9.La tour d'Hikari


Lorsqu'ils pénétrèrent dans le hall d'entrée, des chandeliers muraux s'illuminèrent d'eux-mêmes. Une belle lueur dévoila un mobilier riche et une décoration alliant des murs blancs et des décorations argentées. Tout brillait de mille feux, comme si cet endroit n'avait jamais été abandonné. Ils approchèrent du centre de la pièce, dont leurs bottes frappaient le carrelage étincelant.

Hikari avait réussi à mettre des peintures d'elle-même au mur. Mais ce qui sauta aux yeux d'Ozia, c'était l'absence d'escalier et de porte. Elle avait beau se tourner de tous les côtés, elle ne voyait aucun de moyen de quitter cette pièce. Ce qui était étrange vu qu'il n'y avait pas de fenêtre dans la tour.

Il y avait une bibliothèque d'un côté, ainsi qu'un buffet avec quelques statuettes. Mais rien qui pouvait les mettre sur la voie sur une faiblesse pour la vaincre.

– Qu'est-ce qu'on fait ? demanda Hirelda dans un long soupir. Comment fait-elle pour se rendre dans une autre pièce ?

– Bonne question, avoua Siana. Elle détruit les murs et les reconstruit ?

Ozia ricana à cette idée. Mais ce n'était pas le cas de son amie. Hirelda avait déjà usé de la magie pour faire apparaître ses bras d'écorces. Elle aurait aimé lui dire d'arrêter, mais elle s'élança vers un des murs vierges et frappa de toutes ses forces. Son poing, qui aurait percé la pierre, rebondit et la renvoya vers l'entrée. Le corps de son ami s'écrasa contre le mur d'en face et elle retomba en faisant disparaître sa magie.

– Bordel ! C'est quoi ce délire ? se plaignit Hirelda.

Nagrir soupira en secouant la tête, tandis que Siana l'aidait à se relever.

– Je disais ça pour rire, tu sais, ricana l'Alchimiste.

Hirelda grogna en se redressant.

– C'était quand même une bonne idée.

Ozia ne put s'empêcher de sourire face à l'absurdité de la scène. Cela laissait néanmoins de nouvelles questions en suspens. Où se trouvaient les autres pièces de cette tour ? Nagrir tapotait les murs, tandis qu'Ozia continuait d'observer les alentours. S'il y avait un mécanisme caché quelque part, Ozia espérait qu'il ne s'agissait pas juste une pierre à pousser, car il y en avait des milliers. Sans parler que si c'était le cas, elle aurait pu la mettre en hauteur, accessible uniquement en volant.

Alors qu'il explorait, Nagrir bascula en avant et traversa le mur comme si de rien n'était. Les autres Titanomanciens restèrent bouche bée et s'approchèrent de l'endroit où il se trouvait.

– Nagrir ? appela Ozia, le cœur tambourinant.

Elle avait déjà peur d'avoir perdu un compagnon alors qu'ils venaient à peine d'entrer dans la tour.

– Je vais bien, signala-t-il. Vous pouvez traverser, c'est un passage invisible.

Ozia arqua un sourcil. Elle tendit la main et ses doigts traversèrent le mur. Une sensation froide envahit le bout de ses doigts, alors qu'une petite lumière émanait de l'endroit où ils passaient. Surprise, elle resta pantoise face à la magie utilisée par Hikari. Hirelda, sans attendre, fit quelques pas pour traverser le passage. Siana la suivit, non sans hésiter un instant, de peur de se cogner contre la paroi. Ozia lui emboita le pas. Un frisson parcourut le corps face au froid que procurait la magie d'invisibilité.

Ils arrivèrent dans un couloir avec les mêmes lanternes pour dévoiler les murs blancs aux parures argentées.

– Super, grogna Hirelda. Si on doit faire toute la tour en tâtonnant les murs, on n'est pas sorti !

– Arrête de râler, soupira Nagrir. Suivons le chemin.

Le groupe avança jusqu'à un escalier en colimaçon qui les emmena à l'étage suivant. Ils arrivèrent dans une nouvelle pièce, encore une fois, dépourvue de fenêtre et de porte. Pour éviter de perdre du temps, Hirelda usa de sa magie pour former ses ailes et fouilla les murs à la recherche d'un passage invisible. Mais ils avaient beau en faire le tour, il n'y avait aucune sortie.

– Génial ! Je n'ai pas envie de perdre mon temps dans cette tour ! s'énerva Hirelda en lévitant vers le plafond.

Nagrir n'aimait pas l'entendre se plaindre. Mais Ozia devait avouer qu'elle ne voyait pas comment faire pour monter d'un étage. Aucun meuble à disposition et leur voix résonnait dans cette immense pièce vide.

– Alors là, je ne vois pas ce qu'il faut faire, avoua Siana. Vous croyez que c'est un cul de sac ?

– Peut-être qu'on devrait faire marche arrière, proposa Ozia.

Alors qu'elle faisait demi-tour pour retourner au rez-de-chaussée, Hirelda les interpella.

– Attendez !

Ses amis levèrent le nez pour l'observer. Elle montra le sol du doigt.

– Regardez le sol, c'est plutôt étrange non ?

Ozia s'écarta du centre pour contempler ce que leur montrait Hirelda de là-haut. Effectivement, les pierres n'étaient pas posées de la même manière que le reste de la tour. Quatre cercles se distinguaient au milieu de pierres noires et blanches. Néanmoins, les lignes que formaient les roches plus foncées ne se suivaient pas.

– Et si c'était censé représenter un dessin ? proposa Ozia.

Nagrir approuva d'un signe de tête en tournant autour de la pièce. Mais elle ne voyait pas ce que cela pouvait être. Nagrir posa la main sur un cercle et, avec l'aide de sa glace, il réussit à faire pivoter le premier. Il tourna dans un frottement rocailleux avant d'aligner ce qui semblait être des pointes.

– Le symbole de la lumière ! s'exclama Hirelda en tapant son poing dans sa paume.

Ozia sourit à son amie. Elle avait eu une très bonne idée. Nagrir l'avait déjà compris et il continua son travail pour faire en sorte que l'étoile à huit branches soit enfin complétée. Une fois fait, la pièce se mit à trembler alors que le plafond s'ouvrait. De la poussière tombait face au frottement, et des pans en forme d'étoile s'écartaient pour laisser une ouverture circulaire.

– Bon, je crois qu'on a la pièce suivante au-dessus de nos têtes, signala Siana. Heureusement que vous savez voler.

Ozia comprit à sa remarque que personne d'humain n'aurait pu se rendre dans la pièce suivante. Les parois étaient bien trop lisses pour s'y hisser. Peut-être avec une corde et un grappin ? Mais qu'importe. Hirelda attrapait déjà Siana pour s'envoler vers la suite. Ozia fit de même avec Nagrir et ils partirent dans la pièce suivante.

Adieu les murs blancs. Ils étaient dans une pièce d'un beau bleu roi, entièrement tapissée. Bizarrement, il y régnait une douce chaleur, tandis qu'un lustre déversait une belle lumière tamisée. Ils étaient dans un salon décoré de meubles en bois magnifiques. Le plafond était recouvert de petites étoiles, comme s'il s'agissait d'un ciel étoilé de nuit. Ozia se tourna vers un passage en forme d'arche qui menait à une chambre tout ce qu'il y a de plus basique. Rien qui ne pouvait l'aider à trouver les faiblesses de la déesse.

– Super ! Qu'est-ce qu'on cherche là-dedans ?

Hirelda continuait de râler comme à son habitude.

– Cherche au lieu de te plaindre, railla Nagrir. Tu râles toujours autant ?

Hirelda croisa les bras, vexée par les propos du Wolftang. Pourtant, Ozia était d'accord avec lui. D'habitude, la jeune femme ne se plaignait pas autant. Siana arriva à son niveau et passa la main dans son dos.

– Tout va bien ? demanda-t-elle, inquiète.

Hirelda soupira.

– Désolée. Ça m'énerve d'être coincée ici alors que ma meilleure amie a besoin de moi, murmura-t-elle.

Sianna la prise dans ses bras. Ozia se détourna de la scène pour rejoindre Nagrir dans l'autre couloir. Deux ouvertures menaient à une petite cuisine et à une grande bibliothèque en face. Encore des livres à fouiller. Ozia observa les quelques ouvrages, qui traitaient tous du monde dans sa globalité. Était-ce la raison pour laquelle Hikari tentait de s'enfermer dans une région avec son peuple ? Qu'avait-elle pu lire qui la traumatise à ce point ?

– Il y a quelque chose d'intéressant ? demanda Nagrir.

– Des livres d'histoires, soupira Ozia. Rien de plus...

Nagrir observa la pièce, pensif. Ils n'avaient encore rien déniché qui leur permettrait de les aider, et Ozia, tout comme le Wolftang, soupçonnait un autre passage dissimulé quelque part. Mais il fallait trouver la manière de l'ouvrir.

– Tu penses comme moi ? demanda Nagrir.

Ozia se tourna vers lui avec surprise.

– Quoi donc ? Qu'il y a une autre entrée secrète ?

Il acquiesça d'un hochement de tête. Ozia détailla la bibliothèque du regard. Quelques étagères garnies de livres longeaient les murs tandis qu'au centre, Hikari avait pris le soin de mettre des coussins pour se former un coin lecture très confortable. Pour une fois, elle aurait bien aimé lire dans un endroit comme celui-ci, mais une chose n'était pas à sa place.

– Que fait la harpe ici ? demanda Ozia.

L'instrument de musique d'un beau métal doré trônait dans un coin. Pour un endroit où il n'y avait que de la lecture comme divertissement, elle aurait plutôt vu la harpe dans le salon. D'ailleurs, Ozia y retourna à grande enjambée et découvrit un piano et un violon. À n'en pas douter qu'Hikari aimait la musique, même si l'instrument n'était pas à sa place.

– Tu veux qu'on le remette ici ? proposa Nagrir.

– Non attends... Peut-être qu'en jouant de la harpe on va ouvrir un passage, s'empressa de répondre Ozia.

– Tu sais en jouer ?

Son idée vola brutalement en éclat. Elle secoua la tête négativement, puis se tourna vers Hirelda et Siana. Elles grimacèrent ensemble pour montrer qu'elles ne savaient pas jouer de musique. Ozia pesta, mais elle était sûre de son idée.

– Et comment fait-on pour savoir quelle note jouer ? demanda Hirelda, intéressée.

Ozia haussa les épaules.

– Aucune idée...

Elle aussi commençait à en avoir marre des énigmes à tors et à travers. Elle voulait juste libérer leur amie. Si la région de Shinasa n'était pas entre les mains d'Hikari, cela ferait bien longtemps qu'ils seraient dans le temple du Titan de l'espace. Mais non, elle se trouvait dans un chaleureux salon à chercher la solution d'énigmes alambiquées.

– Cherchons des indices, proposa Nagrir. Je pense que ça doit être dans la bibliothèque, dit-il en y retournant.

– Je vais fouiller sa chambre ! s'enquit Hirelda, soudainement motivée.

Siana se dirigea vers le piano et le violon, et ratissa un secrétaire où se trouvaient des partitions. Ils n'avaient plus qu'à trouver quelque chose leur permettant de mettre l'idée d'Ozia à exécution. La Titanomancienne de foudre aida Nagrir dans la bibliothèque. Comment dénicher un son dans une pièce de livre sur le monde ? Ozia détailla la pièce du regard, se concentrant sur chaque détail. Les meubles étaient richement décorés et elle s'attendait à voir des motifs qui sortaient du lot pour leur expliquer qu'elle note jouer, et comment.

Siana revint en courant avec un ouvrage à la main.

– J'ai trouvé un manuel qui explique comment jouer !

Au moins, ils pouvaient maintenant jouer des notes précises, mais cela n'allait pas les aider pour autant. Comment savoir qu'elle son sortir de cet instrument ? Ce fut au tour d'Hirelda de faire irruption dans la pièce.

– Elle a toute la collection des journaux de Tara Aldera. Vous connaissez ?

Ozia acquiesça. Il s'agissait de la musicienne la plus réputée dans le monde. Elle avait le don de pouvoir jouer n'importe quel instrument à la perfection, et surtout, c'était la plus doué à la harpe. Ozia écarquilla les yeux alors qu'une idée germait dans son esprit.

– Et s'il fallait faire les notes de la chanson de Tara ?

Tout le monde l'observa avec intérêt.

– Comment ça ? demanda le Wolftang.

– Tara a écrit une partition pour la harpe qui a été reconnut mondialement. Elle l'avait appelé : la paix des Titans. C'était un morceau pour remercier ceux qui avaient débarrassé le monde de leur présence.

– Et vu que c'est une Ayashim, elle a dû le prendre à cœur ! s'exclama Hirelda. Bon, comment on la joue ?

C'était bien là le problème. Même avec un livre d'explication, il n'était pas possible d'apprendre aussi rapidement à jouer d'un instrument aussi complexe. Tout ce qu'ils pouvaient faire, c'était de jouer les premières notes. Ozia s'installa sur le tabouret et posa l'instrument en forme de triangle sur l'épaule. Siana lui tendit le livre et elle observa les méthodes pour faire les notes de musique. Hirelda ramena la partition de Tara qu'elle dénicha dans le salon, puis Ozia se hasarda à faire vibrer quelques cordes.

Dans les premiers essais, elle faisait plusieurs fausses notes. Elle dut se concentrer pendant une bonne heure pour parvenir à produire des sons corrects. C'était ennuyeux pour les autres, mais une fois qu'elle réussit à jouer les dix premières notes, ils entendirent un vrombissement. Ozia remit l'instrument en place et se redressa brusquement.

Derrière eux, une étagère s'enfonça dans les ténèbres et coulissa sur le côté, derrière une autre. Silencieux, les Titanomanciens s'aventurèrent dans ce nouvel espace qui les mena à un escalier en colimaçon. Une fois à l'étage, ils découvrirent un grand laboratoire.

Pas de doute possible, Hikari avait fait des recherches ici. Dans un coin, des appareils d'Alchimies et des ingrédients attirèrent l'attention de Siana. Plusieurs odeurs se mélangeaient dans la pièce, ce qui était plutôt désagréable. Pour le reste de la pièce, il y avait des grimoires sur des étagères, et un grand bureau au fond. Il n'y avait que très peu de traces d'expériences réalisées, mais cela ne voulait pas dire qu'elle n'en avait pas fait ailleurs.

Nagrir s'empressa de s'installer sur la chaise rembourrée et de lire le livre posé sur le meuble. Ozia fouilla les ouvrages des étagères qui parlaient de la magie Titanique. Cette fois, pas de doute possible, elle étudiait ses propres pouvoirs de plus près. Ou peut-être de la façon dont ils étaient utilisés par Elekya ?

– Venez voir ça ! appela le Wolftang.

Les jeunes femmes le rejoignirent et passèrent la tête au-dessus de son épaule. Le bouquin regroupait toutes les inventions d'Hikari. En feuilletant les pages jaunies avec les années, ils tombèrent sur les yeux d'énergie qu'elle avait mis au point. Comme prévu, ils ne pouvaient pas enregistrer des sons, néanmoins, ils envoyaient leurs images directement à Hikari et elle voyait à travers.

Puis le plus intéressant arriva. L'Ayashim avait trouvé le moyen de fournir de sa puissance aux Humains, comme le faisait Dreyimir. Grâce à ça, elle demanda à certaines personnes de la vénérer comme une déesse et de la servir. En compensation, elle pouvait rallonger leur vie, quitte à ce qu'elle soit éternelle. Ozia écarquilla les yeux face à cette annonce qu'elle trouvait invraisemblable. Encore un mensonge pour attirer ses ouailles.

Quand Nagrir tourna la page, ils découvrirent un procédé qu'elle mit longtemps à mettre au point. Elle avait insufflé une part de magie en chaque personne de la région de Shinasa grâce aux prièrent dans les églises. La prière permettait aux prêtres de voler de la magie dans le Titan de la lumière Imilerya. Et quand venait la prière du matin et du soir, Hikari récupérait tout pour devenir plus puissante. Grâce à ça, aucun Ayashim ne pouvait l'empêcher de gouverner cette région comme elle l'entendait. Néanmoins, cela comportait un risque. Si les prières s'arrêtaient, elle pouvait perdre toute la puissance emmagasinée par la population.

Le groupe d'amis se fixa, surpris. Ainsi, Hikari transformait les prières en puissance. Mais maintenant qu'ils savaient ça, ils n'avaient plus qu'à faire en sorte d'utiliser la faille de son pouvoir pour la détrôner définitivement, et ensuite, partir pour sauver Noria.

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