12 La muraille et la barque
Plusieurs jours s'étaient écoulés depuis la chute de Tiredaile, la ville avait été réduite en cendre. Une semaine après le massacre qui marquerait à tout jamais l'histoire des régions centre, les premières vagues de rescapés atteignaient les villes et les villages des régions alentours. La plupart s'étaient dirigés vers l'Est et le Sud-Est, en passant par les montagnes. Ces vagues apportaient avec elles des récits terrifiants, ainsi que de nombreux blessés. Les habitants des régions Sud s'étaient donc organisés pour prodiguer aux réfugiés les premiers soin.
Dans la capitale du Sud : la ville de Nor, on avait réuni une cinquantaine d'entre eux dans des tentes de fortune, certains fermiers avaient volontairement fait don d'une partie de leurs récoltes.
Mais loin de l'agitation qui avait gagné Nor, certains petits villages avaient eux aussi ouvert leurs portes à quelques Tiredailiens. Parmi ces petites localité, celle de Mîn n'y avait pas échappé. C'était un petit ensemble de modestes chaumières, perdu au milieux d'immenses hectares de champs et de pâturages. Un beau matin, alors que les cultivateurs de Mîn venaient à peine de descendre dans leurs champs, ils aperçurent au loin, un groupe d'une dizaine d'étrangers approcher à pas lent. Pensant d'abord qu'il s'agissait de voyageurs de passage, les hommes retournèrent vite à leurs occupations quotidiennes.
Ce n'est que quand ils virent les femmes s'afférer autour des nouveaux venus, qu'ils comprirent de quelque chose n'allait pas. Cela fut confirmé quand un garçon d'une douzaine d'années, vint leur dire qu'il ne s'agissait pas de simple voyageurs. Les hommes décidèrent donc de quitter leur champs bien plus tôt qu'à l'accoutumé. Pendant ce temps, les villageoises avaient déjà installé pour les Tiredailiens des matelas de fortune, fait de paille et de laine de mouton, dans une grande étable.
Une chose était sûr, les Mîniens n'avaient pas l'habitude d'accueillir autant de monde, et encore moins un groupe d'hommes et de femmes estropiés, qui semblaient avoir survécu au pire. Certains avaient été brûlés au troisième degré, d'autres abordaient de larges plaies saignant abondamment. Une femmes aux cheveux clairs tenait contre elle un enfant à demi conscient. Elle le tenait si fort qu'elle aurait pu elle-même l'étouffer. C'est du moins ce que se dit Nive. La jeune fille n'avait pas l'habitude de voir une telle agitation dans son village natale, d'ordinaire si calme. Bien sûr comme tout les Mimiens elle avait un peu paniqué en les voyant arriver, mais maintenant face à tant de souffrance, elle n'aspirait qu'à une chose, se montrer utile. Aussi obtempéra-t-elle quand une femme plus âgée lui tendit une petite bassine d'eau.
- Va nettoyer la plaie de ce jeune homme, j'ai peur qu'elle ne se soit infectée !
Nive acquiesça avant de se diriger vers le jeune homme en question. Il semblait s'être endormi mais était d'une pâleur effrayante. Sur son torse un bandage de fortune fait de tissus était imbibé de sang. Nive posa la bassine auprès du jeune homme. Après avoir ramené ses cheveux d'un blond cendrée terne en arrière, elle entreprit de retirer délicatement les bandes de tissus. Elle découvrit un torse parsemé d'ecchymoses violacées et de marques de griffure, en son centre une blessure plus profonde semblait avoir été faite à la dague. C'est avec un geste prudent et hésitant, qu'elle commença à éponger la blessure avec un morceau de tissus humide, en relevant souvent les yeux vers le visage de l'inconnu. Elle le trouvait beau, malgré la pâleur de son visage il avait les traits harmonieux, une barbe rousse de trois jours avait fait sont apparition sur son menton, mais cela n'avait pas entaché son charme.
Nive n'avait pas souvent eu l'occasion de voir des jeunes hommes de son âge, outre ceux qu'elle fréquentait depuis toute petite, personne ne venait jamais à Mîn. Alors qu'elle était perdue dans ses pensées, la jeune fille n'avait pas remarqué que le blessé avait ouvert les yeux, elle sursauta quand le regard vert émeraude de l'homme croisa ses iris bruns.
-ça fait un mal de chien, soupirât-il d'une voix rauque.
Il tenta de se redresser malgré la douleur et Nive ne sut que faire. Elle paniqua un instant ne sachant comment faire comprendre à l'étranger qu'il devait rester tranquille. Heureusement, la Minième plus âgée qui lui avait donné la bassine plutôt vint à son secours.
-Un instant mon petit, dit-elle d'une voix forte, tu vois bien que tu n'es pas en état de gigoter !
La femme commença à étaler un baume fortement adorant sur la plaie ouverte. Le blessé grimaça mais ne dit rien.
- Moi je m'appelle Niphea, mais dans le village on m'appelle souvent Nipe, repris la femme tout en continuant d'appliquer le baume. Maintenant que je t'ai appris mon nom, tu dois en faire de même.
Le jeune homme la regarda un instant, méfiant, puis il finit par se résigner.
-Je m'appel A...Taj.
Niphea acquiesça, entre-temps un garçonnet blond d'une dizaine d'années s'était approché et tendit à Taj une carafe d'eau.
-Et ça c'est mon fils, Niolan, le présenta Niphea en affublant le garçon d'une puissante tape dans le dos.
Le petit vacilla et foudroya sa mère du regard, Taj, qui n'avait pas le temps de s'émouvoir devant ces scènes familiales, s'empressa de demander à Nipe si elle n'avait pas vu un autre jeune homme à la peau tannée et à la joue balafrée.
-AH ! le balafrée ! s'écria Niolan, oui je l'ai vu , il m'a même dit qu'il allait chercher à manger pour vous et pour lui.
Taj fut soulagé d'entendre cela, c'est que Eugène allait bien.
-Dis-moi, Taj, nous serions curieux d'apprendre ce qui t'es arrivé a toi et tes camarades? déclara soudainement Niphea.
***
Faylon avait couru a perte d'haleine, mais rapidement la fatigue l'avait rattrapé. Ce couloir de murs rouge semblait ne pas vouloir s'arrêter. Il n'y avait jamais d'intersection. Jamais d'irrégularité dans le mur lisse. Seules des fresque représentant des scènes de plus en plus étranges leur avaient permis de savoir qu'ils avançaient. L'une d'elle représentait ce qui ressemblait à un oiseau géant, chassant des hommes tentant de le repousser à l'aide de torches. Au bout d'un moment Lyne avait proposé que l'on fasse marche arrière, ses deux compagnons avaient acquiescé, bien trop heureux à l'idée de quitter cet endroit. Ils tournèrent donc tous les talons, seulement aux bout de quelques pas, c'est avec effroi que Faylon, qui avait plutôt bonne mémoire, remarqua que les scènes et les fresques qui ornaient le murs avaient changé. Il en avertit Lysandre et Lyne qui peinèrent d'abord à le croire, mais se rendirent bien vite compte que le prince avait raison. Lyne frôla la crise de panique, tandis que Ly, plus pragmatique se demandait dans quel piège étaient-ils encore tombés ? Le pire étant que plus ils avançaient, plus le chemin se rallongeait.
- Cela fait au moins une heure que nous avons rebrousser chemin, avait déclaré Ly.
Lyne lui lança un regard sans appel.
-Je pense que nous n'avons pas le choix nous devons avancer.
- Moi je nous vois bien tous crever ici. Avait ajouté Faylon, dont l'épuisement n'était pas venu à bout de la mauvaise humeur.
-La ferme ! Reste ici si tu veux.
Finalement, une dizaine d'heures plus tard ils avaient enfin atteint ce qui semblait être la fin du tunnel. Une lumière aveuglante s'était peu à peu révélée au bout de celui-ci, dessinant de grandes ombres sur les murs ocres. Faylon s'était retourné un instant, ils aurait pu jurer que leurs ombres valsaient et dansaient au rythme d'une mélodie qui leur était inconnue.
Le tunnel avait débouché sur une plaine qui s'étendait à perte de vue, aussi loin que le regard pouvait porter, le tapis d'herbes folles était parsemé, ici et là, de petites fleurs violettes. Il faisait nuit, et des étoiles aux couleurs éclatantes semblaient immobiles dans les cieux. C'est ici qu'ils se trouvaient maintenant, affamés et épuisés. Faylon s'était laissé tomber dans l'herbe pour prendre sa tête dans ses mains.
Derrière eux, le tunnel s'ouvrait comme une bouche béante dans le flanc d'une muraille de pierre d'une vingtaine de mètres de hauteur. Quelques bancs de bois envahis par la mousse étaient disposés de part et d'autre de l'entrée. Lysandre ignorait quels vestiges ils avaient découvert là, mais il reporta plutôt son attention sur le ciel obscur.
- Je n'ai jamais vu ces étoiles auparavant... murmurât-il.
***
« je n'ai jamais vu des étoiles pareilles » pensa Donovan. Il était assis à l'avant de la petite embarcation de Charon, et observait les cieux obscurs. En face de lui, le passeur était resté debout, il n'avait pas dit un mots, ni esquissé le moindre mouvement depuis que Donovan avait embarqué. Cela devait bien faire quelques jours, et le voyage se déroulait dans un silence morne, interrompu par intermittence par le léger clapotis des vagues sur la proue.
Heureusement, les deux voyageurs étaient habitués au silence et au temps qui s'étire, inlassablement. De plus, Donovan ne ressentait plus la faim, ni le froid, il se demandait si ces sensations allaient revenir un jour. Ou avait-il perdu une trop grande partie de ce qui faisait de lui un « être humain » ? Le brun avait baissé le regard sur sa main, sa peau avait pris un air translucide et bleuté. Un peu plus et il aurait pu voir les étoiles au travers. Il releva le regard pour se refocaliser sur les astres, tentant de les utiliser pour déterminer leur position. C'était peine perdue. Ils avaient quitté la rivière pour s'engager sur une immense étendue d'eau calme. L'horizon se perdait dans un épais brouillard gris.
Donovan ne savait pas où ils se trouvaient, encore moins comment ils étaient arrivés là. Cela ne pouvait pas être l'océan non plus. On ne pouvait pas atteindre l'océan depuis les régions centres.
Au bout de quelques jours de plus, il aperçut enfin une longue muraille de pierre d'une vingtaine de mètres de hauteur, qui détonnait avec le reste du paysage. Enfin un élément dans cet univer de monotonie. La muraille ne semblait pas avoir été bâtie sur une terre quelconque, ses pieds trempaient directement dans l'eau claire. Vers l'Ouest, Donovan n'aurait su dire jusqu'où allait l'édifice mais vers l'Est , la muraille finissait pas s'imbriquer dans un château fort. Sans grande surprise, la barque bifurqua vers le château, dans la pénombre de la nuit, le prince crut voir quelques lueurs furtives valser de fenêtre en fenêtre.
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