5 - Sentiments oubliés

Dabi était néanmoins frustrée de devoir partager ses journées avec ce pigeon. Elle qui voulait s'en débarrasser au plus vite, voilà qu'elle se retrouve à devoir lui adresser la parole. Shigaraki lui a ordonné de surveiller Hawks de près.

Elle voulait encore plus le tuer... Mais peut être qu'il y a un espoir de changer son esprit. Lui faire oublier ces foutus héros, lui faire ouvrir les yeux sur la réalité qu'ils essayaient de dissimuler, qu'il se servaient de lui depuis le début !

Peut être arriverait-elle enfin à faire sortir le petit oiseau de sa cage ?

Mais d'un autre côté, elle lui en voulait. Elle avait pourtant tendu la perche, et il avait promis de toujours rester à ses côtés. Qu'ils s'enfuiraient ensemble... Mais ce jour n'est jamais venu. Tout s'est brisé en un jour qui était pourtant si radieux, depuis le moment où Takami Keigo a commencé à idolâtrer son pire ennemi.

Touya s'est sentie trahie...

Elle n'avait jamais connu pareille déchirure au niveau du coeur. Un goût amer de trahison coincé au fond de la gorge. La colère qui ne s'atténuera peut être jamais.

Pourquoi a-t-il fallu qu'ils soient si proches, et si loin en même temps ? Pourquoi lui, un héros...?

Dabi fumait contre un des quatre murs de son appartement, mélancolique, méditant sur ces questions. Elle s'en voulait aussi de ne pas avoir insisté à l'époque. Aujourd'hui, elle allait lui faire comprendre.

Même si pour ce faire, elle devait le briser...

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AUTREFOIS...

- Hé Keigo.

- Nani ?

- Tu n'y as jamais pensé ? demande Touya, adossée à la fenêtre de la chambre.

- À quoi ? questionne Keigo, les yeux plongés dans son manuel.

La blanche lui sourit, un bandage cachant son oeil gauche.

- Partir d'ici.

- Hein ?? Pas du tout ! Pourquoi partir ??

- Et pourquoi pas ? rit-elle. Ok le Program est très grand, mais ça ressemble un peu à une cage à oiseau. C'est vrai, tu peux manger qu'à une certaine heure précise, tu peux aller nulle part sans permission, toujours respecter l'emploi du temps, toujours te faire appeler par ton pseudo, toujours obéir aux formateurs et bla bla bla...

Puis Touya soupire en levant les yeux au ciel.

- C'est vraiment une prison ici...

- Pff t'exagères, pouffe Keigo, blasé. Tu détestes juste respecter les règles.

- Non, nie-t-elle sérieusement en regardant le paysage à travers le carreau de la fenêtre.

- Ah ?

- Je déteste simplement obéir à des gens qui m'imposent leurs choix sans se soucier de mon avis. Je veux dire... Tu ne trouves pas ça suffoquant d'avoir un avenir décidé pour toi ? Tu ne veux pas être libre ?

Keigo baisse la tête en regardant ses mains croisées sur la table basse.

- Et où veux tu que j'aille ? Je n'ai nulle part où aller... rappelle-t-il en souriant tristement. Ce n'est pas comme si j'avais de la famille qui m'attendait quelque part, dehors...

- Il ne s'agit pas de "famille", reprend Touya. Mais d'un "chez soi". Le program n'est pas une maison pour toi, pas vrai ?

Elle replie ses jambes contre elle en soupirant, le regard vague.

- Je n'ai jamais eu d'endroit où je me suis sentie "chez moi" non plus...

- ... Eh bien... Même si je le pouvais je ne partirai pas.

- Pourquoi ?

Parfois, la maison n'est pas un endroit. Mais une personne...

- Je vais quand même pas te laisser seule ici ! frime Keigo. T'imagines une seconde l'ennui sans moi, ton copain de cellule ?

Touya éclate de rire et son ami ne tarde pas à la rejoindre.

- Alors... rougit-elle en souriant. Tu peux toujours m'emmener avec toi.

Tu étais cette personne, Touya...

Hawks fixait avec mélancolie la vieille photo que les deux amis avaient prise un jour, bien avant que leur amitié ne prenne fin brutalement et sans raison. Le héros ferme les yeux, tristement, ravalant sa peine, puis range la photo soigneusement dans une boite.

- Comment tout a pu basculer... soupire-t-il.

Cette amitié s'est brusquement éteinte au moment où les deux enfants commençaient à développer des sentiments forts l'un pour l'autre. Et du jour au lendemain, plus rien... Hawks mourait d'envie de pouvoir remonter dans le passé et tenter de comprendre ce qui a pu les déchirer à ce point.

Mais il ne trouvera probablement jamais la réponse... Touya est morte il y a dix ans.

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Un soir, Hawks finit plus tardivement son travail de héros. Il volait au dessus de la ville, attendant une dernière occasion de jouer au héros avant de rentrer chez lui, mais il eut la surprise d'apercevoir une masse sombre cachée sur un toit. Il se pose donc discrètement derrière cette personne, puis sourit en reconnaissant Dabi, recroquevillée sur elle même au bord du toit.

- Hola señorita ! salut-il joyeusement. Alors ta journée ça allait ? T'as fais la vilaine ?

- Va t'en...

- Roh allez quoi, râle-t-il en s'approchant un peu. Moi qui d'habitude en chie pour te trouver, j'ai bien envie de discu--

- Je t'ai dis de partir ! coupe Dabi agressivement.

Hawks se fige en croisant enfin le regard de la flamme bleue. Un regard colérique et imbibé de larmes, les sutures saignantes. Le coeur du héros sursaute à cette triste vue. Puis Dabi lui tourne le dos en enfonçant sa tête entre ses bras croisés sur ses genoux. Hawks ne savait plus comment réagir, c'était bien la première fois qu'il la voyait pleurer. Lui qui pensait qu'elle ne ressentait aucune émotion, il s'était trompé.

Il découvrait ce soir une autre facette de Dabi. La tristesse...

- C'est une belle nuit pas vrai ? change-t-il de sujet en s'asseyant à ses côtés. C'est quand même étrange de te voir comme ça.

- Continues de brailler et je te crame sur place... agresse-t-elle au creux de ses bras.

- Si tu le voulais tu l'aurais déjà fais, sourit Hawks en sortant un mouchoir de la poche intérieure de sa veste. Tiens.

- Je pleure pas...

- Tu saignes idiote.

- Pas besoin...

Le héros arque un sourcil, puis hausse les épaules en regardant les étoiles.

- À ce que je vois, même les Vilains connaissent des jours difficiles.

- La ferme... T'as rien de mieux à faire ? Des trucs de héros ? Des gens à sauver...

Bizarrement, de voir Dabi dans un tel état attristait l'aigle. Ses magnifiques yeux topaze étaient encore plus noyés de larmes, parfois rougeâtres à cause du sang. Après un moment d'hésitation, Hawks tente enfin d'entourer son bras autour de ses épaules et l'attirer un peu plus contre lui, l'enveloppant dans son aile. Etonnamment, Dabi se laissait faire bien qu'un peu surprise de son geste. Mais elle n'avais pas la force, ni l'envie, de lui faire le moindre mal. Elle avait simplement besoin d'un moment...

Un bref instant de tendresse...

La tendresse oubliée dans le passé...

Et leurs coeurs battaient si fort tout à coup. Comment est-ce possible, après tant d'années, de toujours avoir ce sentiments ? Dabi l'avait pourtant piétiné il y a longtemps.

Un peu plus tard et avec un peu d'insistance, Hawks ramène Dabi à son appartement à vol d'oiseau, puis la dépose délicatement sur le rebord de sa fenêtre.

- Terminus, plaisante-t-il. Bonne nuit.

Intérieurement, il se réjouissait d'établir une certaine entente avec elle. Plus il gagnait sa confiance, plus il se rapprochait de ses objectifs.

Sans se douter une seule seconde de l'initiative que va prendre Dabi...

Il s'apprêtait à s'envoler quand elle le tire d'un coup sec par la manche pour le plaquer sur son plancher, puis le cloue au sol en se positionnant à califourchon sur lui, le regardant de ses yeux lunaires et aussi lumineux que l'astre dans le ciel.

À suivre...

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