14 Pour que tu m'aimes encore
"-Maman ! Mamaaannnn !
Une femme aux cheveux d'un blond platine éblouissant, baissa le regard vers un garçonnet d'à peine quatre ans.
-Qu'est ce qu'il y a, Clèves ? Bougonna-t-elle sans pouvoir cacher la fatigue qui pesait dans sa voix.
Le garçonnet eut un mouvement de recul quand sa mère vint ébouriffer ses mèches blondes. Puis il vint se mettre sur la pointe des pieds pour observer un enfant blond de deux ans qui dormait à point fermé dans un landau, posé en face de sa mère.
- Ton frère n'a pas dormi de la nuit, encore une fois. Lança sa mère, le regard perdu dans les vapes.
Clèves foudroya l'enfant du regard. « cette petite chose pâlichonne et inerte pouvait faire bien du mal » se dit-il. Sa mère avait l'air au bout de sa vie, et Clèves ne l'avait jamais vu aussi lasse. Il en avait marre, les choses devaient rentrer dans l'ordre et ce petit frère inattendu avait bouleversé leur doux quotidien.
« Peut-être que si ce petit frère pleurait moins le soir, alors maman serait moins fatiguée ? Alors elle reviendrait jouer avec moi et Fay ! Oui elle sera surement soulagée et heureuse » Pensa-t-il.
Clèves tendis une main assurée vers le garçonnet endormi. Ses iris dorés, prirent une teinte de plus en plus foncée. Presque instantanément, la peau du plus petit vira au bleu, il s'éveilla en sursaut pour pousser un gémissement qui s'étouffa dans sa gorge. Clèves ne relâcha pas l'étau pour autant.
- Clèves ! S'écria la femme blonde, avec effroi.
Elle saisit le plus jeune des frères et le serra contre elle. Repoussant l'aîné avec une brusquerie non désirée. Dans ses bras, l'enfant reprenait peu à peu ses couleurs, tandis que son regard hagard scrutait le visage de sa mère, tentant de comprendre ce qu'il s'était passé. Puis il éclata en sanglots. La femme le berça un instant, puis elle reporta son regard rempli de larmes vers Clèves. La façon dont elle le voyait avait changé. Venait-elle de découvrir que son fils cachait de bien dangereux dons ?
Ce dernier n'avait pas bougé.
-Je voulais juste t'aider, fit-il.
-Clèves, tu ne dois plus jamais faire ça ! C'est compris ! Tu dois protéger ton frère, pas...Elle ne put finir sa phrases et fendit en larmes.
-Est-ce que tu m'aimes encore ? Murmura Clèves. "
- Qu'est-ce que je dois faire pour que tu m'aimes encore ?
Clèves ouvrit péniblement les yeux. La première chose qu'il vit ne fut rien d'autre qu'un tas de chair humaine, pourrissant au clair de lune. Mais étrangement cela n'avait aucune odeur. Il porta une main hésitante à son cou, et sentit une plaie à l'endroit où la lame l'avait entaillé. Il tenta de se relever, mais il trébucha sur le tas instable et roula jusqu'en bas. Il se sentait faible et eut du mal à se relever. C'est à peine s'il trouva la force de réagir quand il sentit que quelqu'un s'approchait de lui.
-Dis-moi Clèves, comment fait-on pour se faire pardonner nos plus effroyables actes ?
Clèves releva les yeux vers l'homme qui venait de parler, son visage était à moitié camouflé par une large capuche de soie verte.
-Comment ?
L'homme eut un sourire triste qui sembla lui demander tout l'effort du monde.
-Tu sais qui je suis, Clèves, n'est-ce pas ?
Le jeune prince se mura dans le silence un instant. Quelque part au-dessus de la fosse, un oiseau de nuit prit son envol dans un bruissement d'ailes. Majestueux et mélancolique, pour s'évanouir au clair de lune. L'apprenti mage ne se demanda pas s'il était mort, il connaissait l'homme devant lui. Son aura. Ou plutôt cette absence d'aura.
-Le maître des auras m'a longtemps parlé de vous. Dit-il finalement. Vous êtes Charon, le passeur de monde.
-Je vois et que t'a-t-il dit d'autre ? Répondit Charon d'une voix où ne perçait aucune émotion.
-Qu'il vaut mieux être mort que de faire affaire avec vous.
Charon sembla s'amuser de cette réponse, ses yeux brillèrent d'un éclat malveillant.
-Ce n'est pas l'avis de tout le monde... déclara-t-il.
Clèves se demandait qui était l'impudent qui avait osé accepter le prix du passeur en échange d'un service.
- Vous jouer des mortels semble vous amuser, remarqua le prince.
-L'éternité est bien longue mais les mortels ne cessent de m'étonner. J'ai d'ailleurs une information qui pourrait t'être utile...
-Je ne veux rien venant de vous !
-Et si je te disais que je sais comment faire de toi le maître des auras le plus puissant de l'histoire. Je sais comment tu peux te procurer un savoir inégalable. Réfléchis, je suis certain que cela pourrait t'être utile, vu la situation ici...
- Et qu'est-ce que cela me coûtera ? Demanda Clèves.
Charon sourit.
-Pour l'instant rien. Mais si tu parviens à faire tiens les pouvoirs dont je te parle ici, il se peut qu'un jour j'aurais besoin d'un service à mon tour. Echange de bons procédés, pourrai-je compter sur toi ?
Clèves hésita un instant. Théophraste lui avait dit un jour que lors d'un échange avec Charon, on ne pouvait qu'être le perdant. Mais après tout, qu'avait-il encore à perdre ?
-Dîtes-moi...Comment acquérir un savoir sans faille ?
-Je vais te dire comment devenir un relié. Tu devras te rendre à Lindwurm, la terre des dragons.
- Elle n'existe pas...assura Clèves.
-Je vais te dire comment t'y rendre. Reprit le passeur sans faire attention à la remarque de son vis-à-vis. Ecoute-moi bien, je ne le dirai qu'une fois.
***
Faylon sursauta quand un faisan bondit hors des herbes folles, juste en face de lui. L'idée de se ruer sur l'oiseau lui vint à l'esprit mais bien trop tard. La bête avait déjà disparu dans un talus non loin de là. Il pensait encore une fois qu'il reviendrait les mains vides au village, quand une chatte aux yeux jaunes sortit du talus avec un moineau dans la gueule. Elle le déposa devant le jeune homme avant de reprendre forme humaine.
-Si tu es gentil, minauda-t-elle, je dirai à Ly que c'est toi qui l'a attrapé.
-Haha très drôle, répondit Faylon, c'est bien parce que je n'ai pas de croc et de griffe moi, tu triches, et comment veux-tu que l'on se nourrisse avec cette chose ? Bon je suis fatigué, rentrons au village, finit-il par déclarer.
Le jeune prince reprit le chemin du village. D'un geste vif, il s'essuya le front, qu'un soleil brûlant avait fait suer. Ensemble, ils regagnèrent le village avec un Faylon à bout de nerfs. Mais bien sûr, cela ne surprenait personne.
Ce que Faylon avait appelé village, n'était en fait qu'un groupe d'une dizaine de cases de terre, dressées les unes à coté des autres, sans logique apparente. Après plusieurs jours, à errer dans cette plaine sans fin, se nourrissant d'oiseaux sauvages et buvant l'eau des ruisseaux, ils avaient fini par tomber sur cet endroit. Véritable îlot dans ce désert de monotonie. De loin, Ly avait même cru avoir aperçu les veloutes de fumée d'un feu de camp.
Quand ils étaient arrivés sur place un feu brûlait bel et bien, mais ils n'avaient vu personne autour. En réalité, ils n'avaient trouvé personne dans le village. Pourtant celui-ci ne semblait pas abandonné. Des pétales de fleurs violettes séchaient sur un drap étendu à même le sol, une brochette de pinsons grillait doucement au-dessus du feu et des vases de terre remplis d'eau reposaient sur le rebord des fenêtres. Dans les cases, composées pour le plupart d'une seule salle, un matelas d'herbes sèches semblait faire office de modeste couchette.
Faylon avait d'abord émit l'hypothèse que les villageois devaient être parti à la chasse ou chercher de l'eau et qu'ils ne tarderaient certainement pas. Les trois compagnons avaient donc décidé de les attendre, mais plus les heures de la journée défilaient, plus leur espoir s'amenuisait. A la tombée de la nuit, encore personne à l'horizon.
-Ils ne reviennent peut-être pas parce qu'on est là ? Avait dit Lyne.
Quand la lune fut bien haute dans le ciel, il n'y avait encore personne. Le feu avait perdu de sa vigueur, et les pinsons devaient avoir brûlé.
Faylon avait été d'accord de prendre le premier tour de garde, laissant ses compagnons s'endormir profondément parmi les brindilles d'herbes. Cette nuit-là, le brun ne sut pourquoi il ne parvint pas à garder les yeux ouverts plus d'une heure. Il finit par s'endormir auprès de Lysandre et Lyne.
Le lendemain, alors que les premiers rayons du soleil faisaient scintiller les perles de rosée qui parsemait l'herbe, Faylon fut réveillé par un coup de pied dans le bras. Il ne s'agissait que de Lysandre qui était furieux que Faylon se soit endormi sans réveiller quelqu'un d'autre. Le brun avait bien sûr tenté de se justifier en disant qu'il ne comprenait ce qu'il s'était passé... Au fond, cela n'était pas totalement faux.
Mais le plus étonnant était que, en retournant au village, ils purent confirmer l'hypothèse selon laquelle, il n'était pas abandonné. Les pinsons avaient disparu, les pétales avaient été remplacées par des pétales plus fraîches, et le feu avait été complètement éteint à l'aide d'un des vases d'eau. Cela se répéta plusieurs nuits de suite, sans que jamais ils ne puissent voir qui habitait ces contrées.
Faylon soupira, tout cela l'angoissait, et à juste titre. En arrivant au village, lui et Lyne tombèrent directement sur Lysandre. Ce dernier avait déniché un pot de terre dans l'une des cases, il contenait une épaisse mixture violacée.
-Je pense qu'il s'agit de pétales de fleurs, dit l'apprenti mage en s'approchant d'eux. Je me demande ce qu'ils en font.
Le fait que Ly touchait à tout, ne rassurait pas Faylon, qui avait peur de provoquer la colère des propriétaires des lieux. Si ça ne tenait qu'à lui, ils seraient déjà loin de cet endroit maudit. Au contraire pour Ly, ces villageois mystérieux étaient la seule chance qu'ils avaient de comprendre où ils avaient atterri. Et peut-être d'en partir.
-C'est dans ces moments-là que l'on aurait bien eu besoin d'un maître des auras, rouspéta Lysandre, au moins on aurait pu communiquer avec eux. Clèves n'est jamais là quand il faut.
-Ouais, faut croire qu'un mage des éléments au fond, ça sert pas vraiment...Lança Faylon avec un ton détaché.
Ly lui aurait bien mis la correction de sa vie, si Lyne n'avait pas interrompu leur joyeux échange. La jeune fille semblait terrorisée, elle attrapa le bras de Lysandre quand elle s'adressa à lui.
-Il y a quelqu'un. Bredouillât-elle
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