PDV Elyra

Je fus réveillée par un bruit pénible. Un : ploc, ploc, ploc. Mes yeux s'ouvrirent avec difficulté, et lorsque je vis l'origine de ce bruit, je poussai un grognement :

"Elena bon sang ! Arrête de t'amuser avec mon poisson, ce n'est pas un jeu !"

En effet, ma sœur de 13 ans s'était introduite dans ma chambre pour jouer avec le poisson qui était dans son bocal.

"-Si tu veux jouer avec un poisson, vas dans ta chambre, tu as le même !
-C'est plus drôle ici."

Je levai les yeux au ciel d'agacement.

"-Et comment es-tu rentrée ici, d'abord ? Les gardes ne t'auraient jamais laissé rentrer !
-Je les ai soudoyé."

Face à ma mine choquée, elle se mit à rire et dit :

"Mais non, je rigole ! Une magicienne comme moi ne révèle jamais ses secrets !"

Je me retins de le lever les yeux au ciel une seconde fois et je regardai l'horloge. Même pas 9h. J'avais dormi 3h. Comme pour exprimer ma fatigue, je baillai à m'en décrocher la mâchoire.

"-Aller sors de ma chambre, je vais m'habiller. Et appelle Neiva s'il te plaît."

Ma sœur fit ce que je dis, non sans lancer un regard triste au poisson et me lancer un regard noir, et ma servante arriva quelques instants plus tard.

"-Vous m'avez demandée, votre Altesse ?
-Oui, aide-moi à m'habiller Neiva.
-Bien, votre Altesse."

Ma voix avait perdue toute sa joie et son entrain habituels. J'accomplissais mes devoirs tel un robot, qui suis les ordres à la lettre.

"-Sa Majesté votre mère vous prie de la rejoindre pour le petit déjeuner, votre Altesse.
-Bien. Merci Neiva, tu peux te retirer."

Cette dernière me fit la révérence avant de quitter la pièce.

Je soupirai, avant de me regarder dans le miroir. J'étais encore si jeune... Pourquoi avait-il fallu que cela tombe sur moi ? Je n'étais pas prête pour ce mariage. Et même si je sais que cela arriverait après mes 18 ans, je savais que je ne serai pas prête.

Mais je ne devais pas penser à tout ça. Pour l'instant, il fallait que je rejoigne mère, qui m'attendait pour prendre le petit déjeuner.

Je traversai les couloirs du château et entrai dans la pièce où presque toute ma famille était installée : mes parents, le roi et la reine, ma sœur Inaya et mes deux frères, Eran et Amel. Il ne manquait qu'Elena. J'étais la plus grande de la famille, avec 17 ans. Suivait ensuite mon frère Eran de 16 ans, ma sœur Inaya de 14 ans et demi, Elena de 13 ans et Amel de 11 ans et demi.

"-Ah, Elyra, tu es venue ! Comment vas-tu ?
-Bonjour mère, bonjour père, je vais bien."

Je me penchai vers mon père qui déposa un baiser sur mon front avant de regagner ma place.

Je vis que mon assiette était pleine, mais je n'avais pas le cœur à manger. Pas alors que je savais que dans à peine quelques jours je quitterai ma famille, mon palais et mon royaume... Pour vivre avec un homme méprisable.

"-Tu ne manges pas Elyra ?
-Je... Je n'ai pas très faim.
-Serais-tu souffrante ?"

Bien sûr que j'étais souffrante ! Mais pas comme ils le croyaient... C'était mon cœur qui était souffrant. Il était brisé. Mais je ne pouvais pas leur dire ça : ils me penseraient faible et sentimentale. Déjà que j'étais une fille, je ne pouvais pas en plus leur laisser croire cela. Alors je fis un sourire le plus convaincant possible et répondit :

"-Non père, je suis juste un peu fatiguée, je n'ai pas très bien dormi cette nuit, voilà tout."

Mes parents échangèrent un regard entendu avant de dire à mes frères et sœurs :

"-Notre mère et moi devons parler avec Elyra."

Mes frères et sœurs comprirent et murmurèrent des "oui, père" avant de sortir.

Juste avant de franchir la porte, Inaya me lança un regard désolée. Je lui répondis par un faible sourire et elle quitta la pièce.

Maintenant, je savais que le sujet du mariage allait être remis sur le tapis. Je ne voulais pas en parler. Alors, il fallait que je fasse le plus vite possible pour quitter les lieux.

Mon père se posta devant la fenêtre, dos à moi et commença :

"La discussion sur ton mariage avec ta mère ne s'est pas bien passé hier, m'a-t-elle dit."

Je jetai un regard empli de colère vers ma mère, mais celle-ci me fuyait du regard.

"-En effet. " répondis-je à mon père en déglutissant avec peine.

"-Est-ce à cause de cela que tu as mal dormi ?
-Non père. J'avais simplement une migraine, mais qui est passée dans la nuit.
-Me voilà rassuré. Tu sais, nous le faisons pour ton bien Elyra. Avec ce prince, tu seras bien protégée et tu conserveras ton titre actuel. Tu ne seras simplement plus la princesse d'Angleterre, mais la princesse d'Espagne. Et puis, nous avons besoin de ce mariage. En ce moment, nos troupes sont plus qu'affaiblies et ce royaume menace depuis déjà trop longtemps de nous attaquer. S'il le faisait, nous ne pourrions pas résister et nous serions envahit. J'espère que tu comprends que, en te mariant avec cet homme, tu protèges ton royaume.
-Bien sûr, père.
-Je suis content que tu réagisse comme ça. Tu peux disposer.
-Oui, père, je vous remercie."

Je partis en retenant mes larmes. Je ne devais pas pleurer devant lui. Je me promis alors de ne pas pleurer avant d'être arrivée dans mes appartements, pour également éviter que des servants ou des nobles ne me voient.

Mais alors que je montais les marches du grand escalier du château, j'entendis un reniflement. Très léger et rapide, mais je l'avais entendu.

Je regardai derrière moi, mais ne vis rien. Alors je dis :

"-Qui est là ? Cela ne sert à rien de se cacher, je sais que vous êtes là !"

Pendant plusieurs secondes, rien ne se passa, et ce fut le silence absolu. Mais puis, je vis du mouvement derrière le rideau de la fenêtre. Et quelle ne fut pas ma surprise lorsque je vis...

"-Elena ? Mais enfin, que fais-tu ici ?"

Ma sœur ne répondit pas et se jeta dans mes bras. Elle pleurait à chaudes larmes.

"-Tu as tout entendu n'est-ce pas ?" soupirai-je.

"-Je ne... veux pas... que... tu partes." dit-elle entre de longs sanglots qui la faisaient trembler.

Je la serrai plus fort dans mes bras.

"-Je suis désolée Elena. Moi non plus je ne veux pas partir. Mère ne voulait t'apprendre la nouvelle que la veille de mon départ, pour ne pas te chagriner. Je ne crois pas que les autres soient au courant, alors ne leur dis pas s'il te plaît." lui dis-je doucement.

Elle ne répondit pas mais je la sentait s'apaiser dans mes bras.

"-Aller viens, allons dans mes appartements." lui dis-je.

Heureuse de pouvoir passer encore un peu plus de temps avec moi, elle me suivit.

Mon cœur se serra en voyant son petit visage tout triste. Je ne voulais pas la quitter. Nos parents n'étaient presque jamais présents pour nous, et j'étais un peu comme sa deuxième mère, qui prenait soin d'elle. Tous mes frères et sœurs souffraient de cette absence de nos parents, mais nous ne disions jamais rien et ne comptions que sur nous-mêmes. Nous nous aidions toujours dans les moments difficiles et notre fratrie était soudée.

Mais, de nous tous, c'était Amel qui souffrait le plus. C'était lui qui avait certainement le plus besoin d'amour de la part de notre mère, et c'était lui qui en avait le moins reçu. Alors, il était vite devenu solitaire et il ne nous parlait que très rarement. Il passait ses journées seul, et tout le monde au château avait de la pitié pour lui. Mais bien sûr, mes parents ne s'en étaient même pas aperçus, trop occupés par leurs devoirs de roi et de reine. Je leur en voulait beaucoup pour ça. Laisser tomber leur fils ainsi...

Je passai l'après midi avec ma sœur, et elle avait enfin retrouvé le sourire.

Mais le soir venu, lorsque je fus seule dans mes appartements, je me questionnai.

Comment arrivera-t-on à vivre sans les uns et les autres ? Je serai bientôt partie, et mes frères et sœurs n'auraient plus de modèle à suivre... Je me couchai, tourmentée, et je me promis d'aller en parler à Eran le lendemain.

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(Publié pour la première fois le 20 avril 2024)