Chapitre 1-1

Erik

Nous avancions lentement mais sûrement. Même dans les cités libres nous devions garder notre couverture. Impossible de savoir à quel point l'ennemi avait infiltré l'Est.

Pas question pour nous de repasser par les mêmes lieux que quelques mois plus tôt. Il y avait un risque non négligeable que quelqu'un reconnaisse Kara ou Marek. Et la dernière fois que nous avions emprunter ce chemin; Einar, Ellie et moi nous faisions passer pour des frères et sœurs allant rendre visite à leur tante.

Difficile d'expliquer, comment du jour au lendemain Einar et moi étions devenus mercenaires et Ellie nièce de marchand.

Nous avions donc décidé d'éviter le Nord et de nous diriger au Sud jusqu'à la cité portuaire de Milisia où nous prendrions un bateau pour rejoindre le port de Romur dans le Royaume d'Isbur.

En chemin, nous espérions obtenir des informations sur l'avancée de la guerre. La question était de savoir si toutes les cités libres allaient répondre à l'appel et faire front face aux soldats de l'Ouest ou si comme nous le redoutions certains gouvernements corrompus décideraient de laisser les rênes au Sorcier Noir.

J'avais toujours un doute sur la loyauté de la cité d'Alba, le consul m'avait paru étrange et leur grand prêtre ne m'inspirais pas confiance. Nous avions appris que l'alerte n'avait pas été donnée aux autres cités avec la transparence voulu.

Les messagers oniriques avaient été assez flou sur la menace qui planait. Ils avaient uniquement parlé de petits cas isolés de soldats des Royaumes dans les cités libres sans parler d'une préparation d'invasion.

Heureusement grâce aux sentinelles, l'information avait finis par arriver dans toutes les cités. Mais cela n'annonçait pas l'unification des défenses promise par le consul.

Trop tôt pour savoir qui était corrompus à Alba, mais il faudrait garder l'œil ouvert. Edgar et Piotr auraient du boulot. Et j'espérais que Tarik allait tenir sa promesse et les aider dans les préparations des défenses.

Mais ce n'était pas mon rôle. Les préparatifs de la guerre se ferait sans moi. J'avais une mission tout aussi primordiale et tout aussi risquée. D'ici quelques jours nous atteindrions Lyria, dernière cité état avant d'atteindre les côtes.

*****

Ellie

Je m'habituais peu à peu à mon rôle de marchande. Depuis quelques jours, Elias me laissait même diriger certaines ventes et c'était moi qui gérais les stocks.

Finalement, c'était assez agréable. J'étais heureuse de pouvoir chevaucher Azalee pendant les quelques heures où je n'étais pas obligée de diriger le chariot. La plupart du temps c'était Elias qui s'en chargeait mais dans les passages risqués ils avaient décidés de me laisser les rênes.

Notamment lorsque nous croisions des hommes des Royaumes ou des marchands de l'Ouest. A priori, personne ne savait à quoi je ressemblais mais nous avions entendus dans plusieurs village une rumeur au sujet d'une jeune fille aux grands pouvoirs.

Certains la décrivaient, comme une jeune fille aux cheveux et aux yeux rouges comme le feu, capable d'incendier n'importe quoi par la pensée. On disait que c'était une sorcière ayant pactisé avec les démons.

Pour d'autres, il s'agissait d'une fille magnifique avec des dons merveilleux de guérisons et de divination. Cette description était bien plus flatteuse mais toujours aussi loin de la réalité.

Nous soupçonnions le Sorcier Noir d'avoir fait courir ces rumeurs pour rendre mes déplacements plus difficile. Et en un sens il avait réussi. Ces descriptions n'étaient pas assez précises pour me désigner mais pourtant elles m'exposaient aux curieux et aux gens trop perspicaces.

En effet, ce n'était pas tous les jours qu'une jeune fille rousse avec des pouvoirs arpentait les cités libres. Je devais à tout prix dissimuler mes dons et m'intégrer dans le paysage. Je prenais donc mon rôle de marchande très à cœur.

Tellement, que j'avais moi-même dirigé des négociations serrées avec un chef d'escouade ennemis. Habillés en simples marchands de l'Ouest, ils auraient pu nous bernés. Mais leurs armes et leurs montures de qualités dénotaient beaucoup trop avec leurs tenues et leurs marchandises de piètre qualité.

Depuis que les cités libres étaient sur le qui-vive ils avaient dû changer leurs méthodes d'infiltrations. Et tout comme nous, ils avaient opté pour la profession de marchand itinérant.

Erik avait été à deux doigts de les tuer quand il avait reconnu l'arme de leur chef mais d'un signe de tête Elias l'en avait dissuadé.

Nous devions faire profil bas. 

*****

Après trois semaines de marche nous allions enfin atteindre la cité de Lyria également appelée ville de lumière. Cité fleurie, petite soeur d'Iris, elle avait la réputation d'être pleine de douceur et de surprise.

L'été touchait à sa fin mais la végétation était encore au rendez-vous. Les arbres fruitiers entouraient de toute part cette majestueuse cité.

Nous avions prévu d'y rester pendant trois jours. Le temps d'échanger nos marchandises contre des fruits en tout genre et des tissus aux fines broderies. Ces spécialités du Sud-Est se vendraient comme des petits pains dans le Royaume d'Isbur.

Elias et Marek resteraient à l'extérieur de la cité pour garder le chariot et négocier l'achat des fruits.

Kara s'était mise en tête de faire visiter la cité à Einar. De mon côté, j'avais été désignée pour choisir les tissus et Erik pour assurer ma protection.

Je soupçonnais nos amis d'avoir trouvé ce prétexte pour nous laisser un peu d'intimité. Et à vrai dire je n'allais pas m'en plaindre.

Depuis notre départ du Temple, Erik et moi étions plus apaisés mais nous avions du mal à nous retrouver seuls.

En effet, avec notre couverture nous n'avions pas l'occasion d'être vraiment nous-mêmes. Pas question qu'une jeune fille de marchand côtoie un mercenaire. En public, j'avais dû feindre une timide indifférence. En tant que tuteur et maître du convoi, c'était Elias qui se chargeait de donner les ordres à Erik qui les transmettait ensuite aux autres.

Les seuls moments où nous pouvions nous défaire de ces rôles c'était durant les bivouacs en forêt profonde. Dans ces rares occasions, nos soirées étaient bien plus joyeuses et détendues.

Mais, bien que nos compagnons soient au courant pour notre relation, nous avions toujours une certaine pudeur. Loin de nos premiers baisers passionnés nous étions bien plus réservés. Pendant les veillées je m'asseyais près de lui et il me passait un bras autour des épaules. Parfois il m'accompagnait jusqu'au chariot en me tenant par la main et quand personne ne pouvait nous voir, il m'embrassait furtivement, avant de me souhaiter une bonne nuit.

Nous n'avions pas beaucoup de contacts mais j'étais apaisée. Je savais que nous nous appartenions. Je sentais en permanence sa présence chaleureuse et par moment je me laissais même aller à effleurer son esprit. Nous ne discutions pas réellement comme lors de l'épreuve mais je pouvais ressentir son état d'esprit et lui le mien.

Nous étions là l'un pour l'autre et c'était tout ce qui comptait. Mais ces quelques jours d'intimités ne seraient pas de trop. J'avais à la fois hâte et peur de me retrouver seule avec lui. 

*****

Erik

Cela faisait maintenant des heures que nous allions d'échoppes en échoppes pour négocier l'achat et la vente de nos produits. J'étais impressionné par le professionnalisme d'Ellie. Elle qui ne s'était jamais appliqué en cours et qui avait toujours détesté les calculs mentaux, la voilà en train de mener des transactions toutes plus audacieuses les unes que les autres.

Elle maniait à la perfection l'intimidation, la fausse indifférence ou encore le rôle de la jeune fille naïve afin d'obtenir les meilleurs prix auprès de nos fournisseurs. Elle n'hésitait pas à inventer un mère malade pour attendrir nos acheteurs ou prétendre avoir obtenu une meilleure offre chez le concurrent d'en face.

Jamais je n'aurais soupçonné un sens des affaires si poussé chez elle. Elle m'impressionnait et la regarder travailler me faisait sourire tant elle y mettait du cœur.

J'avais imaginé qu'une fois tous les deux elle aurait insisté pour que nous flânions un peu. Mais elle avait tout de suite voulu commencer les transactions. S'arrêtant à peine pour le déjeuner, la journée était maintenant bien entamée.

- Je suis désolée mais votre offre ne m'intéresse pas. Ces bijoux ont une valeur inestimable, ils ont été préparé par un maître artisan dans un village reculé des montagnes d'Isrül. Certaines personnes n'hésitent pas à traverser le continent pour lui faire des commandes spéciales. Il a lui-même forgé les alliances du consul d'Alba et de son épouse.

- Mais mademoiselle, vous n'êtes pas sérieuse ! Vous m'en demandez presque le double que ce que vos confrères exigent. Avec ce prix-là je n'arriverais pas à faire suffisamment de marge pour retomber dans mes frais.

- Cela démontre à quel point vous êtes mauvais vendeur, si vous n'êtes pas capable de rentrer dans vos frais avec des bijoux de cette valeur, dit-elle implacable.

- Mais... comment osez-vous remettre en doute ma valeur ? Je fais ce métier depuis plus de trente ans et déjà petit j'accompagnais mon père sur les marchés.

- J'ai peut-être moins d'expérience mais j'ai bien plus de bon sens que vous en tout cas. Et je sais reconnaître une bonne occasion quand j'en vois une. Ecoutez-moi, votre confrère de la rue des lilas est prêt à en accepter le prix mais je vous avoue qu'il ne me plait pas trop. J'ai vu comment il parlait à ses clients. Pour lui le profit passe avant tout. Il ne cherche pas ce qu'il y a de mieux pour ses clients, il cherche ce qui lui rapportera le plus. Mais vous, c'est différent. Je vous ai observé avec ce jeune couple tout à l'heure. Vous avez vu que le jeune homme était assez pauvre mais qu'il voulait impressionner sa fiancée. Vous l'avez orienté vers des anneaux en argents de très belle factures, moins tape à l'œil et moins chères que les anneaux dorés traditionnels. Avec ces anneaux sertis de pierres semi-précieuses, vous avez su réunir l'élégance et un prix abordable. Et en présentant cela comme des bijoux plus modernes que les anneaux en or, vous avez permis au jeune homme de garder la face devant sa fiancée tout en restant dans son budget.

- Vous étiez là ? Je pensais que nous étions seul dans l'échoppe. C'est vrai les gens ont tendances à se tourner vers l'Or pour son côté traditionnel et pour sa valeur financière. Mais je trouve que c'est surfait. Les bijoux qui unissent deux êtres qui s'aiment ne devraient pas s'attacher à la valeur pécuniaire ni aux traditions mais devrait représenter le lien unique qui les unis. Pour chaque couple j'aime trouver la meilleure combinaison.

- Et c'est pour ca que je pense que vous seriez tout à fait capable de trouver des propriétaires pour ces bijoux d'orfèvres. Vous, plus que quiconque, saurez trouver les bons mots et les bons acheteurs.

- Oui c'est vrai qu'ils sont très beaux, mais leur prix reste trop élevé, dit-il sans appel.

- Comprenez-moi, c'est bijoux ont une valeur sentimentale à mes yeux. C'est un ami très cher qui les a créés et je ne peux pas m'en séparer pour une poignée de pièces ! Mais pour vous je vais faire une exception. Je vous propose trois pièces d'or pour le tout. C'est mon dernier mot. Je ne peux pas descendre plus bas sans insulter le talent de mon ami.

Et c'est ainsi qu'elle avait réussi à obtenir un très bon prix pour les créations d'Allan. Depuis son arrivé au Temple, il avait développé une passion pour l'orfèvrerie et la joaillerie. C'est vrai qu'il avait beaucoup de talent mais il était bien moins réputé qu'elle l'avait laissé entendre. A vrai dire jusqu'à maintenant, il n'avait fait que des bijoux pour ses amis et sa famille et n'avait jamais demandé d'argent en échange.

C'était un véritable hommage à ses créations, qu'elle venait de faire. Et une belle démonstration d'éloquence et de persévérance.

*****

Ellie

La journée touchait à sa fin et j'avais presque terminé les échanges. Les derniers bijoux d'Allan avaient été vendus et j'avais trouvé un acheteur pour les pierres semi-précieuses. Il me restait plus que quelques cuir et fourrures à écouler. Mais cela attendrait le lendemain.

Ce soir c'était notre soirée. Toute la journée, Erik était resté dans mon ombre. Sa carrure protectrice dans mon dos et ses yeux perçants sur ma nuque.

Sa présence à mes côtés m'avait rassurée mais m'avait également troublée. J'avais sentie toute la journée son regard peser sur moi. Il n'avait pas loupé une seule de mes paroles ou un seul de mes gestes. Anticipant mes besoins, il avait toujours une longueur d'avance sur moi. C'était lui qui tirait les lourdes caisses de matériels et sans jamais se tromper il sortait l'objet que je m'apprêtais à saisir avant même que j'en formule la demande.

J'en arrivais à penser que depuis le début de notre voyage, notre lien s'était bien renforcé malgré notre distance apparente. Plus forte que jamais, notre connexion était vraiment indéniable.

C'était d'ailleurs grâce à elle, que je savais qu'il me préparait quelque chose de spécial pour la soirée. Je n'avais aucune idée de ce que cela serait, mais j'avais hâte de le découvrir. Depuis ma première intrusion dans son esprit, j'avais décidé de ne plus violer son intimité et de ne plus m'immiscer dans ses pensées sans son invitation. Mais je ne pouvais m'empêcher de ressentir son excitation et son anxiété grandissante !

- Je suis exténuée ! Nous avons bien avancé. Avec un peu de chance, nous arriverons à faire suffisamment de profit pour pouvoir acheter des armes de meilleurs factures avant notre départ sur la mer du soleil.

- Cela n'a rien à voir avec la chance. Il me semble que tu es une négociante impitoyable et pleine de ressource. Je ne soupçonnais pas ce trait de caractère chez toi, dit-il avec un sourire taquin.

- Moi non plus... Mais je t'avoue que je m'amuse comme une petite folle !

- J'espère qu'il te reste suffisamment d'énergie pour ce que j'ai prévu ce soir, dit-il avec un air cachotier.

- Bien sûre qu'il me reste de l'énergie ! Allez, dis-moi ce que tu me concoctes comme surprise !

- Tu vas devoir attendre encore un peu avant de le découvrir, petite impatiente ! dit-il en riant. D'abord allons réserver nos chambres à l'auberge et enfiler une autre tenue. Une tenue qui ne me force pas à rester un pas en arrière.

Il n'en avait pas l'air avec son côté sérieux et protocolaire, mais je savais que devoir jouer les mercenaires n'était pas à son goût. Devoir me suivre en restant en retrait, ne pas pouvoir prendre la parole et s'incliner sans cesse devant tout le monde devait lui taper sur les nerfs.

- Désolée que tu sois obligé de jouer les larbins pour moi...

- C'est normal je suis ton protecteur. C'est dans l'ordre des choses.

- Oui tu es mon protecteur, pas mon larbin. Tu es mon égal, mon partenaire. Je n'aime pas devoir te rabaisser de la sorte.

- Cela ne me dérange pas vraiment. Après tout, cela me permet de profiter d'une jolie vue, dit-il en me faisant un clin d'œil.

- Hein ? Je ne suis pas sûre de comprendre...

- Ce n'est pas tous les jours que je suis payé pour veiller sur une si jolie silhouette, dit-il avec un regard suggestif sur mes fesses.

- Espèce de pervers ! m'exclamais-je en le repoussant.

Impossible de garder mon sérieux devant son hilarité, je finis par éclater de rire également. Après quelques minutes, nous quittâmes la petite ruelle où nous nous étions arrêtés pour discuter. Une fois dans les rues principales nous reprîmes nos rôles de maître et serviteur.

*****

Erik

Arrivé dans ma chambre, je défis mon bagage pour sortir une tenue plus simple et moins caractéristique que ma tenue de mercenaire. Pour le temps d'une soirée j'allais redevenir moi-même. Un simple jeune homme flânant dans les rues animées d'une cité pleine de charme, accompagnée d'une jeune fille tout aussi charmante.

Une fois rafraîchi et changé, je descendis dans la salle commune pour attendre Ellie. Elle avait insisté pour que nous prenions une seule chambre comme autrefois mais je n'avais pas cédé. Nous n'étions plus des enfants et plus du tout frères et sœurs. Les nuits à partager la même tente ou le même couchage étaient loin derrière nous.

J'étais surement vieux jeu mais pour moi il y avait certaines règles de bienséance à suivre. Et préserver l'honneur et la chasteté d'une femme en faisait partie.

Pour notre première soirée j'avais prévue de sortir le grand jeu. Dîner à la belle étoile dans un des nombreux espaces verts de la ville sous la lueur des flammes et des étoiles. J'avais appris dans la journée que ce soir serait une soirée spéciale pour les habitants de la ville. C'était la fête des lumières.

Chaque année à la fin de l'été, les habitants se réunissaient pour manger, écouter de la musique et allumer des lanternes en faisant des vœux.

A la fin de la soirée, les lanternes étaient lâchées dans le ciel qui se retrouvait illuminé de milliers de nouvelles étoiles multicolores. Chacune porteuse d'une promesse, d'un espoir.

Cette fête marquait pour eux la fin de l'été et le début des récoltes automnales. J'étais sûre qu'Ellie allait adorer et j'avais hâte de voir ses yeux s'illuminer de bonheur devant ce spectacle.

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