Le souffle d'un renouveau 2
Il n'avait guère plus de temps, puisque les portes de son pavillon volèrent avec fracas. Son garde déboula dans la pièce, alors qu'ils étaient encore entrelacés.
— Le Patriarche ordonne votre présence dans le temple immédiatement ! L'affaire est urgente ! Un messager de Zhī dào vient d'arriver, il est reparti aussitôt ; le Chef de Secte ne paraît point enjoué par la missive, dit-on. Il a convoqué tous les nobles et tous les disciples !
Soupirant, il ne refuserait pas un ordre de son meneur. À contrecœur, il fit signe à son garde d'attendre dehors et il saisit les épaules de sa belle. Hiwang ne releva pas son sourire fané et se contenta de la saluer d'un ultime baiser. Elle retrouverait le chemin jusqu'à chez elle et oublierait leur relation. Le Seigneur se leva et sortit de son pavillon, le cœur lourd. Il emprunta le chemin qu'il connaissait si bien, entrant dans le temple. Quelques-uns de ses semblables traînaient également des pieds. La nuit était tombée et certains quittaient leur lit douillet, rhabillés en toute hâte.
— Dépêchons ! s'égosillait Petit Rêveur, bras droit du Patriarche. Notre Secte contient-elle seulement de jeunes hommes amorphes ? Du nerf ! Plus vite vous entendrez l'annonce officielle, plus tôt vous vous recoucherez !
Petit Rêveur déclenchait systématiquement une envie irrépressible de rire chez lui, Hiwang le trouvait absolument adorable à trépigner du pied et sauter dans tous les sens, afin de secouer les nobles de la capitale. Et qu'est-ce qu'il braillait ! Sa voix résonnait du temple au Palais intérieur et avait sûrement attisé la curiosité de tous les serviteurs.
D'une allure svelte, le Seigneur se rua dans la grande salle des disciples, là où ils se regroupaient tous, tous les jours. Peu s'était pressé. Soora, son camarade de chasse favori, dormait quasiment debout, la tête baissée et recroquevillée sur son torse, ses pectoraux formant un appui pour son menton. Il ne s'empêcha pas de rire gaiement et le joignit. Il tapa son épaule de la sienne pour le réveiller et le chasseur manqua de sursauter.
— Sale gosse, bredouilla Soora, mal réveillé. Je vois que tu as gardé tes habits du jour. Je présume que tu passais un agréable moment avec Dame Haling. Comment se porte-t-elle aujourd'hui ? Toujours autant sous ton charme ?
— Ma beauté incontestable frappe son être à chaque seconde, railla Hiwang. Mais, la douce se marie sous peu. Je lâche mes convoitises et la regarde partir au bras d'un autre. Cet hymen, aussi captivant fut-il, prend fin ce soir.
— Que tu es dramatique. Tu dénicheras aisément une énième demoiselle à séduire, à n'en point douter !
Il encaissa la plaisanterie, même si elle détenait une part de réel. Il aimait l'amour à un point de non-retour. Il éprouvait des sentiments sincères envers le premier qui suscitait son attention. Sans Haling, il en choisira une autre et la remplira de bonheur. En guise de réponse, Hiwang lui sourit, espiègle, et ils se mirent en position de respect ; c'est-à-dire, les mains jointes devant eux, leur corps tendu et fier, le regard perdu face à eux, et en silence. Peu à peu, les jeunes nobles constituèrent des rangs. Le Patriarche apparut finalement devant eux. Comme d'habitude, ils se courbèrent, le Chef de Secte les commanda de se redresser, il s'assit et Petit Rêveur s'adressa à eux, en son nom.
— Les créatures barbares, qui logent sur nos terres et terrassent nos peuples, pullulent de jour en jour et notre incapacité à les vaincre tourmente les plus vulnérables d'entre nous, les mortels. Par l'épée, la flèche ou la magie, ils parcourent notre monde sans s'affaiblir. Après moult discussions, les Chefs de Sectes ne savent plus comment se débarrasser de ces bêtes infâmes ! expliqua l'homme, reposant sa voix une minute, avant de continuer. C'est pourquoi dès demain se tiendra un rassemblement de tous les jeunes nobles et les plus talentueux disciples volontaires à Zhī dào, dans le but de méditer sur une solution tous ensemble. Puisque les aînés et les Maîtres sont démunis, il se dit que, peut-être, la relève réussira là où nous avons échoué. Toutes les propositions seront examinées et nous nous engagerons à les mettre en pratique si nous y voyons un intérêt. À l'aube, ceux qui le désirent et dont les idées pourraient aider partiront accompagnés d'un cortège des Maîtres du temple. L'enseignement sera mis en pause pour les prochains jours.
Un silence s'ensuivit. Chacun se glissait des œillades incertaines. Effectivement, les événements des mois passés étaient de plus en plus complexes à gérer, mais personne n'avait dégoté une solution miracle. Ces créatures maléfiques se terraient dans les grottes et les recoins sombres de toutes les Sectes, elles attaquaient férocement quiconque et ne laissaient pas de survivants. Ils ne savaient pas exactement à quoi elles ressemblaient – certains évoquaient des démons Asura, d'autres des fantômes –, mais ils devaient les empêcher de nuire davantage pour la sécurité et la prospérité de tous. De telles créations de noirceur ne pouvaient pas rester en vie.
Le Patriarche, face à tant de torpeur, dispersa les hommes d'un revers de main, espérant qu'ils se dévoueraient. Ils regagnèrent leurs appartements et n'en parlèrent plus. Soora et Hiwang finirent le chemin ensemble, dans un mutisme déroutant. Ils ralentirent près du pavillon du chasseur. Le Seigneur n'avait tout simplement pas envie de se rendre à Zhī dào. Que pourrait-il apporter de plus au débat ? Après tout, il n'avait pas médité sur ce problème, focalisé sur ses études.
—Je prédis que, fit soudainement Soora, tu ne voudras pas y aller. Tu le devrais. Quoi ? C'est vrai ! De tous les disciples, tu es le plus doué. Tu connais l'art du combat, en pratique, en théorie et en stratégie. Ils pourraient avoir besoin de tes talents. Et puis, je n'ai confiance qu'en toi, parmi tous les autres, pour servir à quelque chose.
— Seulement si tu m'y escortes ! objecta Hiwang, narquois. Voyager sans mon cher acolyte ? Impossible ! Accepte de venir et j'envisagerais de me porter volontaire.
Sur ce, il traça sa route jusqu'à son pavillon, ne prenant pas en compte les soupirs lassés de Soora qui se fatiguaient de son ami. Il n'avait pas prévu un voyage, mais peut-être qu'avec Hiwang se serait amusant. Il prépara, tout comme le Seigneur, ses bagages. Ils enfournèrent quelques effets personnels à l'intérieur de sacs en toile.
La nuit de trop courte durée leur sembla si loin, lorsqu'ils se retrouvèrent tous deux sur la voie menant à Zhī dào. Ils dormaient éveillés et ronchonnaient au sujet de ce rassemblement. Hù lǐ n'y avait pas sa place ! Pourquoi diable les faire venir ? Sur leurs chevaux, ils scrutaient le paysage dès que leurs paupières lourdes se relevaient.
— La jeune noblesse contient au minimum une cinquantaine d'hommes et les disciples comptent au moins une deux centaines de membres, mais, ce matin, je n'ai vu que de pitoyables froussards ! scanda Soora, outré par le peu de volontaires. Tu les as vus, cloîtrés derrière leurs portes, à regarder entre les bambous des fenêtres ? N'importe quoi. On aurait dit qu'il redoutait de se faire traîner de force à Zhī dào.
— Ils ont refusé de se porter volontaires, parce qu'ils sont conscients de notre manque de...crédibilité, contra Hiwang. Pourquoi se déplacer à Zhī dào, puisque les autres Sectes vont se moquer de nous ?
— Pour démontrer une certaine préoccupation envers le sort de ce monde ! trancha Petit Rêveur, qui guidait les jeunes jusqu'à la Secte de la Sagesse Altruiste. Qu'importe si les autres n'en ont que faire de notre avis. Il s'agit de notre destin à tous et nous avons tous notre mot à dire.
Ils formaient un bien maigre cortège, une dizaine de cavaliers uniquement. Ils auront sûrement honte en notant le nombre de volontaires des autres peuples. Ils chevauchèrent durant plusieurs heures, arrivant à Zhī dào en fin d'après-midi, quand le soleil débutait son coucher. Au fur et à mesure du voyage, les plaines fleuries, les lacs et les rivières de Hù lǐ se perdirent ; les hauts arbres, les insectes volants et les ruisseaux déchaînés se dévoilèrent. Les érudits de cette Secte leur firent accueil à la frontière, se courbant mutuellement avec politesse. Petit Rêveur effectua un bref demi-tour, tandis qu'ils étaient guidés jusqu'à la capitale. Tout de suite, Hiwang remarqua un net changement dans la manière d'user de la magie. Les gardes de la Sagesse Altruiste étaient beaucoup plus nombreux, assurant une totale sécurité, et une demi-douzaine d'entre eux les protégeait du ciel, debout sur leurs épées qui leur permettaient de planer dans les airs.
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