CHAPITRE 5
30.04.28,
Massachusetts General Hospital | BOSTON – 1:48 PM.
- Allez vous faire foutre !
J'ignore les insultes. Je ne suis pas vraiment d'humeur à y accorder une quelconque importance. Je suis épuisé, après la nuit presque blanche que j'ai passée, et si je suis là à cet instant précis c'est uniquement dans le but de faire mon travail.
- Et ça, c'est quoi ?! , hurle-t-il en touchant les perfusions.
- Plus vous gesticulerez, moins vite vous sortirez. À vous de voir monsieur Shaw.
Mon patient soupire, grogne même de mécontentement, mais capitule malgré tout. Il laisse sa tête reposer sur l'oreiller, les yeux rivés sur le téléviseur en face du lit, tandis que je m'occupe de changer sa perfusion. Je pose la poche vide sur un chariot, avant de venir prendre la télécommande de son lit médicalisé au creux de ma main.
- Dans combien de temps je pourrai sortir... ?
Il semble s'être radoucit, certainement surpris par mon ignorance. Je lève un regard accusateur sur lui, un rictus malgré tout au coin des lèvres, tandis que j'allonge à l'horizontale le dossier de son lit.
- Demain matin, nous allons vous garder cette nuit juste au cas où, dis-je. Ne vous inquiétez pas, ça va passer vite.
Je lui souris de toutes mes dents, totalement en train de le narguer. J'assume. C'est ma façon de réagir avec les patients un peu trop désagréables : ne pas m'énerver, sourire, et les chambrer.
- Pardon ?! Demain ? Bordel, vous savez que j'ai un concert ce soir ?! C'est mort, j'me barre aujourd'hui !
- Vous n'irez nulle part ! Vous auriez pu mourir, monsieur Shaw. Alors vous restez tranquille et vous vous taisez !
Dans un geste un peu trop brusque, agacé par ses râles incessants, je relève sa blouse d'opération au niveau du ventre. En deux secondes, je lève le pansement que nous lui avons appliqué à la fin de l'opération afin de vérifier : tout est bon. Les points sont propres et, malgré la peau rougie et gonflée, c'est parfaitement normal.
- Mais, putain, je vais bien ! J'ai même pas mal, en plus ! J'ai autre chose à foutre que...
- Monsieur Shaw.
Je pose mes mains sur mes hanches, en signe de lassitude. Je ne prête pas vraiment attention à ses énormes yeux bleus braqués sur moi, colère, ni même aux nerfs tendus de ses joues et sa mâchoire serrée. J'ai l'impression d'être face à un enfant en plein caprice, et je suis clairement en train de perdre patience. Surpris par ma posture et ma voix, il se tait finalement à nouveau.
- Je vous conseille de vous détendre. Je n'ai pas choisi d'être médecin pour me faire insulter par des patients ingérables, notez-le. C'est dans votre intérêt de rester calme jusqu'à demain.
Je colle sur son torse un nouveau pansement tout propre, tout juste sorti de son sachet stérile. Je l'entends marmonner :
- C'est froid.
- Comment ? , je demande.
- Vous avez les mains froides, docteur Wright.
Je lève un sourcil tout en le regardant, surpris. Je ne saurais dire si je me sens mal à l'aise ou même totalement déstabilisé. Ses grands yeux bleu clair m'impressionnent un peu je dois dire, là braqués sur mon visage. Son visage n'est pas très expressif, à l'exception de la petite moue agacée que je vois sur ses lèvres. Sous la fine couche de tissus de sa blouse d'hospitalisation, je distingue la noirceur de ses quelques tatouages.
- Vous allez devoir vous y habituer. Jusqu'à demain du moins. Espérons que rien d'inattendu ne se produise et vous retienne ici encore quelques jours.
- Que... HEIN QUOI ?!
Je ricane pour moi-même, discrètement, tout en quittant la chambre d'une démarche légère et fière. Jayden Shaw fait bien partie du cliché : jeune homme dynamique de 24 ans, un peu rebelle, qui ne supporte pas qu'on lui dicte quoi faire.
Même si ces patients sont parfois les plus pénibles, intrépides et impatients, ils sont aussi les plus drôles et les plus intéressants : on ne s'ennuie jamais avec eux.
X X X
Je jette un regard à l'horloge au-dessus du comptoir de la cafétéria : 3:48 PM. La salle est assez bien remplie, car de nombreuses personnes viennent prendre leur casse-croute de l'après-midi. Un petit brouhaha non pas désagréable me chatouille les oreilles et la chaleur de la salle m'apaise un peu, tout comme la tasse de café chaud que je tiens entre mes mains.
- Alors, avec Diego ? Je vous ai entendus cette nuit, quand tu es rentré.
Je jette un regard à Abby par-dessus le sandwich qu'elle tient entre ses mains au niveau de son visage. Je suis heureux qu'elle soit passée me voir ici, le temps de ma pause, afin de passer un peu de temps avec moi. Je regrette mes horaires parfois inadaptés lorsqu'elle vient à Boston me rendre visite, mais malheureusement je n'ai pas le choix.
- C'était rien. Il a pas apprécié que je rentre tard sans prévenir, c'est tout.
- T'es conscient qu'il a peur de te perdre, pas vrai ?
Je déglutis, mal à l'aise : je n'en suis pas sûr, en fait. Je n'arrive pas à me dire qu'il a peur de me perdre autant que ça. Son comportement lors des derniers mois, à l'exception de rares regards ou compliments, me laisse penser qu'il ne ressent plus rien pour moi. Malgré ce qui s'est passé hier soir, malgré le baiser et le désir que j'ai ressenti chez lui avant qu'il ne me repousse, je ne suis plus du tout sûr de rien.
- J'sais pas, Abby.
- Pourquoi tu dis ça... ?
Elle tend une main pour la poser sur le dos de la mienne, et son geste me fait du bien. Parfois je me dis que je ne devrai pas parler de mon couple avec ma sœur parce que, justement, il s'agit de ma sœur. Je suis moi-même mal à l'aise lorsqu'elle me parle de l'intimité qu'elle partage avec Eddy et j'imagine qu'elle aussi doit être mal à l'aise lorsque j'ouvre mon cœur au sujet de Diego. Mais elle est la seule personne qui puisse me comprendre réellement.
- Bah... t'as l'impression qu'il tient à moi, toi ? Je veux dire... au quotidien ? Parce que moi, j'ai pas du tout cette impression-là.
- Qu'est-ce que tu veux dire ?, elle fronce les sourcils.
- Il ne me montre plus rien. Il me regarde à peine et s'il en a envie. Il est froid et... j'ai l'impression qu'il est là parce qu'il n'a nulle part d'autre où aller et non pas parce qu'il a vraiment envie d'être avec moi.
- Je comprends, Evan. Mais il a flippé quand il a cru que tu étais parti et il a eu peur quand il a cru que tu rentrerais pas. Je ne le comprends pas plus que toi, hein, mais je sais qu'il tient à toi.
- J'sais pas.
Je bois une gorgée de café, afin d'occuper mes mains. Je n'ai pas envie de parler de tout ça plus longtemps. Les souvenirs de nous deux, à l'époque, me reviennent à la mémoire et ça me blesse : j'aimerais que tout puisse redevenir comme avant. J'aimerais être à nouveau sur la même longueur d'ondes avec lui, pouvoir le serrer dans mes bras sans avoir peur qu'il me repousse, venir lui voler un baiser sans me demander s'il serait d'accord ou pas. J'aimerais qu'on retrouve ce que l'on avait avant, lui et moi, mais d'une façon inexplicable je sais que ce n'est pas possible. On ne peut pas effacer ce qui s'est passé ces dix dernières années.
- Tu veux qu'on aille au cinéma ce soir ? Ou au bowling ?
- Oui, si tu veux.
Je souris à Abby, ravi qu'elle accepte ma proposition. En fait j'ai besoin de me changer les idées. Peu importe ce que nous ferons ce soir, je sais que j'en ai besoin. Je n'ai aucune envie de rentrer à l'appartement à 7:00 PM et retomber dans le cercle vicieux qu'est mon existence en ce moment. Je n'ai pas envie de trouver Diego affalé dans le canapé, la clope au bec, tandis que je me casse le cul à cuisiner.
- Peut-être que tu devrais... essayer de rencontrer quelqu'un.
Je lève un regard perplexe vers elle. Je suis assez surpris par ce qu'elle me dit, en fait. Je sais à quel point elle est raisonnable et fidèle, et ça m'étonne qu'elle me suggère carrément d'aller voir ailleurs.
- Pardon ?
- Ouais... tu sais, pour voir. Peut-être que ça pourrait être un déclic pour toi et pour lui si tu le lui dis. Il veut pas te perdre, et je suis sûre que si tu le mets au pied du mur il changera.
Je dois reconnaître qu'elle n'a pas tort. Je sais que, parfois, certaines personnes ont besoin d'un électrochoc pour prendre conscience de ce qu'elles font ou, dans notre cas, de ce qu'elles ne font pas. Je sais au fond de moi que ce n'est pas une idée stupide, bien qu'elle me semble inacceptable : je ne suis pas ce genre de gars. Ce n'est pas dans ma nature de me venger – si on peut appeler ça vengeance – avec un autre sous prétexte que mon petit-ami ne me donne plus ce dont j'ai besoin.
Et, tout simplement, je ne me vois pas me jeter dans les bras de quelqu'un d'autre : c'est de ses bras à lui dont j'ai besoin.
X X X
- C'est douloureux ?
- Non, ça va.
Je jette un regard à monsieur Shaw, qui semble s'être détendu depuis le début d'après-midi. Il regarde sans grand intérêt une émission culturelle à la télévision. Pendant ce temps-là, je recouds les deux points qui ont sauté à cause d'un mouvement un peu trop brusque.
- J'peux vous poser une question ?
Je lui souris poliment, tout en répondant :
- Bien sûr.
- Vous avez quel âge, docteur ?
Je m'efforce de retenir un sourire : la dernière personne qui m'ait posé la question était une jolie jeune fille, encore sous l'effet de l'anesthésie, qui me l'avait demandé car elle voulait m'épouser. C'était la première fois que je vivais une situation comme celle-ci, à voir un patient complètement stone, et j'avoue avoir explosé de rire sous les yeux du docteur Manfredi. Je ne me moquais en aucun cas de la patiente qui, du haut de ses 19 ans, était totalement adorable. C'est juste que j'étais surpris et que, bien sûr, c'était drôle.
- 28 ans. Pourquoi cette question ?
- Pour rien.
Ses grands yeux bleus se posent sur moi et je crois distinguer un petit sourire en coin, légèrement mesquin, au coin de ses lèvres. Je ne suis pas sûr de comprendre ce que tout ceci signifie, mais je lui souris aussi. Je m'efforce tous les jours de rester poli et souriant avec mes patients.
- Vous êtes musicien, alors ? , je demande.
- Ouais, j'suis batteur.
Je lui lance un regard rapide avant de me concentrer sur mes mains. Je penche un peu mon visage vers son abdomen, afin de vérifier terminer au mieux mes sutures, et me tourne ensuite vers le chariot afin de me saisir de compresses stériles et de lotion antiseptique.
- Dans un groupe de rock, je suppose ?
Je n'ai aucun doute là-dessus, mais je pose la question pour faire la conversation. J'ai horreur d'administrer leurs soins aux patients dans le silence, sans parler : je ne suis pas un robot. James ne discute jamais, jugeant que ce n'est pas nécessaire, mais je pense tout le contraire.
- Ouais. Vous aimez ?
- Oui. Quel genre de rock vous jouez ?
- Du punk.
Je lâche un petit « mhmh » pour lui montrer que je l'écoute, mais je ne dis rien de plus. Une petite question me trotte dans la tête : se comporte-t-il en garçon rebelle car il joue du punk-rock, ou joue-t-il du punk-rock car c'est un garçon dynamique et rebelle ? Je suppose que son allure et son attitude sont liés à la musique, bien sûr, mais dans quel sens je ne sais pas encore.
- Au fait... Shaw, comme Gary Shaw ? , j'hésite.
- Ouais.
Sa réponse est en fait un grognement. Quand je m'autorise un regard vers lui, je constate qu'il serre les dents avec force et que ses jolis yeux bleus auparavant délicats semblent me fusiller du regard. Un frisson remonte sur ma nuque : son regard est extrêmement déstabilisant. Je n'avais jamais vu d'yeux aussi bleus de toute ma vie.
- C'est...
- Mon père, oui.
Je hoche la tête en silence et ne réponds pas, car j'ai conscience que c'est un sujet sensible pour lui. Je laisse couler, tout en appliquant sur ses points un pansement stérile.
- Désolé, dis-je. Je ne voulais pas...
- C'est rien. C'est juste... j'veux pas parler de ce connard.
- Oui, je comprends bien.
Gary Shaw est notre Gouverneur, ici dans le Massachusetts. C'est un homme qui en impose, grand et baraqué. En fait, à le voir, on pourrait penser à un ancien soldat des Marines. Il est souvent critiqué dans les médias quant à sa froideur et son franc-parler. Je dois avouer qu'il n'a pas l'air d'être particulièrement tendre.
- Vous êtes sexy, docteur.
Je manque de trébucher sur le chariot médical tant je suis surpris. Je me sens ridicule, là, planté au beau milieu de la pièce. À l'école, on nous a tout appris : gérer les situations d'urgence, apprendre à annoncer les mauvaises nouvelles aux patients, administrer des soins. Malheureusement, jamais on ne nous a appris comment rembarrer poliment les patients un peu trop amicaux.
- Hem... merci.
Je prends la fuite comme un gamin le ferait après avoir fait une bêtise. Je referme la porte derrière moi, mal à l'aise. Tandis que je prends le chemin de la salle de garde, je ne peux m'empêcher de me dire que c'était mignon. C'est toujours agréable de se faire complimenter, bien sûr, mais ça l'est d'autant plus lorsque cela vient d'un beau jeune homme. Je n'aurais jamais cru recevoir ce genre de compliments de la part d'un patient et, surtout, d'un patient plus jeune que moi.
- Salut toi.
Je me laisse tomber sur l'un des lits de la salle de garde, à côté de Molly qui tapote l'écran de son téléphone portable. Elle a l'air exténuée, vêtue de sa blouse médicale, les cheveux en pétard dans son chignon qui commence à se défaire.
- Hey, dis-je. Tout va bien ?
- J'ai la crève, j'vais mourir.
- Moh.
Je l'embrasse sur le haut du crâne avant de me relever, impatient de terminer ma journée de boulot. Sous ses yeux et pas du tout mal à l'aise, je retire ma blouse et enfile rapidement mon pull et mon jean. Je récupère mon déodorant dans mon sac et m'en pulvérise sous les bras rapidement avant de le ranger. Molly me regarde, désespérée :
- J'vais pas survivre à cette soirée, me dit-elle.
- Courage. Moi je sors avec ma soeur.
Elle couine de frustration et se laisse tomber sur le lit, le visage enfoui dans un oreiller. Je ricane, amusé : la pauvre. Je sais à quel point travailler de nuit est pénible et long. Je n'imagine même pas le calvaire que cela va être pour elle qui est si malade ce soir.
- Je te laisse ma belle. On se voit demain matin, c'est moi qui te relaie.
- OK.
Je l'entends marmonner un petit " bonne soirée " dans l'oreiller, et je quitte la chambre après lui avoir affectueusement tapoté l'épaule.
X X X
Emmet's Pub | BOSTON – 9:44 PM
Abby et moi sommes installés à une petite table, dans un coin du pub le plus branché et typique de Boston. La décoration est boisée, à l'Irlandaise, mais certains mobiliers apportent une touche de modernité. L'endroit est chaleureux et j'apprécie la musique folk diffusée par un vieux jukebox retapé.
- Ça te plaît, alors, la chirurgie ?
- Oui, c'est génial. C'est hyper intéressant.
- L'hôpital a l'air bien, en plus.
- Oui, c'est vrai.
L'hôpital de Boston est l'un des meilleurs du pays, surtout concernant son programme universitaire. J'ai conscience d'être chanceux de pouvoir y faire mon internat et je ne remercierai jamais assez mon père de m'avoir motivé quand, quelques années plus tôt, j'ai failli tout lâcher.
C'était il y a trois ans. J'enchaînais les années de théorie à l'université depuis déjà quatre ans et tout a commencé à devenir difficile pour moi : la surcharge de travail, la fatigue, le doute, le manque. J'ai eu un coup de pompe pendant les fêtes, à dormir seul dans mon lit vide le soir de Noël alors que Diego était en prison depuis déjà longtemps. J'ai réalisé une fois de plus à quel point il me manquait, à quel point je l'aimais, et ça m'a affecté. J'ai frôlé la dépression et j'étais à deux doigts d'abandonner l'école. Mais papa m'a boosté, je me suis fait violence, et je suis heureux d'être ici aujourd'hui.
- C'est pas trop... répétitif ? Je veux dire, les journées se ressemblent, je suppose. Non ?
Elle boit une gorgée de son cocktail sans alcool et je fais de même avec ma bière brune. Dans un coin de la pièce, un groupe de gars crient devant l'écran plat parce que les Celtics viennent de marquer un panier à trois points.
- Non. Tu sais, c'est moins répétitif qu'à l'école. Tu vois parfois les mêmes choses, c'est vrai, mais chaque patient est différent alors...
- Ouais, c'est sûr.
L'ambiance est sympathique dans ce pub. Pour la première fois depuis longtemps, je me sens détendu. J'arrive à pense à autre chose qu'à Diego, qu'à ma vie un peu chaotique, et ça me fait du bien. Nous sommes arrivés ici il y a près d'une heure avec Abby. Nous avons mangé un morceau avant de nous affaler sur nos chaises et, depuis, nous discutons.
Nous avons beaucoup parlé de maman, qui est en Angleterre actuellement. Ces dernières années ont été pour elle un véritable tremplin : ses livres n'ont cessé de se vendre un peu plus chaque année. Le dernier en date, sorti il y a plus de deux ans, a explosé les records de vente de romans policiers. Les critiques disent qu'il s'agit de l'un des meilleurs thrillers de ces dix dernières années. Une compagnie anglaise vient d'ailleurs de sortir un film inspiré de l'histoire. Abby, papa et moi sommes extrêmement fiers d'elle.
Nous avons aussi parlé de papa. Ces dix dernières années ont été portées par le travail, l'action et l'adrénaline. Sauf que, comme tout le monde, il prend de l'âge. Il a donc laissé tomber le terrain pour les bureaux, et je dois avouer qu'il a du mal à s'y faire : ça l'ennuie. Il a toujours été un homme dynamique, et passer sa journée à téléphoner et à s'occuper de dossiers n'est clairement pas une passion.
- Un patient m'a dit que j'étais sexy, aujourd'hui.
Je ne sais pas vraiment pourquoi j'en parle. Je suppose que c'est parce que ça m'a touché : on ne m'avait pas complimenté de la sorte depuis longtemps. Même si je ne peux m'empêcher de penser que c'était légèrement déplacé, j'apprécie l'attention.
- Oh. Alors ?
- Alors quoi ?
Quand je vois son regard, je vois très bien où elle veut en venir : c'est le regard suggestif, celui qui correspond parfaitement au petit émoji coquin que nous avons tous utilisé au moins une fois sur notre portable. Je souris, mal à l'aise, quand je la vois toute émoustillée.
- Bah, il était mignon ?
Je m'apprête à répondre « oui », pensant que sa question est anodine. Je suis naïf : c'est loin d'être anodin. Je sais à quel point elle est désespérée par Diego et je me souviens de son conseil d'aller voir ailleurs. Je me sens mal à l'aise, désormais.
- Abby...
- Ben, quoi ? Un mec te dit que t'es sexy, tu lui plais. Tu devrais...
- Non, Abby.
Je la regarde, autoritaire, comme lorsqu'elle était plus jeune, qu'elle dépassait les bornes, et qu'il fallait la recadrer. Je n'ai aucune envie de continuer cette conversation. Je ne veux pas et, surtout, je ne peux pas.
- OK, dit-elle en levant les mains en l'air. Mais, juste, il était mignon ou pas ?
Je regarde le match à l'écran plat, perdu. Je fixe les joueurs courir de part et d'autre du parquet tout en me posant la question à moi-même. Je me revois, plus tôt dans la journée, m'enfuir après avoir entendu Jayden Shaw me dire « vous êtes sexy, docteur ». Je revois ses grands yeux bleus perçants, son sourire en coin et les traits de son visage.
- Oui, très.
C'est la vérité : Jayden Shaw est mignon. En fait, il est même extrêmement beau. C'est ce genre de gars qui t'ensorcelle avec ses beaux yeux, qui te fait craquer avec son charme et son sourire, sa classe nonchalante, et qui te brise ensuite. C'est le genre de beauté dangereuse, le piège dans lequel il ne faut pas tomber.
Ce même genre de piège qu'était Diego Flores, à l'époque.
. . . #gbsBigBangFIC
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top