Le souffle du renouveau 3
Un gigantesque Palais se dessina à l'horizon et, en son centre, un temple époustouflant rappelait la puissance architecturale de Zhī dào. Sans attendre, à l'instant même où ils posèrent un pied à la capitale, leurs guides récupérèrent leurs montures et désignèrent l'entrée. Hiwang sentait son excitation monter. Bien qu'il avait un jour voyagé en ce merveilleux territoire, qui l'inspirait de son aura mystérieusement ingénieuse qu'il dégageait, il n'avait eu la chance de visiter la fameuse Cité réputée pour son raffinement. Il s'accordait avec tous les avis. Cet endroit symbolisait un véritable lieu paradisiaque, béni par l'Empereur de Jade.
À leur suite, le Seigneur discerna les nobles de Jiǎo huá, la Secte des Fureurs Fallacieuses. Des férus de magie noire et qui seraient les plus aptes à parler de ces créatures. Au moment où elles étaient apparues, certains les avaient accusés de les avoir créées. Mais, à force de querelles inutiles, ils avaient juré ne pas engendrer ces monstruosités. Chaque peuple leur faisait confiance, faute de preuves. Ils pénétrèrent tous dans le temple où trônait le Chef de Secte de Zhī dào. Un homme qui avait beaucoup expérimenté, de longs cheveux blancs, signe distinctif de son haut niveau de cultivation. Une fois que tous furent assis, Petit Sage s'exprima. Hiwang l'écouta d'une oreille distraite, trop heureux de visiter ce lieu empreint de sérénité.
— Jeunes Seigneurs, le Patriarche vous souhaite la bienvenue dans son ancestrale demeure ! Zhī dào est ravie de vous recevoir en ce jour fatidique. Nos quatre Sectes ne parviennent à lutter, alors trouvons ensemble une solution afin de consolider notre futur commun. Pour ce soir, reposez-vous. Le voyage fut long et éprouvant pour vous tous. Demain, nous commencerons les débats, tous auront leur voix !
Quatre serviteurs s'inclinèrent et conduisirent les nobles vers des domaines secondaires, à travers la Cité de la Claire Prévoyance. Hiwang et Soora s'enfermèrent dans leur chambre provisoire, réjouis de pouvoir dormir. Le Seigneur affectionnait particulièrement cette Secte. Il aurait presque préféré y naître. Tout semblait embelli, parfait, des règles précises préservaient ce lieu paisible. Ils aidaient inlassablement les faibles, les logeaient, les nourrissaient et leur offraient de quoi repartir à zéro, reconstruire une vie. La Sagesse Altruiste portait de manière incontestable son nom.
Il s'endormit le sourire aux lèvres pour cependant se réveiller au milieu de la nuit. Son sommeil ne perdurait jamais longtemps à l'extérieur de son pavillon. Son lit lui manquait. Il tourna un moment dans les draps, bougonnant, épuisé par le trajet, ainsi que par la nuit précédente qui avait été de courte durée aussi ; mais rien n'y fit. Ainsi, il quitta la chaleur réconfortante pour revenir à la douce fraîcheur de la cité. Hésitant à entraîner Soora dans son insomnie, il abandonna l'idée et marcha d'interminables minutes sous la voûte luisante, sondant les étoiles. Son regard se posa ensuite une enseigne et il décida d'y aller, prêt à passer sa nuit à siroter un ou deux verres en attendant le lendemain.
— Tavernier ! appela-t-il, une pinte de votre meilleur cru !
Il déposa sa pierre d'argent sur le comptoir et l'homme prépara sa demande. Le disciple de Hù lǐ appréciait de plus en plus les vues qui se révélaient à lui. D'abord, la cité où ruisselaient les branches légères et verdoyantes, coincée entre les épais troncs eux-mêmes illuminés par des cristaux de lumières émeraude. Dans cette auberge, tout paraissait si sobre, mais tellement convivial. Les discussions et les rires fusèrent. Mais, son sourire s'affaissa brusquement. Où s'assiérait-il ? Toutes les tables étaient occupées. Il découvrit à cette occasion que ce peuple ne se fatiguait pas et vivait aussi bien le jour que la nuit, de véritables adeptes du travail acharné. Et entre leurs moments d'apprentissage, ils se retrouvaient ci et là, à discuter ou à boire. Le tavernier coupa ses questionnements en posant la pinte devant lui. Il avait l'air mécontent et Hiwang demeura interdit.
— À Zhī dào, nous payons avec de l'or, mon garçon ! maugréa-t-il. Toutefois, puisque tu participes à ce rassemblement dont ils nous parlent depuis la veille, je suppose, j'accepte ton argent. Mais, que cela ne se reproduise plus ! Tu feras passer le mot à tes camarades.
Il le remercia grandement. Hiwang n'aurait pas supporté de ne pas goûter au vin de Zhī dào. Les histoires racontaient qu'il transportait le buveur dans un état transcendant, une transe plaisante qui ne détruisait pas les réflexes ou l'esprit, mais qui faisait voir le monde autrement.
Confus, il parcourut la salle d'un regard attristé. Il repéra dans le fond un jeune homme, approximativement de son âge, bien qu'un brin plus âgé, qui siégeait à une table de six, tout seul. Recouvrant son sourire joyeux, le Seigneur se jeta sur l'occasion. Il prit la place en diagonale de la sienne, mais pas tout à fait à l'opposée, le tabouret du milieu. Il voulait converser avec lui, afin de ne pas boire en solitaire.
L'homme devait être noble aussi, vêtu d'habits coûteux et d'une coiffe dans ses mèches ébène. À en juger par leurs vêtements, ils étaient les contraires. Hiwang avait opté pour une tunique grise qu'il avait totalement cachée sous une épaisse robe en mélange de cuir et de tissus noir qui s'arrêtait à ses pieds, ainsi que des bottes. L'inconnu, lui, était enseveli sous le même type de tenue, mais d'un blanc immaculé.
Par contre, ils s'étaient coiffés de la même façon, des mèches souples et de jais, dont les premières mèches étaient emprisonnées dans une natte à l'arrière de leur crâne. Alors qu'il avait des yeux reflets de la nuit, les yeux de cet homme brillaient d'une lueur sombre. Tous deux minces et élancés, musclés par les entraînements, aptes au combat, ils se ressemblaient.
Ils n'ont jamais su que cette rencontre actionnerait les rouages d'une destinée hors du commun et imprévisible.
— Par quel signe avez-vous jugé que je vous autorisais à prendre place à ma table ?
Cette voix fendit l'air et refroidit l'ambiance. Le Seigneur se figea, n'osant plus produire le son régulier de sa respiration, perplexe. Il ne s'attendait pas à cette mélodie délicieusement rauque, à vous en glacer le sang. Son sourire maintenu, Hiwang tenta d'attendrir ce cœur gelé en le toisant d'yeux rieurs. Il changea de chaise et se plaça en face de lui. L'homme le dévisagea, amer. Après s'être raclé la gorge, il s'avança vers lui et susurra des mots sur un ton enfantin, muni d'une moue idiote :
— Cette table de bois ne vous appartient guère, camarade ! Je suis donc libre de siéger en votre compagnie.
Pour appuyer ses propos, il attrapa son verre et le vida d'une traite, savourant brièvement cette extase. Hiwang ressentit l'effet subit de l'ivresse couler dans sa trachée et emplir ses entrailles d'une traîtresse tiédeur. Puis, cherchant probablement à agacer ce belliqueux, sa pinte claqua au contact du bois et ce bruit sec retentit dans l'auberge. À ce geste, les individus présents s'intéressèrent à eux et cette vision sordide les perturba. Quelques-uns blêmirent et baissèrent le ton, gardant un œil attentif sur cette paire inattendue. À cause du vin, des ailes lui poussèrent dans le dos et il trouva bon de plaisanter sous le regard tempétueux de son inconnu.
— Au lieu de grogner et de vous accaparer inutilement une table, trinquons ensemble !
— La table m'appartient bel et bien, ne discutez pas ma parole et fichez le camp ! tonna le renfrogné, taisant les conversations. Je n'ai pas l'humeur de me chamailler avec vous, ce soir.
— Ah oui ? ricana Hiwang, un brin égayé par sa ferme conviction. En quoi vous appartient-elle, Monsieur ? L'avez-vous achetée ? Non ! Dans ce cas, elle est autant à moi qu'à vous !
Leurs yeux se lançaient des éclairs, en particulier ceux de l'inconnu. Ceux du Seigneur scintillaient de malice, ce jeu l'amusait, mais plus pour très longtemps. L'homme aux yeux sombres avait l'air fou de rage, une réaction des plus exagérées selon Hiwang, et tremblait presque en serrant fortement son verre, et il craignit qu'il ne le lui lance au visage. Il ne comprenait pas cette asociabilité profonde. Tous les habitants de Zhī dào le rejetteraient-ils de la sorte ? Pourtant, ils faisaient preuve d'une grande hospitalité, à l'accoutumée. À Hù lǐ, tous s'asseyaient où ils le voulaient et débutaient une conversation avec leurs vis-à-vis, avec facilité et de bon cœur.
— Jeune Maître, cet homme vous dérange-t-il ? Devrions-nous le reconduire à l'extérieur ?
Timidement, le tavernier s'était abaissé pour saluer l'inconnu et observait méchamment le Seigneur. Aspirait-il à le mettre, lui, un buveur accompli, à la porte d'une auberge ? Hiwang l'ignora et tiqua plutôt sur l'appellation. Jeune Maître ? Tout à coup, ses joues perdirent en couleur et son air joueur s'évanouit. Venait-il réellement de s'adresser ainsi au fils d'un Patriarche ? Son père ne cessait de lui répéter de ne pas se mêler au Clan dominant d'une Secte, de ne pas manquer de respect à ses aînés et à ses supérieurs, de toujours se plier aux règlements... Il ferma lentement ses paupières, présageant déjà la sentence de cet homme. Il déglutit avec peine, s'en fustigeant pour son insolence. Bien sûr que cette table lui appartenait, puisque sa famille contrôlait tout le territoire.
— Je pars en premier ! clama-t-il, abrupt.
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