Devenir parent 1
— Yichen ! Où est Yichen ?! Est-ce que quelqu'un comprend ce que je demande ? Indiquez-moi la route jusqu'à la demeure de Yichen ! Où est Yichen ?!
Wulong, à force de tourner en rond, d'empoigner les vêtements des passants pour les bousculer afin d'obtenir ses réponses, tomba avec lourdeur dans la boue. La pluie s'abattait sur lui et ses pleurs ne tarissaient pas. Il s'étouffa et n'eut plus la force de se relever.
En arrivant au Talion Infernal, il avait cherché où résidait Netoh, mais personne ne le lui expliquait, ne lui montrait le chemin. Ils le toisaient d'un dédain ignoble et l'ignoraient superbement. Insensibles à sa détresse, ils jugeaient sans vergogne ce pauvre alchimiste misérable sous une pluie torrentielle, trempé et sali, ses mains tremblaient sur ses genoux, sa robe blanche se teintaient d'une répugnante couleur marron ; cet homme lumineux suffoquait au milieu d'une allée sans qu'aucun ne se préoccupe de lui.
— Où est Yichen ?
Il répétait cette phrase en boucle, désespéré. Pourquoi nul ne lui répondait-il ? Il avait l'impression de n'être qu'un parasite qui ennuyait ce peuple égoïste. Soudainement, un sanglot se bloqua dans sa gorge et il toussa sans pouvoir s'arrêter. Il faisait probablement une crise de panique, mais n'obtenait pas d'aide. Il commençait à haïr les gens de Jiǎo huá, s'attendant presque à ce qu'un garde lui commande de libérer le passage. De toute évidence, il gênait tout le monde. Cette maudite pluie ruisselait sur ses os apparents, ses joues creuses avaient blêmi et des cernes apparaissaient déjà sous ses yeux livides. Il ne calmait plus ses respirations chaotiques, sa toux le secouant avec sauvagerie.
Tout à coup, il perçut des pas accourir vers lui, des bottes éclabousser les robes des citoyens, un corps se jeter près du sien et des bras se glisser sous ses aisselles pour le soulever. L'alchimiste se sentit guidé par une douce force quelque part où la pluie ne l'atteignit plus. Ses orbes analysèrent les alentours avec difficulté, entre deux pleurs, et il déduisit se trouver dans une taverne.
La personne qui l'avait menée ici disparut un instant, criant des mots incompréhensibles au tavernier. Il revint une minute plus tard et le couvrit d'un délicat tissu qui le réchauffa peu à peu.
— Es-tu inconscient de ce que tu fais, bon sang ?! tonitrua-t-on dans ses oreilles bourdonnantes. Tu souhaites attraper la mort par ce temps ? Et, qu'est-ce que j'entends ? Un fidèle de Hù lǐ qui hurle en pleine rue à ma recherche ? Si tu aspirais tant à me voir, tu aurais pu t'installer confortablement dans une taverne et me faire quérir !
Ses pleurs s'intensifièrent quand il identifia la personne. Enfin, il avait trouvé Yichen ! Il l'enlaça tout en brusquerie, délaissant la couverture pour le corps rassurant de son cadet, et il sanglota avec plus d'ardeur encore. Le jeune de Jiǎo huá ne saisissait pas la situation. Il vagabondait, l'esprit ailleurs, chez lui, ne dénichant aucune activité pour s'occuper. Puis, une jeune camarade d'armes avait pratiquement pulvérisé sa porte, affirmant qu'un fou furieux l'appelait au marché et qu'il devait s'y rendre au plus vite, ou cet individu risquait d'être éjecté du Talion Infernal. Quel ahurissement de le voir, lui, au centre d'une foule méprisante !
— Mon amour, susurra-t-il, des mots tendres le réconforteraient peut-être. Que t'arrive-t-il ? Est-ce que je te manquais à ce point ? Pourtant, cela ne fait qu'un mois... Je ne m'attendais pas à ce que tu me retrouves aussi tôt. J-Je croyais que...tu refuserais de me voir de nouveau...
— J'ai besoin de toi ! exposa-t-il, essayant de se tempérer, peine perdue. C'est au sujet de Liang... I-Il a été enlevé ! Par des gens de ta Secte !
Il s'était littéralement égosillé pour les deux dernières phrases et le benjamin se figea aux regards sombres de ses semblables. Il fit signe au tavernier qu'il montait à l'étage pour ne pas déranger et attirer des ennuis à Wulong qui avait l'air remonté contre les gens de Jiǎo huá. Il le soutint dans les escaliers et ouvrit une porte au hasard, se glissant à l'intérieur et refermant à leur passage. Il l'assit ensuite sur le lit et déposa correctement la couverture sur lui, frottant pour le sécher et l'encourager à parler. Son aîné devait être plus clair, s'il voulait son aide.
— Nous-Nous étions au Comptoir des Neuf Dragons. Il s'agissait de sa première visite. Je voulais lui faire plaisir. Mais...des hommes l'ont saisi à un détour et ils se sont enfuis ! Je t'en supplie, il faut le trouver !
— Ne t'inquiète pas, mon amour, je te rapporterai personnellement ce garçon en bonne santé ! Mais, pourquoi suspectes-tu mon peuple ? Certains se divertissent en effet en répandant le mal autour d'eux, mais, en général, Jiǎo huá épargne les enfants.
— Ces hommes arboraient l'emblème des Fureurs Fallacieuses, je l'ai vu ! Oh ! par tous les dieux, Yichen, cela fait déjà deux jours ! Je suis venu sur-le-champ, mais qui sait ce qu'ils préparent ? Et... Et s'il...?
Et s'il mourrait ? Ou s'il était mort ? Le benjamin n'osa y songer et le serra plus fort dans ses bras. Il caressait délicatement son dos sous ses soubresauts incontrôlables, réfléchissant à toute vitesse. En fait, il se doutait des instigateurs de cet enlèvement.
Wujie et ses compagnons. Cela leur ressemblait.
Le fils immonde d'un ami proche du Patriarche. Un noble au sommet de sa puissance qui terrassait le monde, y compris les gens de Jiǎo huá, par ses assauts divers. Il tuait des proies faciles, s'en prenait aux minorités, violait régulièrement des femmes qui se taisaient dans la crainte des représailles ; il incarnait une des facettes du mal pur dans une hystérie quasi-irrépressible. En plus, il était intouchable à cause du statut de son père et de l'affection de Meng à son égard.
Aussi, il adorait jouer.
Non, Liang n'avait pas trépassé. Parce que cet homme s'amusait avec les enfants avant de les empoisonner. Il chérissait particulièrement cette méthode d'assassinat. Il prévenait la jeune victime de son plan : lui faire absorber un poison mortel. Mais, il ne précisait jamais quand et comment. Un jeu terrorisant de pile ou face à chaque fois qu'il présentait un plat ou une boisson. Si sa proie refusait de se nourrir ou de boire, il la forçait. Yichen détestait profondément Wujie, mais que pouvait-il y faire ? Pénétrer chez lui et reprendre l'enfant ? Il n'avait rien de mieux à proposer.
— Ecoute-moi attentivement, exigea-t-il, alors que l'alchimiste réduisait avec peine ses larmes. Je sais où je dois aller. Tu m'attends à la frontière nord-ouest, celle qui conduit à Hù lǐ, je t'y rejoindrai.
— Mais...!
— Tais-toi, fit-il. Tu m'obéis, s'il te plaît, et tout ira bien. Compris ?
Au final, l'alchimiste ne détenait guère le choix. Il désirait en savoir plus, venir avec lui, mais le regard abrupt de son cadet l'en dissuada. Acquiesçant, il remettait le destin de son garçon à Yichen qui lui séchait les larmes en lui adressant un mince sourire. Yichen déposa un bref baiser sur son front et se leva, imité par le fidèle de Hù lǐ. Il lui désigna un sentier où il ne risquerait rien et le raccompagna à son cheval, en dehors du Talion Infernal.
S'assurant que Wulong chevauchait bel et bien en direction de la frontière, Yichen pivota et retourna à la capitale, chez lui, pour saisir son épée. Déterminé, il se dirigea directement vers un point précis dans la forêt. Il connaissait le chemin par coeur, pour s'être enfui de là-bas en boitant, en sang, à moitié mort, après avoir été battu par les hommes de Wujie.
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