Les Titanomanciens revinrent dans le petit village de Kanami à la nuit tombée. Ce qui était parfait pour passer inaperçu. De retour dans la salle de réunion avec Kira, ils s'empressèrent de lui montrer ce qu'ils avaient trouvé. La cheffe de la rébellion sembla surprise des propos rapportés par le groupe d'amis. Mais grâce à ça, ils pouvaient mettre au point un plan pour faire tomber la déesse Hikari. Pendant que Kira prit connaissance des grimoires rapportés par Nagrir, elle leur proposa de se reposer.

Le lendemain, dans l'après-midi, Serah, Violetta, Daren et Miiya rejoignirent le reste du groupe pour tenir une réunion. Après avoir expliqué d'où provenaient les pouvoirs d'Hikari et des prêtres, le silence tomba pour chercher un moyen de l'arrêter. Le seul que proposa Kira était de continuer de les convertir avec le temps, mais cela n'arrangeait pas les affaires des Titanomanciens. Ce plan risquait de mettre des années à aboutir, non sans de nombreux sacrifices.

– Et si on endormait la population ? proposa Siana.

Tout le monde se tourna vers l'Alchimiste. Les regards rivés sur elle la mise mal à l'aise. Elle se mordit les lèvres, nerveuse, avant de proposer une idée. Elle déposa une bourse qui pendait à sa ceinture et l'ouvrit.

– J'ai des herbes qui pourraient faire un élixir de sommeil suffisamment puissant pour leur faire rater la prière.

Ozia écarquilla les yeux. Son idée était loin d'être stupide. Cela leur donnerait l'occasion de l'affronter avec suffisamment de pouvoir en moins.

– Et comment on le diffuse ? demanda Daren. Ton idée est bonne, mais... Même si on met l'élixir dans un puits, cela risque de prendre du temps. Si des gens boivent avant les autres, on va remarquer quelque chose.

– Mais l'idée est bonne, approuva Violetta. Je peux me charger d'endormir la capitale et vous fournir un antidote pour vous protéger de ses effets. Vous pensez que cela va être suffisant ?

Ozia resta sur la remarque de Violetta. Quel était ce pouvoir qui lui permettait d'endormir tout le monde d'un seul coup ? Elle resta de marbre, consciente qu'elle ne connaissait pas encore les techniques de Violetta. La Sage ne disait absolument rien sur ceux-ci.

– Kushiro à une population plus grande que tous les petits villages alentour, expliqua Kira. Je pense que cela l'affaiblira énormément.

– Dans ce cas, allons-y ! encouragea Hirelda en se levant. Plus vite on attaquera, plus vite on pourra partir d'ici et sauver Noria.

Kira lui fit signe de s'assoir.

– Il faut se préparer, intervint Kira. Les prêtres ne seront-ils pas insensibles à votre pouvoir avec la puissance d'Hikari ?

– C'est possible, avoua Violetta. Vu la zone sur laquelle je dois intervenir, mon pouvoir sera un peu moins puissant que d'habitude.

Kira s'enfonça dans son siège et fronça les sourcils.

– Dans ce cas, je dois rassembler la résistance pour attaquer le Hoshi pendant que vous vous dirigez vers le palais d'Hikari. Vous pensez pouvoir affronter les gardiens ?

Ozia se tourna vers Serah, qui semblait plutôt confiante. Ce qui était normal vu la puissance des Sages. Mais ils restaient quand même nombreux.

– Sans problème, avoua la Sage bibliothécaire. Par contre, Daren et Miiya resteront avec toi Violetta, tu vas être sans défense pendant que tu utilises la brume du sommeil.

Violetta opina du chef. Il devait s'agir de son attaque qui lui permettrait d'endormir la population. Si elle en était bel et bien capable, voilà qui montrait la puissance des Sages encore une fois.

– Ozia, Hirelda et Nagrir, vous viendrez avec moi pour attaquer le palais. Je ne pense pas que les gardiens nous posent beaucoup de problèmes.

– Tu en es sûre ? demanda le Wolftang. Nous serons quatre contre dix.

Serah montra Violetta d'un signe de tête.

– Quand ma coéquipière aura terminé d'endormir tout le monde, elle viendra nous rejoindre. Mais on doit aller vite. Une fois tout le monde endormit et la prière ratée, l'attaque doit être lancée immédiatement.

Ozia comprenait le plan de Serah. Il semblait dangereux de se lancer dans un assaut aussi frontal, mais elle ne voyait pas comment faire autrement. Au vu de la disposition du palais, il n'y avait aucun moyen de s'en approcher furtivement.

– Si tout le monde a son rôle, on peut se donner rendez-vous à l'aube, avant la prière, dit Kira.

Siana leva sa main tremblante.

– Euh... Moi je n'ai pas de rôle.

Tous les regards se portèrent à nouveau sur l'Alchimiste. Malheureusement, son manque de pouvoir n'allait pas pouvoir être bénéfique lors de ce combat. Kira semblait mal à l'aise, ne sachant quoi lui proposer. Hirelda lui tapota l'épaule d'un geste amical.

– Tu devrais aider les rebelles en cas de blessé.

Siana acquiesça. Elle fit la moue, déçue de ne pas pouvoir leur venir davantage en aide. Ozia sentait qu'elle aurait aimé se battre à leur côté, mais elle savait très bien que sans magie elle ne pouvait rien faire.

– D'accord, je m'occuperai des blessés. Je vous rejoindrais après, murmura-t-elle, déçue.

Mais malheureusement, il n'y avait pas de place pour une personne sans Titanomagie dans le combat contre les neuf gardiens. Ozia ne voulait pas qu'elle reste en arrière, cela les obligerait à faire attention à Siana, et fatalement, se déconcentrer du combat.

À la fin de la réunion, les Sages disparurent avec Kira pour préparer l'attaque du palais. Pendant ce temps, Hirelda et Siana restèrent dans une petite salle de repos pour discuter de cette attaque. Ozia resta dans la pièce, seule, à réfléchir sur tous les évènements qui approchaient. Elle espérait que le combat contre Hikari n'allait pas faire de blessé pour continuer leur route pour sauver Noria.

Nagrir arriva après quelques minutes avec des biscuits. Il se posa à côté d'Ozia et lui proposa des petits sablés aux fleurs de cerisier.

– Tout va bien ? demanda-t-il.

Ozia lui sourit en prenant un gâteau.

– Tu tombes bien, j'avais un p'tit creux !

Elle croqua à l'intérieur et découvrit un gout qu'elle ne connaissait pas. Le parfum ressemblait beaucoup au thé qu'ils venaient de boire, et le gâteau n'était pas trop sucré.

– C'est bon ! s'exclama-t-elle.

– Oui, j'en ai mangé hier et je me suis dit que j'allais vous faire découvrir. Je sais que vous aimez bien découvrir la gastronomie des pays où vous vous rendez.

Le visage d'Ozia se ferma.

– Noria adore ça, oui...

Nagrir passa la main dans son dos.

– Hé, arrête de t'en faire. On va bientôt reprendre notre route vers elle.

Ozia hoqueta.

– Oui. Encore faut-il sortir vivant de ce combat, souffla-t-elle en s'enfonçant dans son siège.

Nagrir n'émit aucun commentaire. Il resta à ses côtés en croquant dans les sablés. Mais sa présence réconfortait Ozia. Elle avait un ami sur qui compter. Non. Mieux que ça, elle avait plusieurs amis. Car après quelques minutes ensemble, Hirelda et Siana firent irruption dans la pièce pour profiter des biscuits.

– Tu pourrais nous en proposer ! se plaignit Hirelda.

Nagrir lui tapa la main qui allait se servir.

– Quand tu seras sage ! Tu n'arrêtes pas de râler depuis qu'on est arrivé.

– Et ? T'as l'habitude, non ?

– Non. C'est pire que d'habitude. Je suis sûr que Siana est d'accord avec moi.

La jeune femme rougit et détourna le regard.

– Moi ? Non... Enfin...

Hirelda resta bouche bée. Elle scruta Siana en posant les mains sur les hanches.

– Enfin quoi ?

Ozia ricana.

– Rien ! se défendit Siana en évitant la conversation.

Pour empêcher Hirelda de lui en demander davantage, elle s'élança sur le plat de biscuits. Cette fois, Nagrir lui offrit avec plaisir, ce qui lui valut le regard foudroyant d'Hirelda. Elle avait beau essayé d'en prendre, le Wolftang faisait tout pour lui retirer l'assiette du nez et de la narguer avec. Il finit par se lever alors qu'elle le poursuivait autour de la table de réunion. Ozia avait l'impression de voir deux enfants se chamailler.

– Enfin quoi, du coup ? demanda Ozia à Siana qui les regardait.

Son attention se reporta sur Ozia.

– Rien... !

Ozia lui sourit.

– Toi, tu nous caches quelque chose.

Siana soupira. Elle passa la main dans sa chevelure aux mèches bleu roi avant de s'assoir à côté d'Ozia. Elle hésita à lui parler, mais petit à petit, quand Hirelda disparut dans le couloir en hurlant sur Nagrir, elle put enfin dire ce qu'elle pensait.

– J'ai l'impression qu'Hirelda veut me dire quelque chose, mais je ne sais pas quoi.

Ozia arqua un sourcil, surprise. Elle ne pensait pas que Siana pouvait-être un tant soit peu naïve. Mal à l'aise, Ozia cherchait ce qu'elle pouvait lui répondre sans en dire trop. Elle ne voulait pas gâcher le moment où Hirelda se lancerait enfin à avouer ses sentiments pour elle. Les secondes passaient et Siana sentait qu'elle lui cachait quelque chose.

– Je n'en ai aucune idée, mentit Ozia. Je la vois souvent avec toi. En plus, elle t'a invité à notre fête de l'automne, ce n'est pas rien.

Siana se rapprocha d'Ozia en faisant grincer les pieds de sa chaise.

– Mais oui ! chuchota-t-elle. Et elle me pose beaucoup de questions sur ce que j'aime, ce que j'aimerais faire, mes gouts...

Ozia sourit. Elle se demandait si en énonçant toutes ces choses à voix haute, elle allait se rendre compte de la situation.

– En tout cas, c'est une super amie. Je l'aime beaucoup.

Ozia se retint de ricaner. Elle ne comprenait toujours pas ? Remarque, cela lui ferait tout drôle quand Hirelda se lancera pour lui proposer un rendez-vous galant. Mais pour l'instant, elle était occupée à courir partout. Nagrir ne lâchait rien et mangeait les biscuits en l'évitant. Petit à petit, le plat s'amenuisait, ne laissant que peu de bouchées pour les autres. De retour dans la salle de réunion, il en lança deux à Ozia et Siana. Une fois en main, il attrapa le dernier restant. Il fit volte-face et le montra à Hirelda, un sourire machiavélique sur le visage. Hirelda tendit un poing menaçant.

– Alors toi, si tu fais ça ! Je te jure que je vais me venger... grinça-t-elle.

Ozia se demandait si le Wolftang allait oser s'attirer les foudres d'Hirelda. Elle était largement capable d'utiliser ses pouvoirs pour l'attaquer pour un biscuit. Alors qu'elle s'élança d'un pas vif pour attraper le dernier, Nagrir l'engloutit sous le regard horrifié de son amie. Il le croqua et le mâcha lentement, mimant à quel point il se régalait.

– Je vais te tuer ! s'énerva-t-elle.

Hirelda lui sauta dessus. Surpris par le bond qu'elle venait de faire, Nagrir bascula en arrière sous le poids de son amie. Elle lui tira les oreilles de loups qui sortaient de sa belle chevelure bleu nuit.

– Tu vas me le payer !

Alors qu'elle continuait de le faire souffrir pour se venger, Siana se leva pour l'arrêter. Elle la tira en arrière et lui proposa son biscuit.

– Tiens, je te l'offre. Tu vas voir, ils sont super bons !

Les joues d'Hirelda s'empourprèrent. Elle hésita un instant, puis récupéra le gâteau avant de le déguster avec plaisir.

– Merfi, répondit-elle la bouche pleine.

Ozia croisa les bras, curieuse de voir si Hirelda allait enfin se lancer. Mais ce n'était certes pas le moment. La bataille qui approchait risquait d'être violente. C'était la première fois qu'ils allaient combattre un Ayashim, et Ozia se demandait si leur puissance suffirait à faire pencher la balance.

Plutôt que de se morfondre en laissant son esprit évaluer toutes les possibilités, Ozia se leva et sortit de la salle de réunion avec Nagrir. Ils décidèrent d'aller voir Miiya et Daren afin d'avoir leur ressenti sur les combats à venir. Daren semblait bien trop confiant. Il jurait uniquement par les Sages. Miiya gardait ses réserves, elle n'avait jamais combattu d'Ayashim et espérait que tout se déroulerait bien.

– Tu vas utiliser les pouvoirs de Dreyimir ? demanda Daren en scrutant l'anneau qu'il portait au doigt.

Nagrir fronça les sourcils. Il n'aimait pas que l'on parle de sa déesse. Il n'avait pas l'air d'apprécier Daren non plus.

– Pourquoi ? demanda-t-il d'un ton brusque.

Daren lui fit signe de se détendre en tendant les bras.

– Juste pour savoir. Je n'en ai jamais vu.

– Eh ben ce sera une première.

Daren soupira et recula. Il n'aurait aucune autre réponse de la part du Wolftang. Miiya, plus aimable et souriante, lui demanda :

– Tu arrives à l'appeler facilement ?

– Oui, elle me répond à chaque fois désormais. C'est juste que...

Il détourna le regard. Un long soupir s'échappa avant que son attention revienne sur la jeune Aspirante.

– Mon corps n'est pas encore suffisamment entrainé pour utiliser tous ses pouvoirs.

Miiya posa l'index devant ses lèvres et réfléchit. Elle observait Nagrir à travers ses lunettes rondes. Ses pupilles émeraude se posèrent sur la bague avant de remonter jusqu'à son cou.

– Et si tu te faisais tatouer le symbole de l'eau ?

L'idée surprit Nagrir. Il hoqueta de surprise, mais il ne refusa pas. Son esprit chauffait face à cette proposition qui pourrait lui permettre de gagner en puissance. Certes Dreyimir lui prêtait ses pouvoirs, mais avec le symbole de l'eau et des méditations, il pourrait devenir bien plus puissant.

– Ce n'est pas une mauvaise idée, songea-t-il. Comment ça fonctionne ?

– C'est... douloureux, avoua Miiya avec une grimace. Mais tu vas pouvoir utiliser la méditation. Avec ça, tu deviendras plus fort et tu vas renforcer ton corps.

– Tu penses que je serais capable d'utiliser ses pleins pouvoirs ?

Miiya haussa les épaules, dubitative.

– Sans doute, mais il va falloir essayer pour le savoir. Tu veux qu'on demande à Serah ?

Le Wolftang acquiesça d'un hochement de tête, peu convaincu.

– Je vais y réfléchir quand aura sauvé Noria. Merci pour la proposition, Miiya.

– Pas de soucis !

Elle sautait de joie à l'idée d'avoir été utile à quelqu'un. La journée continuait de passer, tandis que Violetta préparait les antidotes pour tout le monde. Elle termina dans la soirée, puis les donna à tout le monde. Il avait un gout assez étrange, mais cela passait. Une fois ingurgités, les Titanomanciens allèrent dormir pour se reposer avant l'assaut le lendemain.