Il tira (Cassandre)
Elle suivit le voleur Jason dans les rues de la capitale. Tout était si calme. Si tranquille. Elle se sentait plus en sécurité avec Jason que seule. Qu'il lui était étrange de se balader ainsi dans les rues à pieds et non pas en carrosse ! Elle avait le temps d'analyser ce qu'elle voyait. Des rues étroites pleines de poussières. Des maisons au vitres salles ou même sans vitres, des architectures à la résistance douteuse. Aurait-elle dû se sentir horrifiée de marcher ici, accompagnée d'un voleur doublé d'un tueur ? Peut-être, mais elle ne l'était pas. La cour lui sembla ô combien loin ! Et sa mère... allait-elle bien ? s'était-elle posé des questions sur sa disparition ? Elle espérait de tout son cœur que non.
Elle imaginait sans peine la mine déconfite, horrifiée et outrée de sa mère si elle la voyait se balader ainsi en telle compagnie. Mais elle le faisait pour la bonne cause ! Elle devait le faire, elle voulait le faire. Pour son père. Ou pour elle ? Elle s'étonna de se poser une telle question. Elle devait bien admettre que suivre le voleur sans qu'il ne pointe d'arme ou de menace sur elle lui plaisait beaucoup. Elle avait bien du mal à faire le rapprochement entre lui et l'homme qui avait tué le pauvre cavalier.
Elle le rattrapa en courant. Elle s'efforça de ne pas tomber sur le dallage irrégulier et pas toujours présent de la rue. Là il y avait des pierres, là il n'y en avait pas. Là elles étaient lisses, là elle ressortaient en faisant des angles pointus. Qu'il marchait vite ! Et avec aisance en plus de ça. Que devait-il penser d'une noble peinant à faire trois pas sans tomber ? Elle imaginait très bien la scène et les pensées du jeune homme.
Elle parvint néanmoins, à le rattraper.
« Excusez, moi, l'apostropha-t-elle. »
Il se retourna en lui souriant. Elle cru à nouveau se perdre dans ses yeux profonds. Mais elle se concentra. C'était dangereux. Très dangereux. Elle pouvait tomber à tout moment. Elle esquiva une flaque de boue d'un pas de danse. Comme il s'était arrêté, elle manqua de lui tomber dessus.
« Oh pardon ! s'excusa-t-elle avec un sourire confus.
- Pas de problème. Alors que voulais-tu me dire ? »
Ce tutoiement constant était déroutant. A la cour, seule la reine, sa mère et les personnes plus haut placées qu'elle pouvaient lui parler ainsi. Mais n'était-ce pas elle qui était au dessus de lui dans la hiérarchie ? Elle ne voulu même pas savoir la réponse à cette question.
« Je voulais savoir pourquoi vous aviez tué le cavalier, lâcha-t-elle entre deux esquives de dalles inégales. »
Le regard du jeune voleur se rembrunit et elle crut l'avoir blessé. Mais elle ne pouvait pas le blesser en disant cela, si ? Il l'avait menacée et tué le pauvre homme, de simples mots ne pouvaient pas l'atteindre, si ?
« Je l'ai tué pour assurer notre sécurité, répondit-il finalement.
- Votre sécurité ? répéta-t-elle avec surprise. Et la sienne alors ?
- La Colère vaut tous les sacrifices, laissa-t-il tomber. Un soldat de plus ou de moins dans une révolution n'est rien, comparé au but à atteindre. »
Il avait tellement l'air d'y croire...
« C'est une vie de prise, répliqua Cassandre. Pardonnez moi de vous dire cela, mais qu'en serait-il si s'était vous qui étiez mort ?
- Je suis prêt à mourir pour la Colère. Je donnerai ma vie sans hésiter pour la justice et mes amis.
- La justice... souffla Cassandre. »
Ainsi il pensait se battre pour le bien. Au fond d'elle une petite voix lui murmura qu'il avait raison. Une autre, plus profonde encore, lui glissa qu'il avait tort. Elle ne sut qu'en penser. La Cour ne connaissait pas cette justice-là.
Elle leva les yeux vers les maisons des villageois. Elles n'avaient rien à voir avec le palais des souverains ou la demeure même de la jeune fille. Elle imagina sans peine le froid de l'hiver s'engouffrer entre les trous des murs, le vent soulever une partie des toits lors des tempêtes, allant même jusqu'à l'emporter au loin. Il faudrait alors tout reconstruire. Elle vit, comme si s'était réel, une femme serrer ses enfants dans ses bras en leur disant que l'orage passerait bientôt. Mais la foudre frappait la paille qui servait de couverture contre le ciel et la maison prenaient feu. Plus d'enfant, plus de mère. Pourquoi ne lui avait-on jamais raconté cette histoire ? Pourquoi le lui cacher si s'était la vérité ? Parce qu'à la Cour il n'y avait pas de vérité. S'était une île au milieu d'un océan. Une île de confort, de mensonges, au milieu d'un océan de tragédie ignorées.
Elle comprit que s'était de cette justice-là que parlait le voleur.
« Tout va bien ? lui demanda-t-il en la tirant de ses pensées.
- Oui. »
Elle s'arracha à la contemplation de la maison et reporta son attention sur la rue. Jason reprit sa route et elle le suivit. Elle courut pour se placer à sa hauteur.
« Votre vie n'est que tragédie tout le temps ? demanda-t-elle sans se préoccuper de savoir si cette question se posait ou non.
- Des tragédies il y en a tout le temps. Le père d'un de mes amis s'est fait enfermer dans le Palais Noir. Nous ne l'avons pas vu lors de la libération. Il y est mort sans que son fils le sache. Sa mère et morte il y a de nombreuses années. Oui il y a des morts, de la tristesse. Mais elles ne font que rendre la vie plus belle.
- De belles paroles, commenta Cassandre.
- Elles sont vraies, répliqua Jason.
- Je n'en doute pas, le rassura-t-elle. Je n'en doute pas. »
Elle regarda alors un magasin de verrerie. Comme pour la maison précédente, elle y vit des silhouettes s'animer, sans savoir si elles étaient vraies ou fausses. Elle vit une jeune fille qui courait, poursuivie par un jeune garçon. Ils se couraient après, passant entre les hommes et femmes qui allaient et venaient dans la rue et la boutique. Ils riaient et couraient en poussant des exclamations ravies et heureuses. Les adultes les regardaient jouer avec un sourire attendrit aux lèvres, un véritable sourire. D'autres enfant s'ajoutèrent au jeu des deux premiers et les éclats de rire reprirent de plus belle, plus puissants, plus joyeux, plus sincères que tout ce que Cassandre n'ait jamais entendu. Les silhouettes s'effacèrent lentement, comme par enchantement.
Voilà pourquoi la Cour était si sombre. Personne ne prenait la peine de profiter car tout le monde se pensait immortel. Les rires comme ceux qu'elle avait entendus, il n'y avait qu'avec sa famille qu'elle les avait eus. A la Cour, jamais.
Mais tout de même... elle revint le toit qui s'envolait et les enfants qui mouraient dans la nuit sans que les nobles n'en soient informés...
« Je suis désolée, dit-elle soudainement. Je suis désolée qu'on ne vous ait pas aidés. »
Se fut au tour de Jason de lui jeter un regard des plus étonnés.
« La cour est affreuse avec vous, continua Cassandre, je m'en rends compte à présent. Mais je sais que nous aurions pu vous aider.
- Qui se soucie de nous ? cingla le jeune homme. »
La peine et la colère qui brillaient dans ses yeux déroutèrent Cassandre.
« Tous les nobles ne sont pas à ranger dans le même panier, riposta-t-elle pourtant. Mon père voulait éviter des morts dans nos deux camps. Il voulait nous aider, tous. Il voulait aider notre royaume. Et il a été capturé, enfermé pour ça.
- C'est ce qu'ils disent tous, murmura Jason. Mais à chaque fois il y a un plaisir égoïste derrière de belles intentions.
- Comme pour vous ? laissa échapper Cassandre. »
Il se tourna vers elle.
« Comment ça ?
- Déclencher une révolution sans d'abord tenter d'obtenir la justice par la voie douce et pacifique, raisonna-t-elle. Passer directement par les combats, le sang et la mort. Tout cela, vous dites, est motivé par le besoin de justice. Mais où est la justice dans le fait de tuer un soldat qui ne faire que suivre les ordres parce que s'est son éducation ? Peut-être aurait-il pu vous aider. »
Elle ignora la mine stupéfaite du voleur et continua. Elle ne voulait pas se montrer mauvaise. Elle voulait simplement résonner. N'avait-il pas pris lui-aussi le droit de critiquer les nobles ?
« Tout cela ne cacherait-il pas une envie morbide de tuer des nobles ? termina-t-elle. »
Cette dernière phrase lui laissa un goût étrange dans la bouche, comme si les mots avaient raclé sa gorge et y avaient laissé un sillon sanglant.
Il ne répondit pas. Il se contenta de la regarder, encore et encore.
« Et toi qu'en pense-tu ? questionna-t-il. Tous les révolutionnaires sont-ils des monstres sanguinaires ? »
Elle le fixa à son tour. Leurs regards se croisèrent pendant un long moment. Ils ne s'affrontaient pas.
« Non, répondit-elle enfin. Et tous les nobles sont-ils des petits bourgeois qui ne se soucient de rien d'autre que leur propre vie ? Qu'en pensez-vous ?
-Non, assura-t-il. Non. Pas tous. »
Ils ne surent pas pourquoi, ni l'un ni l'autre, mais cette conversation et ses raisonnements les firent sourire. Tant de vérité en si peu de mot. Cassandre était certaine qu'elle ne pourrait jamais trouver tant de vrai dans la Cour même si elle y passait toute une vie.
Ils reprirent leur route. Jason s'arrêta devant la plus haute et large maison de la rue. Il allait y frapper quand soudain, un coup de feu, non deux coups de feu, retentirent. Aussitôt le jeune homme leva la tête vers le ciel. Cassandre sursauta, frappée par leur puissance.
« Deux coups tirés vers le ciel, indiqua Jason. Les soldats arrivent et ils vont s'attaquer à nous. »
Il hésita à frapper à la porte. Son regard allait et venait sur celle-ci, l'origine des coups de feu et Cassandre. Elle vit qu'il avait peur. Mais pas peur pour lui. La façon dont il regardait là-bas indiquait qu'il craignait que quelqu'un à qui il tenait, son fameux ami peut-être, puisse mourir. Tous ses muscles s'étaient tendus comme s'ils voulaient le mener sur le lieu des combats. Le bruit de ces derniers ne tarda pas à se faire entendre, glaçant le sang de la jeune fille.
Enfin, il se décida à frapper à la porte. Une dame ouvrit. Elle se figea en voyant Jason puis des larmes de soulagement brillèrent dans ses yeux. Elle le prit dans ses bras avec force en laissant libre court à ses émotions. Cassandre ne comprit rien de ce qu'elle disait. Elle était à la fois submergée par le son des combats et fascinée par tous ses sentiments véritables. Elle ne comprit qu'une phrase, prononcée avec étranglement :
« Tu avais promis... tu m'avais promis... tu as failli à ta promesse. »
Elle se concentra pour comprendre la réponse du jeune homme.
« Je suis revenu, libre et sain et sauf. Il n'y a plus rien à craindre maintenant, la colère a explosé. Nous pourrons vivre, ne t'en fais pas. »
Elle comprit alors tout ce que cette révolution représentait pour eux. Elle pensa à son père, prisonnier, là dans cette ville, quelque part.
Elle vit les embrassades de la femme et de Jason se terminer. Elle l'entendit mettre cette dame, qui ressemblait très fortement à une sorte de mère pour lui, en garde contre les combats. Elle lui assura qu'il n'y avait rien à craindre. Tous les enfants de moins de dix ans et toutes les femmes âgées étaient venus se réfugier dans sa maison. Elle ajouta que celle-ci était invulnérable aux coups de feu. Elle assura à Jason, en voyant son air préoccupé, qu'elle les ferait évacuer dans la campagnes dès qu'elle le pourrait. Ils reviendraient quand la Colère se serait apaisée et que le peuple aurait gagné. Cette fois Jason hocha la tête, lui serra les mains une dernière fois et elle rentra dans sa maison sans avoir jeté un coup d'œil à Cassandre. Même ici, dans la capitale, au milieu de voleur, d'ouvrier, de fermiers, de vendeurs, elle passait inaperçue.
Le voleur retourna près d'elle. Il n'arrêtait pas de jeter des coups d'œil vers les combats qui faisaient rage.
« Nous devons allez là-bas, lui indiqua-t-il.
- Je ne suis pas assez idiote pour me... ! commença-t-elle mais il la coupa.
- La sorcière qui a fait prendre ton père se bat à nos côtés. Elle doit être sur le champs de bataille. Nous devons y aller.
- Et j'imagine qu'une fois là-bas vous me laisserez me débrouiller, commenta Cassandre. »
Elle se sentait déçue par cette idée. Elle ne voulait pas se retrouver seule à nouveau dans les rues. Elle n'avait pas d'arme et quand bien même elle en aurait une, elle ne saurait pas s'en servir. Elle ne connaissait pas les lieux alors elle risquait de se perdre des centaines et des centaines de fois. Non, sans lui il y avait peu de chance pour qu'elle arrive à sauver son père.
Mais elle devait bien admettre aussi qu'elle se sentait étrangement en confiance avec ce voleur. Oui il avait tué. Oui il tenait des propos qu'elle trouvait déplacés. Mais il croyait agir pour la bonne cause, elle voulait l'aider à voir plus loin qu'une révolution. Et... elle ne savait comment d'écrire vraiment son envie de rester encore un peu avec lui. Juste un peu. Juste le temps d'un sauvetage. Était-ce trop en demander ? Juste un peu de bonheur dans un monde qui chutait au chaos. Dans son monde à elle, le voleur Jason était comme une sorte de lumière qui lui proposait de la suivre.
A sa grande surprise, il sembla choqué par les mots qu'elle venait de dire.
« Je suis pas du genre à faire ça ! protesta-t-il. Je vais t'aider à sauver ton père comme je l'ai promis. Je sais tenir mes promesses.
- Comme celle que vous avez faite à cette dame ? nargua Cassandre. »
Il ne répondit pas.
« Non... je ne sais pas tenir mes promesses, d'accord, mais je fais tout ce que je peux pour essayer de les tenir. »
Elle le crut.
Il lui jeta son fusil. Elle le rattrapa gauchement et le fixa bêtement.
« Heu... je... je ne sais pas me servir de ça...
- Manque de vocabulaire pour décrire une arme ? Je ne m'attendais pas à cette prouesse de la part d'une noble, commenta-t-il avec un amusement véritable.
- C'est que... protesta Cassandre mais il ne lui laissa pas le temps de terminer sa phrase.
- Nous n'avons pas de temps à perdre, répliqua-t-il. Alors voilà mon plan : tu reste cachée pendant que je vais demander à Astran où est...
- Astran ?
- Mon amie la sorcière, répondit-il. Je vais lui demander où elle tient ton père et je reviens. Toi tu ne te montre pas.
- Je ne vais pas rester cachée pendant que vous vous risquez sur le champs de bataille pour des questions qui ne sont pas à vous, protesta Cassandre. »
Elle secoua la tête avec force.
« Je serais tout de même allée dans les combats, répliqua Jason.
- D'accord. Mais ce sont mes questions. C'est moi qui les poserais.
- C'est de la folie, protesta le jeune homme. »
Elle sourit.
« Il y a pas que les révolutionnaires qui sont surprenants, jeta-t-elle. J'irai. N'essayez pas de me faire changer d'avis, cela ne servirait à rien. Les nobles de ma famille sont connus pour leur entêtement.
- C'est de l'humour ? demanda-t-il. »
Il semblait vraiment troublé. Il semblait vraiment ne pas savoir si elle plaisantait ou non. Elle haussa les épaules.
« Peut-être. Je ne sais pas. Mais nous perdons du temps, là. Allons-y. »
Il sourit.
« D'accord. »
Il se mit à courir à travers la rue. Elle le suivit du mieux qu'elle pouvait. Elle se fichait de ne pas aller aussi vite que lui. Le tout était de rester debout et de ne pas le perdre de vue. C'est ce qu'elle fit. Elle courait mais ses chaussures lui faisaient très mal aux pieds. Pourquoi n'avait-elle pas pensé à les changer quand elle était encore dans le palais ? Elle sentait les talons lui meurtrir les chevilles à chaque choc. Le sol dur et inégal n'arrangeait rien non plus. Elle finit par avoir la cheville en feu. Quand elle baissa les yeux dessus, elle vit même qu'elle saignait. Elle jeta un regard à Jason qui avançait rapidement avec aisance sur le dallage. Le bruit des armes à feu, les cris et l'odeur de fumée doublée de celle de sang se rapprochaient. Cassandre sentit son estomac se révulser et se contracter. Allait-elle vraiment se jeter dans cette mêlée ? Quelle folie, car s'était bien le terme qui convenait, l'avait donc prise de ne pas avoir laissé le voleur y aller seul ? Il ne lui vint même pas à l'esprit de se défiler. Hors de question. Elle s'était engagée, elle tiendrait son engagement. Ou du moins elle tenterait de le faire. Comme lui ? Non. Comme elle.
N'y tenant plus, elle s'arrêta, enleva ses chaussures dans un geste vif et les laissa tomber sur les pavés. Les chaînes délicates qui avaient permis de les faire tenir à ses pieds cédèrent sous la violence de son mouvement. Ses pieds saignaient à plusieurs endroit. Sa peau se révulsa au contact de la pierre froide, salle et pleine de poussière. Elle n'osa même pas imaginer quels animaux avaient marché sur ces pierres avant elle. Elle n'osa pas imaginer quelles maladies pullulaient dans ces rues et elle ne l'imagina pas. Elle décida de ne pas y songer d'avantage et se remit à courir. Les dalles lui faisaient toujours mal mais bien moins qu'avec ses chausses parées de pierres précieuses. Elle laissait des traces de sang sur le sol mais elle ne s'en préoccupa pas. Si elle y faisait attention, en plus des saletés de la rue, elle en vomirait et ne parviendrait jamais à s'en sortir.
Elle courut dans la poussière sur les traces de Jason. Il allait vraiment très vite. Il était déjà loin devant elle, se déplaçant avec aisance sur les pierres inégales. Il courait vite et ne faisait pas de bruit. Elle souhaita pendant un moment pouvoir être comme lui, libre, vive. Mais elle n'y songea pas plus longtemps. Sa robe perdit de son éclat couleur nuit pour se ternir. La douleur de ses pieds était toujours là et se renforça. Mais tout ceci se fondit à l'arrière de ses pensées quand elle déboucha dans une cour livrée au chaos. Tous les bruits des combats, les cris, les coups, les rugissements assaillirent ses oreilles.
Elle se figea, hypnotisée par le spectacle qui lui faisait face.
Jason s'était déjà lancé dans les combats. Elle le voyait se démener contre les soldats. Il était vif, il esquivait avec rapidité et lançait son couteau avec une précision stupéfiante. Il n'avait même pas l'air fatigué par la course dans les rues. Elle haletait. Elle serrait son fusil, n'osant même pas envisager de s'en servir.
Les cris de rages, de douleur, de triomphes lui vrillèrent les oreilles. Elle manqua de s'évanouir en voyant les morts qui gisaient déjà au sol. Des soldats, comme des gens du peuple. Ces derniers étaient bien pâles, bien maigres. Elle crut même apercevoir le corps de l'un des prisonniers lors de sa visite. Cette époque lui semblait si loin à présent ! Et bien douce également.
Son châle avait légèrement glissé lors de sa course et il laissait voir son collier à présent. Elle allait le cacher quand un rayon de soleil le frappa et la lumière qu'il produisait devint de plus en plus intense. Pas assez pour éblouir mais assez pour attirer l'attention de nombreux combattant. Cassandre se sentit tétanisée par la peur quand les yeux étonnés des soldats et ceux brillants de rage et d'hostilité des anciens prisonniers se tournèrent vers elle.
Elle ne pouvait pas bouger, pas même pour cacher son collier.
Les soldats pointèrent leurs armes sur les révolutionnaires. L'un des homme du roi se tourna vers Cassandre et marcha dans sa direction. Du sang tâchait ses vêtements et la sueur collait ses cheveux à son visage.
« Que faites-vous ici, noble dame ? Si vous êtes bien une noble dame.
- Je suis une noble dame, souffla Cassandre sans même le voir. Je suis la fille de la Dame et du Commandant Armalys. Je suis ici pour trouver des réponses à mes questions. »
A ces mots, le soldat inclina la tête.
« Alors nous sommes à votre écoute, gente dame. Le Commandant Armalys est notre chef et sa fille l'est également.
- Merci, soldat. »
Elle ne le voyait pas. Elle l'entendait simplement. Elle ne voyait rien, à part les yeux hostiles des révolutionnaires. Tout n'était qu'un brouillard sombre, noir, profond et épais. Dans ce brouillard, les yeux des prisonniers évadés étaient comme des bougies qui brillaient dans le noir. Elle manquait d'air. La lumière de ces bougies n'avait rien de doux.
« Que voulez vous que nous fassions pour vous, fille de notre Commandant ? lui demanda l'homme. »
Sa voix semblait venir de si loin. Elle s'y raccrocha de toute sa volonté.
« Voulez-vous que nous vous escortions jusqu'au palais ?
- Non. Je veux que vous cessiez les combats, dit-elle. »
Elle ne voyait pas. Elle entendait simplement. Elle était figée. Mais petit à petit, elle sentait une douce chaleur monter en elle. Elle avait vu une bougie plus douce que les autres. Une bougie qui posait des question. Elle se concentra sur ce feu doux et chaud pour revenir dans le monde présent et s'extirper de son brouillard.
« Je veux que vous cessiez ces combats, répéta-t-elle d'une voix faible. S'il vous plaît.
- Mais pourquoi, ma dame ? Ces gens sont des...
- Révolutionnaires, je sais. Mais j'ai besoin de réponse. »
Elle vit alors. Elle eut l'impression que la lumière du monde venait frapper ses yeux et que ces derniers voulaient en happer le plus possible pour ne jamais retomber dans les buée sombres et les lanternes haineuses. Elle parvint à sortir de sa transe. D'abord le monde ne fut qu'une source de lumière sans ordre ni forme. Puis la précision revint, elle revint normalement et se mit à respirer avec un calme qu'elle ne comprenait pas.
Tous les combats avaient cessé.
Même à l'autre bout de la cour souillée par le sang. Tous les regards étaient tournés vers elle. Elle comprit alors d'où venait la bougie qui posait des questions. Elle venait des yeux de Jason qui regardait le bijoux, les révolutionnaires et elle sans comprendre. Elle vit un autre regard, après celui de Jason, qui l'attira tout particulièrement. Des yeux pleins de flammes couleur or. C'était une femme qui devait être dans la vingtaine qui les avaient. Une femme toute de noire vêtue. Elle avait une robe noire, un manteau à capuche noire, des symboles dorés étranges sous les yeux et des cheveux roux ondulés. Elle n'eut plus aucun doute sur l'identité de la femme : s'était la sorcière qu'elle cherchait.
Le soldat s'inclina devant son désir.
« Nous pouvons cessez les combats, mais seulement temporairement, fille Armalys. Les révolutionnaires doivent être punis. »
Cassandre ne lui répondit pas. Il rappela ses hommes et ils quittèrent la zone de bataille après avoir récupéré leurs morts. Les yeux des révolutionnaires les suivaient comme s'ils avaient envie de les tuer pendant leur retraite. Mais ils n'en firent rien. Pourquoi ? Cassandre n'aurait su le dire.
Le soldat jeta un dernier regard à Cassandre, comme s'il se refusait à la laisser là sans protection. Mais le jeune fille avait l'étrange impression d'être déjà protégée. Mais par quoi ?
Elle adressa un regard plein d'une confiance feinte au soldat et il disparut à l'angle d'une rue. Elle pensa qu'ils auraient le temps de soigner les blessés... avant qu'ils ne relancent d'autre combats.
Elle n'osa pas se laisser allez au soulagement.
Elle ne pouvait pas bouger, face à la mer de regards mauvais qui lui faisait face. Son seul rivage étaient les yeux de Jason, toujours plein de vérité et de question et les yeux de feu pleins d'interrogation mais sans hostilité de la sorcière.
Elle ne put rien dire.
La colère des révolutionnaire était trop grande pour qu'un simple cessé le feu leur fasse oublier leur haine des nobles. Il y avait une noble juste devant eux. Elle était armée mais incapable de faire le moindre geste. Elle avait un collier qui attisait la convoitise des voleurs qui se trouvaient parmi eux.
L'un des ancien prisonnier arma son fusil.
Il le braqua sur Cassandre.
Elle le vit faire mais elle ne bougea pas. Elle n'eut qu'une seule pensée, fugace et improbable : elle était protégée.
Il tira.
La détonation retentit, vrillant les oreilles de la jeune fille.
La balle fusa vers le cœur de la jeune fille.
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