Promenons-nous dans les bois 3
Bien évidemment, tous fixèrent ce duo improbable. Les gens de Zhī dào et les gens de Hù lǐ ne s'entendaient pas de nature – parce que les premiers étaient des stratèges en arts martiaux et que les autres fuyaient cette discipline autant que possible, et parce qu'ils n'entretenaient aucun lien particulier entre les deux Sectes –, et ils s'étonnèrent d'autant plus de voir ces cultivateurs ensemble, puisque le Jeune Maître ne cachait jamais son mépris grotesque pour les Songes Téméraires. Les deux ignorèrent superbement les œillades indiscrètes et les messes basses à leur passage, et ils regagnèrent le pavillon.
La plupart de la troupe s'y trouvait et ils furent perplexes en distinguait le visage défait du Seigneur de Hù lǐ. Wulong sentit dans la seconde une aura sombre le transpercer ; pourquoi diable Hiwang détenait-il une telle énergie ? Xian ne s'expliqua pas et le força à s'asseoir, puis à manger. Ils ne pipèrent mot, troublés, n'osant rien demander, mais chacun se questionnait sur cette entrée mystérieuse.
Le Jeune Maître indiqua à Yichen, qui se faisait petit, de le rejoindre dans une pièce adjacente. Le benjamin accepta, désolé, son sadisme habituel s'étant enfui.
— Comment va-t-il ? questionna le plus jeune. Je ne m'attendais pas à ce qu'il tombe nez à nez avec ma Jolie. Pour être honnête, je comptais l'effrayer cette nuit lorsqu'il dormirait et qu'elle se glisserait sous ses draps pour le réveiller en sursaut, dans une terreur sans pareille... ! Mais, hum, je vais m'abstenir.
— Si un incident venait à se reproduire, je grillerais votre serpent et je vous l'offrirais à souper. Si vous mettez votre plan cruel à l'œuvre, je vous tords le cou immédiatement. Compris ?
Le jeune de Jiǎo huá voulut s'outrer, mais choisit de ne rien rétorquer, acquiesçant avec sagesse. Cette mise au point opérée, ils siégèrent à table, pareillement à ce matin. Puisque Yichen ne lançait pas des plaisanteries douteuses à l'alchimiste qui s'en embarrassait et provoquait son hilarité et que le Seigneur ne souriait plus, ni ne raillait, le déjeuner se déroula dans un mutisme dérangeant. Après s'être correctement nourris – Hiwang avec difficulté à cause de son estomac noué -, ils se cloîtrèrent dans leurs chambres respectives pour se préparer. Cet après-midi, Meng organisait une sortie officielle. Une sorte de promenade en forêt pour parader et se pavaner.
— Ne devriez-vous pas rester ici ? fit l'héritier, alors qu'il arrêtait le Seigneur devant sa porte.
— Pourquoi ? Regardez, je reprends mes couleurs ! Xian-Jun, vous inquiéteriez-vous pour moi ? Si tel est le cas, n'oubliez pas que je suis né pour séduire les Dames et flatter les Seigneurs, je n'aurais qu'à sourire et à complimenter les gens de Jiǎo huá, ils se lasseront peut-être de moi et me laisseront tranquilles.
— Je ne pensais pas à votre frayeur de tantôt. Cependant, évitez de crier et de pleurer si un serpent se met à ramper devant vous. Cela ne séduirait pas vraiment les femmes. En fait, je songeais plutôt à votre jambe. Vous la touchez souvent...depuis la Fosse des Lamentations. Vous posez constamment une main dessus et frotter, vous grattez la cicatrice. Parfois, vous ne vous en apercevez même pas. Vous fait-elle souffrir à ce point ?
— À ma blessure aussi, je me suis accoutumé ! affirma Hiwang, d'un sourire horizontal. Ne vous tracassez pas pour moi, Jeune Maître... Je me ferais presque des idées sur votre sollicitude !
— Pourriez-vous être sérieux une minute ?
— 'Veux pas !
Xian hocha la tête de droite à gauche, geste d'énervement qu'il faisait à chaque fois que le Seigneur le contrariait. Dès que son cadet usait de ses railleries comme d'un bouclier, il comprenait par-dessous les mots qu'il dissimulait. Cette douleur, qui ne le quitterait jamais, plombait son quotidien de tracas en tout genre, tout le temps. Il ne pouvait pas aller où il le désirait, au cas où il se fatiguerait. S'il courait, il risquait d'éprouver une plus grande souffrance.
C'est pourquoi il le surveilla obstinément dans tous ses va-et-vient, vérifiant qu'il ne boitillait pas trop et qu'il marchait bien. Hiwang chancelait de temps en temps, mais rien d'alarmant. Dans le cas contraire, il n'hésiterait pas à le tirer par la peau du cou, n'importe quand, jusqu'au pavillon pour qu'il s'y repose, quitte à manquer la sublime et enchanteresse balade de Meng. Notez l'ironie.
Ils se dirigèrent en groupe jusqu'au temple où un cortège entourait le Patriarche. Ils se mirent en chemin ensuite vers un endroit sympathique où la cour débattait de sujets inintéressants entre nobles des Fureurs Fallacieuses.
Personne ne trouvait l'intérêt de cet après-midi en extérieur, mais ils y participaient tout de même.
Le Jeune Maître croisa les orbes fourbes d'attraction de Huafang, et il ne la regarda pas en retour. Sous aucun prétexte, il ne fréquenterait la fille de Meng, plutôt trépasser dans la seconde !
— Un Jeune Maître. Une Jeune Maîtresse. Je n'y connais pas grand-chose en amour et je ne maîtrise certainement pas l'art des calculs et des sciences comme vous ! chantonna Hiwang, mais nul besoin d'être devin ou érudit pour faire en conclure que vous feriez un bon mariage. Vos rangs vous destinent l'un à l'autre.
— Taisez-vous, répliqua Xian.
— Ah, vous voilà ronchon !
Derrière eux, Wulong se focalisait sur l'énergie du Seigneur qui fluctuait avec une irrégularité précipitée. Il y flairait une part de faiblesse et une part plus obscure. Ce n'était pas forcément le signe de quoi que ce soit... Mais c'était assez inhabituel pour qu'il en soit déstabilisé.
La cour se sépara ; la plupart sélectionnèrent le chemin emprunté par le Patriarche, tandis que les autres se dispersèrent dans la forêt, profitant de cette journée ensoleillée.
L'alchimiste humait l'air frais et agréable, il se baignait de lumière, les paupières closes. Quand tout à coup, à pas feutrés, un individu s'avança vers lui. Il supposait qu'un fidèle de Jiǎo huá venait quémander des rumeurs croustillantes auprès de lui. Parce que ce peuple posait trop de questions sur leurs exploits à la Fosse des Lamentations – même si au final les Ombres grandissaient toujours et que personne n'avait pulvérisé ce gouffre maudit – il raffermit les traits de son visage, se préparant à une discussion assommante d'ennui. Il appréciait converser avec autrui, mais les gens du Talion Infernal lui inspiraient une antipathie indéniable. Ils couraient après les ragots, les histoires inventées et amplifiées. Peu importait la vérité, tant qu'ils se nourrissaient d'histoires intéressantes à raconter. Il détestait cet état d'esprit.
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