11 L'homme sous le pont
Faylon ne tenait pas en place , il n'aimait pas l'idée de devoir obéir à Aleksey. Ce dernier venait tout juste de disparaitre à l'horizon, que Faylon se tourna vers Lyne :
-Je pense que les choses irons plus vite si on allait chercher Lysandre et l'autre vieux débris nous même ! Dit-il.
-Votre frère nous a clairement demandé de rester ici.
-oui mais si nous revenons avant lui, il n'en saura rien et sera même soulagé de voir qu'on a ramené Corvidae et Ly. De plus, je suis sûr que tu connais ces tunnels par cœur !
Lyne observa un instant le prince avant de hausser les épaules :
-Dans ce cas-là, je vous laisse faire, mon prince. Je vais vous aider. Mais j'espère que vous savez dans quel embarras vous me mettez. De plus, si je n'ai pas besoin de lumière, vous par contre vous n'arriverez jamais à vous retrouver dans l'obscurité. C'est Corvidae qui a la torche.
-Oui mais en se dépêchant un peu, on peut le rattraper. Je me souviens à peu près du chemin qu'on a pris pour sortir.
Sans attendre de réponse de la nekothrope, Fay s'engouffra dans la fissure, la jeune fille fut bien obligée de l'y suivre. Une fois à l'intérieur, elle dû se dépêcher pour rejoindre le prince qui suivait le faible faisceau de lumière laissé par la torche de l'Erudit.
- Corvidae ? Appela Faylon.
Il ne reçut aucune réponse. Le feu de la torche continuait à brûler doucement, elle avait été laissée à même le sol. Une odeur rance flottait dans l'habitacle, poussant Faylon à froncer les sourcils. En s'avançant un peu plus, il se rendit compte que le sol était poisseux. Il baissa le regard pour voir qu'il avait marché dans une flaque de sang frais. Le liquide rouge colla à ses bottes, lui donnant la nausée. Néanmoins, cela ne le stoppa pas, car le jeune homme reprit tout de même sa progression, ramassant la torche au passage. Il se demandait si il était réellement avisé, peut-être attendre Aleksey aurait été plus intelligent... Autour de lui la caverne semblait refermer ses parois sur lui, comme une bouche béante lui tendant un piège. Il fut alerté par une exclamation de terreur poussée par Lyne. La jeune fille se tenait à quelques pas devant lui, se tenant dans la pénombre. Son regard était perdu dans l'obscurité. D'un mouvement hésitant, Faylon se plaça à ses cotés et leva la torche pour éclairer le chemin. En face de lui apparu le corps sans vie de Corvidae. Avec effroi, il constata que la moitié du corps de l'Erudit avait été dévoré, il ne restait du vieil homme qu'une poignée de boyaux et un visage, dont l'expression figée montrait qu'il avait dû énormément souffrir.
Lyne se retourna vers le brun pour lui saisir le bras.
-Nous devons retourner à la fissure ! Hurla-t-elle.
-Pas sans Lysandre !
-Si ça se trouve il est déjà mort !
-Comment tu peux dire une chose pareille ? Répondit Faylon. Nous devons aller le chercher. Viens ! Ne traînons pas.
Faylon s'élança a travers les dédales de pierre. Étrangement, il avait l'impression de savoir quels chemins, quels tournants emprunter. Au fond de lui, une féroce envie de vivre prit le dessus, mais Faylon ne voulait pas vivre comme un lâche, il pensa surtout à Clèves. Qu'est-ce que son frère dirait si il apprenait que Faylon avait condamné Lysandre à une mort terrible ?
-De toute façon, nous ne pouvons plus faire demi-tour... Murmura Lyne.
Elle s'était retournée, et fixait la pénombre.
-Cours ! s'écria-t-elle en s'agrippant à l'avant-bras du jeune homme.
***
Donovan se retrouva dans une ruelle grignotée pas les flammes. Il n'était pas entré en contact avec elles, mais la simple chaleur émise suffisait à lui donner l'impression de se consumer. Tiredaile n'était plus que cendre et Donovan ne savait plus où aller. Il devait fuir, il n'était pas en mesure de rester ici. Il devait se l'avouer, il avait besoin de retrouver la fraîcheur des ombres et de la nuit. Il avait en horreur la lumière des flammes et du jour, brûlante et aveuglante. Tenaillé de toute part, le jeune homme se mit à parcourir les rues en direction de la ville-basse, titubant sur le pavé craquelé. Les soldat hélliens avaient déjà déserté la ville, laissée aux flammes. D'immenses veloutes de fumées s'élevaient dans l'azur du ciel, ramenant avec elles une odeur de chairs calcinées.
La ville-basse était le nom que l'on donnait à cet ensemble de quartier au nord de la capitale, la limite entre la forêt et la ville devenait floue, les maisons et les chaumières étaient éparpillées ici et là, entre les bosquets et les arbres. Les périphéries de la ville ayant été épargnées par les hélliens, Donovan n'eut aucun mal à atteindre la ville-basse. La température s'y faisait déjà plus fraîche et les grands arbres empêchaient les rayons de soleil de venir frapper le sol de toute leur puissance. Épuisé par sa course effrénée, le brun s'arrêta près du lit d'une rivière. Le temps de reprendre son souffle, il promena son regard sombre autour de lui. Les Princes connaissaient bien la ville-basse, plus jeunes, Donovan et ses frères avaient l'habitude de se promener, avec leur nourrices, le longs de ses calmes allées, bordées d'arbres et de chaumières au charme typique. Les rebords des fenêtres étaient toujours généreusement fleuries . Loin du carnage qui régnait au centre de Tiredaile, la ville-basse était comparable à un havre de paix, même en ce jour, il s'en dégageait une atmosphère de sérénité. Le crépitement des flammes semblait lointain. On aurait juré que rien ne pourrait jamais venir troubler le silence reposant de la ville-basse, c'était comme si entre les chaumières sans âges et les fermes basses, le temps s'était arrêté. Les habitants et les animaux avaient déjà fuient, ce qui faisait que Donovan était seul.
Aucun oiseau ne chantait dans les hautes branches. Il serait bien resté là, encore un instant, mais il savait qu'il devait lui aussi fuir car les hélliens ne tarderaient pas à s'aventurer bien plus loin dans les alentours de Tiredaile. Le prince se mit donc à longer le lit de la rivière, il savait qu'en amont, elle sortait totalement de la ville pour s'enfoncer dans la forêt. Après avoir marché une bonne vingtaine de minutes, il finit par tomber sur un petit pont de pierre qui surplombait les eaux calmes et peu profondes. Le prince releva la tête pour voir qu'un homme se tenait debout sous le pont, au bord de la rivière. L'inconnu avait le visage à moitié dissimulé par la capuche d'une longue cape verte émeraude. Seul était visible un menton proéminent à la peau d'un noir de jais peu commun aux habitants des régions centres. Il devait s'agir d'un étranger venant de loin, et Donovan ne savait pas comment interpréter sa présence ici. Il était certainement plus avisé de se méfier d'un étranger qui ne semblait pas vouloir fuir l'invasion Hélliènne. Et pourtant au lieu de tourner les talons, le brun s'approcha de l'homme.
-Que voulez-vous ? Que faites-vous ici ? Demanda-t-il.
L'étranger ne répondit pas, il semblait fixer un point au-delà du brun. Ce dernier se demanda si au moins il le voyait. En s'approchant encore, le prince ne put retenir un frisson, quand enfin il arriva à la hauteur de son vis-à-vis, celui-ci daigna enfin relever un regard d'un gris acier glacial vers lui. Donovan découvrit un visage sans âge, qui semblait avoir été sculpté dans de l'obsidienne.
-Que voulez-vous ? répéta-t-il.
Cette fois, l'homme posa sur lui un regard inquisiteur avant que ses fines lèvres ne s'étirent dans un sourire mécanique.
-Tu as besoin d'aide Donovan ? Je peux t'aider. Fit l'inconnu d'une voix étrangement mélodieuse qui détonnait avec son physique atypique.
Le jeune homme se figeât à l'entente de son nom. Autour d'eux l'air semblait s'être rafraîchi et la journée semblait s'être obscurcie. On en aurait presque oublié la présence d'une ville en train de brûler à proximité.
- Vous me connaissez, mais moi j'ignore qui vous êtes... dit Donovan. Et vous dites pouvoir m'aider ? Dans ce cas-là allez me ramener mes frères !
-Seul toi peux ramener tes frères. Je ne peux que t'assurer qu'ils vont bien et que leur heure n'est pas encore venue. Quant à savoir qui je suis, cela n'est pas très important. Ce qui importe c'est que je puisse t'apprendre qui tu es.
-Que voulez-vous dire... Balbutia Donovan.
- Tu as acquis un grand pouvoir, et il pourrait te permettre de sauver tes frères et ton royaume. Mais ce n'est pas un pouvoir innocent et tu dois apprendre à en connaitre tous les tenants.
-Commencez par me dire qui je suis et qui vous êtes. Se braqua Donovan.
-Moi ? Tu le sauras bien assez tôt. Quant à toi, tu es le dernier Charmeur d'ombre. Tu dois venir avec moi, c'est ta seul chance de sauver ceux à qui tu tiens.
-Dites-moi au moins votre nom.
-Puisque tu insistes. Je me nomme Charon, le passeur de monde. Maintenant viendras-tu avec moi ?
-Si ce pouvoir que j'ai en moi est si puissant, apprenez-moi !
-Bien, Répondit Charon, mais cela ne sera pas gratuit.
-Je vous donnerez ce que vous voudrez.
Cette réponse sembla satisfaire le passeur, car ses lèvres s'étirèrent en un discret sourire. Donovan en eu la chair de poule, il avait répondu un peu vite et ignorait avec qui il venait de pactiser.
L'homme tourna la tête, d'un long geste mécanique, vers la rivière à leur côté. Avec stupeur le brun vit une barque, aussi silencieuse que le vol d'une libellule, venir stopper sa course en face d'eux, elle semblait pouvoir s'orienter seule. D'un geste de la main, Charon invita le prince à prendre place sur la petite embarcation. Et étrangement celui-ci obéit sans poser plus de question.
Une fois les deux hommes à son bord, la barque reprit sa lente progression en remontant le courant. Alors qu'ils s'éloignaient du pont de pierre, Donovan crut apercevoir la chétive silhouette de Ena, qui les observaient.
***
Lysandre avait l'impression de déambuler depuis une éternité dans les profondeurs des dédales de pierre. Empruntant au hasard les chemins et les tunnels. La créature avait disparu mais de temps en temps, il entendait les échos lointains de ses pas, preuve qu'elle n'était jamais très loin. Au détour d'un énième cul-de-sac, il commença à désespérer. « je ne sortirai jamais ! » Se dit-il.
Puis peu à peu, la pierre lisse des murs fit place à une roche plus rugueuse. L'air moite et pesante de la grotte fut secouée par un puissant courant d'air. Ly frissonna, avant de reprendre espoir, peut être approchait-il enfin d'une sortie. Quelques mètres plus loin, quelle ne fut pas sa déception mais aussi son étonnement quand il se rendit compte que l'air s'engouffrait en fait dans une sorte de tunnel. Aucun rayon de lumière extérieure n'était visible. Ici, les murs étaient de nouveau lisses, mais teintés d'un étrange rouge ocre. Dévoilées par la lueur de son feu de mage, des symboles et des scènes comme il n'en avait jamais vu apparaissaient, gravés sur certaines parois. Alors que l'apprenti s'était perdu dans la contemplation, de ce qui ressemblait à une scène de chasse à l'homme, un nouveau courant d'air s'engouffra dans le tunnel, le poussant presque de l'avant.
Il ne savait pas pourquoi, mais il fut soudainement pris d'une angoisse indescriptible. Cet endroit ne lui inspirait pas confiance. Il voulut faire demi-tour quand un bruit de pas précipités se fit entendre derrière lui. L'apprenti mage se retourna pour tomber, à sa plus grande surprise, sur l'un des frères de Clèves et la nekothrope, qui l'avait lâchement abandonné. Les deux jeunes gens étaient essoufflés et leur regard trahissait leur terreur. En arrivant au niveau ils ralentirent la cadence. Faylon tenta d'aligner quelques mots à travers son souffle désordonné.
-Calme-toi... lui dit Ly, en posant une main sur l'épaule du jeune homme. Dis-moi plutôt comment vous êtes arriver ici, et qu'est ce qui ce passe.
-Pas le temps ! Balbutia Faylon.
- Oui, nous ne devons pas nous arrêtez, renchérit Lyne. Nous devons continuer.
-Mais pas part là ! S'exclama Ly en désignant le couloir aux murs rouge ocre en face d'eux.
-Nous n'avons pas le choix ! La créature, elle...Grimaça la jeune fille.
- J'ai vu ta créature, je sais la tenir à distance.
- Ce n'est pas la même chose ! Elle a goûté au sang humain !
Ly fronça les sourcils en entendant cela, à peine eut-il le temps de répondre à Lyne, qu'un étrange grognement se fit entendre à travers l'obscurité.
- Vite ! S'écria Faylon avant d'entraîner Ly à sa suite dans le tunnel . Lyne les suivaient de près.
Si Lysandre avait eu un mauvais pressentiment, il n'en dit rien à ses compagnons. Après tout, se dit-il, il pouvait très bien se tromper.
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