CHAPITRE 33

17.06.28,
Appartement 12, Etage 4 | BOSTON – 10:01 AM.

Je n'ai jamais rien vu d'aussi beau que son visage, illuminé par les rayons du soleil matinal. Ses yeux sont fermés, paisibles, parce qu'il dort encore. Ses lèvres sont entrouvertes et j'entends sa respiration, légèrement sifflante. Moi, je suis réveillé depuis près de quinze minutes déjà et je ne l'ai pas quitté des yeux une seconde depuis.

Pour la première fois en dix ans, nous avons dormi dans les bras l'un de l'autre. Enfin, en réalité, ses bras étaient refermés sur moi et je n'aurais en aucun cas pu le toucher, mais c'était agréable. Mon corps s'emboîte avec le sien à la perfection lorsque nous dormons en position cuillère, et c'était génial de sentir son visage contre ma nuque. Ce genre de moments m'avaient manqué. Il m'avait manqué. Je me suis endormi en seulement quelques minutes et mon sommeil a été extrêmement réparateur : je suis de bonne humeur.

Grâce au changement de disposition des meubles de notre chambre, je parviens à ouvrir la fenêtre sans avoir à me lever. Aussitôt, les senteurs des arbres de l'espace vert en bas de l'immeuble me titille les narines et j'apprécie la légère brise qui caresse mon visage et mes bras. Les rayons du soleil, eux, sont chaud et délicats. J'apprécie l'instant, mes yeux rivés sur Diego, tout en venant caresser ses cheveux sur sa nuque du bout de mes doigts. Sous les draps, nos jambes sont enlacées.

Mon cœur loupe un battement lorsque je vois ses yeux bouger sous ses paupières toujours fermées. Je sens sa jambe bouger sous la couverture et je l'entends se racler la gorge, signe qu'il est en train d'émerger. Quelques secondes plus tard, alors que je retire ma main de sa nuque pour rabattre mes bras contre mon torse, nos regards se croisent enfin. Il me sourit.

- Tu me regardes dormir depuis longtemps ? , demande-t-il penaud.

- Oui. Genre... vingt minutes.

- Mhmh. Et ça te plaît ?

- Oui.

Je lui souris et j'ai conscience d'avoir l'air débile, complètement amoureux transi. Je ne sais pas quoi lui dire d'autre. J'apprécie simplement l'instant, ce réveil tout en douceur dans les bras de l'homme que j'aime. C'est inhabituel, bizarre et perturbant, mais c'est agréable. J'aimerais me réveiller ainsi jusqu'à la fin de mes jours. C'est ce genre de moment simple en apparence mais qui fait bel et bien partie des plaisirs de la vie en couple.

- Tu as bien dormi ? , demande-t-il en posant sa main sur ma joue.

- Oui. Et toi ?

- Oui.

J'ai l'impression que tout se passe au ralenti : dans le silence de la chambre, je vois un magnifique naître sur son visage et c'est tellement doux et lent que je pourrais presque entendre le bruit de ses lèvres qui s'étirent. Le soleil fait briller la peau basanée de son visage et, pendant un moment, j'ai même l'impression de ne plus être sur Terre. C'est une sensation étrange, mais c'est comme si le monde n'existait plus. Là, il n'y a que lui et moi. Rien que nous.

Malheureusement, je reviens bien trop vite à la réalité lorsqu'un bruit de verre brisé provenant de la pièce à vivre nous fait sursauter tous les deux. Je fronce les sourcils tandis que Diego me lance un regard inquiet avant de bondir du lit pour se précipiter dans le salon. Je le suis en trottinant.

- Désolé. J'ai voulu préparer le petit déjeuner, mais...

Je contourne le comptoir afin de le rejoindre devant le gaz : catastrophe. Il me regarde avec inquiétude, comme s'il était prêt à ce que je lui passe un savon, et cela ne fait que m'attendrir un peu plus. Diego, lui, se plante derrière moi afin d'observer les dégâts.

- Bon, bah... tu prends de l'essuie-tout et tu nettoies ! , dit-il moqueur.

- Ouais. Désolé.

Je laisse Jose nettoyer la pâte à pancakes étalée par terre tandis que je m'affaire à ramasser prudemment les bouts de verre. À ma grande surprise, Diego se ramène dans le salon avec la serpillière. Je ris lorsqu'il me donne un coup sur les fesses avec le manche du balai, afin que je me décale. Il passe un coup rapidement par terre afin d'enlever les restes de pâte.

- Du coup... heu... y a plus d'œufs.

Diego ébouriffe les cheveux de Jose qui, gêné, se tortille maladroitement dans la cuisine sans savoir quoi faire. Moi, je m'approche de lui et l'attire à moi pour le rassurer :

- T'inquiète pas. C'est gentil d'avoir pensé aux pancakes. On se contentera des céréales.

Il hausse les épaules, déçu, en lâchant un petit « mh » résigné. Désormais tous les trois bel et bien réveillés, nous nous installons au comptoir afin de déjeuner après que Diego et moi ayons enfilé un jogging et un t-shirt.

- Il fait beau aujourd'hui, dis-je. Tu veux toujours qu'on fasse une partie de baseball ?

Je m'adresse à Jose tout en versant le lait dans mon bol. Je sens le regard de Diego sur moi, qui attend certainement une explication, mais je me contente d'observer Jose. Il semble hésiter à me répondre, comme s'il avait peur de dire une bêtise, mais se lance finalement :

- Hem... en fait il fait soleil et chaud et je me suis dit qu'on pourrait aller à la piscine.

- Oh. Et bien, oui, si tu veux.

- T'es d'accord ?

Il s'adresse cette fois-ci à Diego, inquiet, comme s'il appréhendait sa réaction. Je regarde mon petit-ami. Il n'a pas l'air contre mais n'a pas l'air emballé non plus. J'imagine que cela a à voir avec son corps : il n'a certainement pas envie de déambuler en short de bain devant des inconnus. Pas après ce qu'il a vécu.

- Bien sûr, répond-il malgré tout. On va passer un bon moment.

- Tu m'apprendras à nager, alors ?

J'ai l'impression que je suis totalement laissé de côté, à cet instant précis, mais cela ne me pose pas de problème. J'imagine qu'ils ont déjà discuté de ça auparavant. Je les regarde faire, discuter et se regarder, et je me rends compte que ça me plait. J'aime être là, à table avec mon petit-ami et un enfant adorable. J'ai presque l'impression que nous sommes une famille et ça me réchauffe le cœur. Je n'aurais jamais imaginé être aussi à l'aise.

- Bien sûr.

- Cool.

Un sourire immense étire les lèvres de Jose, tellement que nous distinguons ses dents. Je termine mon petit-déjeuner en silence, laissant mon cerveau se mettre en route tout doucement, alors que l'écran plat diffuse les informations du jour ainsi que la météo. J'apprends qu'il va alors faire très chaud aujourd'hui à cause de cette vague de chaleur qui touche notre Etat depuis quelques jours déjà.

J'appréhende quand même la sortie à la piscine : j'espère que Diego ne se braquera pas.

X X X

BCYF Mirabella Pool | BOSTON – 1:45 PM.

- J'peux pas, Evan.

Jose nous attend déjà près de la piscine, impatient à l'idée d'apprendre à nager. Je suis soulagé de voir qu'il n'y a pas beaucoup de monde à cette heure de la journée. Je sais à quel point ça peut être angoissant d'apprendre à nager lorsque tout un tas de personnes s'agitent autour de nous. Nous allons être tranquilles, et c'est tant mieux.

- OK, dis-je. C'est pas grave, tu sais.

Je pose ma main sur sa joue et caresse tendrement son nez pour le rassurer. Il est encore à l'intérieur de sa cabine de vestiaire, porte ouverte, l'air totalement désespéré. Moi, je porte mon slip de bain Budgy Smuggler et mes lunettes de soleil sont déjà posées sur mon nez. Nous ne sommes qu'en juin mais la température est étouffante et le soleil frappe fort.

- Il va être déçu...

- Hé. Je peux lui apprendre, moi. Il n'est pas bête et il tient à toi, il comprendra. Il aimerait pas que tu te forces, j'en suis sûr.

- Mh.

- T'as qu'à garder ton t-shirt et rester au bord de la piscine. OK ?

- Ouais, t'as raison.

Je louche sur son torse nu quelques secondes, avant qu'il ne le couvre en enfilant un débardeur ample et noir. Il pose ses Ray-ban sur son nez et, à ma grande surprise, se penche pour me voler un petit baiser. Amoureux transi, totalement débile, je glousse comme une adolescente avant de me reculer afin de le laisser sortir de la cabine. Nous marchons côte à côte jusqu'à la piscine.

- Bah, pourquoi t'es habillé ? , demande innocemment Jose.

- Je... je peux pas me baigner, Jose.

Il s'arrête de parler afin de lui laisser le temps d'encaisser la nouvelle : ça lui tenait à cœur. En retrait, j'écoute d'une oreille attentive ce qu'ils sont en train de se dire tout en observant un plan du complexe dans lequel nous nous trouvons : il y a deux bassins, l'un très grand et profond ainsi qu'un autre un peu plus petit réservé aux enfants. D'après ce que je vois, les bassins se trouvent sur ce qui semble être deux terrasses différentes, sur deux étages, avec vue sur le port. C'est joli.

- Evan va t'apprendre, mais je serai là, d'accord. Je vais m'asseoir au bord de la piscine.

- D'accord.

Affectueusement, Jose vient étreindre rapidement Diego : il ne lui en veut pas et il veut qu'il le sache. Je trouve ça adorable. Moi, je reviens vers eux avant de les entraîner avec un sourire vers le bassin des enfants. Ce dernier est désert et, contrairement à ce que je m'attendais, il est quand même un peu profond : ce n'est pas ce genre de pataugeoire avec très peu d'eau.

- La vue est trop cool, on dirait qu'on nage dans le port ! , s'exclame Jose.

- Fais coucou aux petits bourges sur le bateau, ricane Diego.

- T'es jaloux ! , le chambre Jose.

- Certainement pas, j'ai le mal de mer.

Diego s'assoie au bord de la piscine, les mollets dans l'eau, et se fait craquer le dos tout en appréciant le soleil sur son visage et ses bras tatoués. Moi, je saute dans l'eau près de lui afin de l'éclabousser, en prenant soin de ne pas m'écraser au fond de par le peu de profondeur. Quand je me relève, je constate que l'eau m'arrive à la taille. C'est convenable pour moi et parfait pour Jose.

- Tu viens ? , lui dis-je. Tu as pieds, déjà.

Il hoche la tête et s'assoie à côté de Diego avant de se laisser glisser dans l'eau. Je le regarde bouger ses bras tandis qu'il s'habitue à l'eau. Nous en avons parlé pendant le déjeuner : il n'avait jamais mis les pieds à la piscine avant aujourd'hui, si bien que nous avons dû nous arrêter dans un magasin de sport afin de lui acheter un maillot. Diego en a d'ailleurs profité pour changer le sien, vieux de dix ans.

- Alors ?, lui dit Diego. Comment c'est ?

- C'est... cool. J'adore.

- Bon, c'est pas parce que je ne nage pas que j'peux pas t'apprendre quelques trucs : plie un peu les jambes, pour avoir l'eau aux épaules.

Un sourire illumine le visage de Jose et, discrètement, Diego me fait un clin d'œil : mon cœur s'emballe. Je décide de rester en retrait pendant ce temps-là, immergeant ma tête sous l'eau afin de mouiller mes cheveux et mon visage. Quand j'émerge, je vois que Diego est en train de lui montrer les mouvements de brasse à effectuer avec les bras.

- Vas-y, essaie. Pousse l'eau autour de toi avec tes bras.

Jose s'exécute, les jambes pliées sous l'eau afin que cette dernière lui arrive au niveau des épaules. Je suis agréablement surpris : il se débrouille très bien et, pour une première fois dans une piscine, il ne semble pas effrayé par toute cette eau. Je suppose qu'il a confiance en nous.

- Quand tu ramènes tes mains devant toi, fais toucher tes paumes, pour bien apprendre le mouvement.

J'ai le loisir de contempler Diego sans gêne car toute son attention est portée sur Jose. Je regarde son visage, ses cheveux coiffés en arrière avec un peu de cire comme toujours. Je regarde ses jambes qui, tatouées, remuent lentement dans l'eau. Je regarde ses bras musclés dont la peau, recouverte d'encre, brille au soleil. Je fixe sa comme d'Adam et je fantasme sur ses lèvres que je vois bouger lorsqu'il complimente Jose sur ses progrès. J'ai honte de sentir mon ventre se tordre et mon bas-ventre s'électrifier lorsque mon regard se pose sur ses mains, fortes et calleuses, qu'hier encore étaient sur moi. Nerveux, je me mords l'intérieur de la joue avant de faire un aller-retour sous l'eau afin de me remettre les idées en place.

- Evan, tu lui montres pour les jambes ?

- Ouep, dis-je simplement à Diego.

- Je fais quoi ? , demande Jose avec détermination.

- Viens par-là, déjà.

Je l'éloigne un peu du bord de la piscine, afin qu'il puisse remuer ses jambes sans risquer d'être gêné. L'eau contenue dans mes cheveux coule sur mon visage et dans mes yeux, et je m'essuie avec la main avant de lui dire :

- Essaie de te mettre à l'horizontale. Je suis là pour te stabiliser, t'inquiète.

Je le vois tandis qu'il pousse un peu sur ses jambes. Ces dernières finissent étendues à la surface de l'eau mais, étant donné qu'il ne sait pas comment s'y prendre, c'est l'avant de son corps qui bascule un peu en avant. Il réessaie une seconde fois et, cette fois-ci, je pose une main sur sa taille et passe mon bras sous son torse afin qu'il s'y appuie.

- Ça va ? , dis-je.

- Ouais, je gère.

- Super, dis-je en riant. Le mouvement pour tes jambes, c'est le même que celui que tu fais avec les bras.

- Mhmh ?

- Plie un peu tes jambes et fais toucher tes pieds.

Tout en le tenant, je l'aide à positionner ses jambes de la bonne façon. Je m'efforce d'ignorer le regard intense de Diego que je sens sur moi mais, à cet instant-là, une question me traverse l'esprit : est-il fier de moi, là ? Est-ce que me voir prendre soin de Jose lui fait quelque chose, lui gonfle le cœur d'amour ? Je me risque à lever les yeux vers lui : il me sourit. Il me bouffe des yeux et il me sourit.

- Je fais quoi, maintenant ? , nous coupe Jose.

- Comme avec tes bras. Tu écartes pour pousser l'eau jusqu'à ce que tes jambes soient tendues et après tu reviens faire toucher tes pieds.

Il fait ce que je lui dis. Pendant près de cinq minutes je le garde contre moi afin qu'il s'habitue aux mouvements. Je lui donne des conseils afin qu'il s'améliore et qu'il puisse nager avec facilité lorsqu'il sera prêt. À ma grande surprise, il a vite assimilé le fait qu'il fallait mettre de la puissance dans ses jambes et ne pas simplement les bouger mollement.

- Je te tiens et tu essaies de nager ?

- Tu crois que je peux ?

- On va essayer ! Je reste près de toi, avec mon bras comme ça. Tu peux bouger les bras, là ?

- Ouais, ça va.

- La consigne c'est ça : pas les bras et les jambes en même temps.

- D'accord !

Sous le regard fier de Diego, Jose essaie de nager. Je tourne sur moi-même tout en gardant un bras protecteur et une main sur sa taille, afin qu'il nage en cercle autour de moi. Les premiers tours sont un peu chaotiques et il doit s'y reprendre à plusieurs fois avant de trouver le rythme qui convient, en lien avec la puissance de ses jambes.

Dix minutes plus tard, alors que je vois qu'il commence à prendre confiance et que les mouvements sont assimilés à la perfection, sans prévenir, je le lâche. Je retire d'abord ma main de sa taille. Le regard qu'il me lance est légèrement paniqué, mais ce n'est pas réellement de la peur. C'est simplement de l'appréhension.

- Tu es prêt, ça va le faire. Je reste près de toi au cas où.

Il hoche la tête, entendu, et je finis par retirer mon bras afin de libérer son torse. Désormais seul, je dois avouer que c'est un peu chaotique mais suffisant pour qu'il se maintienne à flot sans s'épuiser.

- Pense à tes mains et tes pieds, fais-les se toucher pour bien faire !

Diego lui crie quelques conseils et ça me fait sourire. Je nage en brasse à côté de Jose qui, finalement, se débrouille comme un chef.

- T'es doué, Jose ! C'est super !

- C'est trop cool !

Des enfants jouent à l'autre bout de la piscine, sous la surveillance de leurs parents, alors nous nous arrêtons afin de faire demi-tour. Quand nous revenons à la hauteur de Diego, ce dernier tend le bras afin de taper dans la main de Jose.

- Tu nages comme un pro !

- Merci ! Je peux aller là-bas ?

Il nous montre un endroit désert de la piscine, à l'opposé de nous. Je souris, attendri par sa joie et sa confiance. Il n'a pas peur et est téméraire. Diego et moi lui donnons l'autorisation et le regardons s'éloigner en nageant. Je suis surpris de voir qu'il ne nous aura fallu qu'une trentaine de minutes pour y arriver.

Rassuré par la présence d'un sauveteur installé sur sa chaise à l'ombre d'un parasol, je viens regarder Diego. Il écarte ses cuisses afin que je vienne m'y glisser. Même si j'ai envie de le toucher, je me contente de poser mes mains sur ses genoux. Lui, il passe délicatement ses mains sur ma taille.

- Il est génial, hein ? , me dit-il.

- Oui, je l'adore.

- C'est... c'est notre famille.

J'en ai le souffle coupé, en fait. Je le regarde, ébahi, sans savoir quoi dire de plus. Je me contente de lui sourire niaisement en hochant la tête. Il reprend :

- Je sais que je ne suis que son tuteur, mais il est jeune et on va l'avoir avec nous pendant un moment.

- Oui, c'est sûr.

- D'ailleurs, en parlant de ça... j'ai eu une idée. Enfin, j'ai pensé à quelque chose.

- Mh ?

Je repousse une mèche de ses cheveux, cirée, qui tombe devant son œil. J'attends qu'il parle car je vois qu'il cherche ses mots. Il est magnifique et je ne peux m'empêcher de le bouffer des yeux. J'oublie même Jose, les gens autour de nous. C'est parfois lassant pour moi de réaliser à quel point un simple regard me chamboule et me fait perdre le contrôle.

- J'ai pensé qu'on pourrait peut-être déménager.

- Oh. Pourquoi ?

- Bah... sa chambre à la base c'est un bureau, déjà. Et puis... j'ai vu que tu as déplacé les meubles. Je pense qu'on devrait changer carrément de lieu de vie, tu sais, pour notre nouvelle vie.

Nouvelle maison pour une nouvelle vie ? Pourquoi pas. Je suis surpris que ce soit lui qui le propose, en réalité, mais ça me convient. J'apprécie son idée et les arguments qu'il y apporte. Je nous imagine dans un nouvel appartement que nous pourrions qualifier de « chez nous » autant pour nous que pour Jose. Je souris.

- Je suis d'accord.

- Et... je t'ai jamais posé la question mais... tu l'acceptes ? Je veux dire, ça ne te dérange pas ?

- Quoi donc ?

- Jose. Qu'il soit là. Que j'aie choisi d'être son tuteur, d'avoir sa garde.

Je le regarde, encore et encore, et cette fois-ci je suis touché par sa sincérité. Je vois une lueur d'appréhension passer dans ses yeux et, le temps de trouver les mots justes, je regarde autour de moi afin de repérer Jose qui nage tranquillement comme un grand.

- Je l'accepte, oui. Ce qui me dérange, c'est que je n'ai pas eu mon mot à dire dans cette histoire. Tu t'es pointé un jour avec lui et quelque part tu me l'as imposé alors que nous deux ça allait mal.

- Evan...

- Mais t'as de la chance que c'est un gentil garçon et qu'il soit poli et calme.

Je lui souris de toutes mes dents, pour qu'il comprenne que je ne suis pas en colère. C'est vrai : au début j'appréhendais et l'idée de devoir m'occuper d'un gamin ne m'enchantait pas, mais Jose est un amour. Il est serviable, gentil, poli et reconnaissant. Heureusement.

- D'accord.

Il se penche et m'embrasse tendrement sur le front. Ses lèvres sont chaudes et tendres et je ferme les yeux pour apprécier sa douceur. Je suis au paradis : si on m'avait dit, il a quelques semaines, qu'on serait comme ça aujourd'hui je n'y aurais jamais cru.

Je sais ce qui s'est passé à Orlando : il a discuté avec sa mère, a retrouvé son frère et, surtout, il a pris du temps pour lui. Il a certainement réfléchi à tout ça. Hier soir, avant de nous endormir, nous avons longuement discuté. Ce n'était pas une conversation hyper profonde, mais elle nous a fait du bien à tous les deux : nous nous sommes simplement raconté ce que nous avons fait, chacun de notre côté, pendant l'absence de l'autre. Je lui ai parlé de Jose et des moments que nous avions passés tous les deux. Lui, il m'a parlé de sa famille.

- Hé ! , s'exclame Jose qui revient près de nous. On peut aller dans la grande piscine ?

- T'es sûr ? , demande Diego.

- Ouais, je veux essayer !

Diego et moi échangeons un regard complice avant de nous lever.

X X X

Je suis allongé sur une serviette de bain, à même le sol, en train de lézarder au soleil. Mes lunettes sont fixées sur mon nez et, à plat ventre, je regarde Diego. Je ne vois que son dos, car il est assis au bord de la piscine devant moi, mais la vue me plaît : ses muscles, ses tatouages et ses reins. Il est magnifique. Je vois son corps tressauter parce qu'il rit avec Jose qui, depuis que nous avons changé de bassin, n'a pas cessé de faire des longueurs dans la piscine.

- Monsieur, le short de bain est interdit.

Comme ces filles pestes, dans les films, qui observent les beaux gosses à la piscine, je relève d'un doigt mes lunettes de soleil afin d'observer vraiment le sauveteur qui se plante près de Diego.

- Heu... ouais, je sais. Mais je ne me baigne pas, vous inquiétez pas.

Je suis touché par la façon dont il lui répond, avec un sourire et politesse : à l'époque, il aurait marmonné de façon désagréable. Je fais un signe de main à Jose qui me fait coucou depuis l'échelle à laquelle il s'accroche pour se reposer.

- Peu importe. Je vais vous demander d'aller vous changer, c'est le règlement. Le t-shirt aussi d'ailleurs.

- Ah ? Parce que vous ne portez pas de t-shirt vous ?

- Ce n'est pas...

OK. Donc, ce mec est un abruti. Quand je vois Diego se lever, ses muscles naturellement gonflés, je suis tenté d'intervenir sauf que je décide de ne pas le faire. À la place, je reste simplement là à les regarder, en priant pour que ce type se montre un minimum conciliant.

- Ecoutez, la seule chose qui a touché l'eau, ce sont mes pieds et mes mollets. Vous allez vraiment m'emmerder pour ça, sans déconner ?

- C'est le règlement.

- Le règlement est pour les gens qui se baignent !

- Monsieur je vais vous demander de...

Je sursaute et me dresse sur mes pieds avec précipitation. Je trottine jusqu'à Diego qui vient de lui coller une droite en pleine mâchoire.

- Toi tu me touches pas ! , rugit Diego.

Le type se relève difficilement et se tient le visage. Les quelques clients de la piscine s'attroupent autour d'eux, choqués, et certains proposent même d'appeler la police. Jose sort de la piscine afin de se précipiter vers nous, mais j'arrive avant lui auprès de Diego. Je prends ses poignets entre mes mains afin de l'attirer à moi. Je sens aussitôt la tension dans ses muscles et je vois l'angoisse dans ses yeux.

- Chut... hé, là, calme-toi. Je suis là, tout va bien.

- J'suis désolé... excuse-moi j'ai tout gâché.

Il baisse honteusement la tête tout en sautillant nerveusement sur ses pieds. Je caresse sa nuque, ignorant le monde autour de moi, tout en lui murmurant que ce n'est pas de sa faute pour le rassurer. Je sais pourquoi il l'a cogné : le type n'a pas pu s'empêcher de le prendre par le bras pour l'inciter à aller se changer. Sauf que Diego ne supporte plus qu'on le touche, surtout un homme. Même s'il m'autorise à poser mes mains sur lui désormais, je sais à quel point c'est encore parfois compliqué pour lui.

- J'ai vu ce qu'il a fait... j'ai compris, Diego, ça va. T'inquiète pas.

Je me sens terriblement mal quand il s'écroule dans mes bras. Malgré sa carrure imposante, c'est moi qui suis en train de le rassurer, là. Je caresse sa nuque tendrement tandis qu'il se met à pleurer, son visage au creux de mon cou et ses bras refermés autour de moi. Je lui murmure que ça va et que je l'aime, tout en regardant sans vraiment le faire les gens qui s'attroupent autour de nous. Le sauveteur nous fusille du regard et, même si je sais que nous allons devoir discuter car nous ne pouvons pas nous sauver comme des voleurs, je sais que ce n'est pas le moment.

Je m'excuse auprès de tout le monde afin de raccompagner Diego au vestiaire, sans le lâcher, accompagné de Jose qui vient lui prendre la main.

.   .   . #gbsBigBangFIC 

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