Jason, voleur du monde

Il entendit le bruit d'un carrosse qui passait sur la route non loin et ceci le réveilla. Jason s'étira dans un bâillement et se laissa rouler au sol, hors de son lit de paille. 

Il s'étira. Le plancher était froid sous ses habits. Cela faisait partie de son quotidien. Avec le temps, il s'y était habitué. Jason avait presque toujours vécu dans cette masure abandonnée, proche de tomber en ruine. Il y habitait avec ses deux amis, Gabriel et Romain, qui dormaient encore. Ils avaient tout les trois grandi ensemble dans la maison d'une bonne dame, Lys, qui recueillait les enfants abandonnés dans la rue. Lys était comme leur mère. Gabriel et Romain étaient comme les frères de Jason. Tout ce qu'ils faisaient, les vols, les pièges, ils le faisaient semble. En général, c'était Gabriel qui montait le plan, Romain qui le mettait à exécution et Jason qui prévoyait une issue de secours. Tout trois formaient une bonne équipe, leurs attaques fonctionnaient presque à chaque fois.

Jason sortit de ses pensées et marcha hors de sa maison. Il se dirigea vers la rivière qui courrait non loin et se lava le visage. L'eau était plus que froide mais elle le réveilla rapidement. Il se souvint alors du rêve troublant qu'il avait fait

Il avait rêvé qu'il vivait dans une maison chaude pendant un long hivers. Il avait rêvé qu'il possédait une longue et belle épée, des bottes cirées, une cape en soie, un chapeau à plume, un étalon puissant. Voilà un rêve étrange. Jason n'aimait pas les nobles, comment pouvait-il rêver de se vêtir comme eux ? À peine eut-il formulé cette question qu'il en trouva la réponse. C'était elle. Combien de fois n'avait-il pas désiré avoir assez d'argent pour lui offrir la vie qu'elle méritait ? Combien de fois n'avait-il pas rêvé d'être plus qu'un simple voleur recherché par les armées du roi?

Il l'avait rêvé trop de fois pour en avoir une idée précise.

Mais à présent, il se sentait étrange à cette idée. Il se passait des choses en ville que Gabriel et Romain attendaient avec impatience, comme bon nombre d'autres villageois. Jason avait lui aussi tant attendu ce moment. Mais à présent, il doutait. Ce qui pourrait lui donner la fortune pouvait détruire Cassandre. 

Il se remit la tête dans l'eau, comme chaque fois que ses pensées prenaient cette tournure. C'était une histoire impossible. Elle était riche, sa famille puissante, elle avait tout. Lui n'avait rien. Lui était un voleur et il s'en prenait aux nobles. Gabriel et Romain ne lui pardonneraient jamais d'avoir des sentiments pour une fille comme elle. 

De nouveau il se passa de l'eau sur le visage.

Il ne devait pas penser à elle et à ces problèmes pour le moment.

Lorsqu'il eu fini de se préparer et qu'il eu repris ses esprits, il leva les yeux vers le ciel. Il fut surpris de constater que le soleil était déjà bien haut. Il fut légèrement déboussolé avant de se souvenir de pourquoi il avait tant dormis. La veille, lui et ses amis avait décidé de se rendre dans une taverne pour profiter de l'argent saisit pendant la journée. Pour tout dire, Jason se souvenait d'une bonne partie de cette soirée.

Il retourna dans la masure et constata que ses amis dormaient toujours et ne semblaient vraiment pas prêts de se réveiller. À en juger par les ronflements profonds et sonores de Romain, ce dernier ne devait pas avoir beaucoup de souvenirs de la veille. Il dormait étalé sur son lit de paille, sa couverture de travers, la bouche grande ouverte. Jason poussa un soupir amusé. C'était bien le style de son ami de se retrouver dans des états pareils. 

Lorsque Jason regarda Gabriel, il constata que même le plus sage de leur petite troupe pouvait parfois manquer de retenue. Lui aussi dormait profondément, les cheveux pleins de paille, la bouche entrouverte et l'air comblé dans son sommeil. 

Jason soupira à nouveau. Il fallait cette fois les tirer de leur sommeil. Ils avaient à faire en cette journée. Ils devaient gagner le plus d'argent possible avant la fin de la semaine car d'après les rumeurs de la ville, tout changerait bientôt.

Jason alla saisir le seau et le remplit de l'eau de la rivière avant de jeter le contenu à la tête de ses deux amis.

Le résultat ne se fit pas attendre.

Romain se redressa d'un bond en grommelant des mots plus ou moins élégants. Gabriel sursauta et se leva presque dans le même mouvement. Romain se frotta les yeux, encore tout endormis.

« Quel est l'imbécile qui a eu cette idée ? s'indigna-t-il. »

Jason laissa échapper un rire.

« C'est moi ton imbécile, s'amusa-t-il. »

Son ami regarda autour de lui, hébété. Gabriel se redressa en se frottant le visage.

« J'ai mal à la tête, se plaignit-il.

- Fallait pas boire autant, riposta Jason avec amusement. En plus c'est aujourd'hui que nous sommes censés passer à l'action.

- A l'action ? répéta Romain sans comprendre. À l'action pour quoi exactement ? »

Il avait l'air d'avoir oublié ce qu'ils s'étaient dit avant de partir se détendre.

« Pour notre attaque d'un convoi noble, dit-il. Vous n'avez quand même pas oublié ! C'était votre idée.

- Ah oui ! s'éclaira Gabriel redevenu soudainement lucide. Pour voler les bijoux et se faire le plus d'argent possible.

- C'est ça, approuva Jason.

- Tu ne veux pas y aller demain ? demanda Romain. Nous ne sommes pas en état. En plus il nous reste assez d'argent pour tenir trois jours.

- Non, répliqua Gabriel d'un ton ferme en retrouvant son allure habituelle. Vous savez ce qu'on dit dans les rues. C'est pour bientôt. »

Jason sentit à nouveau un profond malaise le saisir. Lorsqu'on parlait de ce qui allait arriver, il se sentait déchiré et il n'aimait pas cela. Il aurait dû être certain. Il aurait été certain, s'il ne l'avait pas rencontrée. Mais à présent, il ne pouvait s'empêcher de se demander : Que dirait Cassandre si elle l'apprenait?

« Mais de quoi vous parlez ? s'informa Romain. »

De toute évidence, la soirée de la veille lui avait encore plus retourné l'esprit que Jason ne l'aurait pensé. La journée promettait d'être longue.

« Allez, Romain, reprends tes esprits, ne put-il s'empêcher de lancer. Rappelle-toi, nous devons agir avant qu'ils n'entrent en action car il n'y aura plus un seul char de la noblesse ici, à Altaïr, quand la Colère explosera. »

A peine ce mot fut prononcé que Romain reprit toute sa lucidité. Il se redressa et l'éclat dans ses yeux se fit guerrier. Il prenait toujours cette attitude lorsqu'on parlait de la Colère et cela procurait à Jason une mauvaise impression. Ce regard était froid, désireux de prendre une revanche. 

« Ah oui, la Colère, murmura Romain d'un air pensif. »

- Oui, reprit Jason. Alors quel plan avons-nous ? »

Ses deux amis restèrent un moment plongés dans leurs pensées profondes. Jason n'en revenait pas qu'ils aient oublié leurs plans. La veille encore, ses deux amis lui assuraient qu'ils avaient une idée qui ne pouvait pas échouer pour récupérer des bijoux d'une valeur inestimable. Mais il ne fit aucun commentaire. Ses deux amis savaient trouver des plans, Gabriel en particulier.

« Je sais ! s'exclama soudain Gabriel. Je sais ! Par tous les dieux c'est si simple que je m'étonne de l'avoir oublié.

- Dis-nous ! le pressa Romain. »

Gabriel lui jeta un regard lui signifiant de reprendre son calme puis il commença à exposer son idée.

« Jason et toi vous vous placerez tout simplement au centre de la route, expliqua Gabriel. Moi, je passerai derrière le carrosse quand il sera arrêté. Je m'assurerai que personne ne puisse nous voir. Les soldats ne doivent pas nous attraper. Ensuite, quand la voie sera libre, je jetterai un coup d'œil dans le carrosse pour voir où sont enfermés les bijoux. Quand ce sera fait, je donnerai le signal. Alors nous attaquerons. Avec rapidité, comme d'habitude. En cinq minutes nous devons avoir disparu. Si on met moins de temps, ce sera toujours mieux.

- C'est tout ? s'étonna Romain.

- C'est tout. Nous n'avons pas le temps pour les idées risquées. Cette fois, la Colère n'est pas loin. Nous ne devons pas donner les motifs aux nobles pour attaquer plus tôt que prévu et nous prendre par surprise. Nous allons simplement prendre les bijoux et repartir. »

A présent parfaitement réveillé, il parlait avec clarté. La facilité et l'assurance avec lesquelles il parlait, donnait à Jason encore plus envie de passer à l'action.

« Je suis partant pour ce plan, annonça-t-il sans plus attendre.

- Moi aussi, assura Romain.

- Parfait. Alors ne perdons pas de temps. »

Les trois amis sortirent de leur masure. Ils prirent bon nombre de détour pour arriver de façon à ce qu'on ne puisse pas deviner où se trouvait leur maison.

L'adrénaline faisait palpiter leurs cœurs, comme chaque fois qu'ils allaient lancer une attaque. Mais cette attaque-là était encore plus particulière. Elle serait peut-être la dernière qu'ils mèneraient contre les nobles.

Le ciel était gris, l'air était frais. Tout changerait bientôt, ce n'était qu'une question de jour. Le nouveau jour qui se lèverait serait éclatant comme la rosé au soleil ou sombre comme la plus noire des nuits d'hiver.

En tendant l'oreille, ils entendirent un carrosse qui arrivait dans leur direction.

C'était l'heure. Jason sentit un sourire poindre sur ses lèvres, il dut se forcer à le refouler. Rien n'était encore gagné, il ne devait pas se déconcentrer. S'il se déconcentrait, il compromettait leur plan. Il n'en avait pas envie, ce genre de piège était l'une des choses qu'il aimait le plus faire.

Jason et Romain se placèrent sur la route, bien visibles du cocher, sans craindre de se faire écraser. Le dirigeant du carrosse s'arrêta, surpris face aux deux jeunes hommes qui avaient surgi devant lui.

« Messieurs ? fit le cocher. Vous cherchez quelque chose ? Je peux vous indiquer un chemin peut-être ? »

Ni Jason ni Romain ne répondirent. Cet homme avait l'air gentil. Ils décidèrent d'un regard qu'aucun mal ne lui serait fait. Ils restèrent plantés là sans rien dire, attendant le signal de Gabriel. Une voix de femme agacée sortit soudain du carrosse :

« Allons pourquoi n'avançons-nous pas ?

- Des enfants, noble dame, ils attendent... quelque chose. »

Il jeta un regard à Jason et Romain. Ils le soutinrent sans broncher. Ils n'avaient pas peur. Les femmes n'avaient pas d'épée, elles ne représentaient pas une menace pour des voleurs de leur trempe. Elles avaient en revanche plus de bijoux que les hommes.

Du coin de l'œil, derrière le carrosse, ils virent Gabriel. Avec joie, ils crurent pendant un moment qu'il avait trouvé les bijoux. Mais leur ami leur fit signe que non. Le seul endroit où il y avait des bijoux étaient sur les deux femmes elles-mêmes. Il fit d'autres signes qui signifiaient que l'une des femmes avait trois colliers et que l'autre, plus jeune, avait une rivière de diamant qui lui maintenait les cheveux en un chignon. Alors Gabriel donna le signal.

Jason s'avança vers le carrosse, suivit de Romain. Gabriel s'attaqua à l'autre côté pour couper toute fuite aux nobles dames. Ils ne leur feraient pas de mal, ils prenaient simplement les bijoux. Romain rejoignit Gabriel pour ouvrir la porte gauche tandis que Jason s'occupait de la droite.

Mais quand il ouvrit la porte, Jason se figea.

Il y avait une jeune fille assise dans le carrosse. Elle était toute de noir vêtue. Ses mains se tordaient nerveusement autour des chaînes de sa tenue. Ses cheveux étaient maintenus en un chignon par un fil de diamant. Ils étaient presque noirs.

Jason les connaissait très bien ces cheveux. Jamais encore il ne les avait vu tomber devant les yeux bruns et sombres de la jeune fille. Ces yeux étaient calmes mais perdus dans des pensées profondes. Ils cherchaient des réponses au pourquoi du comment. Il n'y avait pas de secret, pas de manipulation dans ces yeux. Ils étaient comme ceux de Gabriel, Romain, comme ceux de Jason et si différents de ceux de la noblesse.

Fascinants.

Les rares yeux au monde à n'avait jamais vu couler le sang.

La jeune fille sursauta et leurs regards se croisèrent.

Jason aurait pu rester aux côtés de cette jeune fille pendant des heures entières.

Cette jeune fille avait les seuls yeux de nobles qui ne voyaient pas en lui un voleur mais un homme.

Cassandre.

Elle jeta un regard précipité vers sa mère aux prises avec Romain et Gabriel. Personne ne faisait attention à eux pour le moment. Elle reporta son attention sur Jason.

« Mais qu'est-ce que tu fais ici ? questionna-t-elle tout bas.

- Nous... nous menons un plan à exécution. »

Il se mordit la langue. Il détestait s'entendre parler ainsi. Il n'aimait pas parler de sa vie de voleur en face d'elle. Elle aurait pu trouver un homme tellement plus sage, riche et honorable que lui. À tout instant il craignait qu'elle ne soit répugnée par ses agissements et qu'elle ne s'écarte de lui.

Mais peut-être cela aurait-il été plus sage et avisé.

Cassandre l'étudia et se crispa quand elle entendit sa mère gémir d'indignation.

« Qu'est-ce que tu fais là aussi ? demanda Jason. »

Il ne s'était absolument pas attendu à la savoir sur cette route en cette période tendue.

« J'avais à faire pour... »

Elle hésita, comme lui avait hésité à parler de ses agissements de voleur.

« J'avais à faire pour la noblesse, répondit-elle. »

Elle se rapprocha encore un peu de lui.

« Que veux-tu ? lui demanda-t-elle. »

Jason se sentit plus honteux que jamais. Il ne pouvait pas lui demander cela. 

« Dis-moi, Jason. Nous n'avons pas beaucoup de temps. Dis-moi et je te le donnerais. »

Mais le jeune homme ne pouvait toujours rien dire. Il ne voulait pas lui demander ce qu'il avait à demander. Il ne voulait pas qu'elle s'écarte ni que son carrosse reparte. Il voulait qu'elle reste encore un peu. Mais bien sûr, cela était impossible. Gabriel et Romain avaient presque saisi tous les bijoux de l'autre noble qui les toisait à présent avec mépris.

Cassandre dû deviner ce qu'il voulait car elle porta ses mains dans ses cheveux et dénoua le fil de diamant qui les maintenait. Ils tombèrent avec souplesse sur ses épaules. Elle lui tendit le bijoux avec un sourire.

« Tiens, Jason. Si cela peut t'aider, c'est avec plaisir que je te le donne. »

A nouveau, il ressentit l'écart qu'il y avait entre leurs deux conditions.

Voyant qu'il ne réagissait toujours pas, elle lui saisit la main et y plaça les pierres précieuses. Elle referma ensuite sa main. Une flamme bleue vint éclairer son regard l'espace d'une simple seconde. Jason avait déjà vu cette flamme. Dès qu'ils se voyaient, cette lueur naissait dans les yeux marron de Cassandre. Le jeune homme était incapable de dire si cela était réel ou le simple fruit de son imagination. Mais il était certain que ce feu le fascinait.

De l'autre côté du carrosse, ses amis s'en allaient déjà.

Jason reprit la notion du temps. Il referma résolument sa main sur les pierres précieuses et saisit celle de Cassandre.

« Merci, mille fois merci, Cassandre. »

Elle sourit en retour.

Elle voulu sans doute ajouter quelque-chose mais n'en eut pas l'occasion car sa mère se mit à donner l'ordre de reprendre rapidement la route. Jason fut forcé de descendre en vitesse alors que la voiture noble s'éloignait. Il serra un peu plus les diamants. Pourrait-il seulement les vendre ?

Il réalisa trop tard qu'il n'avait pas prévenu Cassandre de la Colère qui se préparait. 

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