> Chapitre VIII
Après avoir discrètement regarder l'heure sur l'horloge murale, Axel remarque que cela fait trente minutes qu'il énumère ses souvenirs.
« -Quelques jours plus tard, nous étions jeudi soir. J'étais en train de faire mes devoirs, il m'en restait encore beaucoup. Comme d'habitude, j'ai tout fait à la dernière minute. Mon téléphone a sonné, je n'ai pas répondu. Mais les appels se sont enchaînés, au bout du quatrième j'ai enfin décroché.
-C'est pas trop tôt !
-J'ai une vie, Maelys.
-Moi aussi.
Sa voix était rauque, comme si elle pleurait. Elle semblait essoufflée.
-Tu peux venir me chercher, s'il te plaît. J'ai super mal à la jambe, j'arrive plus à marcher. Mes parents... Heu... Ne peuvent pas. Mes amis ne feront sûrement pas le déplacement pour ça. Et... Je t'en pris !
-Je n'ai pas encore de voiture..., ai-je grommelé.
-Un vélo devrait faire l'affaire. S'il te plaît, dépêche toi !
Son ton de voix était apeuré, elle montait dans les aigus. Volets fermés, j'entendais tout de même l'orage se déchainer à l'extérieur. Je ne comprenais pas pourquoi elle me demandait de sortir par ce temps.
-Il pleut !
-Je t'en supplie !
Ses sanglots s'intensifiaient, cela me déchirait le cœur. J'ai demandé où elle se trouvait et ai enfourché mon vélo avec une rapidité que je ne me connaissais pas. Je n'étais pas vraiment dans une tenue convenable, mais cela allait quand même faire l'affaire. La route était glissante et la pluie m'aveuglait. Elle avait été plus longue qu'habituellement, j'avais mis aux alentours d'une demi-heure.
Quand je l'ai aperçu, mon coeur s'est mis à battre à une allure folle. Ses cheveux bruns étaient trempés, son mascara avait coulé sur ses délicates joues et ses lèvres tremblaient. Son pull mouillé se moulait parfaitement à sa forme angélique. Si nous étions dans un film, je l'aurais regardé longuement avant de l'embrasser. Mais, ce n'était pas un film. »
-Sais-tu pourquoi elle se trouvait dehors dans un temps pareil ?
-Toujours pas.
Le bouclé hausse les épaules, avec un sourire attristé.
« -A ma vue, elle semblait soulagée. Elle est venue vers moi, mais elle boitait. A chaque pas, son visage devenait de plus en plus pale. Même comme ça, je la trouvais magnifique. Ses yeux verts envoyaient des étincelles. Je l'ai aidé à monter sur l'arrière de mon vélo, elle s'agrippa à ma veste. Au contact de ses mains contre mon buste, je sentais comme des délicieuses décharges électriques.
-Je te ramène chez toi ? Hurlais-je, pour qu'elle m'entende malgré la pluie.
-Au parc, plutôt.
-Pardon ?
-Emmène-moi au parc, s'il te plait.
-J'avais compris. Mais il pleut, comme pas possible !
Ses frêles bras grelottaient contre moi. Je me suis mordu la lèvre en réfléchissant, je pense qu'elle s'en est rendue compte car elle m'a souri. J'ai décidé qu'on irait chez moi, la maison était vide.
-Tu m'emmènes où ?
-Chez moi.
Sans même la regarder, je savais qu'elle avait levé les yeux au ciel.
Arrivés, j'ai rangé mon vélo dans le garage. Le plus vite possible, j'ai ouvert la porte d'entrée. Nous nous sommes précipités vers l'intérieur, avons enlevé nos chaussures boueuses, avant qu'elle lève enfin les yeux sur le lieu dans lequel elle se trouvait.
-C'est joli., l'entendis-je prononcer pendant que je posais nos vestes sur le chauffage.
En réponse, j'ai simplement hoché la tête. Je n'étais pas habitué à parler avec elle, c'était bizarre.
-Tu peux aller prendre une douche. C'est au fond du couloir, il y a des serviettes dans le tiroir du bas. Je te déposerai des habits devant la porte.
J'ai enfin posé la question qui me trottait dans la tête.
-Qu'est-ce que tu t'es fait ?
-Je suis tombée.
Elle ne s'était pas retournée. Je savais qu'elle mentait, mais je n'ai rien ajouté. Je suis monté à l'étage faire ma toilette. En déposant des habits devant la porte, je l'ai entendu chantonner No Angels. J'ai remarqué que mon cœur avait accéléré mais j'ai préferé faire comme si de rien n'était. Après avoir écouté quelques secondes, je suis allé m'asseoir dans le salon, attendant son arrivée.
Quand elle s'est assise à mes côtés, je me suis autorisé le soin de l'analyser. Ses cheveux encore humides étaient attachés en un chignon las. Le pull rose que je lui avais prêté lui allait parfaitement au teint, tellement que j'envisageais l'idée de lui offrir. Le jean trop grand ne semblait pas la déranger.
-C'est les habits de ta mère ?, a-t-elle demandé faiblement.
-Non, ceux de ma soeur.
-Je ne savais pas que tu avais une soeur.
-Elle est morte.
J'essayais de ne pas penser à elle. L'évoquer pouvait me donner une soudaine envie de fondre en larmes. Je l'ai pourtant dit à Maelys car je savais qu'elle n'allait pas me dire qu'elle était désolée, ou bien qu'elle était trop jeune pour mourir. Elle a préféré me demander comment elle était décédée, et c'est ça qui me donnait une profonde envie de l'enlacer, je crois bien.
-Dans un accident de voiture, avec mon père, il y a trois ans. J'avais quatorze ans quand ils sont partis.
-Elle était comment ?
-Elle adorait être différente. Ses cheveux étaient toujours colorés en une couleur pastel, ça lui allait bien. Elle adorait la couleur. Elle souriait tout le temps. Elle aimait ça, tu sais... Vivre.
-J'aurais bien aimé la rencontrer.
-Elle t'aurait adoré.
J'ai remarqué qu'elle fixait le mur et ai pensé qu'elle devait se l'imaginer. Pourtant, je voulais tout de même ne plus aborder ce sujet.
-Tu peux rester manger avec moi, si tu en as envie.
Elle hocha la tête. J'ai fait réchauffer de la nourriture que nous avons dégusté en regardant la télévision. La soirée passa comme ça, sans un mot, en silence. La pluie avait cessé, ses vêtements étaient secs et elle les a donc remis. Je l'ai ensuite vu partir, après qu'elle m'ait remercié rapidement. Je voulais comprendre pourquoi elle boitait. C'était une vraie torture de voir cela et de ne rien pouvoir y faire.
Vous savez, ce jour-là, je me suis rendu compte que Maelys était la fille la plus courageuse que j'ai rencontré dans ma vie. »
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top