5.Une religion, des prêtres et une foi aveugle
La ville de Kushiro, comme Kira l'avait appelé, s'étendait au milieu de ce gigantesque lac. Après s'être enregistrés dans le quartier militaire, Ozia et ses amis traversaient un pont rouge vers le quartier central. Bon nombre de soldats patrouillaient près d'un entrepôt grand ouvert, remplis des bateaux en cours de construction. Ozia ne connaissait rien de ce pays, mais se pouvait-il qu'il soit en guerre contre un autre ?
Ses questions s'envolèrent quand le brouhaha de la foule l'interpella. Les habitants portaient tous des kimonos rose pâle. Quelques balayeurs nettoyaient les rues de bois, pendant que d'autres interpellaient les clients pour vendre les babioles de leurs échoppes. Les auberges préparaient les tables en intérieur, et déposaient les menus sur des tableaux noirs dans la rue.
Hirelda, Nagrir et Siana marchaient aux côtés d'Ozia, et derrière eux, suivaient Violetta, Serah, Miiya et Daren. Leur groupe encerclé de soldats et de Kiara, ils avançaient vers le palais qui surplombait tout le reste de la ville.
– Je n'étais jamais venu ici, avoua Ozia.
– Moi non plus, surenchérit le Wolftang. Il y a quelque chose qui me dérange dans cette ville.
Ozia l'observa du coin de l'œil.
– Quoi donc ?
Nagrir haussa les épaules.
– Je ne sais pas, j'ai un mauvais pressentiment.
Ozia n'arrivait pas à comprendre pourquoi. La vie semblait paisible dans cette ville. La population souriait aux soldats qui les protégeaient. Des chats se promenaient librement dans les rues, gambadaient sur les toits aux tuiles rouges. Ils se laissaient caresser par les enfants qui jouaient dans les rues avant de se rendre dans une école.
Une imposante statue s'imposait au centre de la ville. Elle représentait une femme à la beauté resplendissante. D'une main, elle tendait un bâton vers les cieux, et de l'autre, elle tenait un livre. Ozia s'arrêta quelques instants pour la contempler. Les détails des vêtements prouvaient qu'elle avait été minutieusement conçue.
– C'est notre déesse Hikari, expliqua Kira en rejoignant Ozia. Nous lui devons tout.
– Comment ça ?
– C'est...
Le son des cloches la coupa dans ses explications. Ozia écarquilla les yeux quand toute la population s'arrêta brusquement. Ils se mirent tous à genoux en même temps. Tournés en direction du palais, ils tendirent les mains vers le ciel. Ozia leva les yeux vers la voute céleste dépourvue de nuage. Au milieu de ce ciel bleu magnifique, une lumière rose pâle dansait. Des lignes s'élancèrent de part et d'autre, jusqu'à ce que cela dessine un œil dépourvu de paupière. Il brillait d'une lueur magique, scrutant toute la ville. Ozia recula d'un pas, et cette fois, elle pouvait ressentir tout le malaise que ressentait Nagrir. Car après ça, toute la population posa les deux mains sur leur front avant de descendre la tête jusqu'au sol.
– Loué soit Hikari.
Voilà la phrase qu'ils entendirent de concert. Ozia avait beau regarder de tous les côtés, personne ne soustrayait à cette règle. Même Kira se retrouvait à même le sol pour prier sa déesse. Pendant trois longues minutes, personne ne bougeait. Toute la ville venait subitement de s'éteindre, laissant place à une prière.
Voyant qu'ils étaient les seuls encore debout, les Titanomanciens ne savaient pas comment réagir. Un homme aux cheveux rose s'approcha d'eux, un regard mauvais sur le visage, et entouré d'une escorte de soldats, mais cette fois-ci portant un uniforme dont une étoile à huit branches décorait la tunique et le visage dissimulé par un masque blanc dont deux petites ailes d'argent s'élevaient de leur tête. Armés d'hallebarde, ils se montrèrent particulièrement hostiles à la vue des Titanomanciens.
– Pourquoi n'êtes-vous pas à genoux devant votre déesse ? demanda sèchement le prêtre.
Ozia scruta les environs pour voir si quelqu'un allait leur venir en aide. Mais personne ne bougeait. Kira restait à genoux, sans s'intéresser au groupe alors qu'elle les escortait depuis le barrage. Elle n'avait pas pris la peine de leur expliquer comment fonctionnait leur religion, et Ozia se demandait bien pourquoi.
– Nous sommes désolés, commença Serah. Nous ne sommes pas d'ici, nous ne connaissons pas vos us et coutumes en ce qui concerne votre religion.
Le prêtre la fusilla du regard. Ozia avait l'impression qu'il allait user de la magie, vu qu'il s'agissait d'un Titanomage lui aussi. En était témoin le symbole d'une étoile à huit branches tatouées à la base de son cou.
– La déesse Hikari gouverne le monde ! Qu'ils soient des impies ou non ! Tout le monde doit se soumettre à sa toute-puissance.
Le cœur d'Ozia accéléra sous la menace de cet ecclésiastique. Elle avait l'impression d'être face à des forcenés. Elle observa les Sages du coin de l'œil, indécise. Serah hocha discrètement la tête pour lui dire de se soumettre à la volonté du prêtre. Ozia se baissa lentement, toujours sur le qui-vive en cas d'attaque. A genoux au sol, elle reproduisit les mêmes gestes que le reste de la population, répéta la même phrase puis posa le front au sol. Nagrir grognait en faisant ces courbettes, lui qui croyait en sa déesse Dreyimir. Il devait se sentir insulter de se rabaisser devant une autre déesse, qui ne semblait pas aussi bienveillante que Dreyimir. Quant à Siana, elle semblait morte de peur à l'idée de se faire embarquer par ces prêtres et obtempéra alors qu'elle tremblait.
Le prêtre pesta, mais se retira avec ses fidèles. Ils patrouillèrent dans les rues, entrèrent dans les maisons sans demander la moindre autorisation. Personne ne semblait les repousser, même si cela pouvait violer leur intimité. Ozia n'arrivait pas à comprendre comment tout cela était possible.
Ils attendirent cinq longues minutes. Une fois ce temps passé, l'œil dans le ciel disparut dans un grondement sourd. Lorsque les dernières lumières émises par cette magie disparurent, toute la population se redressa pour vaquer à ses occupations. Ozia et Nagrir se regardèrent, intrigués par ce qu'il venait de se passer.
– C'était quoi ce délire ? demanda Nagrir en se redressant.
Il n'appréciait pas de prier pour une autre déesse que Dreyimir. Lorsqu'il posa cette question, il triturait son anneau de ses doigts tremblants.
– Nous devons adresser nos prières à la déesse trois fois par jour, expliqua Kira en se relevant. Les voyageurs n'y sont pas soustraits !
Ozia se demandait dans quel pays de fou ils venaient d'atterrir. Jamais elle n'avait vu une chose pareille. Mais pour l'instant, ils continuèrent leur chemin vers le palais. Construit au sud de la cité, il fallait passer par un long pont pour l'atteindre. Mais ce n'était pas tout. Neuf temples protégeaient le palais de la déesse Hikari. Le bois était peint d'un beau rouge et leur toit recourbé aux pointes rappelait l'architecture du reste de la ville.
Quand ils traversèrent chacun d'entre eux, ils découvrirent un prêtre à l'air mauvais. Ils regardèrent le groupe passer, non sans dévisager les Titanomanciens qui osaient fouler le pied dans leur demeure. Ozia se demandait s'ils étaient si forts que ça pour protéger la déesse Hikari. Mais en attendant, cela devait décourager toute attaque contre la divinité.
– Je n'aime pas ça, marmonna Hirelda. On est en train de se jeter dans la gueule du loup.
– Je sais, répondit Ozia. Mais on n'a pas vraiment le choix...
Hirelda grogna dans son coin. Ozia craignait elle aussi l'entrevue avec cette Hikari. Rien qu'à voir les différents temples qui la protégeaient, et notamment leurs gardiens, ils n'étaient clairement pas les bienvenus. Lorsqu'ils arrivèrent face au palais, des gardes leur ouvrirent la porte.
– La déesse vous attend, annonça un des soldats
Ozia tiqua sur cette phrase. Comment cette personne pouvait savoir qu'ils étaient déjà ? L'œil dans le ciel lui avait-elle permis de voir l'ensemble de la population ?
L'intérieur, richement décoré d'objets dorés, jurait avec les parois de papier du palais. Le bois crissait sous le pas des voyageurs, tandis qu'ils montaient un escalier. Une fois en haut, ils passèrent une belle arche jusqu'à trouver une femme installée dans un trône. L'immense salle circulaire offrait un peu de lumière grâce aux lanternes à essence. Un tapis rouge n'attendait que les ouailles pour s'agenouiller à ses pieds.
Le visage angélique posé sur son poing, une auréole flottait au-dessus de sa tête aux beaux cheveux rose coiffée en une couronne. Ses yeux d'argents scrutaient les Titanomanciens entrer dans la pièce, et un sourire espiègle se dessinait sur son visage. Ozia sentit des frissons lui parcourir l'échine face à cette entité.
– C'est une Ayashim, chuchota Nagrir.
Ozia, Hirelda et Siana se tournèrent vers lui.
– Comment sais-tu ça ? demanda Hirelda.
Nagrir triturait son anneau du bout des doigts.
– Dreyimir vient de me le dire. Et je crois qu'elle me met en garde.
Ozia reporta toute son attention sur Hikari qui se levait. Elle épousseta sa tunique blanche aux liserés d'argent, puis sa jupe plissée qui laissait entrevoir ses fines jambes recouvertes de hautes chaussettes. Elle aimait les bijoux au vu du nombre de colliers et de bracelets qu'elle possédait. Mais Ozia remarqua immédiatement l'anneau à son doigt, semblable à celui de Nagrir.
Kira s'agenouilla immédiatement en louant sa déesse. Elle reproduisit le même schéma que lors de la prière. Les Titanomanciens se regardèrent, hésitant à suivre les mouvements qu'elle.
– Soyez les bienvenues, Titanomanciens d'Elekya, leur dit Hikari. Je suis la déesse Hikari, vous êtes ici dans ma demeure.
Pour éviter de l'insulter, les Titanomages firent une révérence. Hikari pouffa.
– Vous n'êtes pas habitués à mes prières, n'est-ce pas ? Sachez que personne ne doit s'y soustraire !
Son ton devint plus sombre, fort, glacial. Sans attendre, Ozia et ses compagnons exécutèrent la prière en imitant les mouvements de Kira. Voyant qu'elle avait réussi à soumettre les nouveaux venus, Hikari sourit à nouveau, et d'un claquement de doigts nonchalant, elle leur autorisa à se relever. Elle s'installa dans son trône et joignit les mains.
– Que venez-vous donc faire dans cette région reculée du monde ? demanda l'Ayashim.
Serah s'avança d'un pas pour parler au nom de tout le monde.
– Nous sommes désolés d'avoir empiété sur votre territoire. Nous sommes à la recherche du temple du Titan de l'espace Saezyartis.
Le sourire narquois de l'Ayashim s'effaça. Elle fronça les sourcils et se redressa pour prendre la conversation bien plus au sérieux.
– Pourquoi faire ? demanda-t-elle d'un ton plus rude.
– Nous sommes à la recherche d'une amie qui aurait disparu dans un monde créé par ses pouvoirs. Nous ne savons pas comment la sauver de ce mauvais pas, alors nous espérions trouver des informations dans son temple.
Hikari claqua de la langue. Elle observa les voyageurs un par un. Indécise dans sa réponse, elle passa le doigt sur ses lèvres l'esprit en train de cogiter. Ozia se demandait si elle allait les aider. Peut-être leur demanderait-elle de prier pour elle ou de rejoindre sa congrégation en échange. Ses doigts tapotaient les bras de son trône.
– Et je devrais vous aider à sauver votre amie ? Je ne vois pas ce que j'ai à y gagner.
Hirelda perdait patience. Elle soupirait lentement, signe que l'agacement la gagnait. Elle avait déjà envie d'en découdre, mais heureusement, Siana la retenait. Elle passa la main dans son dos pour la pousser à rester tranquille. Ils ne connaissaient pas toute l'étendue de la puissance de cette Ayashim.
– Nous voulons juste nous y rendre, nous ne resterons pas longtemps. Et surtout, nous ne vous dérangerons pas, continua Serah.
Hikari croisa les jambes. Son sourire malicieux se redessina sur son visage.
– Et je connais le chemin, mais je ne vous autorise pas à y aller.
Ozia écarquilla les yeux. Ses compagnons semblaient aussi désappointés qu'elle.
– Mais... Nous n'avons pas l'intention de vous nuire ou de...
Hikari leva la main pour intimer le silence. Les Titanomanciens se turent. Ozia sentit son cœur se serrer. Sauver Noria semblait encore plus compliqué qu'il n'y paraissait.
– Ce n'est pas le problème. Vous allez devoir m'obéir si vous voulez avoir le droit de vous rendre dans ce temple. Car pour cela, vous devez passer par mes jardins.
Ozia pesta intérieurement. Si l'Ayashim n'avait pas la main mise sur la région, ils auraient pu se rendre au temple rapidement. Mais les voilà entre ses griffes. Ils n'avaient pas le choix que d'accepter tout ce qu'elle comptait leur demander.
– Depuis quelque temps, des impies renient leur foi et fomentent une rébellion contre mon dogme. Les choses sont simples : trouvés qui est derrière tout ça et venez me donner le nom de ces traitres.
Ozia n'aimait pas cette requête.
– Qu'allez-vous leur faire ? demanda Violetta, muette jusqu'à maintenant.
Ozia s'attendait à tout comme réponse. Et à voir le visage sombre d'Hikari, elle n'allait pas être tendre avec eux.
– Cela ne vous regarde en rien. Faites ce que vous avez à faire. Une fois débarrassée de cette gangrène, je vous donnerai accès aux jardins d'Izuma. Et...
Elle tendit l'index et le pencha de gauche à droite.
– N'essayez pas d'y pénétrer sans mon accord, ricana-t-elle.
Un frisson parcourut l'échine d'Ozia. Elle ne savait pas ce qui les attendait là-bas, mais mieux valait aider Hikari pour aller sauver Noria. Mais le problème, c'était de dénicher les rebelles. Et cette fois, la quête ne semblait pas de tout repos.
– Très bien, accepta Serah. Nous allons les dénicher pour vous.
Violetta parut surprise, mais elle ne répliqua rien. Ozia savait que Serah avait quelque chose en tête. Cette Sage n'aurait jamais accepté une telle requête, surtout si Hikari comptait faire du mal aux membres de cette rébellion.
– Alors, allez-y, gronda Hikari. Et dépêchez-vous !
Les Titanomanciens hochèrent la tête et se dirigèrent vers la sortie. Kira les accompagna à nouveau pendant toute la traversée du pont.
– Dites-moi, Kira, appela Serah. Que savez-vous de cette rébellion ?
– Pratiquement rien, avoua Kira. Les dissidents se cachent quelque part dans la ville. Nous ne savons pas comment ils font pour se réunir ni pour communiquer entre eux.
Cela n'allait pas les aider dans leurs affaires. Ozia se demandait si la mission donnée par Hikari n'était pas un piège pour les empêcher d'aller plus loin. Avec le peu d'informations dont ils disposaient, c'était impossible de retrouver qui que ce soit. Le groupe se rendit sur l'îlot central, revenant jusqu'à la statue de la déesse.
– Je vais vous conduire à l'auberge, proposa Kira. Vous allez sûrement rester quelques jours. Enfin, jusqu'à ce que vous décidiez de repartir d'où vous venez.
En s'approchant de l'auberge en question, un bâtiment de cinq étages, de l'agitation attira leur attention. Les ouailles s'étaient rassemblées autour d'une estrade de bois. Les Titanomanciens s'en approchèrent. Ozia joua des coudes pour passer au travers de la population, suivis de près par Nagrir, Hirelda et Siana. Les Sages passèrent par un autre côté, jusqu'à arriver au premier rang.
Le prêtre de tout à l'heure faisait un discours sur l'importance de garder la foi. Il expliquait que la déesse était tout pour eux, et que la divinité leur offrait une protection du monde extérieur. Personne n'avait le droit de se soustraire à sa volonté. Deux hommes étaient agenouillés à côté des soldats, les mains attachées dans le dos. Ils étaient tors nus, avec juste un long pantalon de soies roses. Terrorisés, ils tremblaient devant le reste de la population qui leur crachait des obscénités. Ils proliféraient des insultes plus fortes les unes que les autres, comme si le fait de ne pas suivre la religion était une faute impardonnable. Comment des prêtres arrivaient à faire croire ça à toute une population ?
Lorsque le prêtre termina sa tirade, il tendit la main, paume ouverte, pour demander le silence. Les gens s'arrêtèrent de crier et le calme revint sur la place.
– Les impies seront punis, dit-il avec fermeté.
Un des hommes releva la tête. Dégoulinant de sueurs, il scruta une famille avec intérêt.
– Ne l'écoutez pas ! Hikari n'est pas une déesse ! Elle se sert de vous ! cria-t-il dans l'espoir de convaincre d'autres personnes.
Mais ses paroles n'avaient aucune importance. Personne ne l'écoutait.
– Votre foi ne sert qu'à...
Il ne put terminer sa phrase. Quand le prêtre posa la main sur sa tête, un jet de lumière sortit de ses yeux, sa bouche, ses oreilles et même des narines. Il hurla de douleur alors que le prêtre psalmodiait des paroles des textes sacrés.
– La déesse Hikari est toute puissante. En échange de votre foi, elle vous protège. Mais les impies doivent être purifiés par ses propres pouvoirs.
Lorsqu'il retira sa main, l'homme s'effondra dans un dernier râle de douleur. Le prêtre continua avec le suivant. Les cris résonnèrent sur la place, tandis que la population assistait à la mise à mort de soi-disant deux traitres. Ozia aurait aimé les aider, pousser les gens à refuser cet acte atroce, mais ils risquaient de subir le même sort. Même avec deux Sages, il était bien trop dangereux d'intervenir. Raison pour laquelle Serah et Violetta restèrent spectatrices, non sans une grimace de dégout sur le visage.
Ainsi, voilà ce qui allait arriver aux pauvres gens s'ils dénichaient la rébellion. Ils finiraient par souffrir le martyr par des prêtres qui tuaient au nom de leur déesse. Ozia soupira en voyant cette triste scène. Une fois les deux impies morts, la population retourna à ses occupations comme si de rien n'était.
Ne pouvant rien faire d'autre, Ozia et ses compagnons suivirent Kira jusqu'à l'auberge et leur paya suffisamment de chambres pour loger tout le monde. Ozia s'installa sur le lit et réfléchit à tout ce qui venait de se passer. Elle enfouit la tête dans ses mains et espéra que quelqu'un avait une idée pour se sortir de cet enfer...
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