'ai pu râler sur les anciens quand j'étais bizue...
A côté, regardant l'exhibition des remarques parfois très agressives d'Eve, il y a les deux garçons, Bruno et Kwamba. Eux aussi, je les aime bien. Kwamba surtout parce que c'est un excellent médiateur. Il parle déjà avec Eve et Ida pour essayer de calmer le jeu. En vrai, il s'appelle Dominique, mais il nous a demandé d'utiliser son deuxième prénom quand on est avec lui. Sans doute parce qu'il le préfère et veut l'utiliser auprès de gens dont il est sûr de ne pas recevoir de racisme. Je lui ai jamais demandé ses raisons, surtout qu'il a tendance à ne pas trop développer. En tout cas, il est mignon avec sa touffe noire et ses yeux marron vert. En vrai, tout le monde est mignon ici. Ida et son air gêné de devoir argumenter, Eve et ses flammes dans les yeux. Même ce chieur de Bruno, qui vient de me chuchoter à l'oreille une remarque sur l'absence de son frère qui me rendait bien muette. Je lui envoie un coup de poing, qui effleure ses lunettes. Ça va j'ai compris, Matteo sera pas là, je suis pas contente de pas le voir, pas la peine d'en rajouter ! Mais le coup et le rire de Bruno attirent l'attention d'Eve, qui se tourne vers moi.
« —Lys, tu veux bien expliquer à Ida pourquoi les transports en commun, c'est mort pour moi ? Bruno a pris exprès sa voiture, c'est pas pour rien, quand même !
—Mais.... On va gaspiller de l'essence... » répond Ida d'une toute petite voix.
Je soupire. L'environnement c'est bien, pouvoir s'assurer qu'Eve puisse venir avec nous, c'est mieux. Et puis, pour aller à l'Ikea de Toulouse, il ne suffit pas de prendre le métro. Il faut beaucoup de bus et de changements, et c'est très pénible pour Eve, surtout quand on ne sait pas si tous les bus font nécessairement un bon accueil aux personnes handicapées.
« —On est cinq dans une voiture assez spacieuse pour nous, je dis, mettant fin à la discussion. On va pas gaspiller autant que si chacun prenait sa caisse, et ce serait plus simple.
—Je conduis ! » S'exclame aussitôt Bruno, coupant toutes velléités de débat.
Eve acquiesce et Kwamba, ravi de voir que la discussion est close, n'insiste pas davantage. Ida, voyant qu'elle n'a plus aucun soutien, soupire, et finit par hocher la tête. Je souris. Elle commence bien, cette sortie entre potes...
On se dirige donc vers la voiture de Bruno, Eve menant la marche d'un mouvement conquérant et Ida et Bruno discutant un peu derrière. Je me retrouve donc en fin de file avec Kwamba, à qui je souris. Honnêtement, cette sortie, c'est une excellente occasion de lui demander de ses nouvelles, vu que je ne peux plus le voir en cours.
« —ça se passe comment ton cursus ?
—ça change complètement de PACES, ça c'est sûr, me répond mon ami avec son habituel sourire. Mais je m'y sens bien mieux, même si niveau prestige, c'est pas trop ça. Je me suis fait quelques potes aussi, et je crois qu'il y a une fille qui essaie de se rapprocher de moi... Je suis bien, quoi. »
Je ris. Je suis contente d'apprendre qu'il a pu rebondir. Même si repartir dans un BTS de communication après être sorti de PACES n'est pas quelque chose de très commun, la réorientation vaut souvent bien mieux que de s'accrocher dans des domaines qu'on ne maîtrise pas. Et puis, un ami dans un cursus différent, c'est toujours une parfaite source de potins divers... Un sourire démoniaque se dessine sur mes lèvres. Il n'avait pas parlé d'une fille ?
« —Tiens donc.... Notre petit Kwamba attirerait donc tous les regards ? Intéressant... Elle est comment cette fille ? Elle est mignonne ? Tu crois que t'as une touche ? Dis-tout à tata Lys...
—Oh là, du calme, Lys, ça fait même pas deux semaines qu'elle me parle ! Je sais quasiment rien d'elle, mis à part qu'elle est plutôt jolie et qu'apparemment elle fait peur à une bonne partie de la promo... Elle connaît même pas mon deuxième prénom, c'est un peu tôt pour parler de touche, nan ?
—Jamais trop tôt, mon pote. Si t'as une touche, souvent, ça se signale. Sauf si elle est aussi timide qu'Ida, ce qui entre nous m'étonnerait si elle fait flipper tout le monde. Je veux un maximum de détails croustillants !
—Quelqu'un a dit « Kwamba a une touche » ? »
Nan, en vrai, je l'ai pas dit comme ça. Mais visiblement, ça suffit à Bruno pour délaisser Ida et se ramener vers l'arrière, un énorme sourire sur ses lèvres et ses yeux brillant de convoitise. Cette espèce de commère, allez ! Il changera jamais. A chaque fois que l'un d'entre nous a un potin intéressant, il faut que Bruno soit au courant... Sinon, c'est limite s'il nous fait la gueule. Insupportable ce gosse. Mais c'est toujours drôle quand c'est pas moi la cible. Kwamba soupire, pendant que moi, je souris.
« —C'est ce que j'essaie de lui faire dire ! »
Et c'est reparti. Kwamba se fait assaillir de questions par Bruno, au point que même moi, je n'arrive plus à en placer une. Ce que j'essaie de faire, de temps en temps. Quand même. Mais rien à faire, Bruno est tellement occupé par les histoires d'amour de son pote qu'il ne fait même plus attention à moi. Ida et Eve, remarquant le soudain changement de centre de l'attention, se rapprochent de moi, et la première me lance un regard interrogateur auquel je réponds par un haussement d'épaules.
« Bruno essaie de faire cracher à Kwamba qu'à peine arrivé dans son BTS, il plaît déjà aux filles. C'est pas gagné, visiblement. »
Eve pouffe, avant de se mettre à jouer avec son tour de cou orné d'une rose.
« —S'il essaie de faire cracher un truc à Kwamba, il est mal barré.
—Et vous croyez que c'est vrai ? Intervient Ida, une moue sur le visage. Je veux dire, je sais pas comment les gens se comportent en BTS, mais en PACES, j'ai entendu quelques remarques racistes à son égard quand les gens pensaient qu'il ne les écoutait pas... J'ai peur que ce soit pour de faux... »
Un grognement s'échappe d'entre les lèvres d'Eve, qui tend la main pour ébouriffer les cheveux d'Ida. Cette dernière émet un petit cri de protestation avant de remettre sa coiffure en place, tandis qu'Eve fait pivoter son fauteuil pour se retrouver en face d'elle.
« —Ecoute, Ida, y'a peut-être du racisme partout, mais quand il est pas là, il faut pas le chercher. Ruine pas tout pour Kwamba alors que si ça se trouve tout va bien, pour une fois. »
Cette dernière hoche la tête et n'ajoute rien de plus, me laissant tout le loisir de remarquer qu'on est arrivés devant la voiture de Bruno. Pas trop tôt. J'en avais marre de marcher, et en plus il faut reconnaître que sa caisse est super belle. Une BMW, je crois. Cadeau de papa pour ses dix-huit ans, qu'il m'a dit, même si j'en reviens toujours pas d'être pote avec un mec qui est assez pété de thunes pour recevoir des voitures à son anniversaire. Et des voitures de luxe, avec ça. Pas étonnant qu'il ne laisse personne la conduire. D'ailleurs, ça me donne une idée...
Je fais un signe complice aux filles, avant de me diriger vers mon ami toujours absorbé dans sa quête de potins, et de lui hurler dans les oreilles :
« —Oh, la commère, on est à ta voiture ! Alors conduis où c'est moi qui le fais ! »
Il n'en faut pas plus pour le faire sursauter, et le petit bip me signale qu'il a déverrouillé sa voiture. Sur sa demande, j'aide Eve à s'installer sur le siège avant, tandis que Kwamba et Ida plient son fauteuil et le fourrent dans le coffre. En même temps, je lui chuchote de ne surtout pas laisser à Bruno le choix de la musique. Aucune envie d'écouter de l'opéra pendant un quart d'heure. Elle sourit, et m'assure qu'à la moindre voix soprano, elle changera de station ou connectera son téléphone, qu'il le veuille ou non.
Rassurée, je m'installe dans la voiture, auprès de Kwamba et Ida. Cette dernière a pris la gauche, et Kwamba s'est installé au milieu, me laissant donc la place de droite. Je m'y installe avec plaisir, et commence à bavarder amicalement avec tout le monde. Vraiment, ce genre de sortie me manquait.
Il faut un peu plus d'une demi-heure pour atteindre Ikéa, et ce au lieu du quart d'heure prévu initialement. Cela parce que MOSSIEUR Bruno a décidé de suivre son GPS plutôt que sa fidèle amie qui navigue dans Toulouse depuis maintenant deux ans, et qu'il a pris la mauvaise sortie. Résultat, le périphérique. Et un embouteillage de samedi après-midi. Déjà que c'est pas l'horaire de sortie idéal, alors si en plus il y met du sien... J'espère que mes vingt minutes de grognements lui auront fait comprendre qu'il était en tort, cette fois. Même si j'y crois pas trop. C'est Bruno, il n'admet JAMAIS qu'il a été en tort.
Mais on arrive enfin devant le grand magasin, et Eve nous impressionne déjà en faisant une cascade dans les escalators. Profitant d'un tour ou deux qu'elle avait appris, elle s'est en effet mise à descendre ce dernier le dos vers le bas, agrippée à la rampe. Même si je me doute bien que sa débrouillardise vient de pratique forcée de déplacement dans une ville pas très accessible, ce genre de tricks est toujours sympa à voir.
« On... Est pas obligés d'acheter quelque chose, hein ? » S'inquiète Ida.
Bruno la rassure, ce n'est pas le but premier de cette sortie. Pour lui peut-être. Mais moi, j'ai un objectif bien précis en tête depuis que j'ai ouvert le catalogue Ikéa. Une superbe lampe néon en forme de cœur, capable d'émettre une lumière de dix couleurs différentes, me faisait de l'œil depuis les pages écornées. Et évidemment, je n'ai pu résister à ses avances. Il faut que je me la trouve, elle sera parfaite dans ma chambre !
C'est avec cet objectif bien en tête que je me dirige vers le rayon correspondant, accompagné de Bruno. Kwamba, Eve et Ida sont partis admirer les bols, ce qui laisse à notre commère favorite toute l'occasion de me tirer du nouveau. Je soupire devant ses assauts. Il ne lâche jamais l'affaire, hein ?
« —Et dis-donc, comment ça se passe entre Matteo et toi ? J'ai cru comprendre qu'il y avait eu un rapprochement après que tu aies rompu avec Amina... »
Ça fait beaucoup d'indiscrétions là. Je lève les yeux au ciel, mais ne peux retenir mon sourire.
« — Bruno, j'ai rompu avec Amina l'été après notre première PACES. Ça fait un an. Si t'as vraiment rien d'autre à te mettre sous la dent, c'est qu'il n'y a rien à dire, tu crois pas ?
—Pas sûr. Matt' me parle tout le temps de toi, et il paraît que vous avez fait une sortie cet été...
—Oui, en toute amitié. Et puis merde, y'avait aussi Angel' et Ida avec nous, j'appelle pas ça une sortie de couple ! »
Il pouffe, clair indicateur qu'il me taquine. Habituellement, je réagis pas, ou alors ça me fait rire. Mais bon. Le sujet Matteo De Santis est un sujet sensible. Pour pas mal de raisons impliquant une part de vérité, des regrets et des questions jamais résolues.
Bruno, voyant que le sujet ne m'amuse pas autant que lui, hausse les épaules.
« —Okay, si tu le dis. Dommage, je t'aurais bien voulue comme belle-sœur.
—Brrrr, moi, m'intégrer dans ta famille de bourges ? Certainement pas. En parlant de famille de bourges, c'est quoi cette histoire avec Angelo et Leo ? D'où ils se connaissent ? J'ai pas souvenir de les avoir présentés...
—Tu parles de Leo Morales ?
—Lui-même. Donc tu le connais...
—Il est en IUT journalisme, maintenant, la même année qu'Angel', et visiblement le courant passe pas. Enfin si, d'un côté. Mais mon frère trouve Leo envahissant. Je crois... »
Je hausse les épaules. Les tensions entre Angel' et Leo ne m'intéressent pas plus que ça pour le moment, et de toute façon, je viens de trouver l'objet de mes convoitises.
Elle est là. La lampe cœur néon de mes rêves, trônant sur son rayon. Il n'en reste plus qu'une : Visiblement, ce modèle est très populaire, pour partir aussi tôt. Il faut que je me dépêche avant que d'autres ne remarquent cette merveille de la... Euh, pas de la nature. De la technologie, plutôt. Et ça me ferait vraiment, VRAIMENT chier de devoir attendre qu'Ikea en recommande... Je pourrai pas sortir tous les jours moi, je vais devoir gérer l'anatomie, épisode deux !
Mes yeux doivent briller de convoitise, vu que Bruno se met à pouffer et me suit tranquillement jusqu'à l'étal de la lampe. Moi, je presse le pas. Elle est tout près, la merveille... Encore un petit effort... Il ne me reste plus qu'à tendre la main, et...
Et du vide ? Bah j'étais pourtant bien sûre d'avoir bien calculé... D'ailleurs tiens, elle est où la... Oh, c'est pas vrai !
Sous mes yeux à la fois ébahis et furieux, je vois le carton de la lampe s'élever devant moi et disparaître dans un caddie proche de moi. Et comme évidemment, les cartons de lampent ne disposent pas de pouvoirs de télékinésie, le coupable de ce forfait affreux ne peut être que le propriétaire des deux mains que j'ai vues se refermer sur la boîte contenant MON précieux ! Juste sous mon nez en plus ! Quelle honte !
Je me prépare à sortir ma plus belle imitation du Gollum dépossédé de son bien, lorsque mon visage se baisse et que je vois plus nettement ma voleuse. Et ma belle réplique bien accentuée s'étrangle dans ma gorge, au profit d'une de mes plus belles pan panic depuis longtemps. Ah, je vous vois venir, tous. Mais essayez de ne pas pan-iquer devant une fille aux cheveux tellement blonds qu'ils en paraissent blancs, coupés en un carré harmonieux entourant un visage tout pâle qui, il est bon de le noter, n'a sans doute jamais dû subir de boutons d'acné de sa vie. Et puis merde, j'ai jamais vu des yeux aussi bleus ! Y'a des moments où je me dis que ça doit être illégal de fabriquer autant de gens aussi beaux dans ce monde de merde. Ils sont où ses parents que je les emmène au commissariat ?
Enfin en attendant, la déesse vivante m'a quand même piqué ma lampe, c'est suffisant pour passer outre la phase d'émerveillement. Je me racle la gorge en espérant ne pas passer trop godiche et grommelle :
« —Eh, dis-donc, j'allais prendre cette lampe ! »
La fille, si elle ne m'avait pas remarqué avant, a très vite compris qu'elle n'allait pas emporter son, nan, mon bien sans avoir à le défendre. Elle lève les yeux vers moi, et l'expression de son visage se durcit en croisant mon regard. Eh, quoi, j'ai juste protesté, y'a pas de quoi me regarder avec ces yeux-là, si ? Je grogne, et tends la main. Elle ne réagit pas. Et se contente de purement et simplement m'ignorer en mettant la lampe dans son caddie. Oh là ! Trop c'est trop ! Si au moins elle avait été un peu plus gracieuse sur son quasi-vol, j'aurais peut-être consenti à laisser couler, mais là non ! Qu'elle aille se faire foutre !
Mes dents se serrent, toute trace de pan panic reléguée dans un lointain passé, et je monte le ton, juste assez pour que Bruno, derrière moi, m'entende.
« —Tu pourrais peut-être éviter de m'ignorer quand je te cause, surtout après avoir pris juste sous mon nez ma lampe ?!? »
Ah tiens, quelques regards se tournent vers moi. On dirait que j'ai mal calculé la puissance de ma voix... Zut. Bruno commence à marmonner à côté que je devrais peut-être laisser tomber plutôt que de faire un esclandre, mais à vrai dire, j'en ai rien à foutre de l'esclandre. Okay, j'ai monté le ton, mais c'est pas leurs affaires si ? Allez, circulez, y'a absolument rien à voir !
En tout cas la fille, ça ne l'impressionne pas, ma montée de voix. Tout ce qu'elle s'est contentée de faire, c'est de jeter un regard aux alentours avant de pousser un profond soupir. Et comme si son total déni de ma présence n'était pas suffisant, il faut qu'elle en rajoute en se remettant une mèche derrière son oreille avec toute la lenteur du monde avant d'enfin, enfin, se tourner vers moi ! Ses yeux sont plus froids que des glaçons, mais ce n'est rien comparé au gel contenu dans son ton lorsqu'elle me lance :
« —Que je sache, je n'ai pas à céder mes priorités à n'importe quelle gamine capricieuse qui passe, surtout une suffisamment dénuée d'intelligence pour avoir dû redoubler sa première année et ayant encore assez de vide dans la tête pour penser que déranger de pauvres gens qui font leurs courses sans rien avoir demandé est quelque chose d'acceptable ! »
Je n'arrive plus à en placer une. La violence de son ton, l'aigreur dans ses paroles, le froid dans son regard, tout a réussi à faire un exploit quasiment inatteignable : Faire fermer sa gueule à Leslye Roberts-Kobayashi. Je me contente d'afficher ma plus belle tête de poisson rouge, les mots coincés dans la gorge, alors qu'elle détourne le regard avec un reniflement. Jamais vu une telle violence. Et c'en est à tel point que je relève à peine son insulte sur mon parcours scolaire.
« —Okay, là ça va un peu trop loin, les filles, intervient Bruno. Laisse tomber, Lys, ça en vaut pas la peine... »
Même si je le voulais, de toute façon, j'aurais bien été incapable de ne pas laisser tomber. La fille soupire, et s'éloigne de moi sans un mot, ma lampe dans son caddie, me laissant derrière moi avec deux ronds de flan et une colère grandissante.
Bruno me tape sur l'épaule, détournant momentanément mon attention de la direction d'où elle est partie. Il a un air inquiet sur le visage.
« —Ça va, Lys ? Désolé, j'aurais peut-être dû intervenir plus tôt... »
Miraculeusement, je retrouve la parole à cet instant précis. Dommage que ce soit pour hurler sur Bruno.
« —Non mais tu l'as entendue, celle-là ? Encore une qui croit que redoubler PACES est une marque de stupidité ! Il faut quel niveau de pète-sec pour en arriver à penser ça ?!? Et puis d'abord, comment elle sait ? »
Je râle comme ça encore une bonne minute, le temps que Bruno m'entraine dans un coin où je ne dérangerai pas les autres clients. Son expression est crispée, mais ce n'est pas moi qu'il regarde ; il fixe la direction d'où est partie l'autre casse-cul. L'insulte a dû le toucher, lui aussi. Quoi de plus normal : Il est doublant, comme moi, et dieu sait ce qu'on a pu s'en prendre, des remarques de primants péteux... Y'en a même qui gueulent en plein amphi. Ce genre d'insultes est rapidement devenu quelque chose de personnel.
Il nous faut un peu de temps avant qu'on ne trouve un rayon sans personne et que l'expression de Bruno se durcisse encore.
« —Ouais, j'ai très bien entendu. Mais crois-moi, tu vas rien pouvoir faire contre celle-là. C'est la chouchoute des profs en plus d'être la première de la classe. Elle s'intègre nulle part et se contente de nous regarder de haut quand on passe...
—Attends, tu veux dire que je suis censée la connaître ?
—Censée, probablement pas, réplique Bruno. Comme je te l'ai dit, elle s'intègre pas du tout. Mais elle est en deuxième année avec nous, juste issue de Rangueil.
—Bouh, Rangueil... Je comprends mieux les grands airs. »
Bruno pouffe, avant de détourner le regard.
« —En vrai, je la connais aussi parce que sa famille est une vieille amie de la mienne. Je suppose que ça te donne le niveau ? Moi, j'ai jamais pu la supporter, surtout après... Ce qu'elle vient de nous balancer. Mais Angel' lui parle assez souvent. »
Je grimace. Effectivement, ça me donne bien le niveau. La famille de Bruno, les De Santis, se targuent d'un héritage royal en plus d'être riches à crever. Papa dans l'immobilier, maman juge, grand-mère propriétaire d'un bon nombre d'entreprises florissantes. Tous leurs proches de longue date sont forcément des bourges. Bizarrement, que cette fille fasse partie de leur cercle ultra fermé ne m'étonne pas beaucoup.
Un sourire se dessine sur mes lèvres, en même temps qu'un plan dans ma tête. Bruno, remarquant mon changement d'expression, hausse un sourcil.
« —t'as un plan en tête, Lys ?
—Ouaip. Est-ce qu'Angel' a de quoi s'arracher à ses devoirs trente minutes ? J'ai deux-trois questions à lui poser...
—C'est probablement une excuse. Pourquoi ? »
Mon sourire s'élargit sur mes lèvres.
« —Oh, pour rien. Juste pour avoir de quoi donner à miss major un petit aperçu de ce qu'elle rate en prenant les gens de haut. »
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Alors ça mes amis c'est ce que je pourrais appeler un side project !
Je le fais parce que j'ai envie et pas pour en faire un truc parfait avec un style bien littéraire et plein de profondeur dans l'intrigue, nan, ce sera juste... Une ou plusieurs romances.
Pour l'instant, j'en prévois trois sûres. La centrale, une pleine de drama, et une toute mignonne qui sera pas trop développée, sauf si je change d'avis. Mais il y aura évidemment plein de ships accessoires.
Du coup voilà j'espère que ça vous plaira quand même !
Je précise que certains personnages (notamment Kwamba que vous avez vu aujourd'hui et quatre autres qui arriveront après) sont ceux fournis par La_Corneille_Noire qui m'a gentiment aidée à fournir le roster! On la remercie car j'y ai pioché des idées de drama. XD
Ah et je vais mettre en fin de chapitre des fiches perso rapides avec du trivia de base sur eux en guise de bonus, ça vous aidera peut-être à mieux vous les visualiser.
À bientôt pour le prochain chapitre!
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