CHAPITRE 7
01.05.28,
Appartement 12, Etage 4 | BOSTON – 03:26 AM
Je sursaute dans le lit lorsqu'un éclair à l'extérieur illumine le ciel et, par la même occasion, la chambre. Je n'ai pas fermé les volets pour la simple et bonne raison que je n'ai aucune envie de me retrouver dans le noir alors que, là, je suis incapable de trouver le sommeil.
Depuis que j'ai rejoint la chambre, seul, je ne me suis pas assoupi ne serait-ce que quelques minutes. Je fixe le plafond depuis près d'une heure déjà, à me demander comment je vais bien pouvoir sortir de toute cette merde : je suis épuisé.
Je n'ai pas retiré mon pull, épuisé, et je suis navré de constater qu'il sent l'alcool. Je n'ai tenu Diego que quelques secondes contre moi, le temps de le porter à la voiture et le temps d'un baiser, et j'empeste le whisky. J'ai mal au cœur.
Je suis fatigué de vivre cette vie, comme ça. Je suis lassé d'attendre après lui, d'attendre un signe ou une parole. Je sais que quelque chose ne va pas chez lui, je l'ai compris depuis un moment. Et je deviens dingue à attendre qu'il me parle sans que jamais il ne le fasse.
Quand je ferme les yeux, pour retenir mes larmes, mon cœur se serre dans ma poitrine : je pense au Fenway Park. Sa réaction lorsque nous y sommes passés devant, à vive allure sur la voie rapide, m'a réchauffé le cœur. Tout comme lui, je me suis souvenu du match des Red Sox auquel nous avions assisté dix ans plus tôt. C'est l'un de mes meilleurs souvenirs avec lui car il s'agit là de notre première sortie à tous les deux en tant que couple. Je ne l'oublierai jamais. Je n'oublierai jamais cette façon qu'il a eue de m'appeler « bébé » pour la première fois, tout simplement, alors qu'il me tendait une bière.
Quand un coup de tonnerre gronde dehors, au loin, je quitte le lit afin de me planter devant la fenêtre. La pluie est légère et très fine, et le ciel semble lourd à cause des nuages. Les éclairs ne cessent de m'aveugler alors que le tonnerre ne cesse de gronder. Je baisse les yeux sur le parking : je le vois. Je le distingue à peine dans l'obscurité, mais je vois son visage contre la vitre de la voiture. Je ne saurais dire s'il dort ou s'il réfléchit, comme moi, mais mon cœur me fait mal : j'ai de la peine.
J'ai de la peine pour lui. Je ne sais pas ce qu'il se passe dans sa tête, je ne sais pas ce qui s'est passé de si grave au point qu'il se comporte ainsi, mais j'ai de la peine. Je ne supporte pas de le voir si faible et si esclave de ce qu'il ressent, lui qui était si fort et courageux à l'époque.
Quand je l'ai récupéré sur le parking de chez Joe's, quand je l'ai réveillé alors qu'il était tombé de fatigue sur le guidon de sa moto, j'ai eu l'impression de retomber dix ans en arrière. Face à moi je n'avais plus le Diego Flores adulte, très musclé et tatoué de la tête aux pieds. Au contraire, j'avais le Diego Flores adolescent, brisé et faible comme ce jour où il m'a annoncé avoir abattu Milo Klayne. J'ai vu la même douleur dans ses yeux, la même lueur de fatigue et de désespoir.
Je serre les dents, lassé, et capitule finalement. Je décide de mettre ma fierté de côté, bien qu'il m'ait encore une fois blessé ce soir en se comportant comme il l'a fait, et je fourre mes pieds dans ma paire de pantoufles énormes formées comme une paire de Converses. J'attrape mon gilet ensuite, posé sur le dos d'une chaise de la cuisine, et descends jusqu'au parking.
J'inspire profondément l'odeur de l'humidité quand j'arrive dehors. L'immeuble est entouré d'espaces verts et de jardinières, et j'adore cette odeur d'herbe et de goudron mouillés. Les bras croisés sur mon torse, je trottine jusqu'à la voiture. Je m'arrête net, mal à l'aise, quand ses yeux trouvent les miens à travers la vitre recouverte de gouttes de pluie.
Mon cœur bat la chamade quand j'ouvre la portière alors qu'il bouge un peu sur son siège. Quand je me retrouve enfin face à lui, je m'accroupis. J'ai l'impression d'être face à un enfant : il est là, affaissé dans le siège, sa tête posée sur l'appuie tête. Il me regarde sans vraiment me voir, un petit sourire triste sur les lèvres, l'air brisé.
Quand une larme silencieuse roule sur sa joue, yeux dans les yeux avec moi, je réalise. Je comprends que ce n'est pas qu'une impression : il n'a pas l'air brisé. Il est brisé, tout simplement. J'ai honte de moi quand je réalise que je ne l'ai pas compris plus tôt. Ma gorge se serre sous les sanglots et mes yeux aussi deviennent larmoyants. Timidement, je viens cueillir la larme sur sa joue avec mon pouce.
- Viens... reste pas là.
Je lui souris tendrement, pour lui montrer que moi aussi je suis désolé d'avoir réagi comme un idiot. Je viens prendre sa main dans la mienne, prudemment car je sais que parfois il refuse le contact. Il n'entrelace pas nos doigts cette fois-ci, mais il serre les miens malgré tout au creux de sa paume.
- Viens.
Il se lève finalement et claque doucement la portière de la voiture derrière lui. Il verrouille les portes avant que nous ne commencions à marcher. Ses doigts se glissent finalement dans les miens, tendrement, et j'apprécie la chaleur de sa paume contre la mienne. Je sens son poids contre moi, parce qu'il tient à peine debout à cause de l'alcool, mais ça ne me dérange pas cette fois-ci. Je m'adapte à son rythme, je ralentis mes pas, et je finis par m'arrêter quand il refuse d'avancer.
- Qu'est-ce-qu'il y a ?
C'est comme dans un film. Quand je lève la tête pour le regarder, les gouttes de pluie s'écrasent sur mon visage : je les sens sur mon nez, mes paupières, mon front et mes joues. Je les sens glisser sur mes lèvres, mais rien n'est plus doux que la main qu'il glisse tendrement sur ma joue. Il m'attire à lui en tirant ma main, et j'ai le cœur qui explose. Yeux dans les yeux avec lui, je sais être à ma place.
- Tu es... tu es une merveille, Evan.
Mes lèvres s'entrouvrent à peine sous le choc et, soudain, une vague d'émotion m'affaiblit. Mes jambes s'engourdissent, mon ventre se tord et mon cœur se réchauffe. Mes yeux se voilent, désormais larmoyants, et j'ai le sentiment d'être au bord de l'implosion. Sa paume chaude sur ma joue est le seul élément qui parvient à me maintenir dans la réalité.
Je m'apprête à parler, mais je me ravise quand je le vois pencher doucement son visage vers le mien. Je ferme les yeux quand son nez effleure ma joue, et je m'abandonne quand ses lèvres se posent sur les miennes avec légèreté et tendresse. On s'embrasse.
J'ignore tout : j'ignore la température fraîche de cette heure de la nuit, la pluie, son odeur d'alcool et son haleine désagréable. J'ignore tout parce que c'est la première fois depuis longtemps qu'il m'embrasse comme ça, d'une façon aussi spontanée et tendre. C'est la première fois depuis des mois que je me sens aimé, et c'est merveilleux.
Ses cheveux deviennent vite trempés à cause de la pluie, et je libère mes mains de son étreinte afin de les poser sur sa nuque. Cette dernière est tendue et chaude, et c'est un délice. Dans le silence de la nuit, j'entends nos lèvres claquer subtilement à chaque petit baiser que nous échangeons. Je suis au paradis, là, dans ses bras.
- Evan...
Je me recule tout doucement lorsqu'il murmure mon prénom contre ma bouche. Quand j'ouvre les yeux, je constate que les siens sont fermés mais que des larmes perlent au coin de ses paupières closes. Je viens glisser ma main sur sa joue, et caresse son nez du bout du pouce.
- Quoi ?
Je parle tout bas, pour lui, et uniquement pour lui. Quand il baisse honteusement la tête, je serre les dents : j'ai compris. Il va encore me dire qu'il est désolé. Et je n'en peux plus de l'entendre me dire qu'il est désolé. Je n'en peux plus d'attendre après la vérité.
- Je... hem... je...
Je me recule pour me libérer de ses bras. Je suis fatigué. Sans un mot de plus, sans prendre la peine d'attendre qu'il parle, je fais un pas en arrière pour retourner à l'intérieur. Je ne le quitte pas des yeux pour autant, afin de m'assurer qu'il ne va pas s'écrouler au beau milieu du parking.
-... j'ai pensé à toi. En prison. Tous les jours, je... tout le temps je pensais à toi.
Je le regarde, sous le choc à nouveau. Jamais il ne m'avait dit ça auparavant. Jamais il ne m'a parlé de ce qu'il ressentait en prison, de ce qu'il y faisait. Jamais. C'est la première fois qu'il ouvre son cœur à moi comme ça, et ça me surprend tellement que je ne sais pas réellement quoi lui dire. Je le vois se craquer les doigts contre les cuisses, le dos voûté, comme un enfant mal à l'aise après avoir fait une bêtise. Ses yeux sont rivés sur le sol, comme s'il avait honte, et j'ai le cœur brisé une nouvelle fois quand je vois son corps tressauter à cause de ses sanglots.
Je me précipite vers lui, et l'enlace avec force. J'ignore le fait que, en temps normal, il m'aurait repoussé : il est bourré. Il est saoul et je sais, j'ai remarqué, que c'est l'un des seuls moments où je peux me permettre de le toucher.
- Moi aussi j'ai pensé à toi, Diego. Tout le temps.
Je murmure au creux de son oreille tandis que mes bras enlacent son dos. Je le sens tressauter, pleurer dans mes bras, et je me fais violence pour rester fort.
- Pourquoi... pourquoi tu m'as attendu... ? Pourquoi tu... pourquoi moi ?
Je ferme les yeux. J'ai envie de prendre son visage entre mes mains afin de l'obliger à me regarder, mais je sais qu'il n'en a pas la force. Ses mots me font mal, mais je sais que je dois y répondre. Je dois être sincère. Je dois être honnête même si lui ne l'est pas toujours. Alors je le serre encore plus fort dans mes bras, ma main sur sa nuque, et je murmure au creux de son oreille avec autorité :
- Parce que je n'ai pas cessé de t'aimer une seule seconde.
C'est vrai. Je me souviens des coups de blues, des moments de doute. J'ai parfois douté de moi, à me demander si j'allais réussir à survivre au manque et si j'allais réussir à l'attendre, mais je n'ai jamais douté de mes sentiments. Tout a toujours été très clair, même lorsque je me sentais au fond du trou, perdu, parce qu'il me manquait et que certains garçons m'attiraient. Diego a toujours été là, dans mon cœur. Il y a eu sa place dès l'instant où j'ai croisé son regard et il y aura toujours sa place.
- Tu es mon premier amour, Diego. Et c'est avec toi que je veux faire ma vie.
- Merci.
Il me serre en retour, très fort, pendant plusieurs minutes. Je m'abandonne à la sensation de son corps contre le mien. J'encaisse en silence les ondes positives comme les ondes négatives que nous nous transmettons. J'encaisse l'amour, le désir, la douleur et le poids des secrets inavoués. Je le laisse me serrer très fort, presque à m'étouffer. Quand il me lâche, je me sens vide.
Et, comme si rien n'était arrivé, il reprend ma main dans la sienne et nous montons à l'appartement.
Dans le lit, même s'il ne m'attire pas contre lui comme je l'aurais espéré, je m'endors malgré tout le cœur un peu plus léger.
X X X
Massachusetts General Hospital | BOSTON – 10:59 AM.
- Bonjour monsieur Sh... oh, bonjour.
Je suis surpris de voir un jeune homme à ses côtés. Ce dernier lui ressemble assez, tatoué par endroits et les cheveux en pétard sur la tête. Je le détaille rapidement et constate qu'il porte un jean skinny noir, un t-shirt, un perfecto en cuir par-dessus ainsi qu'une paire de Converses.
- Vous êtes ? , je demande en regardant le dossier de mon patient.
- J'suis Stan.
- Il m'a apporté des fringues, vous m'avez dit que j'pourrais sortir ce matin.
- C'est exact.
Je les regarde tous les deux, assez proches, et d'une façon étrange je me sens mal à l'aise. Ils rient comme deux idiots, les yeux rivés sur le téléviseur, tandis que je feuillette les pages de son dossier.
- Stan... pouvez-vous sortir un petit moment ? Je dois vérifier son pansement.
- C'est vraiment nécessaire ? , demande le dit Stan. Vous savez je l'ai déjà vu à p...
- Oh ta gueule. Allez casse-toi !
Je serre les dents. Ils se chamaillent amicalement, comme deux enfants, et pour une raison que j'ignore je me sens agacé. « Je l'ai déjà vu à poil ». S'agit-il de son petit-ami ? Quelque chose m'échappe.
- Alors, docteur, ça va ce matin ?
Je roule discrètement des yeux lorsque j'entends sa voix, pleine de charme. C'est ce genre de gars manipulateur, amusant et séduisant. Il le fait exprès, il en joue, et bien que cela m'ennuie je me retrouve à sourire comme un imbécile.
- Très bien, et vous ?
- Mieux, maintenant que vous êtes là.
Tandis que je pose son dossier brusquement sur la tablette au pied du lit, je sens son regard sur moi. Quand je viens le regarder, sévère, je suis encore une fois surpris par la couleur bleu intense de ses yeux.
- Pas de ça avec moi, Jayden.
- Pourquoi ? Vous êtes mal à l'aise, docteur Wright ?
Je me sens ridicule. Je devrais lui répondre, mettre les points sur les « i » car il s'agit de mon patient mais, à la place... je baille. Je baille à m'en décrocher la mâchoire, sous ses yeux, parce que je suis tellement naze que je n'ai pas réussi à me contrôler. Je passe rapidement ma main devant ma bouche et me retourne afin de me cacher, au moins un minimum : posture professionnelle 0 ce matin.
- Oulala, vous êtes sûr que ça va ?
- Oui. Pardon, excusez-moi.
Mes yeux me brûlent, larmoyants à cause de la fatigue. J'ai très peu dormi cette nuit, bien que je me sois endormi comme une masse dès l'instant où Diego a rejoint le lit. Mais je n'ai pas eu mes heures de sommeil nécessaires, et ce depuis plusieurs jours. La fatigue commence à se faire ressentir et je suis conscient des cernes qui se forment sous mes yeux.
- Bon, alors, voyons-voir ça.
Je lève son pansement et, après une rapide vérification, je constate que tout est bon. J'attire le chariot à moi et m'installe sur un tabouret près du lit. Je retire son ancien pansement et nettoie la plaie, bien qu'elle soit propre, afin d'en mettre un autre.
- C'est bon... ? , demande-t-il.
- Oui, impeccable. Vous pourrez sortir dès que le médecin aura signé votre autorisation de sortie.
- Et... ça prendra combien de temps ?
- Vous serez dehors pour le déjeuner, ne vous en faites pas.
Je lui souris. Il a l'air soulagé, mais à la fois aussi déçu. Je ricane devant sa petite moue triste, et demande :
- Vous avez l'air vachement ravi dites-donc.
- Je commençais à m'habituer à vous voir débarquer dans ma chambre. Vous allez me manquer.
Je le fusille du regard et, une fois mes soins habituels administrés, je range le tabouret dans un coin de la pièce et pousse le chariot vers le couloir.
- Je repasse dans un moment. Vous pouvez vous habiller. Tâchez de ne pas vous enfuir avant d'avoir signé la paperasse.
Sans un mot de plus, je quitte sa chambre.
X X X
Dans le couloir c'est l'effervescence. Il ne se passe pas grand-chose de particulier ou d'inhabituel, mais il y a des jours comme ça ou c'est un peu plus le rush que les jours précédents.
Je trouve Manfredi accoudé au comptoir des urgences, un dossier sous les yeux. On pourrait croire qu'il travaille, mais en réalité il fait du charme à la secrétaire. Je n'ai aucun remord à le couper en pleine séance de drague.
- Vous pouvez signer ça, s'il-vous-plaît ?
- Wright, bien le bonjour. De quoi s'agit-il ?
- L'autorisation de sortie de Mr Shaw.
- Comment va-t-il ? , demande-t-il.
- Parfaitement bien. Tout est normal et il supporte bien la douleur.
Je le vois prendre son bloc d'ordonnances, posé quelque part par-là, et y gribouiller quelques mots. Il regarde ensuite son agenda, et note une date de rendez-vous sur une petite carte en papier mat. Pour finir, il termine par signer l'autorisation de sortie.
- Tenez, Wright.
- Merci.
- Dites, vous avez dormi cette nuit ?
J'ouvre la bouche pour parler, mal à l'aise. Il me détaille de haut en bas et c'est extrêmement gênant à vivre. Je déglutis.
- Heu... oui, pourquoi ?
- Vous avez une mine affreuse. Vous devriez prendre un jour de repos.
- Heu...
- Passez me voir dans mon bureau pendant la pause déjeuner.
- D'accord.
Je reste sur le cul quelques secondes, le temps de comprendre le sens de ses mots et ce qu'ils impliquent. Je n'ai pas le temps de dire quoi que ce soit de plus qu'il s'enfuit afin de s'occuper d'un patient en état d'urgence absolue qui vient d'arriver à la Mine. Muni d'une ordonnance de médicaments, de l'autorisation de sortie et de la carte de visite de Manfredi, je m'engouffre dans l'ascenseur.
Un jour de repos ? J'en rêve.
X X X
Il est midi moins dix et j'arrive enfin devant la porte de Jayden Shaw. J'ai passé une demi-heure à courir comme un idiot dans les couloirs de l'hôpital à la recherche d'une patiente atteinte d'Alzheimer qui s'était barrée de sa chambre en toute discrétion. Cela aurait pu être grave, mais je l'ai finalement retrouvée à la cafétéria en train de parler tricot avec Janet : tu parles d'un boulot.
Après lui avoir administré une légère dose de calmant, afin qu'elle puisse se reposer un petit-peu, j'ai enfin pu souffler et finir ce que j'avais commencé. Me voilà donc, à frapper deux coups à la porte de sa chambre avant d'entrer.
- Ah, je commençais à croire que vous m'aviez oublié !
Je n'arrive pas à parler. Je me sens bête planté là comme un idiot, alors que je sens mes joues se réchauffer et mon estomac se nouer. Il me regarde avec ses grands yeux bleus et, pour la première fois, je le vois normalement habillé. En fait, c'est la première fois aussi que je le vois debout, dans toute son entièreté. C'est plutôt plaisant, je dois l'avouer.
Il est musclé, mais très fin. Ses jambes semblent interminables, moulées dans un jean skinny noir délavé, et son torse doré est attirant dans cette chemise de soie aux couleurs vintage. Il n'en a boutonné que les trois derniers boutons, ce qui me laisse voir la tête d'un serpent tatoué sur son sternum. Ses pieds sont fourrés dans une paire de boots en cuir noir aux bouts légèrement pointus. Il est doté de cette classe nonchalante et rebelle que j'apprécie beaucoup.
- Hem... non. Désolé, j'ai perdu une patiente.
- Quoi ? , ricane-t-il.
- Oui, enfin... non. Bref. Tenez, vos papiers.
C'est la première fois que je me sens aussi déstabilisé par un patient. J'ai eu affaire à de très beaux garçons depuis que j'ai commencé, mais je ne les ais jamais réellement regardés. À première vue ils étaient beaux, mais il s'agissait de mes patients et cela s'arrêtait là. Avec Jayden c'est légèrement différent et je sais que c'est à cause de la conversation que j'ai eue avec Abby.
- C'est quoi ? , demande-t-il nonchalamment en feuilletant les papiers.
- Sur la carte, c'est la date de votre rendez-vous de contrôle. Passez un coup de fil au numéro si vous voulez en changer. Là, c'est l'ordonnance pour vos médicaments : vous devez vraiment les prendre, c'est important. Et, ça, c'est votre autorisation de sortie. Donnez-là à l'accueil en bas avant de partir.
- Oh, d'accord.
Je range un peu autour de moi, tandis qu'il est planté là devant le téléviseur. Même si ce n'est pas à moi de le faire, je débarrasse son lit de ses draps et les rassemble en un petit tas de tissus au pied du lit.
- Vous accepteriez de boire un verre avec moi, un soir ?
Je cesse mes gestes quand j'entends sa voix, sensuelle et charmeuse. Mon ventre se tord un peu : j'aime bien me faire draguer. En fait, je dois être honnête, c'est toujours agréable de se sentir désiré. Peu importe la façon.
- Hem... c'est très gentil, mais non.
- Pourquoi pas ?
Oui, c'est vrai ça, pourquoi pas ? J'en ai envie au fond de moi, tenté par les paroles d'Abby qui me pousse à aller voir ailleurs. Mais, en même temps, je pense à Diego et à ce qui s'est passé cette nuit. Il ne m'avait pas parlé autant et ne s'était pas ouvert à moi de cette façon depuis des années. J'ai l'impression que la situation se débloque, peu à peu, et que tout va s'arranger. J'ai besoin que ça s'arrange, que tout redevienne comme avant.
- J'ai un petit ami, Jayden.
- Oh...
Je le regarde, un petit sourire désolé sur mon visage. Je hausse les épaules, légèrement mal à l'aise. Je le vois faire la moue, déçu. Je crois avoir gagné, mais c'était mal le connaître. Un magnifique sourire étire ses lèvres fines et rosées, avant qu'il ne fasse un pas vers moi.
- ... ça c'est pas grave, c'est qu'un détail.
- Je ne crois pas, non.
J'ai honte, mais j'aime cette façon qu'il a de me regarder. Je me sens comme l'adolescent que j'étais il y a dix ans, sous les yeux en flammes de Diego. Je me sens fougueux et sauvage, porté par la tension qu'il me transmet. C'est déstabilisant, car c'est mon patient et que je ne sais rien de lui.
- Vous devriez rentrer chez vous, et vous reposer.
Je suis ridicule. J'essaie de changer de sujet tant bien que mal. C'est flagrant : je ne sais plus où me mettre. Comment lui dire non fermement mais poliment ? J'ai peur d'être trop abrupt. Je suis soulagé quand je le vois s'approcher de la porte. Il ouvre cette dernière et fait un grand geste théâtral avec son bras :
- Docteur Wright, après vous.
Je pouffe de rire intérieurement, un petit sourire étirant le coin de mes lèvres, et je capitule. Les draps sous mon bras, je m'avance vers la porte afin de sortir. Sauf que, juste au moment d'en franchir le seuil, il en bloque l'entrée avec son bras. Le couloir est silencieux et je comprends qu'il n'y a personne, ni pour nous voir ni pour nous entendre. Quand je sens son corps près du mien, et sa bouche près de mon oreille, ma peau se recouvre de chair de poule.
- Je vous veux dans mon lit, docteur Wright. Et je vous aurai.
Il glisse une main baladeuse derrière ma cuisse avant de s'en aller.
Je ne m'autorise à respirer qu'après avoir vu les portes de l'ascenseur se refermer sur lui.
. . . #gbsBigBangFIC
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