Seconde de la reine (Cassandre)
Cassandre subit les foudres indignées de sa mère pendant tout le trajet du retour. Dame Armalys pestait contre les bandits qui avaient osé s'en prendre à elles. Elle n'arrêtait pas de crier au scandale et de traiter le cocher d'incompétent car il s'était arrêté sans raison devant les voleurs. Elle était persuadée qu'il avait fait exprès. Sa colère n'avait pas de limite.
« Et quelle odeur ! s'indigna-t-elle encore. Répugnant ! Ils ne devaient pas avoir pris de bain depuis des semaines ! Que dis-je ? des mois ! On n'a pas idée de laisser de telles vermines vivre en liberté. Je m'étonne qu'ils ne soient pas encore en prison. »
Cassandre ne disait rien. Elle voyait toujours les deux hommes qui l'avaient abordée. La façon dont ils s'étaient figés, dont ils l'avaient menacée. Elle avait été si certaine qu'ils ne lui voulaient pas de mal. Elle s'étonnait encore de ne pas avoir paniqué. Les yeux du premiers avaient eut l'air alors autan fascinés par elle que elle par lui. Il n'avait pas fait de menace de mort. Il avait regardé. Il avait répondu dans un vocabulaire convenable. Et il l'avait regardé détacher ses cheveux comme si c'était la première fois qu'il voyait une dame le faire. Elle n'avait jamais vu une telle profondeur dans des prunelles. Elle avait été si étonnée par cette élégance qu'il y avait eu dans son regard qu'elle n'avait pas fait attention ni à l'odeur ni aux habits détraqués du jeune homme et de son acolyte.
« Et toi, ma fille ! cria soudain Dame Armalys en la faisait sursauter. Quelle folie t'a donc prise de lui céder tes diamants ? »
Cassandre tourna la tête vers sa mère. Ses yeux descendirent vers son coup dénudé de quelque parure. La peau était à nue, ce qui était inconvenable. Cassandre s'étonnait que sa mère n'ait pas encore fait un malaise.
« Je ne sais pas, répondit-elle. Ils avaient eu l'air d'en avoir besoin. »
Ce n'était pas une justification comme sa mère en avait l'habitude.
« Pourquoi veux-tu qu'ils en aient besoin ? s'étonna-t-elle. Se sont des hommes ! Les hommes ne portent pas de bijoux.
- Je sais, mère. Mais je ne pense pas que ce soit des bijoux dont ils avaient besoin. »
Sa mère ne comprit pas le sous entendu. Elle ne pouvait comprendre que des gens puissent manquer d'argent. Cassandre n'aurait pas dut comprendre non plus. Mais elle l'avait vu dans les yeux du jeune homme. Des yeux qui réclamaient de quoi vivre encore quelques jours. Comment aurait-elle put les lui refuser ?
« Et regardes-toi, bons dieux ! reprit Dame Armalys. Tu as les cheveux détachés ! C'est bien inconvenable pour une dame de la Cour !
- Tout comme il est inconvenable d'avoir le cou et une partie du buste dénudés, mère, rétorqua soudain Cassandre. »
Elle ne prit conscience de ses paroles que quand sa mère ouvrit des yeux horrifiés. La jeune fille se sentit aussitôt coupable d'avoir répondu de la sorte. Sa mère était dans tous ses états. Elle était sous le choc de l'attaque, elle essayait de remettre de l'ordre dans ses pensées. Pour cela elle devait se rattacher à des habitudes. Comme celle de gronder sa fille parce qu'elle n'avait pas les cheveux attachés. Comment le lui reprocher ?
« Ne me parles plus jamais ainsi, gronda la Dame. »
Cassandre baissa aussitôt la tête. Son cœur se serra à l'idée qu'elle ait offensé sa mère. Elle ne le supportait pas. Elle avait été injuste.
« Je suis navrée, mère. Pardonnez-moi, supplia-t-elle. »
Dame Armalys répondit par un hochement de tête qui signifiait qu'elle acceptait les excuses et qu'elle daignait pardonner l'affront qui lui avait été fait.
Quelque minutes plus tard, elles arrivèrent devant le palais qui faisait office de maison. La mère se précipita dedans, trop honteuse de son coup dénudé. Elle courut aller se changer sans plus attendre. Cassandre marcha lentement au travers des luxurieux jardins verts. Elle devait se rattacher les cheveux au plus vite mais elle aimait trop les sentir danser sur ses épaules et onduler sous le vent. Elle redressa les pans de sa robe pour monter l'immense escalier et se dirigea vers sa chambre. En passant devant les appartements de sa mère, elle l'entendit jurer :
« Trois colliers. Trois ! Qu'ils aillent au diable ces enfants de la misère. Comment ont-ils osé ? S'en prendre à moi, une dame de la Cour ? Comment ont-ils put ? Ils paieront leur impertinence. »
Dégoûtée d'entendre de tels propos, Cassandre accéléra le pas pour aller dans sa chambre. Une fois dedans, elle se laissa choir sur son lit et ferma les yeux pour faire retomber l'adrénaline de la journée. Elle ne supportait pas de voir sa mère tenir des mots aussi mauvais. Jamais elle ne l'avait vu souhaiter la mort de quelqu'un. Elle réalisa soudain que les bijoux volés étaient chers à sa mère. Elle avait eut le premier lors de son admission comme Dame de la Cour, le deuxième comme mariée et le troisième quand elle avait eut son premier enfant. Cassandre pensa, à juste titre, que c'était bien finalement que ce soient ses colliers-là qui avaient été volés. Si cela avait été l'ornement de la défunte mère de Dame Armalys, le choc aurait pu la tuer ou au moins la faire tomber dans une profonde tristesse.
Ne sachant pas comment se coiffer, elle appela une coiffeuse pour l'aider. La dame lui fit un petit chignon avec la moitié de ses cheveux et laissa lâchée l'autre moitié qu'elle frisa avec délicatesse. Elle prit ensuite de petit filet de soi qu'elle fit passer et repasser dans les cheveux noirs. Cassandre observa son reflet dans le miroir. Cette coiffure lui ressemblait bien plus que la précédente.
« C'est magnifique, dit-elle à sa coiffeuse.
- Madame me comble d'honneur, répondit-elle. »
Elle s'inclina et, sur autorisation de la jeune fille, sortit de la pièce. Le soir venu, Cassandre mangea avec sa famille. Son père parlait de l'hostilité grandissante du peuple. Il dit, non sans un frisson, que le peuple parlait d'une colère que les armées du Roi ne pourraient contrer. Mais il ajouta aussitôt, devant les mines effrayées de sa fille et sa femme, que, dès qu'il passait, les hommes reculaient de peur ou se courbaient de respect. Il dit également que l'un de ses amis généraux avait fait enfermer un homme du nom de Desrivières et qu'il n'y avait donc rien à craindre. Ensuite, toute la famille partit se coucher. Cassandre défit non sans regret sa coiffure et ôta sa robe pour sa tenue, plus légère, de sommeil. Elle se glissa dans les draps en prenant soin de fermer les rideaux et s'endormit. Mais au moment où elle trouvait le sommeil, elle se souvint de ce qu'il y avait écrit sur la Prison : vous n'enfermerez jamais ce pourquoi nous sommes là. Mais elle n'eut pas le loisir d'y songer plus longtemps car elle sombra dans la nuit.
Le lendemain matin, sa mère entra en trombe dans sa chambre. Cassandre se réveilla en sursaut.
« Que se passe-t-il, mère ? s'inquiéta-t-elle. »
Dame Armalys ouvrit les rideaux et sa fille fut éblouie.
« Après la prison, il faut que la Cour te reconnaisse comme l'une des nobles dames. C'est pourquoi nous allons chez leurs Majestés aujourd'hui. »
Cassandre resta muette de stupeur. Chez le Roi et la Reine ? C'était un grand honneur. Mais était-ce une bonne idée en ces temps troublés ?
« Combien de temps y resterons-nous ? s'enquit-elle.
- Deux jours, répondit la mère. Allons lèves-toi, la houspilla-t-elle. Il te faut te préparer. »
Cassandre se leva sans faire d'histoire. Elle avisa la tenue de sa mère. Une longue robe rouge avec une ceinture dorée, deux colliers de rubis et une sorte de queue de cheval élégante la paraient et rendaient justice à sa beauté naturelle. Cassandre se sentit gauche et insignifiante face à la splendeur de sa mère. Elle avait retrouvé son assurance de Dame de la Cour. Elle avait entouré ses yeux de poudre brillante. Elle était vraiment très belle. Sa fille pensait qu'elle lui ferait honte devant le Roi et la Reine. La dernière fois qu'elle y était allée, elle avait dix ans. Le manque de beauté pouvait alors se comprendre. Mais à présent elle avait dix-sept ans. Les années auraient du la rendre belle. Mais elle était des plus simples. Elle était seulement la seule dame de la Cour avec des cheveux noirs et des yeux aussi sombres.
Elle laissa sa mère lui choisir sa tenue en priant pour que ce ne soit pas une robe trop gonflante. Elle ne savait pas se déplacer avec ce genre de robe, bien qu'elles soient très prisées à la Cour. Dame Armalys passa près de vingts minutes devant la garde robe sans savoir que prendre. Sa fille en profita pour démêler ses cheveux courts. Quand elle les toucha, elle ne put s'empêcher de revoir les yeux du jeune homme. Marrons, ils étaient. Profonds aussi. Et intrigués lui avait-il semblé. Confuse, elle reposa la brosse. Dame Armalys avait enfin trouvé la tenue idéale.
« Fermes les yeux, ma fille, commanda la mère avec une excitation mal contenue. Laisse moi te parer. Tu me diras ce que tu en pense.
- Comme il vous plaira, mère, s'inclina sa fille en fermant les yeux avec confiance. »
Elle sentit sa mère la dévêtir. Elle sentit un tissu doux, soyeux et léger glisser sur sa peau. Sa mère resserra le corser elle-même. Une fois l'habit enfilé, elle guida sa fille qui avait toujours les yeux fermés vers le miroir où elle la fit asseoir. Elle coiffa avec délicatesse les cheveux noirs. Quand elle eut finit son œuvre, environ une heure plus tard, elle invita sa fille à ouvrit les yeux pour se regarder.
Cassandre resta interdit devant son image. Deux petites tresses élégantes lui nouaient les cheveux. Des fil de saphir profond pendaient de ci, de là dans ses cheveux sombres. Elle n'avait rien sur le visage. Une robe bleu nuit toute de soi la revêtait. Les manches étaient amples et leur bout touchaient presque le sol quand elle laissa pendre ses bras. Elle n'avait aucun bijou à part ceux de ses cheveux. Elle était habillée avec simplicité mais raffinement. Cassandre finit par sourire bêtement devant son reflet.
« Vous avez fait un travail remarquable, mère, souffla-t-elle.
- Tu te sens bien ? Tu veux plus de brillant peut-être ? Ou bien...
- Non, mère, la coupa Cassandre. C'est parfait. »
Elle toucha ses cheveux qui n'étaient pour la plupart pas retenus et sourit encore. Elle s'était rarement sentit aussi proche de celle qu'elle était vraiment. Pas trop embellie, pas trop changée. Elle était presque comme celle qu'elle était vraiment à l'intérieur. Sa mère sourit devant sa mine enjouée.
« Allons manger, lança-t-elle déjà sur le pas de la porte. Il ne nous faut pas faire attendre le Roi et la Reine. »
Cassandre hocha la tête et la suivit sans se plaindre. Toute la famille se restaura dans la salle à manger. Le messager du potentiel mari de Cassandre n'était pas là et elle s'en sentit d'autan plus soulagée. Pour une fois le sujet ne serait pas abordé et elle n'aurait pas à dire à ses parents qu'elle ne voulait pas être mariée à cet homme. Ni à personne en fait.
Une fois le repas achevé, ils partirent tous vers le carrosse familial. Une escorte de dix soldats les entourait cette fois. Le cocher n'était plus celui de la veille. Cassandre jeta un regard affligé à sa mère. Celle-ci regardait droit devant elle sans rien trahir de ses émotions. Mais il n'y avait aucun doute possible. C'était elle qui avait demandé à avoir une escorte et à changer de cocher pour un homme plus digne de sa confiance.
Leur voiture les mena au palais. Il y avait trois heures de route avant d'arriver à destination. Les paysages se succédaient devant les yeux de Cassandre. Elle avait beau se souvenir qu'elle n'avait pas le droit de regarder hors de la voiture, elle ne pouvait s'en empêcher. Elles étaient si belles ces vallées qui s'étendaient à l'infini. Ce ciel si bleu avait quelque chose d'apaisant, de merveilleux. Elle aurait voulu être capable de le toucher. Les rayons du soleil sur les feuilles étaient envoûtant. Comment pouvait-on se fermer à pareille beauté ? Mais en arrivant en ville, elle fit attention à ne laisser échapper aucun regard. Le carrosse passa devant la Prison. Cassandre relu l'inscription et à nouveau un mauvais pressentiment la saisit. Elle sut alors que quelque chose allait arriver. Elle ne savait pas quoi, pas quand, pas pourquoi, ni comment mais elle sut que cela n'allait pas tarder. Elle n'eut pas le loisir d'y songer plus longtemps car elle vit le palais royal, à l'écart de la capitale Altaïr.
Il était bien plus grand et bien plus vaste que tous les palais qu'elle n'ai jamais vu. Une large rivière courait non loin et une statue du dieu de l'amour trônait devant, arc bandé, prêt à tirer mais il n'avait pas de flèches.
Ils entrèrent dans la cour et le carrosse s'arrêta. Cassandre ne pouvait décrire l'édifice qui lui faisait face. Il était bien trop haut, beau et étincelant pour cela. Son frère lui tendit la main pour l'aider à descendre. Elle descendit, le remercia et resta bouche-bée devant la multitude de soldat qui était postée à chaque marche.
« Ils vont nous laisser passer ? demanda-t-elle à son frère.
- Mais enfin, tu es déjà venue ici ! s'exclama-t-il. Bien sûr qu'ils nous laisseront passer. Leurs Majestés elles-même nous ont invités.
- Mais il me semblait qu'à cette époque, il y avait moins de soldat, nota sa sœur. Beaucoup moins. Deux ou trois fois moins.
- Oui. Mais les temps ont changé. »
Ils échangèrent un regard. Il avait comprit qu'elle avait comprit et elle avait comprit qu'il avait comprit.
« Oui, petite sœur, lui chuchota-t-il. Il nous faut nous montrer très prudents à présent. Le peuple est plus froid que jamais. »
Elle hocha la tête, heureuse qu'il partage cela avec elle. Les femmes n'avaient en général pas besoin de savoir ce genre de chose. Mais visiblement, son frère ne pensait pas ainsi. Tout deux suivirent leurs parents qui montaient les marches.
En entrant devant le hall d'entrée, Cassandre eut un grand choc. Il y avait bon nombre de courtisant ici. Une centaine peut-être. Beaucoup plus que lors de sa dernière visite. Ils étaient tous richement parés. Ils échangeaient des regards et des salutations. Cassandre baillait déjà à l'idée de la conversation qu'elle devrait tenir. Des mots dénudés de toute émotion, peu sincères, flous, sans profondeur, sans vérité, sans rien. Juste des mots qui ne devraient rien trahir de ses pensées. Les discutions de la Cour étaient basées sur les tromperies, même les uns envers les autres. On ne pouvait se fier à aucune parole. Aucune ne disait la vérité.
Alors elle afficha un sourire faux et salua ceux qui la voyaient. Elle suivit sa mère qui avançait vers la reine. La reine Evangeline était une belle femme au cheveux blonds longs attachés en une coiffure des plus compliquée. Elle était assez jeune. Elle portait une robe verte piquée d'émeraude. Un sourire doux qui avait l'air sincère, chose fort étonnante, flottait sur ses lèvres. A son côté, le Roi souriait également d'un bon sourire. Sa tenue d'apparat rouge était ornée d'or et une longue épée était ceinturée à son côté. Il souriait du même sourire que sa dame. Tous deux avaient l'air de si nobles et bonnes personnes. A côté de la Reine était assise Odossya, leur unique fille, qui jetait des regards condescendant aux nobles qui venaient la saluer. Elle aimait prendre plaisir à se sentir supérieure aux autres. Elle pensait que son statut de fille de la reine lui donnait le droit de tout faire. Mais elle se trompait, elle avait également de nombreux devoir. Des devoirs qu'elle se faisait un plaisir de ne pas remplir. Odossya était imbue d'elle-même et aimait tout particulièrement rabaisser Cassandre car cette dernière était moins belle qu'elle et moins riche, plus jeune aussi. La fille des souverains n'était pas assez bête pour s'en prendre à plus âgé qu'elle-même. Pour son plus grand malheur, Cassandre avec un an de moins.
Elle se fit un devoir de l'ignorer. La fille de la reine n'avait jamais été regardée comme elle avait été regardé lors de l'attaque de son carrosse. Odossya n'inspirait d'intrigue et d'intérêt à personne. A part à un homme de la Cour qui rêvait d'elle de puis de nombreuses années. Mais lui était également un homme peu louable. Mais Cassandre, elle, avait vu ce que Odossya ne verrait jamais : de la vérité.
Cassandre s'inclina devant la reine en ignorant le regard narquois que posait sa fille royale sur elle.
Elle se redressa. La Reine la regardait avec bienveillance. Cassandre eut du mal à croire que l'horrible Odossya puisse être sa descendance.
« Jeune fille, commença la souveraine, je voudrais faire de vous ma Seconde. »
De surprise, Cassandre resta figée. Elle resta plantée devant la reine sans rien dire, muette. Sa fille perdit son sourire narquois. Elle posa un regard dégoûté et outré à sa mère. La reine ne la remarqua même pas.
Enfin, Cassandre retrouva l'usage des mots et parvint à parler. Elle eut bien conscience qu'elle n'en avait pas le droit puisque la reine ne l'y avait pas invitée mais elle ne pouvait pas s'en empêcher.
« Mais pourquoi moi, ma reine ? »
De ses souvenirs, elle n'avait jamais rien fait de fantastique pour gagner les faveurs de la souveraine. Elle était même loin, très loin, d'avoir le bon comportement.
La Seconde était celle qui secondait la reine dans ses décisions, dans ses choix. C'était la deuxième femme la plus importante de la Cour.
La souveraine sourit devant le débordement d'émotion de sa jeune interlocutrice.
« Votre mère m'a raconté votre comportement face aux voleurs qui s'en étaient pris à votre carrosse. Un sang froid admirable, une voix calme et apaisante. Vous leur avez donné le bijou pour les apaiser. Vous avez vu qu'ils en avaient vraiment besoin, vous êtes à l'écoute du peuple. Nous avons besoin de personne comme vous à la Cour. »
Cassandre perdit son sourire. Il était trop tard pour comprendre le peuple. Il était déjà remonté. Elle était convaincue à présent que quelque chose allait arriver bientôt. Il était trop tard pour empêcher ce quelque chose de se produire.
Odossya se leva soudainement, faisant sursauter sa mère et le courtisant qui venait la saluer. Elle l'ignora superbement et se planta devant la souveraine. Il brillait dans ses yeux une colère redoutable. Ses points étaient crispés autour de ses étoffes. Elle fusilla Cassandre du regard.
« Mère ! s'exclama-t-elle avec rage. Vous ne pouvez pas la nommer votre Seconde !
- Et pourquoi cela, ma colombe ? demanda la reine visiblement surprise.
- Elle ne sait rien de nos usages. Elle n'est pas digne de ce poste. Nombre de femme plus méritantes le convoitent depuis longtemps. Cette femme, cracha-t-elle désignant Cassandre, ne vaut pas le poste de Seconde.
- Comment osez-vous ? s'indigna soudain Dame Armalys. Parler ainsi de ma fille devant toute la Cour ! »
La reine lui adressa un sourire confus.
« Navrée... dit-elle.
- Non, mère ! Nous n'avez pas à vous faire pardonner ! cria encore Odossya. Vous êtes la reine !
- Justement, gronda cette dernière soudain glaciale, je fais ce qu'il me semble juste et bon. Nous avons besoin d'apaiser le peuple, pas de le courroucer.
- Vous ne m'estimez pas capable de vous conseiller à ce sujet ? s'horrifia la royale fille.
- Non, ma colombe. Mais un autre regard que le tien pourrait quand même m'être utile. Tu n'as jamais vraiment eut à faire au peuple lui-même, si ? »
Odossya ouvrit et ferma plusieurs fois la bouche sans savoir que répliquer. Enfin, elle s'inclina devant sa mère et posa un regard venimeux sur Cassandre. Celle-ci le soutint avec calme. Elle se sentait, d'une étrange façon, désolée de causer une telle discorde entre une mère et sa fille. Elle voulu présenter des excuses mais la reine ne lui en laissa pas le temps. Elle avait reprit son air serein et bienveillante. Les tensions causées par le peuple ne devaient pas aider à conférer une stabilité à son poste. Ce devait être dans une position précaire. Néanmoins la souveraine faisait face aux problèmes avec une aptitude remarquable.
La reine prit une boîte pleine de diamant et la tendit à Cassandre.
« Vous serez ma Seconde, je vous demande donc de porter l'insigne de ce poste. Ouvre cette boîte. »
Cassandre soupesa le petit coffre. Avec toutes les pierreries dont il était orné, il pesait bien lourd pour sa petite taille. Elle l'ouvrit sans attendre, curieuse. Elle resta époustouflée devant le collier qui se trouvait dedans. Une vraie merveille. C'était un aigle tout en pierre bleues. Son œil persan était de tourmaline. La chaîne à laquelle il était rattachée était toute d'argent. Cassandre resta émerveillée devant une telle œuvre. l'aigle était bien le symbole de la famille royale. Il était la puissance, le pouvoir, le prestige et la force. Cassandre savait qu'aux yeux du peuple, il représentait également la liberté, comme le cheval.
« Mets-le, ordonna la reine. »
Cassandre mit le beau collier à son coup.
« Ce collier prend la couleur la plus appropriée à son porteur, dit-elle. Je vois que tu aime la sincérité, la loyauté et le calme. Ce sont des qualités plus qu'importantes dans ces temps troublés. »
Elle sourit à nouveau et tendit la main à Cassandre. Cette dernière la serra, surprise que la reine se permette un tel geste.
« Bienvenue à la Cour, jeune Cassandre. »
La nouvelle Seconde sourit de toute ses dents. Le collier pesait lourd sur sa poitrine mais il avait quelque chose de rassurant. Il s'accordait parfaitement avec sa robe.
« C'est un honneur, ma reine, remercia-t-elle avec ferveur en s'inclinant.
- A présent va profiter de la fête comme il te conviendra. Je te ferais quérir quand j'aurais besoin de toi.
- Très bien , ma reine, salua Cassandre avant de reculer et de se fondre dans la masse. »
Elle alla se placer dans un coin où on ne risquerait pas de la déranger. Elle n'arrivait pas à croire ce qu'il lui arrivait. c'était si fou et si inattendu qu'elle cru pendant un moment d'en avoir rêvé mais le collier était bien à son coup, lourd et rassurant. Elle fixa la marré de gens qui vint soudain la saluer comme si elle avait bien plus d'intérêt maintenant. Jamais personne n'avait fait attention à elle. Voilà que tout le monde venait la voir pour s'attirer ses grâces. Elle en était presque dégoûtée. Elle leur sourit comme il convenait de le faire sans rien leur dire ou promettre. S'ils voulaient de la reconnaissance auprès de la reine, il faudrait qu'ils la gagnent auprès de cette dernière. Elle ne leur donnerait pas de grâce.
Soudain un homme s'avança vers elle. Dame Armalys le suivait. Cassandre resta interdite devant l'homme. Elle le reconnaissait mais elle aurait préféré ne jamais avoir entendu son nom. Celui qui allait tout changer à sa vie sans qu'elle ne puisse rien dire. Le seigneur Flord. Son sang se figea dans ses veines. Elle cessa de bouger. Elle le regarda simplement avancer vers elle. Il la salua.
« Madame la Seconde, dit-il d'un ton cérémonieux.
- Monseigneur de Flord, répondit-elle sans chaleur de sa voix. »
Il sentit sa froideur et renonça à lui parler davantage. Il tourna les talons pour s'entretenir avec d'autre dames de la Cour. Dame Armalys foudroya sa fille du regard. Celle-ci se sentit désolée pour lui. Elle le jugeait peut-être trop durement. Il ne devait pas être méchant mais il était pour elle celui qui romprait sa vie à jamais. Celui qui la dominerait sans qu'elle ne le veille. Celui à qui elle serait enchaînée à jamais. Elle ne le voulait pas.
« Ne parles plus jamais ainsi à ton futur époux, gronda soudain la mère en s'approchant. »
Les yeux du jeune voleur firent surface devant Cassandre.
« Cet homme-là ne sera pas mon époux, mère, répondit-elle avec sûreté. Sauf le respect que je vous dois, je ne vivrais jamais avec lui. Je ne veux pas. »
Elle se tut, époustouflée par son audace. Mais sa mère était trop indignée par son refus face au seigneur pour se formaliser d'un tel écart de conduite.
« Une Seconde qui n'est pas mariée ! s'horrifia-t-elle en portant une main à son cœur. On aura tout entendu. Ne fais pas l'idiote, ma fille, cet homme est très bien pour toi.
- Je ne crois pas, répliqua Cassandre. Je ne suis pas prête à me marier. Je suis trop jeune. »
Elle tenait tellement à ne pas se laisser marier qu'elle ne réfléchissait plus. Elle répliquait sans pouvoir s'en empêcher. Comme une dame du peuple.
« En aucun cas, riposta la mère. Tu as l'âge parfait pour qu'on donne ta main. Tu imagine la honte qui pèsera sur notre famille si à dix-huit ans tu n'es pas mariée ? »
Cassandre se figea. Alors c'était cela ? Pas son bonheur. Pas sa vie. Juste l'honneur de sa famille. Elle se sentit blessée.
« Quand bien même, la société ne sera plus là pour en parler ! riposta Cassandre avec une certaine colère. »
Les mots lui avaient échappés. Sa mère la fixa avec des yeux effarés.
« Que veux-tu dire ? Notre société telle qu'elle a toujours été depuis des centaines d'années et le sera toujours ! »
Cassandre secoua la tête.
« Vous ne voyez pas les signes autour de vous, mère ? demanda-t-elle soudain radoucie. La reine qui me nomme Seconde parce que je sais parler au peuple, père qui est hué par la foule quand il passe, le nombre accru de soldat autour du palais depuis notre dernière visite et l'inscription sur le mur de la Prison. Le peuple va se rebeller. »
Sa mère resta interdite devant ces paroles. Elle ne croyait pas un mot, cela se voyait. Pour elle rien ne pouvait changer. Pour Cassandre aussi cela avait été sa façon de penser. Mais a présent, elle voyait les choses tout autrement. Les signes ne trompaient pas. Dans les yeux de sa mère brilla soudain la peur. C'était la première fois et cela ne manqua pas de faire frissonner sa fille.
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